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5 mai 2025
par Nioxor Tine
LE DIALOGUE POLITIQUE DOIT ÊTRE L’AFFAIRE DU PEUPLE !
Il ne faut pas commettre l’erreur de croire que les mécanismes de dévolution du pouvoir, les grands enjeux socio-économiques, de même que la définition des politiques publiques, ne concernent que la seule classe politique
Il est difficile de ne pas voir dans l’appel pressant du président Sall au dialogue politique, au lendemain de la dernière présidentielle, avant même la proclamation officielle des résultats définitifs, un malaise profond symptomatique d’une crise politique en gestation.
Un septennat despotique
La compétition impitoyable, qui a caractérisé les relations entre acteurs politiques, lors du premier septennat et qui s’est conclue par un hold-up électoral rondement ficelé, est à mettre sur le compte du leadership autoritaire, dont le premier magistrat de la Nation a jusque-là fait montre.
C’est dire, qu’au-delà de victoires électorales souvent artificielles et préfabriquées, notre pays traîne un déficit incommensurable de dialogue et a toujours été géré de manière cavalière par les différentes équipes, qui se sont succédé au pouvoir, depuis notre indépendance formelle en 1960.
La fameuse recette senghorienne d’absorption – fusion de partis adverses, ayant abouti au Parti-État unifié, continue de prospérer. Sous des apparences trompeuses de pluralisme et de diversité, on promeut l’unanimisme par le biais de la transhumance, un vocable désignant un mécanisme pervers de recyclage de politiciens sanctionnés par le suffrage populaire.
De fait, la vie politique de notre pays a toujours été dominée, depuis plus de 60 ans, par les mêmes acteurs politiques issus des mêmes grandes familles traditionnelles. Le mode de gouvernance, est resté, lui aussi, le même (mis à part la courte parenthèse “diaiste”), caractérisé par un hyper-présidentialisme suranné, qui aurait pu être dépassé grâce aux conclusions des Assises Nationales, dont Benno Bokk Yakaar n’a finalement pas voulu.
La nécessité du dialogue est renforcée par le contexte politique. Ce dernier est marqué par la découverte, ces dernières années, de gisements pétroliers et gaziers dans notre pays, qui a fait apparaître de nouveaux défis liés à la convoitise de certains majors pétroliers sur nos nouvelles ressources.
Le quinquennat de la dernière chance
Les cinq prochaines années verront le début de l’exploitation de nos nouvelles ressources minérales, sur lesquelles notre peuple fonde beaucoup d’espoirs, tout en étant conscient des dangers liés à la malédiction du pétrole.
C’est dire, que ce deuxième mandat, quoique usurpé et illégitime, devrait donner lieu, sous peine de convulsions politiques incontrôlées, à un apaisement sur la base d’un consensus national accepté par les différents segments de notre société.
Quoiqu’on puisse dire, les partis politiques, dont la fonction essentielle est la conquête du pouvoir, occupent une place centrale dans le dialogue politique à édifier. Il ne faut cependant pas commettre l’erreur de croire que les mécanismes de dévolution du pouvoir, les grands enjeux socio-économiques, de même que la définition des politiques publiques, ne concernent que la seule classe politique.
La société civile doit avoir son mot à dire, elle qui d’ailleurs, facilite souvent la mise en place des mécanismes de dialogue. Mais il faudra aller au-delà de l’élite, qui s’apparente souvent à une nomenklatura constituée d’experts de l’humanitaire, des droits humains, de l’intermédiation sociale, de la médiation politique et du processus électoral...
Il faudra, en effet, s’ouvrir aux différentes composantes de la Nation (religieux, patronat, travailleurs urbains et ruraux, ainsi que d’autres mouvements populaires), abstraction faite de leurs positions parfois ambiguës ou leur soutien tacite du pouvoir apériste.
Le fait de tenir le dialogue politique en dehors du Parlement est révélateur - au-delà de de la crise universelle de la démocratie représentative - du déficit de représentativité et de légitimité de cette Institution, souvent à la remorque de l’Exécutif. Ces insuffisances se trouvent accentuées dans notre pays, par un mode de scrutin inéquitable, à dominante majoritaire, favorable aux grands partis et particulièrement au parti au pouvoir, qui jusque-là tend malheureusement à se confondre avec l’État central.
