«L’ETAT DOIT METTRE DES MECANISMES DECENTRALISES DANS LES COMMUNES ET VEILLER A LA MODERATION DES PRIX DE LOCATION»
Pour Elimane Sall, président de l’Association nationale des locataires du Sénégal, la cherté des prix du loyer à Dakar est due principalement au fait que la demande est supérieure à l’offre

Pour le président de l’Association nationale des locataires du Sénégal, la cherté des prix du loyer à Dakar est due principalement au fait que la demande est supérieure à l’offre. Aussi, le secteur n’est pas régulé et les acteurs agissent à leur guise. Il préconise, en conséquence, une régulation du secteur en mettant des mécanismes décentralisés dans les communes, mais également à veiller à la modération des prix.
«Il faut de la régulation dans ce secteur. Tant qu’on laisse les bailleurs et les locataires contracter librement, il y aura forcément des risques d’abus de la part du bailleur. Le contrat étant rédigé au bon vouloir du bailleur, le locataire ne peut qu’accepter ou laisser. Et s’il laisse, un autre va venir prendre. Donc, l’Etat doit mettre des mécanismes décentralisés dans les communes et veiller à la modération des prix de location. La première cause (des hausses, ndlr), c’est qu’aujourd’hui l’offre est nettement inférieure à la demande. Du coup, trouver un loyer, c’est d’abord un véritable parcours du combattant. Le deuxième problème, c’est qu’aujourd’hui, le secteur n’est pas régulé. On laisse chacun faire ce qu’il veut. Les agences immobilières s’ouvrent un peu partout et n’importe comment. Vous avez un garage, il est aussitôt transformé en une agence immobilière. En outre, il y a les intermédiaires qu’on appelle communément les courtiers. Et tout cela favorise une certaine spéculation. Il y en a même qui font de la rétention parce qu’ils gardent les appartements et les maisons, histoire de rendre la denrée beaucoup plus rare pour faire monter le prix. Ceci n’est pas en faveur de la baisse de la cherté.
MANQUE DE REGULATION DU SECTEUR, CONTRATS LAISSES AU BON VOULOIR DES BAILLEURS ET SUBTERFUGES POUR CONTOURNER LA LOI
Et enfin, la troisième cause, c’est que l’Etat laisse faire. Il n’y a pas de régulation, les contrats sont laissés au bon vouloir des bailleurs. Malheureusement, c’est eux qui appliquent les prix qu’ils veulent, sans respecter la réglementation. Du coup, le locataire qui est dans le besoin, s’il ne peut pas trouver quelque part un logement qui soit à sa portée, est obligé de prendre très cher. Au bout de quelque temps, s’il paye 6 ou 7 mois, il n’en peut plus. Après, c’est des dossiers à n’en plus finir au Tribunal. Donc, l’Etat sait comment faire pour qu’il y ait une traçabilité des contrats de location entre le bailleur et le locataire. Tant qu’on n’arrive pas à ce niveau-là, le locataire sera toujours lésé parce que c’est le bailleur qui fixe ses prix et qui fait régner sa loi, au détriment des locataires. Après l’adoption de la loi, au début, les gens avaient commencé à respecter un tout petit peu. Mais, ils sont allés jusqu’à un certain moment, les uns ont trouvé des subterfuges c’est-à-dire ont contourné la loi en donnant des sommations, des congés de 6 mois pour dire qu’ils vont habiter eux-mêmes les appartements ou bien démolir et reconstruire ; quelque chose que la loi leur permet. Et quand le locataire sort, en général, ils redonnent en location en augmentant le prix. Certains même vont du simple au double, pour que s’il y a un redressement, ils gardent le prix initial qu’ils avaient adopté avant la baisse.
A CAUSE D’UN MANQUE DE SUIVI NOTOIRE, LA LOI A CONTRIBUE A AUGMENTER LES PRIX DU LOYER
Donc, ceci a participé effectivement à la hausse vertigineuse des prix du loyer. Nous avons crié partout pour que ce secteur soit régulé parce que c’est une anarchie totale qui y règne. Après l’adoption de la loi, les gens craignent une prochaine révision de la loi, chacun y va avec les prix qu’il pense être bon pour que s’il y a un redressement, il puisse rester aux prix initiaux. Là, en attendant, les gens sont obligés de payer plus qu’avant la loi. Malheureusement, l’esprit de la loi n’a pas été compris par certains bailleurs. La loi, c’était uniquement un esprit de régulation pour permettre aux locataires de mettre quelque chose à coté, pour épargner eux aussi un peu d’argent afin de pouvoir acheter des maisons, et pendant qu’ils travaillent, afin de pouvoir regagner ces maisons-là. Les pouvoirs d’achats sont extrêmement chers, presque les deux tiers (¾) des salaires sont bouffés par la location. Et la loi également, au lieu de baisser les prix, a contribué à augmenter les prix parce qu’il y a un manque de suivi notoire».