LE PACTE NATIONAL DE VERROUILLAGE SOCIAL
Le FRAPP critique un pacte qui consacre un "syndicalisme d'accompagnement", chargé de maintenir l'ordre social établi, transformant le dialogue social en instrument de co-gestion du désarmement des mouvements populaires

Dans la déclaration ci-dessous parvenue à SenePlus, le FRAPP dénonce le Pacte National de Stabilité Sociale signé le 1er mai 2025, estimant qu'il instaure une trêve de trois ans qui "ressemble bien davantage à une suspension du droit à la lutte qu'à une réponse aux urgences du monde du travail".
"Le Pacte National de Stabilité Sociale pour une Croissance Inclusive et Durable, signé le 1er mai 2025, prétend ouvrir une nouvelle ère de dialogue et de progrès social. Il consacre pourtant une trêve sociale de trois ans qui ressemble bien davantage à une suspension du droit à la lutte qu'à une réponse aux urgences du monde du travail, captif d’un syndicalisme de connivence.
Présenté comme un compromis tripartite entre l’État, les syndicats et le patronat, ce pacte repose sur des intentions généreuses : élargissement de la protection sociale, formalisation de l’informel, promotion du dialogue social, etc. Mais une lecture attentive révèle une toute autre logique : celle d’un Baara Yeggo scellé entre l’État employeur, le patronat et un syndicalisme domestiqué pour noyer les revendications vitales des travailleuses et travailleurs.
Le texte évoque la protection de tous, y compris celle des travailleurs de l’économie informelle. Mais aucune obligation concrète n’est imposée aux employeurs, aucun financement structurel n’est prévu, et la gratuité des soins n’est même pas mentionnée. En cas de contraintes budgétaires, les droits peuvent être révisés. Le social devient une variable d’ajustement, non un droit garanti.
Le pacte parle des contractuels, des journaliers, des artistes, mais n’organise aucune sortie de la précarité. Il n’engage ni titularisation, ni réforme en faveur des plus vulnérables. L’informel reste toléré comme norme implicite de flexibilité.
Le texte proclame l’égalité de genre, mais reste aveugle aux réalités des travailleuses : inégalités salariales et autres discriminations sexistes, double charge du travail reproductif, absence de mesures de soutien à la maternité. Une invisibilisation institutionnalisée.
Les engagements des employeurs ne sont ni contraignants ni vérifiables. Pas de sanctions prévues, pas de contrôle renforcé. Mieux : des allègements de charges sociales sont envisagés. Le patronat encaisse la paix sociale sans rien concéder.
Ce pacte reconduit une logique de syndicalisme d’accompagnement, chargé « d’inculquer la culture d’entreprise », de contenir les luttes et de préserver l’ordre social. Ce n’est pas du dialogue social, c’est la co-gestion du désarmement populaire.
Le FRAPP considère ce pacte comme une tentative de verrouillage politique des mouvements sociaux sous couvert de stabilité. Il ne redistribue pas le pouvoir, il le reconcentre. Il ne transforme pas les rapports de production, il les préserve.
Le FRAPP appelle :
- Le gouvernement à sortir d’une logique de paix sociale dictée par une élite déconnectée, pour renouer avec les masses de travailleurs ;
- À reconstruire l’autonomie des travailleuses et travailleurs dans leurs luttes ;
- À revendiquer une sécurité sociale universelle, un emploi digne, la fin de la précarité et une politique féministe du travail ;
- À refonder un syndicalisme de combat, ancré dans les bases populaires et non dans les cénacles du dialogue institutionnalisé.
Le véritable pacte, c’est celui qui lie les opprimés entre eux, pour renverser les structures de domination et construire un ordre social nouveau."