Les performances économiques réelles du Sénégal donnent une bonne dynamique de progression de l’Indice d’émergence globale du Sénégal (IEG). Le Bureau de prospective économique qui vient de publier la première évaluation du niveau explique les raisons des performances du Sénégal.
Au niveau de l’IEG, le Sénégal se classe, en 2018, au 66ième rang mondial de l’IEG, sur un échantillon de 103 pays dits en développement, et au 13ième rang au niveau africain. Il occupe la première place en Afrique de l’Ouest, à égalité avec la Côte d’Ivoire. L’indice d’émergence globale (IEG) du Sénégal affiche sur la période récente un rythme de progression continue.
En effet, de 0,34 (sur un total possible de 1) en 2010, la valeur de l’IEG a été estimée à 0,405 en 2015 et à 0,427 en 2018 ; soit une évolution de 22,4% entre 2010 et 2018 et de 5,2% entre 2015 et 2018. L’Indice d’Emergence globale (IEG) a été élaboré par le Bureau de Prospective économique du Sénégal dirigé par l’économiste Moubarak Lô. Ce dernier a été assisté dans le travail par une équipe qui comprend, Amaye Sy, Sambane Yade et Elhadj Tine.
L’Indice d’Emergence Globale (IEG) est une combinaison cohérente de trois indices calculés précédemment par le BPE, à savoir : l’Indice Synthétique d’Emergence Economique (ISEME, dit Indice Moubarack LO), l’Indice Composite des Leviers de l’Emergence Economique (ICLE), et enfin l’Indice de Qualité de Vie (IQV). Ces indices correspondent chacun à la mesure d’une strate de la dynamique d’émergence.
Les principales dimensions qui sont à l’origine de cette évolution favorable sont : la prise en compte du genre dans les politiques économiques avec un score de (0,66 sur 1), le dynamisme de l’économie avec un score de (0,64) caractérisé par une forte progression du PIB réel, la dimension santé-nutrition et protection sociale qui s’affiche avec un score de 0,61, et la dimension « stabilité-efficacité » de l’Etat du Sénégal (score de 0,57).
Le pays obtient de moins bonnes performances dans les dimensions suivantes : environnement durable (score de 0,18), éducation (0,22), innovation (0,29), finance (0,31), transport (0,31), énergie et TIC (0,35) et environnement des affaires (0,37). La poursuite de réformes hardie dans ces dimensions, combinée à la consolidation des acquis, devrait permettre au pays d’atteindre l’objectif d’émergence fixé, au plus tard, à l’horizon 2035.
par Georges Dougueli
MANU DIBANGO, L'AFRICAIN !
« Je ne suis pas un griot car je ne suis pas l’homme d’un pouvoir. Je suis l’homme des hommes sur une terre que je voudrais sans frontières. »
Jeune Afrique |
Georges Dougueli |
Publication 25/03/2020
Le saxophoniste camerounais est mort du coronavirus le 24 mars. Retour sur la vie d’une légende qui se riait des frontières et se sentait chez lui partout sur le continent.
Manu Dibango était consensuel. Certains lui en ont fait le reproche, mais c’était son grand talent. « Il ne s’intéressait pas à la politique du quotidien, clivante, violente. Il a tutoyé les pouvoirs, mais, dans l’absolu, c’était l’homme de l’universel », disait de lui l’écrivain Gaston Kelman, coauteur d’une autobiographie de l’artiste parue en 2013 (Balade en saxo dans les coulisses de ma vie, aux éditions L’Archipel). « Pendant six mois, j’ai enregistré nos entretiens à bâtons rompus et les ai fait retranscrire par ma fille. Mais pendant longtemps je n’ai pas su par quel bout commencer le récit de la vie et des idées de ce géant. »
Gaston Kelman finira quand même par trouver. L’éveil du panafricanisme d’abord : l’écrivain raconte le parcours initiatique du jeune Emmanuel N’Djoké Dibango, débarqué en France en 1949. Il y fréquente d’autres Africains, des Ivoiriens, des Sénégalais, des Togolais, et se souviendra, des années plus tard : « Avec ces premières rencontres va naître en moi un sentiment d’appartenance à une entité supranationale qui ne me quittera plus jamais. Je me demande parfois si je ne me suis pas définitivement installé en France pour continuer à être Africain. »
Césaire, Senghor et Damas
Manu Dibango, déjà, se tient à l’écart de la politique politicienne. Le jeune musicien est pourtant marqué par les travaux des pères de la négritude, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas. Ses accointances avec les milieux américains du jazz lui permettent de découvrir les thèses du sociologue et militant des droits civiques W. E. B. Du Bois, qui l’initient aux questions « diasporiques » noires tout en renforçant son africanité.
« J’étais africain dans mes tripes, dans ma foi, dans mon espérance, dans ma volonté de réussite. J’étais africain envers et contre tout. J’étais profondément africain, par vocation, au sens étymologique du terme. C’était un acte de foi. C’était un appel viscéral, un cri de rage, c’était un chant d’espoir. »
« Manu a toujours estimé qu’il n’était pas un musicien camerounais, mais un Camerounais qui faisait de la musique », explique encore Kelman. En 1961, pour son grand retour sur le continent, Manu ne rentre pas chez lui, mais pose ses valises au Congo (l’actuelle RDC), « le berceau de la musique africaine », sur les pas de son mentor, Joseph Kabasele, dont il dira qu’il lui « a ouvert les portes de la renaissance africaine ».
De capitale en capitale
Le voilà arpentant le continent, promenant sa grande carcasse de capitale en capitale. Les politiques, il les « respecte », apprécie leur amitié, mais ne se risque jamais à prendre parti. « Je ne suis pas un griot car je ne suis pas l’homme d’un pouvoir. Je suis l’homme des hommes sur une terre que je voudrais sans frontières. »
Manu rend visite au frère de Patrice Lumumba alors que ce dernier vient d’être arrêté et tué. Mais, en 1974, deux ans après la sortie de Soul Makossa, qui l’a rendu mondialement célèbre, Manu ne dit pas non à Mobutu lorsque celui-ci l’invite à se produire – avec l’orchestre Fania All Stars – en marge du combat de boxe opposant Mohamed Ali à George Foreman.
Ami de l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, il répond à son appel quand il lui propose la direction de l’orchestre de la radio-télévision nationale. « Je m’étais dit qu’à l’ombre de mon saxo je pouvais participer à la construction d’une réalité culturelle continentale, racontera-t-il plus tard. Je pouvais sillonner l’Afrique comme jadis les peintres, les architectes et les musiciens de la Renaissance ont sillonné l’Europe pour poser les fondements d’une unité culturelle. »
La réalité du continent finit néanmoins par le rattraper. Manu perd ses illusions. « Sournoisement, j’avais la nette impression qu’un certain amour de l’Afrique ne pouvait se développer qu’à l’étranger, où les guéguerres tribales et les oppositions nationales cédaient la place à l’unité raciale. » Ses espoirs furent nombreux et souvent déçus, mais toujours il resta un musicien profondément optimiste et heureux.
DES MÉDECINS PROPOSENT UN CONFINEMENT CIBLÉ
« A partir du moment où il y a une contamination communautaire, il y a une partie que l’on ne maîtrise plus »
Le gouvernement, à travers le ministre de la Santé et de l’Action sociale (Msas), annonce que 86 cas ont été déclarés positifs, dont 8 guéris et 78 encore sous traitement. Parmi ces derniers, il y a des cas issus d’une transmission communautaire avec des risques de propagation du virus dans la population générale qui pourrait aboutir à des ravages physiques et psychologiques. D’où l’appel au confinement ciblé lancé par des médecins qui se disent conscients des conséquences économiques et psychologiques de cette mesure, laquelle, pourtant devrait être imminente dès l’apparition du « cas 0 plus la famille ». Une mesure qui pourrait être une « source de maladie mentale », selon le psychiatre, Dr Souleymane Loucar de l’hôpital régional de Louga. « Et de décès liés aux maladies chroniques », dixit un médecin sous l’anonymat.