Le dialogue est un combat
La suppression unilatérale par le président de la république du poste de Premier ministre, à la veille du dialogue politique, qui renforce son pouvoir déjà colossal et réduit drastiquement les possibilités de contrôle de l’Exécutif, est révélateur de son état d’esprit.
Il ne s’agit, pour lui, que de jeter de la poudre aux yeux de l’opinion nationale et internationale sur sa prétendue volonté d’apaisement du jeu politique. En réalité, il cherche à poursuivre sa gestion clanique de l’État et à faire endosser les recettes libérales des officines financières internationales par une coalition encore plus large de forces de régression sociale.
Le ton est donné avec ces théories populistes anti-pauvres et anti-travailleurs, qui se soucient fort peu du bien-être des travailleurs auxquels on dénie une revalorisation salariale et s’acharnent sur les couches socialement vulnérables, déguerpies sans ménagement, sous couvert d’ordre et de propreté.
Quant aux partis d’opposition, si prompts à mettre sur pied des coalitions éphémères, ils doivent faire bloc sur cette question de dialogue national, qui ne peut être une simple affaire d’états-majors.
Comme le montrent les récents exemples algérien et soudanais, il s’agit d’un combat de longue haleine, dans lequel, le peuple souverain est appelé à prendre toute sa place. Cela devra se faire, par une approche décentralisée, autour d’une plateforme minimale commune aux partis, coalitions et acteurs de la société civile, pour remettre la gouvernance politique de notre pays sur les rails.
Par Abdou DIAW
CHAMPIONS NATIONAUX
En 2018, la Chambre des investisseurs européens au Sénégal a réalisé un chiffre d’affaires de 2.500 milliards de FCfa - Ces chiffres démontrent à suffisance qu’un pan important de notre économie reste encore largement sous le contrôle de groupes étrangers
En 2018, la Chambre des investisseurs européens au Sénégal (Cies), qui compte en son sein 170 membres, a réalisé un chiffre d’affaires de 2.500 milliards de FCfa. La révélation a été faite par Gérard Senac, son président. A cela s’ajoutent 70.000 emplois majoritairement composés de Sénégalais qui représentent 99% de l’effectif travaillant dans ces entreprises. Celles-ci contribuent à hauteur de 20% au Pib du pays pour une masse salariale évaluée à 134 milliards de FCfa l’année.
Ces chiffres démontrent à suffisance qu’un pan important de notre économie reste encore largement sous le contrôle de groupes étrangers. Même si 99% des employés, comme le précisait M. Senac, sont composés de compatriotes sénégalais. Cet état de fait semble également donner raison à ceux-là qui soutiennent mordicus que notre croissance, tant claironnée sur les toits et vantée au plan international, est une croissance extravertie. En d’autres termes, elle est l’œuvre d’entreprises étrangères enclines à rapatrier leurs bénéfices dans leurs pays respectifs.
Avec un chiffre d’affaire estimé à 2.500 milliards de FCfa soit plus de la moitié du budget national – 4.000 milliards de F Cfa en 2019 - le secteur privé étranger montre ainsi sa forte présence dans presque toutes les branches d’activités : hydrocarbures, télécommunications, banques, Btp… Aujourd’hui, force est de constater que le Sénégal, comme beaucoup de pays africains d’ailleurs, ne peut plus rester sur la marge de la forte dynamique de mondialisation de l’économie qui a encore de beaux jours devant elle. Peine perdue pour ceux qui tenteraient d’arrêter ce mouvement. Comme le soutenait Kenneth Rogoff, Professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Harvard et ancien économiste en chef du Fmi : « pour le meilleur ou pour le pire, la mondialisation est en marche et il est naïf de croire qu’il est possible de l’arrêter ».
