LES VIEILLES MARMITES GRILLÉES PAR LA RÉVOLUTION DU GAZ BUTANE
CUISINE MODERNE

Les cordons bleus ne se conjuguent pas qu’au passé. Au coin du feu de bois, les dames mijotaient de bons plats pour la maisonnée. Aujourd’hui, l’utilisation du gaz butane a incontestablement révolutionné la cuisine. Grâce à cette technologie hors-pair, la cuisson ne prend plus beaucoup de temps. Un gain de temps et d’énergie non négligeable. Reste à trancher sur la question du goût.
Hann Equipe, Villa 34. Une odeur d’huile chaude emplit l’atmosphère en ce début de journée. Elle embaume les narines dès lors qu’on franchit le grand portail métallique rougeâtre. Dans un coin de son petit appartement, au premier étage, la jeune Nogaye Ndiaye, seule, s’affaire dans la cuisine, le front déjà ruisselant de sueur.
De temps en temps, elle fait la navette entre la cuisine, sa chambre et le lavabo pour régler un petit détail. En bas, au rez-de-chaussée, la marmaille s’agite, joue, court, crie, créant un vacarme indescriptible, sous le regard indifférent de quelques adultes assis à côté. La jeune ménagère, quant à elle, ne prête guère attention à ce tohubohu ambiant auquel elle semble visiblement habituée.
En effet, chaque jour, à pareille heure, cette femme au foyer est plutôt occupée à préparer le déjeuner. Une routine chez elle. Partie très tôt dans la matinée au marché aux poissons situé en face du quai de pêche de Yarakh, elle est revenue il y a quelques minutes, le panier bien garni.
Poissons, légumes, condiments et autres petites ingrédients. Bref, tout ce qu’il faut pour un bon « tiébou dieune Penda Mbaye ». Le menu du jour, y est. Pour elle, la « pêche » a été bonne aujourd’hui. Tout le contraire de ces derniers jours où le poisson se faisait rare et coutait excessivement cher. D’ailleurs, son visage lumineux renseigne sur sa joie d’avoir réalisé de bonnes emplettes.
Pour quelqu’un comme elle, qui revendique le statut de fin cordon bleu, la suite ne devrait être qu’une simple formalité. Pour l’heure, Nogaye Ndiaye a fini d’éplucher les légumes et d’écailler les poissons.
UN GAIN DE TEMPS ET D’ENERGIE
Dans deux heures maximum, tout sera au point et le repas tant attendu pourra enfin être servi. Au grand bonheur de la famille ou du moins une partie, d’autres membres étant allés au travail
. « Grâce au gaz butane, la cuisson ne prend plus beaucoup de temps. En outre, c’est plus facile de préparer avec un gaz qu’avec du feu de bois. Avec ce dernier ou le charbon, on affronte la fumée tout le temps. On est également obligé d’effectuer d’autres petites corvées, sans compter le temps de la préparation du repas qui est trop long », explique, avec satisfaction, la jeune ménagère.
Selon elle, la cuisson au gaz butane comporte beaucoup d’avantages. Car, outre le gain de temps, il y a aussi celui en énergie. Un constat que partage son voisin Ibrahima Ndiaye, un ouvrier dans un laboratoire pharmaceutique de la place. « Préparer un plat avec un gaz butane est évidemment plus reposant pour une ménagère. C’est une vraie révolution technologique que de cuisiner avec cet engin. Il suffit d’un temps record pour que le repas soit prêt », avoue ce quinquagénaire.
Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, la cuisson au feu de bois prend mieux soin du palais que celle effectuée au gaz butane. « Les goûts ne sont pas du tout les mêmes. Le mets préparé au feu de bois est mieux cuit et plus délicieux », martèle-il avec conviction.
LE FEU DE BOIS DONNE UN GOUT BIEN MEILLEUR
Comme Ibrahima Ndiaye, de nombreuses personnes soutiennent que la cuisson au feu de bois a un goût bien meilleur que celle faite au gaz butane. C’est le cas de la ménagère Fatou Marone, une voisine de Nogaye Ndiaye. Issue du milieu rural, cette quadragénaire affirme bien connaître la cuisson au feu de bois pour l’avoir longtemps pratiquée au village.
« Le plat cuisiné avec le gaz butane est juste moins fatigant. A part cela, celui fait au feu de bois est plus avantageux. Elle a plus de goût et de saveur, parce que le repas prend le temps de bien cuire. Ce n’est pas la même chose avec le gaz où, en l’espace de quelques minutes, le repas donne l’impression d’être bien cuit, alors qu’en réalité, tel n’est pas le cas », témoigne-t-elle.
En revanche, pour la restauratrice Awa Bodian, les questions de saveur n’ont rien à voir avec le mode de cuisson utilisé. « Pour moi, tout dépend de la qualité de la cuisinière. Si c’est un cordon bleu, le plat, à coup sûr, sera agréable et délicieux ; peu importe qu’elle l’ait préparé au feu ou avec le gaz butane », affirme-t-elle.
Pour le vieux Ablaye Ndaw, la cuisson au gaz est une véritable avancée technologique. Pour autant, il pense que l’ère du gaz a entrainé dans son sillage la disparition des cordons bleus. « Les vieilles marmites ne s’expriment plus », déclare-t-il sans cesse en langage imagé.
En clair, Ablaye Ndaw est d’avis que l’ancienne génération cuisine mieux que l’actuelle. Pour lui, les nombreux ingrédients, condiments et autres additifs qui accompagnent les mets actuels ont fini par tuer les goûts. « Jadis, on mettait juste du sel et quelques légumes.
Mais aujourd’hui, c’est un mélange de produits, parfois même dangereux pour la santé », regrette-t-il.