L’hôte le plus redoutable au monde est en « visite indésirable » au Sénégal depuis le 02 mars dernier. Il s’agit du virus à corne dénommé covid-19 par l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) et plus connu sous le nom de coronavirus. Qui est en train de dicter sa loi dans tous les pays du monde. A ce jour, le Sénégal compte 79 cas confirmés dont 8 guérisons. Aujourd’hui, 71 personnes sont sous traitement entre Touba, Diamniadio et Dakar. Cinq régions (Dakar, Thiès, Diourbel, Saint Louis et Ziguinchor) sont touchées par des « cas importés », « cas contacts » ou « cas communautaires ». Les autorités sanitaires annoncent la survenue d’autres cas dans les deux semaines à venir. Face à ces cas qui vont crescendo, surtout avec ceux issus de la transmission communautaire, « il y a un risque de propagation dans la population générale », prévient le docteur Boubacar Signaté de SOS médecins. « A partir du moment où il y a une contamination communautaire, il y a une partie que l’on ne maitrise plus », a renchéri son collègue Dr Souleymane Loucar, psychiatre à l’hôpital régional de Louga. Se propos sont également appuyés par le médecin généraliste dans une clinique à Kaolack, Dr Ismaïla Ndour, selon qui « il faut s’attendre à ce que les cas augmentent les jours à venir avec l’apparition de ces cas communautaires. Le nombre de cas officiels est généralement inférieur au nombre de cas réels (proportion importante de patients asymptomatiques surtout les enfants). Chaque personne communautaire a tendance à contaminer 2 à 3 personnes selon les études mais ce résultat doit être adapté aux réalités socio-culturelles. La famille sénégalaise est élargie avec des comportements socio-culturels qui lui sont propres (en parfaite illustration les deux cas importés Touba et Dakar ayant des origines différentes) », a-t-il diagnostiqué. A cause de ces cas communautaires et des réalités socio-culturelles, beaucoup de personnes émettent l’hypothèse du confinement. Qui consiste à se terrer chez soi le temps de rompre la chaine de transmission. Ce, pour éviter au peuple sénégalais de sombrer dans l’étape des ravages neurophysiologiques comme c’est le cas aujourd’hui en Italie et en Chine où on note des milliers de morts.
UN CONFINEMENT REGIONAL PROPOSE
Mais « comme on n’a ni les moyens ni l’autorité, ni le courage de décider d’un confinement à domicile », le docteur Boubacar Signaté de Sos médecins propose un « confinement régional » qui, à l’en croire, peut aider à circonscrire le virus dans une région. « Il faudra concentrer les moyens in-situ pour le combattre, confiner à domicile dans cette région. Ce, en interdisant les déplacements entre les régions pour toute personne qui ne possède pas une autorisation délivrée par l’autorité. Sauf pour le transport de produits essentiels, par, au maximum, deux convoyeurs qui seront contrôlés à l’entrée et à la sortie de chaque région par des agents sanitaires avec screening oral, prise de température et désinfection du véhicule tout en les dotant de masques de protection. Il en est de même pour le personnel sanitaire ».
Si ce mode de confinement ne suffit pas, alors il faudra, dit-il, « décréter l’état d’urgence et procéder très rapidement à un confinement à domicile ». Dr Boubacar Signaté reste convaincu que le confinement aura, à coup sûr, un impact sur l’économie du pays. Selon le Dr Mame Fatou Sy, le confinement est imminent quand l’épidémie atteint la phase 3. Seulement, il se fait par une prescription systématique. « Ça dépend de l’évolution de la situation et de ce qu’en disent les experts en santé publique, en infectiologie, en virologie, en épidémiologie. Ce sont ces spécialistes qui doivent donner l’alerte pour dire à quel moment confiner.
Selon les objectifs et la réalité socio-culturelle, on peut décider un confinement partiel, total ou régional ou du cluster. Si des zones sont identifiées, on peut faire un confinement total de ces zones et des instructions dans les autres zones. Le confinement total aura des conséquences énormes sur des personnes qui dépendent de leur travail pour survivre. Là il faut que l’Etat décide avec les experts avant de penser à un confinement total. Pour voir comment soutenir ces familles-là afin que les gens puissent avoir la nourriture adéquate pour leurs familles. Si l’Etat n’est pas en mesure de le faire, il sera impossible de faire le confinement total », a expliqué le Dr Loucar. Selon lui, le confinement total dans un pays comme le nôtre doit être très bien réfléchi et accompagné de mesures adaptées en fonction de nos sociétés. Par exemple, un soutien financier ou alimentaire des familles que l’Etat finance carrément. Or, ce sera très difficile vu les budgets de notre pays.
De l’avis d’un autre médecin sous l’anonymat, le confinement est une bonne stratégie, mais qui a ses limites comme on a pu le constater en France et en Italie où le nombre de cas continue d’augmenter. « Il est plus efficace dès les premiers cas. Mais ses conséquences économiques et sanitaires sont parfois plus désastreuses que le coronavirus. Parce que d’autres malades vont mourir de leurs pathologies chroniques du fait d’un problème d’accessibilité géographique aux structures sanitaires. Pour le cas spécifique du Sénégal, je préfère un confinement ciblé en fonction des foyers épidémiques, une réduction de la circulation des transports publics, le télétravail pour certaines entreprises et certains métiers dans la fonction publique même si ce n’est pas encore dans notre arsenal juridique », conseille-t-il.
Dr Mame Fatou Sy, selon qui la prise en charge du covid-19 se fait en fonction des réalités du pays infecté, pense qu’un confinement partiel ou régional aurait pu être une bonne option lorsqu’on était à « cas 0 plus famille ». « Mais là avec les communautaires », elle émet des réserves quant à l’efficacité du confinement à ce stade de la maladie. Son collègue médecin généraliste dans une clinique à Kaolack, Dr Ismaila Ndour, soutient que « en matière de lutte contre les épidémies, les autorités publiques et sanitaires ont le choix entre une immunité collective qui consiste à laisser circuler le virus dans la communauté et que secondairement une immunité va se développer, et le confinement qui consiste à rompre la chaine de transmission communautaire par le confinement des populations ».
Le choix de l’une ou de l’autre stratégie, dit-il, dépendra d’un ensemble de paramètres épidémiologiques, culturels, sociaux et économiques. « Il faudra faire un choix très vite. Le confinement est d’autant plus efficace qu’il est appliqué précocement c’est-à-dire dès le début des cas communautaires. En regardant la cartographie de l’épidémie et en intégrant les paramètres socio-économiques, il sera plus judicieux d’appliquer un confinement sélectif, un couvre-feu ou une mise en quarantaine adaptée à chaque localité du pays en fonction de la situation actuelle », préconise Dr Ndour.
A l’en croire, les directives et les orientations actuelles données par les autorités publiques et sanitaires laissent à penser qu’on va vers un confinement associé à un couvre-feu ou une mise en quarantaine de toute une ville. Mais attention, semble dire le psychiatre Dr Loucar, le confinement peut être une source de maladie mentale. « Il peut avoir des conséquences écologiques notamment la nuit qui va s’accentuer, la solitude, l’angoisse peut faire émerger des troubles mentaux. Une situation qui n’était pas habituelle peut faire apparaitre des troubles psychiatriques. C’est difficile pour ceux qui n’avaient pas été investis, normal dans le cadre familial, ou relation intrafamiliale. Beaucoup de choses peuvent ressortir quand on est confiné à la maison. Cela peut être une source de maladie mentale », a-t-il expliqué.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
ALLER AU-DELÀ DE L’ETAT D’URGENCE
Il est insensé d’interdire la circulation des personnes pendant la nuit et l’autoriser le jour où se fait l’essentiel des mouvements des populations. Il est aussi inconcevable que les marchés, les transports (même si le nombre est limité), fonctionnent
Dans le dictionnaire médical, le confinement, c’est l’ensemble des précautions d’isolement prises pour empêcher la dissémination d’une maladie. Et dans le cadre de l’épidémie du Covid-19, ce confinement vise à maintenir les personnes à domicile aux fins de les protéger de tout contact avec le virus. C’est pourquoi, aujourd’hui, face à la propagation rapide du virus, il urge pour le Président d’assortir l’état d’urgence d’une mesure de confinement.
