‘’80 % DES OFFRES DE SERVICES DE LA MICRO-FINANCE SONT CONCENTRÉS ENTRE DAKAR, THIÈS ET LA CÔTE’’
Mansour ndiaye, directeur de l’ascodev

Dakar a abrité, les 29 et 30 juin dernier, la Semaine africaine de la micro-finance (Sam). Au Sénégal, même si la micro finance a connu un essor ces dernières années, elle reste, selon Mansour Ndiaye, expert en micro-finance et directeur d’Assistance and consulting for development (Ascodev), inégalement repartie.
Vous venez de sortir de la Semaine africaine de la micro-finance (Sam) dont le thème de cette édition est : « Innover pour accélérer la finance rurale en Afrique ». Quel est l’état des lieux de la micro finance au Sénégal ?
La micro finance au Sénégal apporte un supplément de soulagement aux populations défavorisées. Pour preuve, aujourd’hui, le taux de pénétration de la micro finance est de 15 %alorsquecemêmetauxestde7% pour les banques. La micro-finance propose plus d’accès, plus de solutions et de produits que les banques. Toutefois, en dépit de cet essor, il subsiste des contraintes liées au taux d’intérêt qui est encore élevé et les coûts des ressources qui sont très rares.
Sur ce point, l’accès par les institutions de micro finance à des ressources avec des taux assez bas est extrêmement difficile dans le contexte actuel. Cela provoque un renchérissement du taux d’intérêt qui est appliqué. La micro-finance se propose d’être plus à portée que les banques. On la retrouve dans l’ensemble des villages du Sénégal et à proximité des populations locales. Aussi, malgré son essor, force est de constater que la micro-finance au Sénégal reste encore littorale. 80 % de l’offre de service sont concentrés entre Dakar, Thiès et la côte.
Il y a un travail de fond à faire pour investir les localités très reculées du Sénégal. Cela, conformément à l’Acte 3 de la décentralisation qui veut que l’économie locale soit organisée pour des terroirs. Il faut faire aujourd’hui des équilibrages dans notre pays pour que la micro-finance puisse embrasser le maximum et pénétrer les différentes localités.
Enfin, l’autre difficulté réside dans le fait que des programmes de l’Etat concurrencent la micro finance dans sa prouesse. Souvent, certains programmes mettent à la disposition des populations gratuitement de l’argent sans une certaine méthodologie appropriée. C’est une chose qui porte atteinte à la crédibilité du secteur de la micro-finance.
Ces types de politiques risquent d’entamer la micro finance parce que ce sont des fonds qui auraient dû être placés dans des institutions de micro-finance et ainsi permettre de nouer une relation beaucoup plus responsable entre le client et l’institution d’un point de vue partenarial.
Aujourd’hui, beaucoup d’institutions, dans certaines localités, sont menacées à cause de ces injections de sommes colossales d’argent. Certaines institutions ont la capacité d’aller sur l’international et de consentir des prêts pour satisfaire leur clientèle. Ce faisant, l’interventionnisme de l’Etat devrait être mieux pensé, surtout en termes d’appuis techniques et d’accompagnements.
Y a-t-il une corrélation entre la micro-finance et la Couverture maladie universelle (Cmu) ?
Par rapport à la Couverture maladie universelle (Cmu), la question fondamentale, c’est celle de l’articulation entre la micro-finance et les autres secteurs comme l’agriculture, la santé et l’environnement. Il s’agit d’une dynamique très poussée et développée dans les pays d’Amérique latine, les pays asiatiques et d’Afrique australe.
Le Sénégal gagnerait à articuler la Couverture maladie universelle avec ce que l’on appelle la micro assurance santé. Laquelle permet à des couches vulnérables d’accéder à des soins de santé. Cela a été testé et a réussi dans pas mal de pays. Le président de la République, dans son discours de fin d’année, faisait état de 178.000 bénéficiaires de la Cmu. Le Sénégal pouvait aller beaucoup plus vite à l’horizon 2017, en articulant la micro finance avec les soins de santé.
Aujourd’hui, plus de deux millions de comptes existent en micro-finance. Sur ces deux millions de comptes, on pourrait avoir une stratégie de portée qui viserait à mettre à la disposition de ces bénéficiaires des services de micro-assurance santé qui permettrait, avec les différents corps (mécaniciens, menuisiers, chauffeur de taxi, agriculteurs, éleveurs ...), de diversifier et d’imprimer une certaine pénétration. Ce sont des services que la micro finance peut aujourd’hui offrir dans le Plan Sénégal émergent dont le troisième trépied est la lutte contre les inégalités.
La micro-finance, dans sa prouesse, dans la diversification et la gamme de services qu’elle propose, a ses différents produits qui permettent d’aller vite par rapport à cet engagement majeur du président de la République. Il n’est pas dit que ce sont les spécialistes de la santé qui peuvent mettre en place exclusivement cette Cmu, il faut une synergie entre le ministre de la Santé, celui de la micro-finance ainsi que les différents ministères pour permettre de réaliser ce rêve de rapprocher ce service de micro assurance santé de l’importante majorité de notre population.
Et comment la micro-finance peut-elle accompagner, de manière efficace, le Plan Sénégal émergent (Pse) ?
L’articulation entre la micro finance et les différents secteurs pourrait permettre d’arriver à plus d’impacts. Par exemple, dans le Plan Sénégal émergent (Pse), il est prôné un retour vers l’agriculture. La micro-finance pourrait jouer un rôle extrêmement important auprès des jeunes par rapport au démarrage de leur entreprise agricole.
Aussi, si l’on diversifie la micro finance avec d’autres segments comme la micro finance islamique, on disposerait d’instruments assez pertinents et cohérents pour favoriser ce retour des jeunes à la terre et à l’auto-emploi à la place de l’oisiveté qui sévit aujourd’hui.
Le taux de chômage est assez élevé. Il ne peut être résorbé par le secteur privé et l’Etat. Le gouvernement devait aller dans une dynamique de favoriser l’auto-emploi des jeunes.