PAUVRES DE NOUS !
L’émergence et la prospérité sont possibles, mais seulement en versant la sueur qui arrose les ambitions de ces pays qui rêvent de développement et sont déterminés à faire de leur rêve une réalité

Alors qu’un rapport contradictoire du FMI place le Sénégal parmi les 25 pays les plus pauvres du monde, l’occasion est encore une fois donnée à chaque ‘’polémiqueur’’ professionnel d’effeuiller ce chou gras qui n’est en réalité qu’une fausse mauvaise nouvelle. En effet, pour Roger Nord, du FMI, les chiffres qui démontrent que les taux de croissance au Sénégal demeurent forts sont ceux qui sont exacts.
Cependant et comme d’habitude au pays de la palabre, majorité, opposition, presse et opinion publique se renvoient la balle, certains qu’ainsi, ils feront rebondir le pays.
Non décidément, je ne pense pas que c’est comme cela qu’on y parviendra. Pour atteindre le haut du panier, demandons plutôt à nos jeunes basketteuses, championnes d’Afrique, comment s’y prendre. Adressons-nous d’ailleurs globalement à la jeunesse de notre pays, car notre vraie richesse, n’est-elle pas celle-là ? Une jeunesse débordante de vitalité et talentueuse, qui part de loin, certes, mais qui a tant à faire, à condition qu’elle soit entrainée par un projet phare comme le PSE et portée par une économie inclusive et solidaire.
Au passage et à propos de talent, de richesse et de spiritualité, je ne peux que recommander à chacun la lecture du premier roman de notre jeune compatriote Mohamed Mbougar Sarr, Terre ceinte. Un livre magnifique, qui a reçu le prix Ahmadou Kourouma au Salon africain du livre de Genève, rendez-vous incontournable des lettres africaines.
Solidaire disais-je, mais où est donc passée notre fraternité ? Qu’une telle nouvelle sur notre classement soit vraie ou fausse, peu importe d’ailleurs, d’autres peuples en pareille occasion se seraient serrés les coudes pour faire face, dans un élan patriotique, mais nous, nous en faisons de la matière pour fustiger ces hommes et femmes qui se sacrifient jour et nuit pour nous extirper de la misère puisque nous mêmes, comme de vrais poids morts à soulever, n’y mettons pas du nôtre et, pire, nous jouons à nous faire plus lourds encore pour leur rendre la tâche plus difficile.
Oui, ils sont nos esclaves désignés. Nos dirigeants esclaves, puisque en les élisant, nous leur ouvrons les portes de nos palais, des maisons de fonction, de berlines au cuir neuf et de salaires réguliers et cela nous ne pouvons le digérer, d’où notre détestation de ces gens-là à peine les avons-nous élu. Quels que soient les régimes, qui changent d’ailleurs et Dieu merci, nous, nous restons toujours les mêmes. Nous les voudrions dans des cases délabrées, se déplaçant dans des charrettes, en haillons et plus bas que terre pour en tirer satisfaction puisque c’est seulement à ce prix qu’ils nous ressembleraient dans nos travers déraisonnables, médisants, violents et inciviques.
Oui l’émergence et la prospérité sont possibles, mais seulement en versant les gouttes de sueur qui arrosent les ambitions de ces pays qui rêvent de grandeur et sont déterminés à faire de leurs rêves de développement une réalité. L’émergence ne se décrète pas, elle se bâtit et c’est un processus long et difficile.
Aujourd’hui, les fondations sont posées et le temps est venu de s’élever sur nos bases et sur nos valeurs. Les structures s’érigent, les infrastructures sortent de terre, les projets se développent, les réformes se succèdent… Mais nous, que faisons-nous pour sortir de cette pauvreté que nous irriguons de nos doutes tous les jours et noyons dans notre scepticisme ? Peut-on demander à nos dirigeants, en plus de développer l’économie, de faire s’épanouir la société et de maintenir la démocratie, de soigner aussi nos complexes identitaires et nos états d’âmes ?