Entre le 2 mars, date de la détection du premier cas de contamination, et aujourd’hui, le Sénégal a enregistré plus de 80 cas de contamination. Dès lors, on remarque que la courbe de contamination ne cesse de prendre l’ascenseur. Si l’on n’y prend pas garde, dans un mois, le nombre de cas de contamination risque d’exploser. Et il ne faut pas se voiler la face. Déjà on entend des cris de triomphalisme de certains naïfs avec ce nombre de cas « minimes » obtenus après 23 jours. Et c’est cela l’erreur ! Aujourd’hui, il faut estimer les cas asymptomatiques, c’est-à-dire non encore déclarés, à des centaines. Notre système de santé défaillant ne dispose pas d’unités de soins pour contenir les malades du covid-19. La seule chose qui peut sauver notre pays d’une catastrophe sanitaire, c’est d’abord l’observance des mesures-barrières qui consistent à se laver bien et régulièrement les mains, tousser dans son coude, utiliser un mouchoir à usage unique, un gel antibactérien et appliquer la mesure de distanciation sociale.
En sus, il faut se conformer aux prescriptions des médecins en évitant tous ces remèdes-miracles distillés à travers les réseaux sociaux. Mais au Sénégal, notre première tare congénitale, c’est l’indiscipline prônée par certains illuminés qui nient encore l’existence du virus et par des chefs religieux qui défient l’Etat en organisant des rassemblements au niveau des lieux de culte.
Des mesures qui ralentissent le fléau, mais ne l’endiguent pas
En tout cas, devant les rapports quotidiens alarmistes du Comité national de gestion de l’épidémie (CNGE), le Président de la République a pris des décisions allant dans le sens de combattre ce fléau qui progresse à la vitesse d’un feu de brousse. Ainsi, les premières mesures ont été prises par le chef de l’Etat pour freiner la propagation du coronavirus.
Après la fermeture des établissements scolaires et universitaires jusqu’à nouvel ordre annoncée le 10 avril, l’interdiction des rassemblements publics, le Sénégal a fermé son espace aérien à tous les pays. Des mesures qui ont ralenti le risque de propagation du virus mais ne l’ont pas endigué. C’est pourquoi, le chef de l’Etat a décrété avant-hier l’état d’urgence en vertu de l’article 69 de la Constitution et de la loi 69-29 du 29 avril 1969. Cet état d’urgence est d’ordre sanitaire. Il autorise le chef de l’Etat à prendre, par ordonnances, une série de mesures exceptionnelles pour endiguer l’épidémie du Covid-19 qui met en péril la santé de la population. C’est ainsi qu’indépendamment des mesures de liberté restrictives prises, un couvre-feu a été instauré de 20h à 6h du matin sur l’ensemble du territoire national. Si le président Macky Sall a décrété cet état d’urgence sanitaire, c’est pour aller en guerre contre ce virus qui ne met pas d’identité nationale sur le visage de ses victimes.
Et aller en guerre contre le Covid-19, c’est aller inévitablement vers le confinement partiel ou général. Certains médecins n’ont pas compris pourquoi le Président n’a pas pris cette mesure douloureuse mais salutaire que tout le monde attendait. Il est insensé d’interdire la circulation des personnes pendant la nuit et l’autoriser le jour où se fait l’essentiel des mouvements des populations. Il est aussi inconcevable que les marchés, les bus, les cars rapides (même si le nombre est très limité), lieux par excellence de transmission rapide du virus, fonctionnent à ce jour. Il est incompréhensible que les boulangeries, qui ont pris la place des boutiques dans la vente du pain, deviennent des foyers de contamination avec les longues files d’acheteurs. On ne gouverne pas un pays avec des demi-mesures. Aujourd’hui, plusieurs médecins du CNGE, même s’ils ne le disent pas publiquement, optent pour un plan de confinement qui casserait tôt ou tard la chaine de transmission. Certains Sénégalais chevillés à leurs mauvaises habitudes ou à leurs croyances désuètes soutiennent que le Sénégal a ses réalités socio-culturelles de sorte qu’un tel plan ne serait pas opérationnel. Donc que faire ?
Laisser le nombre de cas exploser et mettre nos soignants dans une situation inextricable parce que ne pouvant plus contenir le nombre de malades ? Surtout que notre pays ne dispose pas d’infrastructures sanitaires, ni de logistique adéquate encore moins un personnel médical et paramédical suffisant pouvant s’occuper d’un certain nombre de sujets contaminés. Aujourd’hui 1,3 milliard de personnes dans le monde sont placées en confinement. Serions-nous des bénis de Dieu au point que nous devrions nous singulariser des autres ? Le virus passera par ces réalités socio-culturelles atypiques pour détruire ce pays si nous continuons à laisser les mouvements diurnes des populations propager le virus.
La voie tracée par les dirigeants chinois et sud-coréens
Les dirigeants chinois et sud-coréens n’ont pas mis de temps pour placer leurs populations dans un confinement total ou partiel. Aujourd’hui, les résultats obtenus dans ces pays sont probants après deux mois et demi. Si l’Italie, épicentre actuel du coronavirus, peine à enrayer la courbe de contagion, c’est parce que 40 % de sa population continuent à se déplacer et toute indiscipline. Le métro de Milan, le matin, est encore plein. Au Sénégal, on constate déjà un auto confinement avec la réduction de certains mouvements des populations. Mais cela ne saurait être opérationnel que si c’est officiel.
Naturellement, placer le Sénégal en état de confinement doit être accompagné par des mesures d’accompagnement économiques et sociales. Aujourd’hui, à l’instar de plusieurs pays, le Sénégal vit une situation exceptionnelle, donc il faut des mesures exceptionnelles. Et la première mesure exceptionnelle est l’instauration d’un plan de confinement général ou partiel même si cela doit durer douloureusement plusieurs semaines. Ainsi pour mettre en plan d’urgence sanitaire assorti d’un confinement total ou partiel, le Président doit prendre nécessairement des mesures sociales et économiques exceptionnelles d’un coût de plusieurs milliards pour protéger les Sénégalais et préserver l’économie du pays.
La force Covid-19 dotée d’une enveloppe de 1000 milliards répond à ce besoin voire cette exigence. Il s’agit de ne laisser aucun Sénégalais dans le besoin ou sans soutien dans cette situation, de préserver les entreprises économiques et de protéger les salariés et les non-salariés. Et par rapport aux modalités d’un éventuel confinement, les Sénégalais doivent rester enfermés chez eux et n’en sortir que pour une impérieuse nécessité (approvisionnement en aliments, achat de médicaments ou pour des soins). Une dérogation sera consentie aux travailleurs dans des secteurs indispensables tels que la sécurité, la santé, l’alimentation, l’électricité, l’eau, les banques notamment. En sus, le remboursement des crédits bancaires doit être reporté pour ceux dont le revenu ne dépasse pas une certaine somme par mois.
L’électricité, l’eau et le téléphone ne doivent pas être coupés, même en cas de factures impayées si l’Etat ne peut pas les prendre en charge. Un montant de 50 milliards va être octroyé aux personnes les plus vulnérables. Pour cela, le gouvernement peut s’appuyer sur la cartographie des ménages pauvres bénéficiant des bourses familiales pour procéder à des fonds de soutien. Parallèlement, des mesures de soutien à la trésorerie des entreprises doivent être mises en place comme le report des mensualités des crédits, du paiement des impôts à partir du 1er avril, mais aussi des charges sociales et des taxes.
Toutefois, la machine de production ne doit pas être totalement à l’arrêt notamment certains secteurs du transport urbain assurant surtout la mobilité du personnel soignant, des services de sécurité ou de certains travailleurs dans le secteur de la production alimentaire. Aujourd’hui, la situation exceptionnelle alarmante exige des mesures fortes exceptionnelles et drastiques. Certes, des personnes démunies en souffriront plus que d’autres mais il faut rester stoïques parce qu’on s’achemine vers des lendemains difficiles.
