LE VILLAGE DES ARTS DANS UNE DYNAMIQUE PLURIELLE
DAK’ART 2014

La 11ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar a mis à l’honneur des artistes contemporains du Village des arts et du monde entier, exposés pour l’occasion. Pendant un mois, jusqu’à 200 visiteurs par jour sont venus arpenter les calmes ruelles du site.
Sur la route de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, le Village des arts s’offre à la vue des automobilistes. Les plus curieux n’ont qu’à tourner le volant pour y découvrir, en premier lieu, les sculptures extérieures de papier, de bois ou de bronze qui embrassent les arbustes et les parois du « Village ».
Du 9 mai au 8 juin, nombreux ont été ceux qui ont pris ce virage de l’art. Sur place, 72 artistes exposants et invités ont présenté leur travail.
Le succès, il s’explique en grande partie par l’excellente communication faite sur la Biennale pendant un mois.
Idrissa Diallo, commissaire d’exposition de la galerie Léopold Sédar Senghor au Village des arts, salue d’ailleurs cette belle médiatisation : « Beaucoup de journaux et de radios aussi prestigieux que Rfi et la presse nationale sénégalaise se sont intéressés à ce grand rendez-vous. Il y a eu des relais à la fois sur le plan local et international ».
Une publicité, vérifiée par la grande qualité des expositions et des diverses initiatives, qui a attiré les visiteurs comme jamais.
Mais hélas, les acheteurs n’ont, eux, jamais été aussi discrets que cette année. Dans la plupart des galeries de la ville, la crise financière s’est fait sentir.
Côté programme, le « In » de la Biennale s’est limité, comme le veut la tradition, à l’art africain contemporain. Mais le Village des Arts, qui s’étend sur 4 hectares, a voulu jouer la différence en dépassant les frontières de l’Afrique.
En plus d’artistes béninois de renom, mauritaniens et sénégalais, tels que Behan Touré ou Moussa Mbaye, ce sont des artistes coréens, suisses et espagnols qui ont investi les lieux lors de l’exposition temporaire qui s’y tenait, sur le thème de la « Pluralité ».
Pour le commissaire, le « Off » a ainsi pris une dimension incroyable :
« La découverte de nouveaux artistes et de leurs sensibilités est un voyage offert aux visiteurs et aux artistes qui cohabitent ensemble ».
Un pari qui a plu, puisque en moyenne 100 visiteurs quotidiens se sont rendus dans ce cocon dakarois le mois dernier.
« Qu’ils soient professionnels de l’art ou simples amateurs, l’engouement très particulier de cette année a permis à de nombreux artistes de se faire connaître ».
Que ce soit les visages naïfs du Sénégalais Ibrahima Kébé, la tête penchée et pensive d’une sculpture réalisée par le pêcheur Djibril Ndiaye ou encore le petit groupe de trois femmes et cinq hommes aux yeux écarquillés peints sur tissu par Moussa Sakho, « le réseau est incontournable pour tous ces artistes », souligne Idrissa Diallo.
Pour cette édition, la talentueuse Coréenne Hong Jang Park était l’« artiste de passage ». Elle est restée trois mois en résidence à Dakar : « Hong Jang Park a créé ici un personnage en moustiquaire minutieusement réalisé.
En Corée, comme au Sénégal, la moustiquaire est sûrement l’objet le plus banal du quotidien », explique dans un sourire Idrissa Diallo.
Un objet banal mais tout de même puissant, puisqu’il a eu la force d’unir deux cultures a priori très différentes. « Cette œuvre est l’une de celles qui ont eu le plus de succès pendant la Biennale ».
A côté de l’industrie, « de Samsung ou Hyundai », l’art coréen s’est frayé un chemin dans la capitale sénégalaise. Lors de l’édition précédente, en 2012, c’est un Hollandais qui avait su jouer avec la culture sénégalaise en remplissant d’eau les fameux petits sachets à 25 ou 50 FCfa vendus sur le bord de la route.
Le cœur de la galerie Léopold Sédar Senghor continuera encore de battre au rythme de la Biennale pendant quelques semaines. Jusqu’à la prochaine exposition mensuelle temporaire en juillet.
UN ''VILLAGE'' DÉCLOISONNE
Trouvé dans son atelier, l’artiste-plasticien Amadou Dieng donne son point de vue sur la 11ème Biennale de l’art africain contemporain (Dak’art).
Il juge que « le concept de la Biennale ne représente en aucun cas l’art en tant que tel parce que l’art n’exclut pas ; il représente un rendez-vous du donner et du recevoir », affirme-t-il.
Selon M. Dieng, les gens ont tendance à déterminer l’art en général par sa provenance (l’art africain, l’art occidental, l’art américain), mais « l’art n’a pas de frontières nous dit-il, il est universel ».
Il poursuit : « Je ne fais pas de la peinture dite africaine. Je suis un Africain qui fait de la peinture ». Amadou Dieng est un homme très pudique et direct. Il laisse libre cours à son pinceau au gré de son inspiration.
De son côté, l’artiste-peintre Mouhamadou Dia, trouvé assis sur son canapé, dans une pièce remplie de tableaux banalement disposés, partage le même avis que son confrère Amadou Dieng au sujet de la Biennale de Dakar.
Tous les deux estiment que le concept du Dak’art est très mal perçu par les artistes qui déplorent le fait que cet institut soit réservé à une certaine catégorie. « C’est dommage », lance Dia.
« A mon avis, la manière dont je m’exprime ne correspond pas à l’esprit de la Biennale », dit-il avant d’ajouter qu’il n’est pas forcément d’accord quand on expose des images qui évoquent des aspects de l’homosexualité.
« Nous avons des cultures en Afrique et ces cultures se doivent d’être respectées », insiste Mouhamadou Dia.
Pour lui, la peinture est un médium pour exprimer ses sensations de la vie africaine car il est un témoin de son époque. Pour lui, c’est plutôt l’environnement sa source d’inspiration, mais aussi la vie sociale et familiale.