MOURIR POUR LA «PATRIE»
EXPO CONSACREE AU «TIRAILLEUR» DANS LA BD

La Galerie Le Manège de l’Institut français de Dakar accueille, jusqu’au 17 janvier 2015, une expo consacrée à la représentation des « tirailleurs sénégalais » dans la bande dessinée. Des hommes dont ce n’était pas la guerre et qui ont dû subir la morsure du froid, la mort anonyme ou encore l’oubli. Partis, nombre d’entre eux ne reviendront pas…Et pour certains, le retour sera synonyme de traumatisme.
«La République, dans son immense générosité, était fière de leur offrir l’insigne honneur de pouvoir mourir pour la Patrie.» Sur un ton entre le cynisme et l’humour noir, voilà ce que dit Jacques Tardi, à propos de ceux que l’on appellera les « Tirailleurs sénégalais », même s’ils ne viennent pas tous du Sénégal. Dans C’était la guerre des tranchées, bande dessinée dont Tardi lui-même précise que ce n’est pas un travail d’historien, l’une des planches montre des « tirailleurs » impersonnels, anonymes sous leurs uniformes et pâles, mais debout et armés.
D’abord, raconte le dessin de Mr Fab (voir encadré), ils sont quelque peu fascinés par cette neige qu’ils voient pour la toute première fois. Et qui a en plus la décence de cacher les corps de leurs camarades fauchés au combat. Puis vient le printemps, et la boue à la place de la neige, tandis que plusieurs corps en putréfaction « remontent à la surface ».
Sous le crayon de Mr Fab toujours, certains « tirailleurs » s’en vont, et ne reviennent jamais. Pas même une dépouille… Ainsi, près de 30.000 tirailleurs ne reverront jamais l’Afrique. D’eux, il ne reste plus parfois qu’une lettre posthume qui arrive toujours trop tard, forcément…et qui dit combien la France, qu’ils ont servie au péril de leur vie, promet de les honorer pour leur courage. On apprend aussi qu’en 1916, le 43e bataillon de « tirailleurs » participera à la Bataille de Douaumont, «l’une des plus terribles de la Grande Guerre». Ou encore que les « Poilus » avaient une peur bleue des rats.
Dans la bande dessinée du Français Serge Huo-Chao-Si, certains tirailleurs, lorsqu’ils rentrent enfin chez eux, finissent par ne plus être que l’ombre d’eux-mêmes, vieux héros défraîchis qui vivent à une autre époque, dans le souvenir éternel d’une gloire passée. Et qui s’enorgueillissent encore de pouvoir crier à qui veut l’entendre qu’ils sont des héros, eux !
Le « tirailleur » apparaît aussi sous les traits d’un homme providentiel, capable à lui seul de libérer tout un peuple du joug de l’ennemi. Il lui arrive encore de parler « petit nègre », le français de « tirailleur » comme on dit. « Mademiselle » pour « Mademoiselle » par exemple. Jacques Tardi, lui, lorsqu’il parle de la Guerre, ne parle que d’une «lamentable aventure collective».