Si des puissances économiques comme la Chine, la Corée du Sud, l’Italie, la France, l’Allemagne, et les Etats-Unis n’ont pas échappé aux conséquences désastreuses économiques et humaines du Covid-19, des pays pauvres comme le nôtre sont exposés à subir la même ou pire situation si nous ne prenons pas à temps des dispositions idoines qui minoreraient les répercussions de cette maladie progressant à la vitesse d’un feu de paille. Une fin douloureuse vaut mille fois qu’une douleur sans fin.
LE KHALIFE INTERDIT LES PRIÈRES EN PUBLIC
Fini les rassemblements pour la prière dans la capitale du Mouridisme. C’est le guide spirituel de la communauté mouride, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, qui a pris cette décision ce mardi, depuis sa résidence de Touba Darou Tanzil.
Fini les rassemblements pour la prière dans la capitale du Mouridisme. C’est le guide spirituel de la communauté mouride, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, qui a pris cette décision ce mardi, depuis sa résidence de Touba Darou Tanzil. Une décision que le Khalife général des Mourides a motivé par sa volonté de faire respecter les mesures prises par le Président Macky Sall pour stopper la propagation du Covid-19.
Désormais, il n’y aura plus de grands rassemblements à Touba pour les prières comme ce fut le cas vendredi dernier où malgré l’interdiction des autorités étatiques et sanitaires, l’ancien Premier Ministre, Mohammad Boun Abdallah Dionne, était allé prier à la grande mosquée de Touba aux côtés du Khalife général des Mourides. C’est dans l’après-midi de ce mardi que le khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, a donné ce «Ndigël» aux fidèles.
Dans une brève déclaration qu’il a faite depuis sa résidence privée de Touba Darou Tanzil où il effectue une retraite spirituelle, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké s’est adressé à la communauté mouride, comme pour donner explicitement sa position sur la déclaration faite par le Président Macky Sall décrétant l’état d’urgence. Le khalife qui a instruit les muezzins à continuer à appeler à la prière dans toutes les mosquées, a par contre donné «Ndigël» aux disciples de rester chez eux pour prier, à défaut de prier là où ils se trouvent à l’heure de la prière.
Pour la grande mosquée de Touba, seuls ceux qui y sont pour remplir les tâches qui leur sont assignées peuvent y prier. La même mesure est valable pour tous ceux qui sont chargés d’effectuer des travaux et autres tâches dans les autres mosquées et lieux de culte se trouvant dans le périmètre de la cité de Cheikh Ahmadou Bamba. Ainsi, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké qui appuie les directives du Chef de l’Exécutif sénégalais, appelle les fidèles à s’y conformer.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
PENSER LE DON
EXCLUSIF SENEPLUS - Le don dans son expression politique a permis au Sénégal de faire ressortir des aspects empoisonnés - L’acte de donner ne libère pas l’individu, mais le lie à sa hiérarchie, qu’elle soit familiale ou spirituelle - INVENTAIRE DES IDOLES
Les dons, au sens très large, forment une question anthropologique fondamentale pour appréhender les crises, mais au-delà, la question de ce que nous doit l’Etat, et ce que nous devons aux autres. Au Sénégal, ils font partie de toute une architecture des échanges, au fondement même de la société et des interactions. Cependant, leur caractère sacré, le grand attachement des individus aux valeurs qui les commandent, peinent à se traduire dans une politique du soin réelle à l’échelle politique et sociale. Retour sur une dichotomie entre l’énoncé et le factuel, les valeurs et leurs expressions réelles.
Les dons, dans leurs formes variées, structurent la société sénégalaise à différents étages. Visibles ou souterrains, ils font partie du pacte social, traversent l’Histoire, pérennisent les acquis familiaux, solidifient le lien communautaire, comme des repères, autour desquels s’articulent les flux matériels et immatériels entre individus et groupes. Pas beaucoup de sphères où ils ne sont présents, n’en régissent les échanges, comme nœuds des interactions sociales, avec des significations sacrées qui s’inscrivent au cœur même des représentations et des héritages culturels. Dans son fondateur Essaisur le don, l’anthropologue français Marcel Mauss avait donné à voir toute une grammaire du don, des échanges, leurs symboles et leurs sens, mais plus encore, il avait spécifié la relation entre donner, recevoir et rendre, une obligation contractuelle non formelle, comme un pilier des sociétés amérindiennes qu’il avait étudiées. Impulsion presque naturelle et universelle, l’invitation à donner, et à rendre, prend racine dans toutes les sociétés, avec souvent du reste, des pénétrations religieuses ou spirituelles qui se complètent assez bien, à travers des notions comme la charité, le soin, le partage, l’empathie, la réciprocité… Depuis, le paradigme du don comme on l’appelle, est resté symbole de la primauté du sens sur les quantifications utilitaristes ; objet de discussions, parfois rudes, entre plusieurs chapelles des sciences sociales.
En observant au Sénégal comment ils se déploient, on comprend que les dons ne dérogent pas tellement de ce que l’on voit ailleurs, consigné par l’historiographie de Mauss : ils sont indissociables de la pratique sociale ; ils résistent aux subversions, s’adaptent à la modernité, et indiquent la hiérarchie des attachements, moraux, affectifs, identitaires, des groupes et des personnes… Seulement, il existe plusieurs échelles de dons, les dons dits ici génériques, – historiques et symboliques, dissouts dans les habitudes quotidiennes ou circonstanciées – et des dons plus techniques – plus récents, incarnés par l’Etat et son service public. Le déficit d’accord, de concordance, entre les deux, pourrait aider à comprendre comment des valeurs dérivées du don, comme la Téranga, l’hospitalité, la solidarité mécanique, pourtant revendiquées aussi par l’Etat, n’arrivent à être incarnées de façon efficiente par lui. Etat qui, à bien des égards, contribue à les vider de leur sens. La société vit à contretemps avec l’Etat, et des sens pourtant convergents, se retrouvent parfois en conflits.
Eventail et importance des dons
Le Petit Robert définit le don comme « ce qu’on abandonne à quelqu’un sans rien recevoir de lui en retour ». Cette définition simple et rapide, ne rend pas compte de tout un univers du don, où la contrainte, la gratuité, la dette, entre autres, sont toujours en débat. Quelles que soient les orientations que l’on prend, au Sénégal donner est un langage social. Les dons s’expriment à plusieurs occasions : les mariages, les baptêmes, les deuils, l’aumône, les fêtes religieuses, les occasions spéciales non spécifiées, les transferts d’argents des immigrés, les dons de bienfaisance variés, les charités diverses, la Zakat, les Adiya (don mouride), la dot, les dons au pauvres, la force active dans la mendicité. La liste est longue si on comptabilise les transactions propres à chaque communauté ou ethnie, dans la discrétion de leur coutume. Ils sont aussi le fait de banques traditionnelles, de tontines, de prêts informels, de traditions d’accueil, d’offrandes, de présents offerts. A ces formes matérielles codifiées, s’ajoutent d’autres plus inévaluables, comme le don de vie, de temps, le sacrifice, le don de savoir, d’idées, de soins, moins faciles à quantifier. Religieux ou culturels, structurels ou conjoncturels, matériels ou immatériels, quand on explore les galeries du don, on visualise une somme importante des interactions, et leur incidence directe, à la fois comme éléments économiques de poids mais aussi comment agent de fluidification des échanges sociaux. Ces dons appellent, bien sûr, si l’on suit le schéma de Mauss, une dette, une obligation de rendre. Des notions structurantes comme le Aq (préjudice), ou le Bor (dette), dans la pluralité de leur sens, viennent sophistiquer ces notions. Il y a un réflexe naturel de la solidarité qui a d’ailleurs souvent été perçue par certains chercheurs, comme des voies à explorer, alternatives possibles au règne du libéralisme. Dans un remarquable article, paru en 2003, sur le Derem ak le Ngerem, éloge de la gratitude et de l’économie sociale, deux chercheurs sénégalais Abdou Salam Fall et Cheikh Guèye, ont fouillé dans cette galerie des rapports sociaux, base d’une économie relationnelle, économique et solidaire, qui puise à la fois dans les adhésions spirituelles et des valeurs sacrées. Dans cette configuration, les lignes tendent à disparaître, entre le formel et l’informel, car bien souvent, les deux sphères s’imbriquent, communiquent, sans cloisons étanches. L’économie reste, sans recourir à une catégorisation de particularisation figée, une économie du lien, ou la valeur marchande est moins importante que la valeur symbolique et le sens. Il y a, à bien y regarder, un véritable corpus de valeurs, un contexte et une perspective historiques, favorables, à l’expression, endogène et universelle, d’une politique du soin. Valeurs à ajouter du reste à de nombreuses sagesses populaires et philosophiques, qui font des sociétés – toutes – de vrais laboratoires anté-capitalisme.