L’intégration de notre pays au système économique et financier mondial – un processus à achever – et le rôle prépondérant des Investissements directs étrangers (Ide) dans une économie comme la nôtre, en besoin de financements, font, aujourd’hui, que le Sénégal ne peut pas se passer de ces investisseurs privés internationaux, notamment européens. Ils font partie des acteurs devant animer l’activité économique. Il ne s’agit pas de s’en prendre au privé étranger, mais plutôt de créer les conditions propices pouvant permettre à notre secteur privé national de nouer des partenariats gagnantgagnant à travers, par exemple, des jointventures, des Partenariats public privé (Ppp)… En outre, il nous faut également des champions nationaux, des entreprises chefs d’orchestres, capables de jouer un rôle de leadership et de tracer les sillons d’un Sénégal émergent tel que souhaité par les autorités étatiques dans les phases 1 et 2 du Pse.
L’atteinte de cet objectif passera inéluctablement par une meilleure implication des entreprises locales dans l’exécution des gros marchés de l’Etat (infrastructures routières et autoroutières, Btp, chemin de fer...) L’Etat devra veiller à ce que ces grosses entreprises étrangères, techniquement et financièrement solides, qui raflent les appels d’offres, pour la plupart, puissent céder une part des activités aux locaux comme le prévoit le code des marchés publics de notre pays à travers l’article 48. Ce dispositif stipule que « le titulaire d’un marché public de travaux ou d’un marché public de services peut sous-traiter l’exécution de certaines parties du marché jusqu’à concurrence de 40 % de son montant, en recourant en priorité à des petites et moyennes entreprises de droit sénégalais (…) ». Il est également nécessaire de mettre fin à l’atomisation du secteur privé marquée par une floraison d’associations patronales qui ne fait que rendre plus vulnérables les acteurs.
Les plus téméraires n’excluent pas d’en faire des instruments de pression et de lobby. L’heure devrait être plutôt à la synergie des actions, à la conjugaison des efforts afin d’instituer une grande plateforme patronale à l’image du Medef en France, de l’Organized private sector (Ops) of Nigeria ou de la Cgeci en Côte d’Ivoire. C’est un impératif pour les acteurs du privé sénégalais de se regrouper en conglomérat national pour mieux faire valoir leurs mission de créateurs de richesse et d’emplois, mais aussi de bâtir une convergence d’intérêts entre investisseurs privés.
«JE SUIS AVEC MACKY PAR ENGAGEMENT»
Nommée, hier, à la présidence du Conseil économique, social et environnementale, Mme Aminata Touré, après avoir remercié le Chef de l’Etat qui lui a ainsi renouvelé sa confiance, a rappelé son long compagnonnage avec Macky Sall
Madame la Présidente, comment avez-vous accueilli la nouvelle de votre nomination ?
Tout d’abord, je voudrais remercier le Président de la République, son Excellence Macky Sall, pour la confiance renouvelée en me nommant à la tête du Conseil économique, social et environnemental. Je voudrais lui réaffirmer toute ma loyauté, mon engagement et ma détermination à accomplir cette nouvelle mission. Je voudrais remercier les amis qui m’ont témoignée leur sympathie. J’ai accueilli cette nouvelle avec une joie réelle qui ne m’a pas départie du sens de l’humilité
Quatre années se sont écoulées depuis votre départ de la Primature. Appréciez-vous ce temps comme une traversée du désert qui vous a fortifiée et enrichie ? N’avez-vous jamais considéré la fin de votre mission de Premier ministre comme une sanction négative ?
Non, pas du tout ! La vie est ainsi faite. Elle évolue. Pendant ces quatre années, j’étais très occupée, d’abord comme Envoyée spéciale du Président de la République pour les affaires externes et internes ; au contraire, j’ai eu beaucoup d’activités. J’ai considéré que c’était une autre étape de ma vie. La vie est ainsi faite, les contextes évoluent, et aujourd’hui, je me retrouve à une autre étape.
Tout au long de ces dernières années, votre combativité n’a pas faibli, vous vous êtes toujours signalée au front. Est-ce votre attachement au Président Macky Sall et à son projet de société, ou votre détermination à ne jamais vous avouer vaincue qui explique cela ?
