AUTANT EN APPORTE L’INSPIRATION...
HISTOIRE DES FORTES TETES

Les années passent, la coiffure demeure. Cependant, certains modèles ont disparu ou ont subi les influences de la modernité. Du « yoss », on passe aujourd’hui aux « cheveux naturels » devenus, pour les femmes, un luxe qu’il faut porter sur la tête.
A l’époque, nos grand-mères et mères se coiffaient avec le « yoss », l’équivalent des mèches. Il était obtenu à partir du misao (fibres tirées du sac de riz ou de mil).
Ces fils sont introduits dans une infusion d’eau, d’acacia nilotica dit « nep-nep » en wolof et des tessons de fer pour avoir la couleur noire. On y étale de l’huile ou de la graisse pour les rendre éclatants. Ils étaient vendus à 20 francs la boule.
Ainsi, la plupart des tresses étaient faites à partir du « yoss », qu’il s’agit des « ngouka » « yakhi ketiahk » et autres. Dans le salon de mère Dior Thiam, une des photos accrochées sur le mur renseigne sur le « ngouka ». Il s’agit de deux tresses qui survolent les oreilles et sur lesquelles on accroche des boucles appelées « libidors ».
Ces coiffures n’étaient pas à la portée de tout le monde. Seules les dames devraient se tresser ainsi. « Le « ngouka » est réservée aux dames. Les jeunes filles portaient sur leurs têtes des « meug », des « sos- somes » et des « tibalés » ou étaient en mode « afro », explique cette bijoutière.
Comme tout change ou évolue, ces coiffures ont disparu avec le temps ou modelé suivant les nouvelles tendances venant d’ailleurs. Ainsi, celles-ci ne reflètent plus une identité culturelle.
La Peulh traditionnelle avec son « lolélé » est remplacée par cette mi-Blanche aux « cheveux naturels » ou à la « riana » (une coiffe qui imite celle de la chanteuse américaine Rihana. Des coiffures d’antan, certains modèles ont refait surface. C’est le cas de « l’afro ». « La différence est que les anciens « afros » étaient faits à partir de cheveux que l’on passait au peigne à défriser.
Contrairement à ceux d’aujourd’hui qui sont confectionnés en perruques », avance Mame Coumba Ndiaye, propriétaire d’un salon de coiffure qui s’affairait à trouver un modèle dans un catalogue pour une de ses clientes.
Selon cette coiffeuse, les tresses traditionnelles n’ont pas complètement disparu, elles ont été juste actualisées. « Les sossomes, par exemple, ont été recrées pour donner actuellement les tresses américaines », dit-elle en souriant.
Sa cliente, une vacancière venant de la France, opte pour ces dernières. La demoiselle soutient que chaque chose a son temps. « Il arrivera que l’on ne parle plus de ces modèles auxquels on accorde beaucoup d’importance », déclare cette française d’origine sénégalaise.
Il est à noter que les coiffures d’aujourd’hui sont trop éphémères du fait des nombreuses créations liées à la concurrence. A chaque évènement, les coiffeuses sortent des choses nouvelles pour attirer la clientèle. D’ailleurs, Mme Ndiaye pense déjà à ce qu’elle va proposer à ses clientes pour la prochaine Tabaski.
FAUX CHEVEUX, FAUX ONGLES, FAUX CILS, FAUX TEINTS...
Beauté, sacrifices financiers et artifices
Les jeunes filles ont la phobie du naturel. Et c’est « has been » de sortir sans make-up, cheveux, cils et ongles longs.
Les filles prennent soin de leur apparence... Un peu trop même ! Etre naturel, d’après leur définition, c’est avoir une chevelure de rêve, un regard de biche et des ongles de femme fatale. La métamorphose se fait en quelques heures.
Pour les cils, le désir de les avoir plus longs et plus fournis peut désormais être comblé en 30 minutes. Des fibres synthétiques sont collées une à une sur la base naturelle. Et les ongles, c’est encore plus rapide : en quelques minutes, ils sont réparés, solidifiés et allongés.
Un mot revient sur les lèvres de celles qui ont essayé : « liberté ». « J’aime mettre des faux cils pour intensifier et donner de la profondeur à mon regard. Je ne vois pas où est le mal.
