"JE FAIS PARTIE DE CEUX-LÀ QUI SONT ANIMÉS PAR UN ESPRIT DE LEADERSHIP"
AMY MBENGUE, DIRECTRICE D'ECOBAG

Lauréate du concours Great entrepreneur 2014, Amy Mbengue, creuse lentement son sillon. Directrice d’une entreprise innovante, cette âme bien née de 29 ans prouve que la valeur ne dépend point du nombre d’années. Amy Mbengue est titulaire d’un BTS en action commerciale à l’école des professions immobilières et commerciales (EPICOM), une licence en économie gestion mention administration et gestion des entreprises, et un Master en Marketing à l’Université Montpellier 1 RICHTER. Elle a également effectué un séjour linguistique en Caroline du Nord à Durham Community College, NC USA, mais également des formations axées sur les services à l’environnement, les différents types de pollution, le traitement des déchets…Dans cet entretien, elle parle de la création de son entreprise, des difficultés rencontrées et de ses ambitions.
Quelles sont les activités de votre entreprise ECOBAG ?
ECOBAG SÉNÉGAL est une unité de revalorisation de déchets plastiques qui promeut un système économique et industriel sobre : l’économie circulaire basée sur l’éco conception des produits et services. Elle se présente en 2 phases. D’abord, une phase de collecte et de transformation des déchets plastiques (durs) en broyats ou granulés commercialisés au niveau des industries du plastique.
Ensuite, une phase de développement qui tend vers la production de produits finis tels que ; des mobiliers urbains (bancs publics), des sacs biodégradables, des mobiliers de jardins, des séparateurs, des balises, et vers la transformation de toute autre matière recyclable à l’exemple du papier, des pneus, du métal…
Par ailleurs, est prévue la mise en place d’ plan de communication axé sur la sensibilisation des populations aux gestes éco citoyens et responsables, la mise en place d’un réseau de collecte sélectif au niveau des écoles, quartiers/ ménages (en développant des partenariats publics privés, et avec les collectivités locales), hôtels ; restaurants, ce qui permet d’ introduire la culture du tri des déchets, l’acceptation par les populations des produits issus du recyclage. Ainsi, l’innovation procède à l’évolution des modes de vie, et ouvre une voie en faveur du développement durable.
La compagnie répond ainsi à un besoin clairement identifié qu’est la problématique de la gestion des déchets et leur revalorisation en y apportant des solutions concrètes et tangibles. Il vise ainsi à valoriser les déchets plastiques grâce à une démarche participative intelligente qui influera positivement sur les méthodes de gestion des déchets au niveau national.
Quand est-ce que vous avez créé cette entreprise ?
La structure a été créée en 2011.
Comment avez-vous monté votre affaire ?
Les individus sont nés avec des traits de caractère qui diffèrent l’un de l’autre. Certains sont faits pour être juristes, d’autres artistes, d’autres pour le vagabondage, d’autres sont des entrepreneurs. Je fais partie de ceux-là qui sont animés par un esprit de leadership. Depuis toute petite, j’ai été toujours très déterminée et entreprenante. La question n’est pas de savoir, si entreprendre est bon pour nous, mais si on est bon pour entreprendre et sans nul doute, mon tempérament m’y a toujours prédestiné.
Etant étudiante, j’ai toujours été très débrouillarde. Je faisais déjà mon petit commerce sur la base de petites économies collectées en travaillant l’été…
Je profitais ainsi des périodes de vacances pour voyager et m’approvisionner en marchandises que je revendais sur place, à paris et au Sénégal. C’est ainsi que durant toute la durée de mon séjour en France, mon objectif a toujours été de rentrer au Sénégal à la fin de mes études afin de concrétiser une idée de projet que j’ai longuement mûrie relative à la création d’une unité industrielle de revalorisation de déchets parce qu’ayant une forte préoccupation environnementale, mais également consciente de la menace que ces derniers représentent sur notre environnement et des potentialités économiques qu’ils peuvent engendrer.
Au Sénégal, la gestion des déchets constitue un véritable fléau. La pollution visuelle et physique des déchets choque tout un chacun ; de même que l’émergence des nouveaux modes de consommations (sachets plastiques d’eau, tasses de café…), Face à cette situation et à l’urgence qui s’impose, des solutions de sensibilisation et de mise en place de procédés intermédiaires de développement de l’industrie privée de la revalorisation des déchets étaient à mon avis incontournable.