Nous étions déjà avec le Président Macky Sall, alors qu’il était candidat, donc c’est par engagement que nous étions des compagnons, et nous le sommes resté. Je suis et demeure une militante engagée. La politique, c’est comme dans la vie ; il y a plusieurs étapes, mais le plus important, c’est de rester engagé avec ses convictions. Le Président de la République méritait que nous le soutenions, que nous l’accompagnions, parce que nous avions partagé, dès le départ, son projet de société. Et aujourd’hui, nous ne le regrettons pas, car son bilan est excellent. Lequel bilan s’est traduit par une réélection à plus de 58 %, ce qui est un excellent score pour un deuxième mandat.
«C’EST UNE TENTATIVE DE CHANTAGE»
Le Secrétaire général des jeunesses socialistes, Mame Bounama Sall, appelle à la retenue suite à la mise sur pied du «Front pour la vérité et la justice».
Le Secrétaire général des jeunesses socialistes, Mame Bounama Sall, s’est prononcé, hier, sur la mise sur pied d’un courant au sein du Parti socialiste. Il relativise l’importance de ce mouvement en écartant toute idée de fronde. «Le caractère de fronde obéit à un certain nombre de critères. Ce n’est qu’un groupe de personnes qui cherchent à exercer un chantage qui ne passera pas», dit-il au bout du fil.
Pour conforter cette thèse, il souligne que le format choisi par les membres de ce nouveau cadre en est une illustration éloquente. «Il est de tradition, en de pareilles circonstances, de faire son baptême de feu par une conférence de presse. C’était la meilleure option pour que les Sénégalais puissent constater de visu le nombre de membres qui composent ce mouvement», argumente-t-il. « C’est de l’activisme dans la mesure où le Parti socialiste est ouvert au débat d’idées. Nous sommes démocrates. S’ils n’apprécient pas une démarche, ils n’ont qu’à la souligner au sein des instances régulières. L’un des fondements de notre parti, c’est la solidarité qui permet de renforcer la dynamique unitaire», a dit le jeune socialiste.
Mame Bounama Sall estime que les « frondeurs » auraient pu attendre le retour du secrétaire général du Ps, Ousmane Tanor Dieng, pour poser ce débat dans les instances. « Si les modalités de choix ne les agréent pas, il existe des cadres appropriés au sein du parti pour le souligner. Cette méthode n’est pas conforme à notre éducation politique. Nous n’allons pas accepter que des gens jettent l’anathème sur le parti », a-t-il insisté.
Sur la convocation souhaitée du comité central, le député n’en pense pas moins que « c’est de l’enfantillage ». Il indique que l’absence de responsables socialistes à la 67ème session du secrétariat exécutif national ne peut servir de prétexte pour récuser les décisions qui en résultent. Parce que, rajoute-t-il, la plupart des responsables politiques sont en mission.
PLONGEE DANS L’UNIVERS SINGULIER DES BAYE FALL DE TOUBA
Les effluves du « ceebujën » (riz au poisson) émoustillent les papilles. Il est 14 heures. C’est l’heure du repas. En ce premier jour du mois de ramadan, la scène ne fait pas exception à Palène, dans le département de Mbacké (région de Diourbel)
Les Baye Fall constituent une branche dérivée du mouridisme. Ce sont des disciples de Mame Cheikh Ibrahima Fall, fidèle compagnon du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. Habits bariolés et coiffures en dreadlocks, les membres de cette fervente communauté présentent une autre particularité : ils ne jeûnent pas pendant le mois de ramadan, se soumettant à ce précepte de l’Islam à leur manière
Les effluves du « ceebujën » (riz au poisson) émoustillent les papilles. Il est 14 heures. C’est l’heure du repas. En ce premier jour du mois de ramadan, la scène ne fait pas exception à Palène, dans le département de Mbacké (région de Diourbel). Nous sommes dans le quartier général des « Baye Fall ». Ici, c’est la routine. Les bols de repas passent de main en main dans un mouvement contenu, mais plein d’ardeur. Les Baye Fall ne jeûnent pas. C’est une affaire de conviction. C’est toute une histoire. « Tout est parti du compagnonnage entre Serigne Touba et Mame Cheikh Ibra Fall. Un jour, Cheikh Ahmadou Bamba, à l’approche du mois béni, avait demandé à son disciple Ibra Fall de réserver un accueil exceptionnel à un grand hôte, sans dévoiler son identité. En réalité, il s’agissait du mois de ramadan », raconte, ésotérique, Serigne Bara Mbodj, prêcheur de cette communauté de foi. Et c’est ainsi que le fondateur de la communauté des Baye Fall a très tôt compris le langage codé de son guide. Conscient de l’importance que son marabout accordait à ce quatrième pilier de l’Islam, le Cheikh s’était résolu à cuisiner, quotidiennement, des mets à base de poulet qu’il proposait à son guide religieux aux heures de rupture du jeûne. Les récits rapportent que le premier « ndogou » (repas de rupture du jeûne) a été un coq. Depuis, les fils de Cheikh Ibra s’évertuent à perpétuer cet acte de foi et de fidélité devant les fils de Serigne Touba. Et aujourd’hui, c’est autour de ses descendants d’en faire autant avec ceux du Cheikh.