Certes nos mamans ne faisaient pas tout cela, mais il faut savoir que les temps ont changé. Aujourd’hui, l’apparence joue un rôle très important dans la vie. Même pour chercher du boulot, il faut être élégante, sinon vous n’aurez rien.
En plus, je suis libre de faire tout ce que je veux de mon corps », fait savoir Fatim Sow, trouvée dans un salon de beauté en train de poser de faux cils.
Agée juste de 22 ans, elle paraît plus vielle dans son maquillage à outrance et sa peau un peu ridée. « Je me dépigmente, mais je reste naturelle car je n’utilise pas des produits qui agressent ma peau. Je ne me vois pas sortir sans maquillage. La femme doit se mettre en valeur. Les faux cils, faux ongles et faux cheveux sont là pour ça », justifie-t- elle.
Pour Paco Niang, « esthéticien » ambulant au marché Gand Yoff, les jeunes filles sont trop obsédées par leur apparence. Et ça l’arrange bien. « J’ai arrêté mon métier de laveur de voitures pour devenir « esthéticien ».Même si je n’ai pas encore de place fixe, je m’en sors très bien. En effet, ma clientèle me retrouve partout. Je fais des poses de cils et d’ongles. Je fais également des tatouages. Vous savez, les filles raffolent de tout ce qui est faux. Alors, j’en profite pour faire mon affaire. Les temps sont durs pour les autres, pas pour elles ! » D’après lui toujours, c’est le paradis sur terre que de côtoyer des femmes tous les jours, et il n’y a pas plus beau métier que le sien. « Vous savez, elles me demandent souvent de les tatouer dans des zones hyper sexy ; et j’en profite pour bien me rincer les yeux », s’esclaffe-t-il.
Cependant, certains hommes ne comprennent pas pourquoi les femmes se donnent autant de mal pour rester belles. « Il faut bien les vérifier au naturel avant de les épouser, sinon vous risquez d’avoir un arrêt cardiaque au petit matin », rigolent Gora Seck et ses amis.
Pour eux, il ne manque qu’une seule chose aux filles hyper artificielles : l’étiquette « Made in China ». « Elles sont fausses à tous les niveaux, comme ces produits venus d’un pays étranger ».
De son côté, Maman Amina ne supporte pas les cheveux courts et teintés. « Une bonne femme doit tresser ses cheveux. Les couper court et les teindre comme un garçon, c’est exagéré. J’hallucine des fois quand je sors ». En fait, certaines filles ont coupé court à leurs envies de cheveux longs. La coupe à la garçon, la boule à zéro et la coupe « Davala » sont devenues des tendances.
Petites et grandes folies des maniaques du paraître
Adama Mbengue, vendeur : « Les cheveux coûtent cher. C’est long, touffu et c’est encombrant. Je préfère vraiment les greffages simples. En éducation et port décent, les parents jouent leur rôle depuis le bas âge. Les enfants doivent être dans les dispositions de recevoir et d’appliquer les règles.
Chacun doit être son propre éducateur. A un certain âge, on doit décider de ce qu’on doit être ou faire. Il y a des gens responsables et bien éduqués qui ne pensent même pas à porter un pantalon moulant comme une femme.
Mais, je crois que les parents ont une part de responsabilité. Personnellement, je n’accepterai jamais que mes enfants s’habillement de manière indécente dans mon foyer ».
Seynabou, tresseuse : « Dans les temps, il y avait avant les « kharou kéthiakh », composés de six tresses dont quatre qui descendaient sur les joues et deux jointes au milieu pour former une couette. On se tressait avec du fil noir en nylon. Mais le « yoss » est tellement puant !
C’est presque comme de la laine. C’est très difficile à entretenir, surtout quand on a toujours la tête mouillée et avec le mouchoir et la chaleur. Ça dégage une odeur désagréable». Pour les « meug », « kharou kéthiakh », « petites queues », c’est juste des questions de look.
Chaque personne a le sien. Aujourd’hui, il y a trop de concurrence entre les filles. Certaines, en essayant d’imiter leurs copines, font des choses qui dépassent leur capacité financière. Il y en a qui ne mangent même pas à leur faim à la maison mais qui font tout pour se payer des cheveux naturels qui coûtent plus de 100.000 FCfa.