Comment expliquer alors, dans une société où le don tient une place si importante – même s’il faut ne point l’idéaliser, car il reste bien, aussi, un instrument potentiellement pernicieux de domination – qu’on n’en tire pas meilleur produit, qu’on n’en fasse pas meilleur usage, au-delà des seules sphères intimes, familiales, communautaires ou privées ? Comment, expliquer, compte tenu de la sacralisation des liens, des notions de gratitude, de solidarité, de présence affective, que tous ces acquis n’entrent pas - ou pas suffisamment du moins - en jeu, pour solutionner des problèmes d’exclusions, de violence sociale, d’abandon ? Si une des réponses tient au fait que l’Etat, comme levier institutionnel, reste mal pensé, une autre est dans l’existence d’une forme, assez contradictoire, de dons égoïstes. Les dons restent en effet indissociables des réseaux privés, et n’ont pas une expression publique, trans-partisane, transcendantale. Donner se fait dans des cadres établis, des circuits familiaux, avec souvent la notion minorée de la contrainte et de l’obligation, mais ils peinent à être des dons collectifs, pour éprouver un sens moins primaire. Chaque communauté semble uniquement se devoir à elle-même, et dans cette relation privilégiée, elle fait de tout un pays, face aux dons, un ensemble de blocs qui cohabitent. De la solidarité primaire à la solidarité orchestrée, le rôle d’un Etat régulateur, et rassembleur, aurait pu avoir un réel impact, dans la création d’un référentiel commun. C’est, semble-t-il, cette étape, qui a été négligée. Ce qui explique en partie le déficit d’altruisme. Les valeurs restent associées au récit historique et traditionnel, pas repensées dans une optique politique réelle.
Ce que nous doit l’Etat et ce que nous lui devons
Dans ce que nous doit l’Etat, il n’y a pas uniquement les droits tels que libellés par des textes fondateurs, comme droits de l’Homme, du citoyen et de l’individu. Le don dans son expression politique a permis, au Sénégal de faire ressortir des aspects empoisonnés du don. Par exemple, le don de domination (agonistique), la transformation du droit des populations en dons des politiques offerts et célébrés comme tels, pour des hommes politiques qui en tirent un mérite indu. La théâtralisation des actes de bienfaisance, leur mise en scène, créent les conditions d’une possible humiliation. Toute la violence qui peut être inhérente au don, en créant une asymétrie entre celui qui donne et celui qui reçoit, rejaillit plus nettement dans le cadre politique, dans la mesure où il fait des obligés. Cette verticalité est, à peu de choses près, observable dans les champs religieux. Cette dépendance, que nous avions évoqué ici même, renforce l’état d’une société de subordination, l’acte de donner ne libère pas l’individu, mais le lie à sa hiérarchie, qu’elle soit familiale ou spirituelle.
S’il est une sphère, où le manque est plus criant, c’est celle du service public. A l’hôpital, dans les forces dépositaires du maintien de l’ordre public, une culture d’un Etat au service des citoyens, avec l’assimilation de la mission par ses serviteurs, est un véritable creux…L’absence partielle de la notion de responsabilité, exonère l’Etat, par extension, la société, et même les individus, à remplir leur obligation. Sortir le don du seul cadre de fait social naturel, pour en faire une politique de l’Autre, pourrait permettre aux sociétés africaines plus largement de concilier des dynamiques endogènes à des acquis universels. Pour orchestrer, l’Etat a un laboratoire formidable dans la gestion de ce devoir qui lui incombe, qui n’est pas seulement tributaire de la question des moyens, mais d’abord que la quête de sens.
Ne pas invoquer l’Histoire, l’écrire
Penser le rôle de l’Etat, au-delà de la seule nécessité de l’adapter à des réalités locales, bien souvent très communes, est un chantier philosophique important, qui n’a cessé d’être au cœur des réflexions politiques et intellectuelles. Mais l’urgence est nouvelle. Il ne s’agit pas seulement, comme à chaque période de crise, de se gargariser de nouvelles résolutions, caduques dès l’accalmie, mais de penser sur le long terme. Les meilleures pensées sont celles qui ne se pensent pas à la hâte mais celles qui envisagent l’advenue des temps troubles. En période de crise, le don apparaît dans son sens et son paradigme, comme la dernière digue, parce que ce qui le fonde, est un « roc » bien plus solide que les aléas conjoncturels.
Très souvent, dans une bienveillance parfois machinale, potentiellement condescendante, beaucoup de recherches, ont vu dans les sociétés africaines, avec leurs résiliences, leur informel, les valeurs inaliénées, des réservoirs pour les alternatives de demain. S’il y a du vrai dans cette logique - et même pourrait-on l’étendre à toutes les sociétés, les unes n’étant pas plus légitimes que les autres - il reste à véritablement penser ces valeurs. Ne pas uniquement les énoncer, mais leur rendre un vrai service, en célébrant leurs vertus, et en chassant ce qui est potentiellement nuisible en elles. Ce travail de fouille minutieuse dans l’offre des valeurs, dont le don, est une tâche majeure, car il est assez curieux qu’une société qui crée – théoriquement - autant de liens, soit aussi celle où la souffrance est si vive. Pour éviter la surévaluation ou la sous-évaluation des valeurs africaines que l’on sollicite très souvent sans rendre intelligibles leur contenu, il y a un travail à faire, inlassable de pédagogie, sans angélisme, de redécouverte perpétuelle et d’enrichissement. Tache qu’il nous revient : continuer à écrire l’Histoire comme une donnée continue, pas une donnée fossile. De tous les périls que l’on nous annonce, il y a un optimisme invincible, il y a une société à construire et un Etat à réinventer, riche de tous les échecs de la modernité, qui ne la disqualifient pas pour autant. Cesser en gros d’invoquer l’Histoire, mais seulement l’écrire. Il y a dans l’environnement du don, comme philosophie de l’existence, une matière et des recettes. C’est le sens de la conclusion de Abdou Salam Fall et Cheikh Guèye dans leur article : « L’économie sociale est ainsi le creuset de la construction d’un nouveau projet de société, à supposer qu’elle ne s’inscrive pas dans un projet de société déjà existant. » C’est un appel à créer les ressources, à ne pas attendre de l’Histoire, qu’elle nous serve sur un plateau
Face à la crise économique mondiale provoquée par la pandémie de coronavirus, Dominique Strauss-Kahn appelle à construire une réponse planétaire coordonnée qui n’oublie pas le continent africain, dont les économies sont déjà fragiles.
Après une carrière politique l'ayant conduit au ministère français de l'Économie et à la direction du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn conseille aujourd'hui certains chefs d’État africains en matière de finances publiques et dans leurs négociations avec le FMI.
Face à la crise économique mondiale provoquée par la pandémie de coronavirus, l’ancien directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn appelle à construire une réponse planétaire coordonnée qui n’oublie pas le continent africain, dont les économies sont déjà fragiles.
Au 22 mars, un millier de cas d’infection par le coronavirus « seulement » étaient détectés dans plus de 40 pays d’Afrique. Ce chiffre semble évidemment assez faible.
Mais qu’il s’agisse d’un décalage dans la diffusion du virus ou d’une faiblesse du recensement, il est illusoire de croire que l’Afrique restera durablement à l’abri.