C’est pourquoi ECOBAG SÉNÉGAL est un projet innovant qui vient répondre et donner des solutions adéquates et durables à ce fléau, contribuer de manière significative à la réduction des quantités de déchets à éliminer par enfouissement et par incinération, et participer de manière significative au développement économique et social de notre pays, à la protection de l’environnement et la création d’emplois.
C’est pourquoi, dès mon retour au Sénégal, j’ai entamé des démarches allant dans le sens d’obtenir un accompagnement technique et financier que j’ai trouvé auprès du PAISD (programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement) dans le cadre de la coopération bilatérale entre le Sénégal et la France, à travers une subvention et auprès du Ministère des sénégalais de l’extérieur notamment le fonds FAISE; Les appuis de ces différents acteurs m’ont permis de créer mon entreprise.
Quel est le montant de votre investissement ?
L’investissement s’élève environ à 25.00.000, équivalant à la moitié du coût global du projet pour la réalisation de la 1ère phase.
Avez-vous fait recours à un prêt ?
A l’occasion de la soutenance du projet, un représentant du ministère des Sénégalais de l’Extérieur est toujours présent dans le comité, c’est ainsi qu’ils sont tombés eux aussi sous le charme en jugeant que c’est un projet qui suscite beaucoup d’intérêts. J’ai donc soumis un dossier de candidature et bénéficié d’un financement de leur part au bout de quelques mois.
Quelle structure vous a financé et quel est le montant du crédit accordé ?
Il s’agit du ministère des sénégalais de l’extérieur notamment à travers le fonds FAISE, pour un montant de 5 millions FCFA.
Le système bancaire au Sénégal vous semble-t-il adapté aux besoins des Pme de manière générale?
Non, de manière générale. L’accès aux financements est soumis à de nombreuses contraintes. Les démarches sont très longues, les taux d’intérêt souvent élevés, les garanties lourdes. Ainsi, je suggère très humblement que les administrations publiques et institutions financières s’efforcent d’adapter leurs services aux difficultés rencontrées, en prenant en compte les besoins spécifiques des pme/pmi de manière générale.
Avez-vous rencontré des difficultés relatives à votre statut de femme-chef d’entreprise ?
Je répondrai par un grand OUI !!! Comme vous pouvez vous en douter, ça n’a pas toujours été facile. Jai dû faire face à de nombreuses difficultés liées au fait que sois une femme que je me garderais de citer par pudeur… De plus, vouloir évoluer dans un métier que l’on qualifierait "d’hommes" n’est pas facile. Certains le perçoivent bien d’autres non. Certains ont du mal à concevoir d’être dirigé par une jeune femme qui pour la plupart du temps a l’âge de leur jeune sœur ou fille…
Je vous assure qu’il arrive des moments où on a envie de tout laisser tomber ; mais heureusement que j’ai l’appui de mes parents de mes proches, de gens qui croient en moi que je ne décevrais pour rien au monde ; surtout de ma très chère maman qui est une brave femme à qui je dois cet équilibre moral et familial qui n’a ménagé aucun effort pour que ce projet soit une totale réussite. Je continuerai donc à me battre car Steve Jobs disait à propos des entrepreneurs : "je suis convaincu qu’à peu près la moitié de ce qui sépare les entrepreneurs qui réussissent de ceux qui ne réussissent pas est la simple persévérance".
Quelles sont les difficultés rencontrées dans vos activités ?
De manière générale, les obstacles ont été très nombreux. Les difficultés rencontrées dans les activités sont essentiellement des difficultés inhérentes à la création et au lancement d’une entreprise tels que : l’accès au foncier, les longues et interminables démarches auprès de l’administration publique et des institutions financières, l’accès aux financements, le besoin en financement non couvert, les discriminations liées à la question du genre, la recherche de partenaires, en gros des moyens techniques et financiers, mais à toutes ces difficultés, j’oppose ma volonté à aller de l’avant car la réussite est bout de l’effort.
Quelle est votre clientèle ?
Dans cette 1ère phase du projet, la clientèle est essentiellement constituée des industriels du plastique (entreprises de production : roto moulage, chaussures), car ils utilisent dans leur cycle de production entre 75 à 80% de matière recyclée pour 20 à 25% de matière vierge… Mais dans un futur proche inchaAllah, j’espère que le portefeuille client sera beaucoup plus large à savoir l’Etat, les collectivités locales, les cimenteries, les ménages, les grandes surfaces, les entreprises de construction, les hôtels, les restaurants, les banques, les éditeurs, les pharmacies, bref dans beaucoup d’autres secteurs d’activités.