REDEFINITION DE LA CARTE DU MOYEN-ORIENT
Il est d’usage quand il s’agit de parler du Moyen-Orient de recourir à une citation du Général de Gaulle contenue dans ses Mémoires où il parlait de « voler au-dessus du Levant compliqué avec des idées simples ».

Il est d’usage quand il s’agit de parler du Moyen-Orient de recourir à une citation du Général de Gaulle contenue dans ses Mémoires où il parlait de « voler au-dessus du Levant compliqué avec des idées simples ».
Depuis la qualification de l’ancien chef d’État français, les événements ne lui ont pas donné tort. Ainsi, les crépitements des armes n’ont jamais quitté le Moyen-Orient, surtout dans le conflit israélo-palestinien avec des récits et narratifs qui ont rythmé les journaux télévisés du monde entier pendant plusieurs décennies. Rien n’est donc de nouveau dans cette crise qui valse d’une latence à une permanence de la guerre. Avec l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, quelque chose d’autre s’est passé pour que l’agenda médiatique ou agenda setting ne soit dominé que par cette question, reléguant même au second plan ce qui se passe en Ukraine qui, pendant deux ans, a occupé les opinions publiques des pays occidentaux comme ceux du « Global South ».
Dans la crise israélo-palestinienne, les acteurs et mentors étaient connus. D’un côté Israël avec ses soutiens traditionnels occidentaux et la Palestine avec les rues et palais arabo-musulmans. Mais depuis trois ans, cette zone du Moyen-Orient a connu des bouleversements géopolitiques insoupçonnés et inédits. Les « Accords d’Abraham » signés en 2020 sous l’égide des États-Unis lors du premier mandat de Donald Trump ont permis une normalisation des relations entre Israël et beaucoup de pays arabes comme les Émirats, le Maroc, le Soudan, le Bahreïn. Même le géant et leader du monde arabe, l’Arabie Saoudite, était en pourparlers pour rejoindre ce quatuor donnant ainsi à cette aire géographique l’occasion d’entrer dans une nouvelle ère, avec comme conséquence, la relégation de la question palestinienne.
C’est vrai que les dissensions et contradictions entre palestiniens et surtout l’absence de légitimé et de leadership de ceux qui sont censés porter leurs combats, le Fatah et le Hamas, ont fait que la défense de leur cause s’est détériorée au sein des pays arabes, leurs premiers soutiens. Seul l’Iran, qui n’est pas un pays arabe, est resté le mentor et acteur de premier plan aux côtés des Palestiniens, faisant de leur cause une question nationale et vitale, tant de sa politique intérieure qu’étrangère. Il aura fallu cette action d’éclat du Hamas pour que la cause palestinienne puisse fédérer pour autant les opinions du monde arabe.
Avec ce retour au premier plan de la cause palestinienne, il est à noter que la césure entre l’Occident et le « Global South » se creuse davantage et chaque crise mondiale vient encore renforcer cette cassure entre ces deux parties du monde. La crise palestinienne vient encore montrer que les divergences entre ces deux entités sur fond de différences idéologiques et politiques sont profondes. Comme pour l’Ukraine, le Moyen-Orient est devenu une zone d’exportation des dissensions et différences entre puissances régnantes et d’autres émergentes qui veulent peser davantage sur la gouvernance mondiale.
Introduite dans la zone du Moyen-Orient avec l’accord qu’elle a signé avec l’Iran, la Chine y détient une certaine influence que lui confère sa puissance économique. Les derniers développements avec la chute du régime syrien malgré le soutien affiché et affirmé de la Russie montrent le prolongement de ce qui se passe un peu partout dans le monde avec le jeu d’alliance des puissances. Cette intrusion d’acteurs, nouveaux et anciens, est porteuse d’une nouvelle redéfinition de la carte de cette zone avec l’émergence de deux hommes forts, le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre israélien, qui des deux côtés représentent cette césure qu’il y a dans le monde entre le camp occidental et le « Global South ». Ce qui donnera à cette zone de nouvelles couleurs et une autre ampleur…