MATAM, VILLE HOSPITALIERE
Fondée vers 1512 par Farba Boubou Samba Gaye, la ville de Matam s’impose dans la carte du Sénégal par sa particularité ethnique, étant habitée en majorité par des Hal Pular

Fondée vers 1512 par Farba Boubou Samba Gaye, la ville de Matam s’impose dans la carte du Sénégal par sa particularité ethnique, étant habitée en majorité par des Hal Pular. C’est également une ville d’une grande pluralité ethnique et religieuse. En effet, outre les Hal Pular, d’autres groupes vivent dans cette ville en parfaite symbiose. Elle accueille également des Chrétiens venus d’autres horizons, même si Matam reste une ville dont tous ses natifs sont des musulmans.
Son éloignement et son positionnement géographique (Nord du pays) ne la rende pas inaccessible. Auparavant, pour se rendre à Matam, c’était un véritable casse-tête voire un saut d’obstacle vers l’inconnu. Il fallait emprunter un long trajet sur ce qui était une route cahoteuse qui menait vers Saint- Louis. Et après l’ancienne capitale du Sénégal, vivre un véritable calvaire avant d’atteindre la ville de Matam. Pour les plus chanceux, il fallait faire une journée et demie avant d’apercevoir la ville fondée par Farba Boubou Samba Gaye. Aujourd’hui, tout cela est devenu de vieux souvenirs. Avec ce que les Matamois appellent une raccourcie par la route de Linguère, il suffit de huit bonnes heures pour atteindre la ville des Halpulars. Huit heures de route qui se présentent comme une promenade avec un joli paysage qui accompagne tout le long du trajet, les voyageurs. Dans la carte touristique du pays, Matam pourrait bien vanter ses trésors du point de vue de sa position et surtout sa flore, ses jolis paysages qui pourraient décupler l’inspiration d’un poète, ses cours d’eau et lacs. L’harmonie dans la construction des maisons au bord de la route, ses minarets. La vision qu’offrent les bergers menant leurs troupeaux en quête de pâturage. Bref, sur la route qui mène à Matam, se dresse un joli tableau bucolique. Terre des hommes accrochés à leur culture ancestrale, Matam reste cependant une ville d’ouverture accueillant d’autres peuples.
Ville culturelle
Fondée en 1512, avant qu’elle porte son nom actuel, Matam fut le point de convergence de plusieurs habitants d’autres villes et d’autres villages qui venaient s’approvisionner en denrées alimentaires. La ville attirait également par son côté festif. Sur les bras du fleuve qui sépare le Sénégal de la Mauritanie, règne un véritable brassage. Deux pays frères dont les habitants se confondent entre les deux parties du fleuve. Mais avec la pandémie de la Covid-19 et la fermeture des frontières, les deux peuples se languissent pendant que l’économie est à l’agonie. La vie entre les deux rives ne vibre plus des clapotis de la traversée des pirogues. Tout est silencieux. Une jeunesse dans le désarroi. Conséquences de ces désagréments, les récalcitrants qui parviennent à déjouer la vigilance des policiers Mauritaniens se livrent à une véritable spéculation. Par exemple, la bouteille d’huile de 20 litres est vendue à 17 500F alors que le sac de sucre est cédé 27 500F et le kilo vendu à 650f.
L’hospitalité Foutanké
N’empêche, Matam vit et sa population reste accrochée à des valeurs ancestrales tout en étant ouverte à l’autre. La plupart des services administratifs étant dirigée par de non ressortissants de la ville, les enfants de ces derniers s’intègrent facilement et adoptent les réalités de la vie socio-culturelle de la région. Un phénomène bien visible dans les écoles. Enseignants et autres corps professionnels sont ainsi bien accueillis selon la tradition des Toucouleurs déclinée sous le vocable « Djitikées ». Des « étrangers dont certains parviennent à manier la langue du terroir. « Je ne me considère pas comme un étranger. Cela fait bientôt cinq ans que j’enseigne au Collègue d’enseignent moyen de Matam. Je me rappelle bien le premier jour où j’ai mis les pieds dans cette localité. A l’époque, je ne connaissais personne dans la ville.
La première chose qui m’a marqué, c’est l’hospitalité et l’accueil chaleureux que m’ont réservé les gens de la ville. Mes élèves avec qui j’entretiens une relation qui va au-delà des études, ont beaucoup d’estime pour les enseignants qui ne sont pas des ressortissants de la ville. Je me suis parfaitement intégré si bien qu’il arrive que des parents m’offrent le diner » a témoigné Idrissa Guèye, professeur de Français du Cem Matam 1 et originaire de Saint-Louis. Cette hospitalité déclinée sous le nom de « Tédougaal » est également visible au niveau des villages environnants où le chef se charge de loger et de nourrir les enseignants qui viennent d’être affectés dans la zone et qui ont des difficultés pour se loger. L’harmonieuse intégration est également visible lors des rendez-vous culturels comme la semaine de l’école de base. « Cela fait bientôt cinq ans que j’enseigne à Mbokki Diawé. Je me considère comme un habitant de ce village et j’entretiens de très bonnes relations avec la plupart des MBokki Diawois. Franchement, je n’ai connu aucun problème d’adaptation. Les gens m’ont très bien accueilli », explique Hamath Sané. Matam c’est également les 72 h de Ndouloumadji Founébé. Dans ce village d’immigrés, à 23 km de la commune, la vie culturelle se vit intensément avec des artistes qui font revivre la chaleur du « Pékaane » et des danses nocturnes organisées autour du feu.
Une Paroisse au cœur de la Région !
Ce qui pourrait surprendre dans une ville où tous les autochtones sont des musulmans, c’est l’existence d’une paroisse. Terre de naissance de plusieurs marabouts et chefs religieux, Matam accueille une communauté chrétienne. La Paroisse des Martyrs de L’Ouganda est située près de l’école élémentaire Matam 1 à Tantadji sur une grande superficie qui accueille même un cimetière pour nourrissons. Elle a été implantée au cœur du Fouta en 1968. Selon Abé Noel Coly, l’église vit dans une parfaite cohabitation avec les autochtones. Les principaux chrétiens de la ville étant des étrangers qui ont été affectés dans la ville et en majorité des membres de l’administration. Ce qui fait que les paroissiens, qui viennent un peu partout de la région, de Dioume, de Waoundé, de Ranérou etc…, sont très bien respectés. « Je suis arrivé en octobre 2015. Il y a deux ans, on a célébré les 50 ans de cette paroisse. Depuis l’érection de la ville de Matam en région, nous avons vu le nombre de fidèles augmenter.
Les paroissiens sont des gens qui sont là dans le cadre de leur travail. Il n’y a pas de natif de Matam. Comme vous le savez bien, Matam est une région à 100% musulmans. Nous entretenons une très bonne relation avec nos frères musulmans. Quand on organise des manifestations au niveau de la Paroisse, on invite tout monde. Les autorités administratives et religieuses. Et ils viennent répondre à notre invitation. Les messes dominicales se font à partir de 10h. Ceci pour permettre aux paroissiens qui habitent loin d’être à l’heure. Ceux qui sont hors de la ville viennent le samedi et passent le week-end avec nous pour pouvoir assister à la messe du dimanche. », a soutenu Abé Noel Coly qui reconnait tout de même que c’est une zone difficile à gérer du fait que les fidèles ne sont là que dans le cadre de leurs activités professionnelles. Terre hospitalière, culturelle et artistique, Matam a ainsi tous les atouts pour faire de la région un creuset touristique.