MUHSANA ALI DANS L’UNIVERS DE «MOSAÏQUE ALTERNATIVE ET ISLAMIQUE»
EXPOSITION «OFF» A LA «MAISON FAMILIALE DES ARTISTES» A MERMOZ

Peindre des oeuvres en mosaïque alternative avec une déclinaison islamique. C’est ce qu’a réussi l’artiste américaine Muhsana Ali qui expose en «Off» à la «Maison familiale des artistes», à Mermoz.
A la Sicap Mermoz de Dakar, en face de la Mosquée du même nom, se dresse une maison dénommée «Maison familiale des artistes». Espace de création, cette demeure abrite une série d’expositions dans le cadre de la Biennale en «Off». Cet espace a été transformé en une sorte de galerie par deux amoureux de l’art, qui ont même fini par sceller leur union. Il s’agit de la plasticienne d’origine américaine Muhsana Ali et du célèbre peintre sénégalais Amadou Kane Sy, plus connu sous le pseudo de Kane-Si.
De la façade jusqu'à l’intérieur de la maison, on constate une pluralité d’oeuvres. De fresques murales sur 13 mètres sur une façade, aux photos, entre autres, décomposées en 5 séries, chaque oeuvre porte un thème spécifique montrant que les artistes ont beaucoup recherché et réfléchi. Le chiffre 5 est particulièrement présent dans l’expo. On note ainsi 5 tableaux de photo accrochés au mur, 5 séries de gravure, 25 petits modèles en format mosaïque…
Après 9 ans d’études d’art aux Usa, Muhsana Ali a eu sa maîtrise en éducation d’art, mais aussi suivi plusieurs formations dans la production en bronze, en sculpture… Sa spécialité reste cependant la mosaïque. D’ailleurs, «Mosaïque alternative» est le titre d’une de ses oeuvres. «Une œuvre d’art mosaïque n’a de sens que si elle a été exécutée collégialement avec l’implication et la participation de la plupart des personnes qui vivent dans l’environnement immédiat du lieu où cette mosaïque alternative sera faite», dit-elle en soulignant que contrairement à la mosaïque classique, elle n’est pas seulement constituée de carreaux ou de verre. Elle offre la possibilité d’utiliser toute une gamme d’objets aussi divers que les assiettes cassées, les bouts de miroir, les bouts de bois ou de métal, des résidus de céramique, de masques ou de sculptures, de la peinture sous verre, etc.
«On peut y faire apparaître des mots, des écritures, de petits textes, des poèmes, des réflexions, des noms de projets ou de personnes, des dates importantes. La mosaïque alternative est exécutée en fonction de l’histoire du lieu qui l’accueille», renseigne Muhsana Ali pour qui, l’artiste, à l’image du bas-relief, doit faire une œuvre qui ne sera pas forcément plate. Au contraire, avec la mosaïque alternative, techniquement, il a accès à l’utilisation d’une palette de couleurs riches et variées, qui interpelle l’oeil et les sens, suscite la réflexion et l’échange d’une manière plus efficiente que la mosaïque classique. «Elle peut facilement véhiculer des messages écrits et imagés à l’endroit du public et de la communauté. C'est une technique que nous avons apprise en 2004 auprès de son inventeur, le muraliste Isaiah Zager, célèbre artiste de South Street, à Philadelphie, créateur du Magic Garden», précise l’artiste.
Dans son travail, on y retrouve aussi de la spiritualité. D’ailleurs, sur la façade de la maison, il y a une oeuvre «Mosaïque islamique » qui le prouve. On y découvre des écritures en arabe, des images au nom d’Allah… «Il y a des oeuvres qui parlent de la religion, mais je fais la différence entre la spiritualité et la religion. Certaines n’ont pas de référence directe à l’islam, mais elles parlent toujours de la même chose», confie Muhsana Ali qui informe que le fond de ses oeuvres, «c’est du ciment blanc, coloré avec des piquants riches. Ce qui permet de développer des fonds qui font vivre l’oeuvre.
LE COUPLE MUHSANA ET KAN-SI PEINT LA POETIQUE ARCHEOLOGIQUE PLASTIQUE
Dans le cadre du «Dak’Art 2014», les expositions en «Off» continuent de fasciner. A la «Maison familiale des artistes» de Mermoz, c’est le couple sénégalo-américain, Muhsana/ Kan-Si, à travers un duo, qui présentent une série d’oeuvres en petit format, en mosaïque alternative, intitulé «Poétique archéologique». Chacune de ces œuvres représente un énorme effort de recherche et de travail physique. A l’image du processus des fouilles archéologiques en quête des traces de vie et de poésie.
Ces créations comportent, pour la plupart, plusieurs petites oeuvres en peinture sous-verre. Sur un des tableaux du couple, on découvre une série de photos intitulée «Africa-in Mart», réalisée par Muhsana Ali à Mart, dans le Texas, dans le cadre d’un projet dénommé «Art Community Project», en 2011. Muhsana et Kan-Si avaient été invités avec leurs enfants pour passer 3 mois dans cette petite ville américaine de 2000 habitants où la ségrégation raciale est toujours ressentie. Leur objectif était de tenter de transformer cette petite ville en déclin à travers l’art. Ce projet a été le début de leurs actions artistiques à travers le medium de la mosaïque alternative. Ils ont ainsi pu produire 3 oeuvres majeures dans la ville en sollicitant la participation de toute la population. Et avec ces actions, ils ont observé une grande transformation dans la ville où Muhsana est retournée durant 4 années successivement pour y travailler. Dans la série de photos-portraits «Africa-in Mart», on voit des habitants de Mart au Texas, d’origine africaine, habillés en costumes traditionnels du Sénégal.
Selon Muhsana Ali, cette invitation visait à faire vivre la ville à travers l’art. Car, c’est une petite ville qui est complètement en déclin et économiquement. Elle est en train de disparaître, en plus il y a une grande division entre les races, du fait de l’esclavage. «Lorsque que j’ai rencontré la population noire, j’ai été fascinée. Car il y a les mêmes valeurs culturelles qui existent ici. Ils étaient simples, généreux et puis fascinés d’avoir en face d’eux, pour la première fois, une Américaine qui a vécu en Afrique, une vraie Africaine et une musulmane. J’ai eu l’idée de ramener les habits africains et quand ils ont porté les habits, c’était la première fois qu’ils ont senti le sens même de la fierté d’appartenir à une histoire. Ils ressemblaient vraiment à des Africains», rapporte-t-elle.
En ce qui concerne le «Baobab Jazz», c’est une oeuvre faite par l’artiste Kan-Si. Elle est une gravure-peinture unique, individuellement travaillée sur le thème de «Baobab Jazz» et fait référence à l’aspect formel du fruit du baobab, qui se renouvelle sans cesse au fil des saisons.