Or la plupart des pays africains sont bien mal équipés pour répondre à une telle pandémie. C’est le sens de la récente mise en garde de l’OMS suggérant que l’Afrique doit « se préparer au pire ».
En 2016, l’indice de vulnérabilité aux épidémies de la Rand Corporation situait en Afrique 22 des 25 pays les plus vulnérables. Si l’on prend comme indicateur, très imparfait il est vrai, l’épidémie d’Ebola en 2016, on mesure combien la tension exercée par ces épidémies sur un système de santé fragile peut être désastreuse.
Au Liberia, près d’un dixième des personnels de santé décédèrent en raison de leur exposition au virus et dans la Guinée voisine le nombre de consultations médicales fut divisé par deux au premier semestre 2014 en raison de la pénurie de moyens médicaux accaparés par la lutte contre le virus. En conséquence, la mortalité générale a fortement augmenté et l’espérance de vie a chuté de plusieurs années.
Changement climatique et poids de la dette
Or, l’épidémie frappe le continent africain à un moment où il est particulièrement vulnérable. Il y a à cela plusieurs raisons.
La première est liée à l’incapacité collective des pays industrialisés à combattre le changement climatique. En Afrique, 2019 a été une année catastrophique, plusieurs désastres naturels ont frappé le continent : la Zambie et le Zimbabwe ont connu la pire sécheresse depuis 1981 ; les cyclones Idai et Kenneth ont dévasté des régions entières notamment au Mozambique ; des invasions de criquets ont ravagé les récoltes d’Afrique de l’Est menaçant 20 millions de personnes de pénurie alimentaire.
La seconde raison, plus structurelle, tient à des situations budgétaires très tendues qui limitent les capacités de réponse à la crise. Globalement, le ratio dette/PIB des économies subsahariennes est passé de 30% en 2012 à 95% fin 2019.
Ceci est aggravé par l’accroissement de la part des emprunts commerciaux dans l’endettement total : depuis 2009, les gouvernements africains ont émis plus de 130 milliards de dollars d’Eurobonds dont plus de 70 entre 2017 et 2019. Ce sont des emprunts couteux : le service de la dette est passé de 17,4% des exportations en 2013 à 32,4% en 2019.
Aujourd’hui, 18 pays africains à bas revenus sont en crise d’endettement ou en grand risque de crise. Parce que l’Afrique est particulièrement vulnérable, les conséquences économiques du Covid-19 risquent d’y être encore plus dévastatrices qu’ailleurs.
Choc pétrolier et fuite des capitaux
Pour les pays producteurs de pétrole dont certains se relèvent à peine de l’effondrement des cours de 2014-2016, le choc peut être dramatique.
La semaine dernière le prix du pétrole a connu sa plus grande chute depuis la guerre du Golfe en 1991. Mercredi, le cours est tombé sous 25 dollars le baril contre 70, le 6 janvier. Les recettes budgétaires attendues par ces pays s’effondrent rendant insoutenable leur dette publique.
Pour les pays dont la production est plus diversifiée, la situation n’est pas meilleure. En janvier et février, les importations totales de la Chine n’ont baissé que de 4%, mais le chiffre monte à 20% pour celles qui viennent d’Afrique.
La chute des recettes touristiques frappe durement nombre d’économies : au Cap Vert, le tourisme représente 44% du PIB et 39% de l’emploi.
«EN UN MOIS, LA FUITE DES CAPITAUX DANS LES PAYS ÉMERGENTS REPRÉSENTE PRÈS DE 50 MILLIARDS DE DOLLARS »
Ceci a conduit, le 13 mars, la Commission économique de l’Union africaine à réviser sa prévision de croissance pour 2020 de 3,2% à 1,8% alors que la croissance démographique est de 2,7% par an.
Toutefois, il est à craindre qu’il ne s’agisse là d’une prévision encore trop optimiste. Dans les semaines qui viennent, les flux de capitaux quittant l’Afrique vont atteindre des sommets jusqu’alors inconnus. Au cours des quatre dernières semaines la fuite des capitaux dans les pays émergents représente près de 50 milliards de dollars.
La crise sanitaire aura des répercussions terribles sur le plan économique. Dans de nombreux pays du continent, une diminution du PIB par habitant est à attendre, un endettement insoutenable rendra l’exécution des budgets impossible, le paiement des traitements des fonctionnaires sera fortement réduit et les services publics seront durement touchés, aux premiers rangs desquels, l’éducation et la santé.
La profonde crise économique dans nombre de pays africains, entraînant une forte dégradation des conditions de vie et l’effondrement des systèmes sanitaires nationaux, seront autant d’éléments qui accroîtront la pression migratoire vers l’Europe : ce ne sont plus des dizaines de milliers de migrants qui tenteront de rejoindre l’Europe, mais des centaines voire des millions.
Ne peut pas laisser l’Afrique de côté
La riposte économique est déjà engagée de Pékin à Washington. Aux États-Unis, le Congrès s’apprête à dépenser 1 300 milliards de dollars pour soutenir son économie. L’Allemagne et la Chine ont respectivement promis de débloquer 600 et 400 milliards de dollars de stimulus. Cet effort ne peut pas laisser l’Afrique de côté.
Face à l’ampleur de la crise prévisible, une mesure au moins aussi ambitieuse que le programme Pays Pauvres Très Endettés de 2005 doit être mise en œuvre rapidement et conduire à une annulation massive de la dette des pays les plus pauvres.
Depuis la mise en œuvre de ce programme doublée en 2009 par les prêts à taux zéro du FMI, la croissance africaine a été forte, de l’ordre de 5% en moyenne malgré la crise pétrolière de 2014.
«UN PROGRAMME D’ALLÈGEMENT DES DETTES DOIT PERMETTRE À CES ÉCONOMIES DE NE PAS SOMBRER »
Le FMI vient de dégager un montant de $50 milliards avec seulement 10 milliards accessibles aux pays les plus fragiles. D’une part, c’est malheureusement loin du compte. Mais, d’autre part, ces mécanismes ne fonctionnent que si la dette est jugée soutenable, or justement pour de nombreux pays ce ne sera pas le cas.
C’est pourquoi un programme d’allègement des dettes – rendu plus difficile en raison de l’importance prise par les dettes commerciales – doit permettre à ces économies de ne pas sombrer à moyen terme.
À plus court terme, la communauté internationale doit envisager une émission massive de DTS, comme cela a été le cas en 2009.
Au niveau mondial, la riposte suppose une coordination planétaire analogue à celle qui a permis de surmonter la crise des subprimes et des décisions collectives de soutien économique doivent être prises comme cela a été le cas avec succès lors du G20 de Londres en avril 2009.
Même si la coopération économique multilatérale n’est pas au goût du jour depuis 2016, elle est plus que jamais indispensable.
L’Europe doit jouer un rôle particulier
«POUR LES EUROPÉENS, TOURNER LE DOS À L’AFRIQUE MARQUERAIT UN RECUL CONSIDÉRABLE DANS LA COOPÉRATION ENTRE LES DEUX CONTINENTS »
Pour l’Afrique, il faudra réunir autour d’un même compromis les leaders du continent, divers créanciers privés, les banques régionales, les institutions de Bretton Woods, le Club de Paris, la Chine et les philanthropes qui ont déjà appelé à créer des fonds dédiés à l’Afrique comme Jack Ma ou Mohamed Bouamatou.
La population subsaharienne devrait augmenter d’un milliard d’individus d’ici 2050. La communauté internationale ne peut pas laisser le coronavirus, les égoïsmes nationaux et les guerres commerciales entre les puissants faire dérailler la croissance du continent. Le risque serait alors que la pauvreté et ses conséquences en termes de malnutrition, de santé et d’instabilité sociale soient à l’origine de plus de sinistres que le virus lui-même. Une crise planétaire requiert une réponse planétaire.
Mais s’agissant de l’Afrique, l’Europe doit jouer un rôle particulier. Pour les Européens, tourner le dos à l’Afrique serait une tragédie humanitaire et marquerait un recul considérable dans la coopération entre les deux continents notamment sur les questions migratoires et la lutte contre le terrorisme.