C’est de la folie et du n’importe quoi ! Avant, le prix des tresses ne dépassait pas 2000 FCfa. A l’époque, c’était un service que l’on se rendait entre amies. Il y avait de la solidarité. Ce sont les griottes, en général, qui étaient les coiffeuses de leur quartier ou village.
De nos jours, c’est une prestation payante même pour une vieille connaissance. Par ailleurs, les parents n’ont plus la volonté d’éduquer leurs enfants.
Or, ces derniers ont tendance à imposer leur mode de vie. Si le parent n’est pas trop rigoureux, les enfants deviendront les rois de la maison ».
Seynabou Ndiaye : « Il m’arrive de faire de bons « meug » avec une couette derrière. C’est juste une question de feeling et de pouvoir d’achat. Je n’ai pas d’argent pour me payer des cheveux naturels et ne cherche même pas à imiter les autres filles. »
Anta Kassé : « Avant, on faisait des « meug » lors des fêtes et cérémonies. C’était très joli ! Nos cheveux poussaient correctement. Pourtant, nous étions en phase avec la mode et nous étions belles. Les hommes nous admiraient avec nos « meug » ou « petites queues ».
Durant les fêtes, sans gène, nous portions du wax, ou lagos. De nos jours, les jeunes filles sont complexées. Elles n’osent pas faire des « meug » et sortir la tête nue dans la rue. Elles seront pointées vite du doigt dans leur quartier.
Maintenant, la tendance, ce sont les cheveux naturels. Elles ne parlent plus de greffages « Naomi » ou synthétiques. C’est dépassé ! C’est pourquoi elles se battent vaille que vaille pour se procurer un cheveu par tous les moyens, parfois même d’une manière malsaine. Certains enfants ont l’art de tromper leurs parents.
Elles racontent des histoires toutes faites pour convaincre leur parent sur l’origine de leur bien. C’est ce qui fait que, parfois, il est difficile, pour les parents, de veiller sur les enfants. Il faut reconnaître qu’il y a des parents, surtout les mamans, qui se glorifient des biens matériels de leurs filles.
Lors des cérémonies, elles sont plus fières de leur fille qui a mis du « cheveu » et qui s’habille en « Ganila » ou « Diezner » que de celle qui a un greffage synthétique et qui porte un « thioub » (in- digo). »
Ndèye Fatou Mbaye : « Même les petites filles n’aiment plus faire des tresses simples sans mèche ou greffage. C’est la mode qui l’impose. Si une jeune fille fait des « Kharou kéthiakh », les gens de son entourage et ses amies se moqueront d’elle.
On dira qu’elle est démodée. Les cheveux naturels sont à l’origine des « appartements ». C’est pour se procurer ce luxe que certaines filles ne vivent plus avec leurs parents.
Elles cherchent une chambre où elles peuvent recevoir les hommes en mesure de leur acheter des cheveux de 300.000 FCfa. Avec la conjoncture, aucun père de famille ne peut donner cette somme à sa fille pour des futilités. »
Mère Diouf, vendeuse de perles : « Avant, on se tressait avec de la laine, du fil, du «yoss». On faisait aussi des « lakhass ». Chaque famille avait sa propre griotte. Il arrivait, à la naissance, qu’une femme confie sa fille à une griotte.
C’est cette dernière qui se chargeait de lui faire des tresses jusqu’au jour de son mariage. Lors de cet évènement heureux, la griotte recevait sa part des cadeaux de la belle famille apportés à la jeune fille : tissu, pagnes, crayon de maquillage, etc.
Abdoulaye Diop : « Avant, les femmes ne connaissaient pas grand chose de la mode. Aujourd’hui, les filles sont plus branchées. Elles font des poses d’ongles et d’autres coquetteries que ne connaissaient pas nos mamans. Pour les coiffures, les jeunes garçons imitent les lutteurs et les artistes.
Or, ils ne savent pas que ces célébrités le font juste pour le spectacle. Ils s’en débarrassent aussitôt après le combat pour les lutteurs. Il faut que les gens soient conscients et responsables. On ne doit pas se laisser emporter par ce qu’on voit à la télévision ou dans les autres médias. »
Amy Diallo : « Les greffages, ce n’est qu’une question de temps. Quand je serai grand-mère, je ne ferai pas de mèche et je ne vais plus porter des pantalons sexys. Chaque chose en son temps ».