SI NOUS N’Y PRENONS GARDE, NOTRE FUTUR VA ÊTRE COLONISÉ
Les africains doivent rester toujours vigilants par rapport à la logique dominante du capitalisme. C’est ce que pense le prospectiviste Aliou Sall dit « Paloma »

Les africains doivent rester toujours vigilants par rapport à la logique dominante du capitalisme. C’est ce que pense visiblement le prospectiviste de renom Pr Aliou Sall « Paloma » qui subodore de la part de la pensée néolibérale dominante une velléité de vouloir coloniser le futur des africains après l’avoir fait avec son passé. C’était à l’occasion de la présentation hier du Rapport alternatif sur l’Afrique (RaSa), au siège d’Enda.
« Le capitalisme, dans son expansion mondiale, a toujours été polarisant. Les Européens de l’Atlantique ont fabriqué la périphérie américaine, et la périphérie de la périphérie : l’Afrique où l’on puisait les esclaves. Cela a été une première forme de la polarisation dont ont été bénéficiaires principalement les Pays-Bas, l’Angleterre, la France, et accessoirement, auparavant, l’Espagne. Le reste de l’Europe n’en a profité qu’indirectement. La deuxième étape de la polarisation a été le dix-neuvième siècle, la conquête de l’Inde, l’ouverture commerciale de la Chine à coups de canons, et la conquête coloniale africaine.
Avec la reconquête d’une indépendance formelle par les pays arabes et africains et par les peuples de l’Amérique latine et des Caraïbes, une nouvelle forme de polarisation voit le jour et ce qui est en voie de reconstruction à l’heure actuelle, c’est une nouvelle forme de la polarisation. C’est cette polarisation qui oppose le centre et la périphérie», avait soutenu Pr Samir Amin quelques mois avant son décès en 2018, lors d’une interview qu’il avait accordée au site Grand Continent. Et visiblement, son ‘’compagnon‘’ Pr Aliou Sall Paloma semble abonder dans le même sens. En effet, lors de cette cérémonie de lancement du numéro 1 du RASA dédié par ailleurs au Pr Samir Amin, et qui a vu la participation de plusieurs intellectuels et personnalités du monde diplomatique, le sociologue prévient : «Il nous a été facile de décoloniser notre histoire, mais nous nous trouvons dans des situations où si nous n’y prenons garde, notre futur va être colonisé.» Prospectiviste reconnu, Pr Sall pense en effet que l’urgence aujourd’hui, c’est de décoloniser le futur de telle sorte que les prophéties auto-réalisatrices ne se réalisent pas.
A l’en croire, si les Africains ne font pas attention, ils vont finir par croire qu’il n’y a pas d’alternative aux trajectoires de ceux qui aujourd’hui dominent le monde. « Or il n’y aurait pas plus grande escroquerie intellectuelle, politique et même morale que celle-là qui consiste à croire qu’il n’y a pas d’alternative à la logique dominante », renchérit l’ancien camarade d’Omar Diop Blondin qui ne manque pas d’ajouter que la question de la souveraineté n’est pas simplement une question technique. C’est une question éminemment politique, insiste-t-il. Il est impossible de dissocier, d’après lui, la souveraineté de la citoyenneté comprise comme le droit de dire non, «le droit à une dissidence qui est intellectuelle mais qui peut aller beaucoup plus loin», lance Pr Aliou Sall Paloma devant des chercheurs comme Pr Moustapha Kassé, Dr Ndongo Samba Sylla, Pr Fatou Sall et tant d’autres «pensées dissidentes» de l’espace intellectuel sénégalais.
LA ZLECAF APPRECIEE AVEC DES RESERVES
Revenant sur le rapport, Dr Cheikh Guèye a indiqué que son objectif est de contribuer, de manière décisive, à la consolidation des transformations à l’œuvre dans les sociétés africaines vers l’autonomie et la souveraineté. Sur le plan économique, le rapport rappelle aussi que face à l’offensive capitaliste néolibérale, les Etats africains tentent d’organiser des résistances à travers des initiatives panafricaines comme la ZLECAF. «Son lancement en janvier est apprécié avec réserves. La ZLECAF doit être un instrument de décolonisation économique et peut permettre d’amortir les effets des accords de partenariat économique signés par l’UE, à condition que les accords précédemment conclus soient rendus caducs», prône l’étude expliquée par Dr Cheikh Guèye.