Alimenter le corps et nourrir l’âme
Le jeûne est une obligation dont aucun musulman n’est dispensé, à moins que cela ne découle de prescriptions d’exception décrites par le Coran ou la Sunna du prophète Mohammed. Et pourtant, les Baye Fall se sont soustraits à cette obligation, invoquant le « ndigël » (consigne), érigé en dogme. « Cheikh Ibrahima Fall, lui-même, avait l’aval de son maître Cheikh Ahmadou Bamba de ne pas jeûner. C’était en récompense de ses actions de grâce et de sa dévotion au Seigneur, à travers lui le Cheikh », confie Serigne Fall ou Fall, neveu et bras droit de Serigne Cheikh Dieumb Fall, sixième et actuel khalife général des Baye Fall. Selon Serigne Bara Mbodj, disciple et compagnon du sixième khalife de cette branche du mouridisme, Serigne Modou Fallou Fall, disparu en 2006, donner un « ndogou » est plus gratifiant que jeûner, parce que toute personne peut s’abstenir de manger et de boire. En revanche, certains ne peuvent pas donner leurs biens, leur temps et leur corps dans cette quête de Dieu. « Jeûner, c’est éduquer le corps et tuer les désirs. Car, pendant le mois de ramadan, le jeûneur se méfie de tout acte contraire aux préceptes de l’Islam tel que l’adultère, le mensonge, la médisance, la rancune... Ce qui devait être le comportement de tout bon musulman à tout moment et partout. Cependant, le Baye Fall, lui, se concentre sur l’éducation de son âme qui témoignera de tout devant son Seigneur. Mame Cheikh Ibra Fall avait symbolisé ce credo », affirme-t-il. Chez les Baye Fall, on parle de trois « Koumté » correspondant au 1er, 11ème et 21ème jour du mois de ramadan. Pour ces journées, les repas préparés doublent voire triplent avec des menus riches en viande de poulet, de bœuf et de mouton. Toutes les familles de Mame Cheikh Ibrahima Fall se réunissent et assurent ensemble le transport des « ndogous » vers Touba et Diourbel au profit des descendants de Cheikh Ahmadou Bamba. Le but est d’avoir la bénédiction du khalife et de la famille de Serigne Touba
Goûter à la sauce, c’est donner des restes au marabout
A la mythique cité de Palène à Mbacké, plus précisément à « Niarry Baye Fall » chez Serigne Modou Fallou Fall, c’est une foule immense qui se retrouve tous les jours, en ce début du mois de ramadan. Devant la concession du marabout, habillés de tuniques de couleur bleu communément appelées « Bollobakh », les disciples de la famille n’osent pas s’asseoir avant la fin de la cuisson des repas. De grands groupes se forment et chaque unité s’active autour de quelque chose. Les femmes, logées à l’intérieur du quartier général, épluchent les oignons, les pommes de terre, les patates et les carottes. Elles lavent les condiments et les bols, alors que plusieurs autres dames s’affairent autour des marmites. La fumée jaillit de partout. Le ciel est noir. Les visages ruissellent de sueur au rythme des « zikrs » (invocations) scandés sans arrêt du matin au soir. A quelques mètres de là, les hommes égorgent les moutons et les bœufs avant de les dépouiller et de les dépecer. Ils partagent ensuite la viande entre les différentes marmites déjà posées sur le feu. A quelques encablures de ce lieu de préparation, d’autres Baye Fall galvanisent les fidèles, l’air épuisé : « mouride, ci ndiguel-li » (ô vous les mourides, venez jouer votre partition dans la préparation des repas). Durant toute la cuisson, aucun « Baye Fall » ne doit goûter à la sauce à base de viande, car « le faire, c’est donner des restes au marabout », explique une dame en pleine action devant une marmite. Vers 17 heures, les repas sont prêts. Les bols sont disposés en plusieurs colonnes. Les Baye Fall les remplissent et les referment. « Le marabout vient pour les besoins de la supervision parce que, nous raconte-t-on, il faut qu’il s’assure que tous les plats sont bien faits »
