"DES FILLES SONT VIOLÉES PAR LEUR PROPRE PÈRE"
FATOU CISSÉ, PDTE DES "BAJENU GOX" DE ZIGUINCHOR

Quelles appréciations faites-vous de la progression du viol en Casamance ?
C’est un phénomène assez fréquent et inquiétant à la fois. Certes, les cas de viol étaient déjà nombreux dans la région, mais actuellement, avec l’existence de structures qui travaillent dans ce domaine, le phénomène est devenu plus visible. Auparavant, le sujet était tabou et les victimes souffraient en silence. Mais présentement, on peut enregistrer jusqu'à 4 cas de viol par mois. Si on fait le calcul, on aura 48 cas pour l’année. Le nombre peut même aller au-delà. Car parmi les cas de viol, il y a des victimes d’inceste. Des filles sont violées par leur propre père. Il faut dire que le conflit qui prévaut dans la région participe au développement des cas de viol. La porosité des frontières milite en faveur des violeurs et autres bandits qui peuvent s’échapper facilement Ce qui est surprenant, c’est qu’on ne peut pas dresser un profil exact des violeurs. Des fois ce sont des marabouts. Parfois des enseignants. Ils sont de tous bords. Ce sont des gens sains et correctes comme vous et moi.
Qu’est-ce qui doit être fait pour résoudre le problème ?
La solution est simple. Toute personne coupable de viol doit être sanctionnée par la loi, si effectivement le viol est dénoncé. En pareil cas, une fois mis au courant, nous nous y attelons en tant qu’organisation œuvrant pour une bonne santé maternelle et infantile. La difficulté, c’est que les parents ont tendance à nous laisser seuls dans le règlement du problème. Personnellement, je n’accepte pas la signature d’une plainte. Je peux accompagner les parents mais il n’est pas question de prendre un quelconque engagement. Je peux les orienter et les mettre en rapport avec des structures capables de les aider. Il arrive même que nous mettions les parents en rapport avec des gens qui peuvent leur prendre un avocat.
Avec cette récurrence des viols, êtes-vous de ceux qui pensent que l’avortement médicalisé serait une solution pour sauver la vie de plusieurs mamans ?
Si l’avortement médicalisé était accepté au Sénégal, beaucoup de vies allaient être sauvées. Le cas de la petite Massata nous a couté beaucoup d’argent. La grossesse et l’accouchement ont été particulièrement difficiles. Heureusement que les ONG et organisations de femmes ont été là pour nous appuyer. Aujourd’hui encore, le problème n’est pas totalement réglé car nous avons à nouveau inscrit la petite fille à l’école ; elle est en classe de CMI. Aussi, nous nous occupons des jumeaux avec tout ce que cela renferme en termes d’achat de lait pour le biberon, traitement en cas de maladie etc. Malheureusement, la législation sénégalaise ne permet pas l’avortement. Personne ne souhaite l’avortement clandestin puni par la loi. Mais à mon avis, une loi sur l’avortement médicalisé aurait permis de régler plusieurs cas de viol et d’inceste suivis de grossesse sur des mineures comme Massata.