(jeuneafrique.com)
par Abdoul Mbaye
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Il est possible d’introduire dans de nombreuses familles des moyens supplémentaires en remettant à leur disposition les économies qui seront créées par l’importante baisse du prix du pétrole ; cela peut être obtenu en réduisant celui de l’électricité
Je viens d’apprendre par la presse que je devrais me rendre au Palais de la République jeudi 26 mars à 11 h afin d’y être reçu par vous-mêmes à l’effet d’échanger sur la situation actuelle caractérisée par la pandémie du Covid-19 qui s’est également installée au Sénégal.
Cette information n’ayant pas été précédée d’une invitation de vos services, je retiens bien évidemment qu’il ne peut que s’agir d’une erreur de journalistes.
Néanmoins, au regard du contexte très particulier vécu par notre pays et aux souffrances à venir de nos concitoyens, je tiens à vous adresser le présent courrier qui me permettra de vous faire part de quelques remarques et suggestions ayant du reste déjà fait l’objet de publications de ma part. Elles ont ainsi pu vous être accessibles, et quelques-unes d’entre elles, ensuite prises sous votre autorité, ont déjà motivé des félicitations que je vous ai publiquement adressées pour la première fois depuis l’an 2012.
Dès lors, le présent courrier ne fera qu’insister sur des mesures qui pourraient être complémentaires à celles que vous avez déjà prises et allant toutes dans la bonne direction.
La restriction des rassemblements et déplacements ne peut qu’aller crescendo. Plus le rythme des mesures l’organisant sera élevé, plus la lutte contre l’épidémie se révèlera efficace.
Les mesures de confinement auront de graves conséquences sur l’économie informelle, précaire et journalière ; dans les villes mais aussi dans les campagnes où la réalité des productions agricoles est largement inférieure aux statistiques officielles. La grande majorité de la population sera sévèrement touchée. Il est donc essentiel de leur apporter une aide spécifique consistant à mettre à disposition dans les foyers les plus démunis et les plus exposés à la lourde crise économique qui s’abattra sur notre pays des moyens de se nourrir. Cela nécessite l’organisation d’une chaîne logistique et de solidarité n’existant pas à ce jour mais qu’il faut créer dans l’urgence.
Tous les Sénégalais seront affectés. Il est aujourd’hui possible d’introduire dans de nombreuses familles des moyens supplémentaires en remettant à leur disposition les économies qui seront créées par l’importante baisse du prix du pétrole ; cela peut être obtenu en réduisant celui de l’électricité à un niveau inférieur à celui d’avant décembre 2019.
Le grand dénuement des hôpitaux sénégalais ne permet pas la prise en charge de malades affluant en grand nombre, et en particulier de ceux nécessitant le recours à une assistance respiratoire. La Chine, pays ami du Sénégal, doit être mise à contribution pour livrer au Sénégal des respirateurs artificiels permettant d’équiper de nouveaux hôpitaux de campagne (déjà réalisés ou à monter) et des masques en grand nombre pour la protection du personnel soignant avant toute chose.
S’il est encore possible de disposer du bateau hôpital Mercy Ship, il convient de tout faire pour l’avoir à quai et profiter de ses nombreux lits et de son plateau médical de très grande qualité.
Le personnel soignant pouvant s’avérer insuffisant, celui déjà admis à la retraite devrait commencer à être identifié afin de pouvoir être rappelé en cas de nécessité. Le recours à l’assistance de médecins cubains devrait également pouvoir être envisagé et préparé.
Un protocole reposant sur l’administration de chloroquine obtient déjà des résultats encourageants en France après la Chine. Le Sénégal fut producteur de ce médicament par la SIPOA. Il est important de retrouver et réunir toutes les compétences pour en reprendre la production en grande quantité non seulement pour le Sénégal mais également les pays voisins du nôtre.
De très nombreuses entreprises, très petites, petites, moyennes ou grandes, souffriront de la crise économique qui s’installe et sera des plus sévères. Les ressources pour les aider auraient déjà été identifiées. Il est plus qu’urgent de définir en toute transparence les procédures par lesquelles l’accès à ces ressources sera possible et organisé. Cette aide doit privilégier la prise en charge totale ou partielle des revenus des personnels travailleurs.
D’énormes ressources seront brassées dans le cadre de procédures d’exception. Veillez à leur correct usage et, dans une attitude nouvelle, punissez avec toute la sévérité requise ceux qui seraient tentés d’en détourner des montants à leur profit propre ou à d’autres fins.
Nos compatriotes de la diaspora, dans les pays où ils se trouvent, sont également concernés par la pandémie. Tous nos consulats et ambassades doivent recevoir des consignes très fermes à se montrer très attentifs à leur sort. En particulier ceux qui pourraient être malheureusement atteints par le mal devront sentir le réconfort apporté par l’ensemble de la nation à travers l’attention que leur portera le représentant de leur pays.
J’ose espérer que les lignes qui précédent pourront vous être utiles, et bien davantage que ne l’aurait été un entretien protocolaire et médiatisé de quelques minutes.
Je me permettrais d’ailleurs en dernier lieu de vous conseiller de consacrer une part de votre précieux temps d’audience à recevoir parmi les nombreux leaders sociaux que compte notre pays, ceux qui, à ce jour, ne seraient pas encore convaincus que les mesures de confinement, aujourd’hui partiel et sans doute demain total, sont les meilleurs moyens de lutte contre le Covid-19.
Au-delà d’eux, une campagne de communication bien pensée et prise en charge doit emporter également la conviction de l’ensemble de notre peuple. En effet, si décréter l’état d’urgence fut une bonne décision, les comportements individuels barrière restent malgré tout le meilleur rempart contre le Covid-19.
Soyez assuré que, plaçant l’intérêt de ma patrie avant toute autre chose et notamment toute considération politicienne, je resterai disponible pour donner tout conseil qui pourrait être utile à la lutte engagée dans notre pays contre le Covid-19.
Veuillez agréer, monsieur le président, l’expression de ma considération citoyenne.
Que Dieu (swt) sauve le Sénégal et l’humanité !
par Jean Pierre Corréa
RÉDEMPTION
Le président Macky Sall lundi soir était au diapason de l’inquiétude suscitée par ce virus qui s’impose à tous. C’est le visage marqué, qu’il a prononcé cette sentence définitive à destination des sénégalais : « l’heure est grave »
Nuire au mal et servir le bien, telle est la finalité du politique. La pandémie du Covid-19 aura permis aux sénégalais de retrouver leur président de la République, celui qui en 2011 parlait avec empathie à tous ses compatriotes. Dans son allocution du 23 mars, comme par hasard aussi fondatrice que le « 23 Juin » d’une certaine année, il nous aura enfin paru aux affaires, celles qui engagent ses compatriotes sur des générations. J’aime à dire que lorsque vous avez observé Barack Obama six mois après son accession à la Maison Blanche, il marquait 10 années de plus, les tempes grisonnantes. Sarkozy idem, jeune chef d’Etat vieilli un an après, je ne vous parle même pas d’Emmanuel Macron, qui à 40 ans, en paraît déjà 50. Ces stigmates expliquaient toutes les fois où ils avaient dû parapher de leurs plumes des décisions engageant avec gravité leurs responsabilités de chefs d’Etat. Nous avions tendance à voir les nôtres rayonnants de jeunesse et de bonhommie, teints frais, extrémités manucurées, ne s’occupant souvent que d’immédiateté politicienne.
Le président Macky Sall lundi soir était au diapason de l’inquiétude suscitée par ce virus qui s’impose à tous. C’est le visage marqué, qu’il a prononcé cette sentence définitive à destination des sénégalais : « L’heure est grave ». Il nous a appelés ave la gravité qui sied à ce genre d’invite, à faire preuve de civisme, de discipline, de responsabilité, de solidarité et de générosité. Il nous a donné l’impression d’être face à sa première épreuve du pouvoir. Solennel, grave, enfin chef, empathique, responsable, courageux et même parfois visionnaire s’agissant de ce que ce satané virus devra changer de nos mœurs et coutumes et parfois turpitudes, Macky Sall nous a néanmoins transmis le sentiment que son inquiétude évidente était liée au niveau d’informations que son rang lui commande d’avoir. C’est avoir de la responsabilité, que de dire aux sénégalais que le Covid-19 ne vous demande pas quand il se présente à vous, de quelle nationalité vous êtes, quel est votre rang social, quelle est votre religion, quelle est votre tarikha, ni quel est votre métier.