La part belle à la descendance de Serigne Touba
Le soleil est pâle. Il est 18 heures à Palène. C’est le moment d’acheminer les mets à Touba et à Diourbel. Une longue file de voitures attendent de l’autre côté de la chaussée. Serigne Cheikh Dieumb Fall demande à ses frères cadets et à un de ses neveux de bénir le convoi dans la cour où sont exposés tous les bols. « Le khalife a toujours des "dieuwrignes" (bras droits) pour vérifier et contrôler les repas. Tout ce qui est destiné à la famille de Serigne Touba impose que nous nous entourions d’une grande précaution », souligne Serigne Ibrahima Dia, porte-parole de la famille lors des « ndogous ». Les mets sont ensuite embarqués dans des camions qui prennent la direction de Touba et de Diourbel. Des scooters et des mototaxis Jakarta passent devant le cortège, klaxonnant et clignotant à toutva. Derrière le cortège, les chants reprennent de plus belle et vont crescendo au fur et à mesure que l’on s’approche de la mosquée de Touba. Une fois dans la ville sainte, il est de coutume de faire le reste du chemin à pied. A pas cadencés, ils avancent, affrontant la chaleur dégagée par les récipients. Sur leur chemin, tous les véhicules sont déviés. Armés de gourdins, l’ardeur et le nombre imposant des « Baye Fall » sont dissuasifs. Après cette première journée de « Koumté », il en restera deux autres. Ainsi va le ramadan chez les « Baye Fall » de Touba.
Par Cheikh Oumar BA
LA POLITIQUE DE DEUX POIDS DEUX MESURES
Depuis plusieurs mois, il est constamment noté des bouchons occasionnés par la diminution du prix sur l’autoroute à péage - Bizarrement, le tarif sur le trafic Thies/AIBD est revu doublement à la hausse - Où se cachent Marius Sagna et ses flubistiers ?
Depuis plusieurs mois, il est constamment noté des bouchons sur l’autoroute à péage (Senac.sa). Des bouchons occasionnés par la diminution du prix sur ce trafic. Bizarrement, le tarif sur le trafic Thies/AIBD est revu doublement à la hausse. Que se passe-t-il ? Où se cachent Guy Marius Sagna et ses flubistiers ?
Pour mémoire, depuis l’accident survenu sur l’autoroute à péage, avec le décès tragique de Papiss Mballo du groupe « guélongal », les activistes du «France Dégage», ayant versé dans toutes sortes de calomnies, ont, avec les astuces de tireurs de ficelles, essayé de remettre en cause la concession de l’autoroute à péage, à travers des démarches incongrues, solitaires, sans tenir en compte que les concessionnaires de ce trafic ont non seulement un personnel composé de plus de 90% de sénégalais. mieux, le prix du trafic a été fixé par l’état du Sénégal qui encaisse plus de 30 % des recettes, compte non tenu du pactole réservé à la maintenance qui englobe environ 25% de la totalité des du montant encaissé. Des «miettistes», «intellectueurs» sangsus corrupteurs des masses populaires, indignes d’être écoutés, ont néanmoins réussi à abuser de bonne foi beaucoup de nos compatriotes.
