"LA FRANCOPHONIE DOIT ÊTRE PROSPECTIVE"
MAME FATIM GUÈYE, AMBASSADEUR DU SÉNÉGAL AUPRÈS DE L’UNESCO

Elle a été le représentant personnel du chef de l’Etat au Conseil permanent de la Francophonie pendant plusieurs années. Un poste qui a permis à l’ambassadeur du Sénégal auprès de l’Unesco, Mame Fatim Guèye, de côtoyer le président Abdou Diouf, voyager avec lui et avoir appris à le connaître. Pour elle, la flamme de la Francophonie doit être actuelle.
Vous assistez au colloque de Dakar consacré à l’inspiration originelle, défis actuels et futurs, quelle est la leçon que vous en tirez ?
C’est un colloque qui est important dans la mesure où il pose les vraies questions sur la Francophonie, un rappel historique et des projections. Nous avons une organisation qui doit rester actuelle et prospective. Un colloque de cette nature, on ne peut que s’en féliciter et regretter qu’il ne puisse pas durer plus longtemps pour aborder en profondeur des thèmes qui méritent, chacun, un colloque.
On pose sans cesse la question des femmes et des jeunes dans le monde francophone, quel est le problème véritablement ?
C’est important de prendre en compte une majorité silencieuse qui, en fait, est une double minorité, parce que lorsqu’on est jeune et qu’on est femme, on part avec un double handicap. C’est ce handicap que la Francophonie veut s’atteler à résorber en proposant des stratégies efficaces. Parce qu’on est dans l’ère de l’efficacité.
Et je pense que, le moment venu, le Sommet nous en dira plus. Mais déjà, les pistes qui sont abordées sont extrêmement importantes sur l’employabilité, l’éducation et l’importance de la culture qui est au début et à la fin de tout.
Il y a aussi le défi du numérique ; on est encore en retard dans le monde franco- phone. Qu’est-ce qu’il faudrait réellement faire à ce niveau ?
Sur le défi du numérique, il y a énormément de choses à faire. Le numérique ne peut rester qu’un support, mais un support avec tellement de complexités. Il faut que les pays francophones en prennent conscience et fassent ce qu’il faut au moment où il le faut.
Le numérique nous permet de résorber un fossé, une fracture, mais il peut également agrandir cet écart. Donc, il faut le prendre en charge de la manière la plus appropriée, et c’est maintenant qu’il faut le faire.
C’est un problème de contenu ?
C’est forcément un problème de contenu, un problème d’accès. C’est aussi un problème juridique. Parce qu’il faut savoir gérer les problèmes qui sont sur la toile, les produits culturels notamment.
C’est un aspect qui donnera lieu à un colloque en début 2015. Cette question multidimensionnelle est à prendre en compte. Autrement, les pays africains et le monde francophone seront à la traîne.
Le 15ème Sommet sera l’occasion, pour le président Diouf, de passer la main. Vous avez eu la chance de le côtoyer, qu’est-ce que vous retenez de l’homme ?
J’ai eu l’honneur et la chance d’avoir parcouru une grande partie du mandat du président Diouf à la tête la Francophonie en qualité de représentant personnel du président de la République. J’étais à Beyrouth lorsqu’il était plébiscité comme secrétaire général de la Francophonie.
Auparavant, j’avais porté des messages auprès des hautes autorités, des chefs d’Etat pour leur demander le soutien de la candidature avec d’autres collègues. Jusqu’en 2012, date à laquelle j’ai été nommée ambassadeur auprès de l’Unesco, j’étais le représentant personnel du président de la République auprès de la Francophonie.
J’ai eu à le côtoyer énormément et nous avons eu à traiter beaucoup de dossiers importants. J’ai eu également la chance de porter la candidature du Sénégal, pour abriter le Sommet, jusqu’au résultat que l’on sait. Le président Diouf est un homme exceptionnel dans son rapport aux autres. Ce n’est pas évident de gérer des gens venus de différents horizons qui ont eu des trajectoires différentes.
Le multilatéral est quelque chose d’assez complexe et je l’ai toujours vu trouver des solutions à des intérêts, au départ contradictoires. C’est une des grandes leçons que l’on retient.
L’autre chose, c’est qu’il a toujours su allier toutes les facettes de la Francophonie, du politique à l’économique, avec le souci d’aller de l’avant, d’avoir une plus grande visibilité, une plus grande cohérence, une lisibilité qu’il a initiée pour la Francophonie à travers une maison de la Francophonie.
On peut en dire beaucoup plus et le Sommet sera l’occasion de lui rendre hommage. Pour ma part, en ma qualité de président du groupe des ambassadeurs francophones auprès de l’Unesco, nous lui avons déjà rendu un grand hommage le 16 octobre dernier, au cours d’un déjeuner.