Pour que notre émergence ne reste pas un dessein utopique, comme un rêve interdit, le Sénégal a besoin de tous, de tous ses enfants. Et je le redis aux jeunes : «Travaillez, prenez de la peine… car le travail est un trésor». Courage donc les enfants, car l’Afrique est en marche et les rois du pétrole, c’est vous.
Quant à nous les adultes, nous posons tant d’actes anti-développement que n’importe quel chiffre qui nous placerait au fond du classement ne devrait point nous étonner ni nous heurter.
Je note que notre Diva nationale, Coumba Gawlo Seck affirme qu'elle a été "attristée et choquée", lorsqu’elle a appris le classement du Sénégal dans le club des 25 pays les plus pauvres au monde. Face à la presse, elle déclare qu’une "telle chose ne contribue pas à donner une bonne image du Sénégal à l’étranger". De plus, signale-t-elle, "ce classement va faire fuir les investisseurs parce qu’il donne l’image d’un Sénégal, où les gens ne travaillent pas…"
Je veux vous dire, chère Coumba, vous dont j’admire la voix, ne croyez pas cela et gardez entière la confiance et la foi. Les investisseurs viennent et viendront au Sénégal, car à l’heure où les géants dégringolent, l’Afrique émerge. Les entreprises viendront au Sénégal, parce que nous avons besoin de tout et qu’elles ont tout à nous vendre. Elles viendront aussi chercher la paix, la démocratie et la douceur de vivre. Ici, point de murs entre les hommes, pas d’hommes d’affaires flanqués de gardes du corps ni de patrons aux chemises arrachées.
Stoppons cependant notre exaspération ! Si nous sommes pauvres, ce n’est que de la faute de nos dirigeants, pensons nous. C’est vrai dans un certain angle, mort, certes mais dès que nous ouvrons le spectre il nous révèle notre nous honteux dans une perspective en trois dimensions, éclatant et brillant de ses mille feux de manquements qui justifieraient que l’on ne soit qu’en queue de peloton tant nous nous y évertuons. Si depuis les indépendances nous n’arrivons pas à quitter le plancher des vaches, toute la faute ne peut être imputée à nos dirigeants seuls.
Certes ils ne sont pas toujours des exemples de vertu mais de là à décréter que nous sommes un peuple discipliné, exemplaire, bosseur et déterminé, victime totale des agissements des gens à qui l’on a confié nos destins, je dis c’est archi-faux.
Oublions vite cette information qui classe le Sénégal parmi les 25 pays les plus pauvres au monde, cela ne nous avance en rien. Retenons que nous ne faisons pas du sur-place et que nous sommes félicités pour les reformes hardies et les efforts consentis pour l’Émergence de notre pays. Des réformes et des efforts qui ont pour objectif, de faire passer le Sénégal du rang des pays pauvres vers celui des pays riches en 25 ans.
Je suis sénégalaise, je partage avec vous, chers compatriotes, ce sens critique exacerbé et ce goût inné de la palabre, mais je crois en nous, je crois en notre jeunesse et en notre avenir. Même si je ne suis pas engagée en politique et ne milite dans aucun parti, je crois aussi en notre Président, car, et je vous fais là un aveu, je le connais depuis l’enfance.
Nous étions voisins à Kaolack. Mon père était le directeur de l’école de Sam et l’adolescent Macky Sall venait à la maison le soir chercher les clés d’une classe que lui confiait mon père, pour que tous les jeunes du quartier aient accès à la lumière pour réviser leurs leçons. Je le sais courageux et bien épanoui dans ses choix et sa vision pour son pays. Oui, je pense qu’il est l’homme de la situation et je veux lui donner ma confiance, oui encore quelques temps. Il saura, je le crois, se débarrasser des pesanteurs et des secondes peaux pour mériter aussi la vôtre, si elle lui manquait encore. Makky Shall, prononce-t-on partout en Occident, où notre Président jouit d’une forte notoriété.
Nul n’est prophète en son pays, a-t-on coutume de dire, mais je veux lui laisser le temps d’agir, car comme un bon père prépare la conscience de ses enfants, il nous rappelle chaque jour que «patience et longueur de temps font plus que force ni que rage».
Oumou Wane est aussi présidente d’Africa7