A peine l’avait-il dit, que Moustapha Guirassy venait éclairer de son courage, de sa foi et de sa responsabilité, l’idée évidente que le coronavirus frappe sans discernement. A travers un émouvant spot vidéo, Moustapha Guirassy annonce qu’il a été testé positif au Covid-19. Et c’est le choc ! Non ? Mais Si ! Même lui ! Pourquoi pas lui ? Et ça se déchaîne sur les réseaux sociaux : 500 000 vues, 6 000 commentaires, reconnaissants, aussi tendres qu’affectueux et optimistes, des partages par milliers, ont fini de convaincre que justement « l’heure était grave ». Merci Monsieur Guirassy pour votre lucidité et votre courage, le Sénégal tout entier dans ses prières vous a recommandé à la grâce de Dieu.
Le chef de l’Etat nous a aussi demandé de la résilience et de l’intelligence, à nous rationaliser davantage. Lorsqu‘il évoquait les aides alimentaires à distribuer, il était simultanément envahi par les difficultés de leurs exécutions. On verra plus tard comment déposer des vivres au nom de quelqu’un qui a trois épouses et autant de domiciles. Mais je digresse…
Macky Sall nous a exhortés à être solidaires et généreux quand nous le pouvons. Mais de cette véritable générosité, pas celle qui va se faire devant les caméras de télévision, donnant souvent lieu à une compétition vulgaire et obscène, pour son quart d’heure de célébrité, ou pour un investissement qui ne dit pas son nom.
Il y a aussi la solidarité et la générosité de ceux qui tissent avec talents, courage, obstination et abnégation l’économie du Sénégal. Il a été fait appel à leur générosité. Certes. Mais il faudra les aider pour que cette crise ne détruise pas les outils qui leur permettent de pourvoir à des milliers d’emplois. Ils seront d’autant plus prêts à être solidaires si nos hommes politiques, d’hier et d’aujourd’hui, cotisaient aussi et versaient dans la cagnotte, une partie des fortunes personnelles acquises souvent du fait que notre nation leur avait fait honneur d’occuper certaines fonctions. Un petit geste de votre part messieurs et parfois dames, et les entrepreneurs seront entraînés par cet élan inédit et rédempteur.
L’iconoclaste et malicieux Houphouët Boigny avait selon la petite histoire coutume en Conseil des ministres d’interroger l’un d’eux, qu’il savait peu exigeant avec l’orthodoxie administrative, et de lui demander combien coûtait la route qui allait vers son village. Quand le ministre, tremblant de honte et d’inquiétude, lui révélait le montant, il lui recommandait alors dans un sourire entendu, d’en financer ne serait-ce qu’une partie sur ses « propres » deniers.
Nous avons par le vote, validé la déclaration de patrimoine de notre président de la République, qu’il avait alors évalué à 8 milliards. Imaginez qu’il nous en offre juste un ! Même pas besoin de faire campagne en 2024 ! Cela vaut bien de faire exemple non ?
Courage monsieur le président ! N’oubliez pas aussi de dire à vos concitoyens lors de votre prochaine allocution, qu’il est certes recommandé de se laver les mains souvent, mais qu’il est aussi urgent qu’ils apprennent à ne plus cracher à tort et à travers.
CELA FAIT BIEN TROP LONGTEMPS QUE NOUS SOMMES EN ÉTAT D’URGENCE
Le coronavirus est un révélateur. Il nous montre à quel point nous sommes passés à côté des urgences que ce pays exsangue réclame de toute son âme : des hôpitaux de dernière génération, un système éducatif moderne, de l’ordre dans nos rues…
Sa Rondeur Macky, dans un discours solennel à la Nation ce 23 mars 2020, en annonçant l’état d’urgence décrété pour faire face au Coronavirus, explique dans la foulée aux Sénégalais que l’heure est grave. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais dans ma p’tite tête, ça fait bien longtemps que c’est le cas…
Lorsque des Sénégalais, en 1988, puis en 1989, expriment violemment leur ras-le-bol sur la conduite des affaires, l’heure est déjà grave. Nous aurons deux années successives qui connaîtront l’état d’urgence. Le premier, au lendemain des élections à la transparence contestable, alors que leur idole est en prison, les maîtres de la rue contraignent le gouvernement des socialistes à décréter un état d’exception pour juguler ce qui menait droit au soulèvement populaire. Le second, l’année suivante, pour s’indigner de la manière dont des Sénégalais ont été traités par les forces de l’ordre mauritaniennes.
Tout ça est surtout advenu sur un terreau déjà fertile : les systèmes de santé, éducatif et de sécurité étaient aux abois. La période d’ajustement structurel qui jette des milliers de travailleurs au chômage, s’ajoute aux soubresauts d’un mode de gouvernance propice à la gabegie, la corruption, la concussion, mères de toutes les inégalités. Les Sénégalais s’exaspèrent d’une économie brimée par un parti-Etat vorace, égocentrique et suffisant.
Une majorité de citoyens, dans les villes comme dans le monde rural, décidera le 19 mars 2000, de changer ses gouvernants. Lorsque le Père Wade arrive au pouvoir, nous sommes déjà en état d’urgence.
Moins de douze années après, c’est le même scénario qui s’écrit sous nos yeux. Un pouvoir satisfait de lui-même, des élites égocentriques, corrompues et une Nation en état d’urgence. Le 23 juin 2011 sera un signal fort que le 25 mars 2012 viendra confirmer. Les Sénégalais étaient retournés à l’état d’urgence.
Quand Macky Sall, en ce 23 mars 2020, une année après sa réélection au premier tour, est contraint de proclamer de lui-même l’état d’urgence, c’est bien parce qu’il y a quelque chose qui cloche depuis bien longtemps. Une fois réélu, l’an passé, il change de cap : suppression du poste de Premier ministre, proclamation du fast-track, Dialogue national surréaliste, réduction théâtrale du train des dépenses de l’Etat… Ça a tout de mesures d’urgences. Ses « inaugurations » de grands chantiers exhibés durant la campagne pour glorifier sept années d’émergence ? Dakar Aréna, l’Arène nationale, le TER… Autant d’éléphants blancs, en plus de la forêt de mosquées disséminées dans tout le pays dont l’actuelle désuétude fait peine à voir.
Le coronavirus est un révélateur. Il nous montre à quel point nous sommes passés à côté des urgences que ce pays exsangue réclame de toute son âme : des hôpitaux de dernière génération, un système éducatif moderne, de l’autorité et de l’ordre dans nos rues… Les missions régaliennes de l’Etat.
Aujourd’hui, toutes ces institutions fantoches et tous ces ministères aux appellations exotiques ne servent à rien. C’est la santé publique qui nous préoccupe. Devant l’imminence du péril, nos regards se tournent vers l’étranger. Du côté de la Chine, ou de la France où, à Marseille, un professeur de renom né à …Dakar, soulève le fol espoir d’avoir trouvé l’antidote, la quinine si décriée ces dernières décennies. Tout ça ne nous dit toujours pas pourquoi la recherche est au point mort sous nos cieux.
Si la crise persiste encore quelques mois, et que les frontières ne rouvrent pas, nous en arriverons à l’innommable : des émeutes de la faim… On se demandera alors comment un pays qui a un tel réseau hydrographique, tant de surfaces cultivables et de bras vigoureux, peut mourir de faim. Et la dernière énergie de nos forces de l’ordre servira juste à réprimer nos compatriotes enragés, que la famine aura rendus méconnaissables.
Parce que ça fait bien trop longtemps que nous sommes en état d’urgence.