Ainsi donc, bizarrement, par patriotisme débridé, ils ont au moins, malgré leur dessein inavoué, réussi à cliquer sur le clavier de la diminution du tarif sur le péage. A l’époque, «échos du Fleuve» s’était battu pour informer sur les conséquences qu’engendrerait une telle prise en compte par rapport aux embouteillages. Aujourd’hui, en ce moment, les bouchons notés sur le trafic, à cause de la baisse des prix, constituent une honte pour « ces lanceurs d’alerte », compte tenu des efforts consentis par l’état du Sénégal et les concessionnaires dans cet axe Dakar/Diamniadio qui constitue une fierté nationale. Le péage répond aux normes internationales parce que géré par des professionnels à l’expertise robuste dans ce domaine.
Maintenant, il revient à l’état de revoir sa copie, dans la mesure où l’on ne peut pas comprendre le fait qu’une réduction du prix du trafic soit opérée au niveau de l’autoroute à péage (senac sa), au moment où il est noté un doublement du prix sur l’axe Thiès/AIBD. ceci, sans que nos vaillants « lanceurs d’alerte » si prompts à se jeter sur senac sa, ne daignent lever le plus petit doigt pour dénoncer une telle « forfaiture ». une augmentation du tarif du simple au double et s’il vous plait, sans avis préalable. De qui se moque-t-on ?
Cheikh Oumar BA est directeur de Publication de « Echos du Fleuve »
LA COUR DES COMPTES DE L’UEMOA PLANCHE A DAKAR SUR UN MANUEL DE VERIFICATION HARMONISE
A très court terme, sans doute, les magistrats financiers, vérificateurs, auditeurs et autres experts des huit pays de l’Uemoa ne travailleront plus chacun en vase clos dans son territoire national
A très court terme, sans doute, les magistrats financiers, vérificateurs, auditeurs et autres experts des huit pays de l’Uemoa (union économique et monétaire ouest-africaine) ne travailleront plus chacun en vase clos dans son territoire national, avec ses propres manuels de procédures, appliquant des lois nationales votées par son parlement et se référant aux normes qu’il veut. Dans un espace destiné à s’intégrer en favorisant la convergence des politiques économiques et monétaires, tout cela faisait désordre. et rendait kafkaïenne la mission de tout investisseur désireux de travailler dans un ou plusieurs pays de l’union. Pour mettre fin à cette situation anachronique, les juridictions financières de l’union, par le biais du conseil des ministres communautaire, avaient donc demandé à la cour des comptes de l’Uemoa de coordonner un travail d’harmonisation des procédures et de fixation de normes communes de contrôle voire de réécriture du manuel de vérification à l’usage des cours des comptes des états-membres.
C’est pour s’atteler à cette tâche de rédaction d’un nouveau manuel de procédures que la crème des conseillers (à la cour des comptes de l’Uemoa en particulier mais pas seulement), des magistrats financiers, des auditeurs et des vérificateurs de l’espace communautaire est réunie depuis lundi dernier et jusqu’à vendredi prochain à Dakar. en tout, plus de 40 sommités qui vont plancher sur les quatre tomes de ce gigantesque manuel. ces quarante délégués viennent du Bénin, du Burkina Faso, de la côte d’ivoire, de la guinée Bissau, du mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. Les tomes à rédiger vont porter respectivement sur le contrôle juridictionnel (tome 1), l’audit de conformité (tome 2), l’audit financier (tome 3) et l’audit de performance (tome 4).
Ces têtes d’oeufs bénéficieront de l’appui technique de deux experts de haut rang envoyés par les cours des comptes de France et du Maroc représentées respectivement par mm. Roberto Schimidt, conseiller maître honoraire spécialisé dans l’appui au contrôle juridictionnel, et Ahmed Harmouch, un magistrat qui dirige une chambre chargée de l’élaboration des guides et manuels de procédure. L’atelier qui se tient dans notre capitale est consacré aux travaux d’harmonisation, à l’échelle de l’union, des procédures et de fixation de normes communes de contrôle, à travers la relecture et la mise à jour des manuels de vérification à l’usage des cours des comptes de l’espace Uemoa. Il est organisé par la cour des comptes du Sénégal dirigée par m. Mamadou Faye mais les travaux sont présidés par notre compatriote Malick Kamara Ndiaye, président de la cour des comptes de l’Uemoa. plus spécifiquement, il sera l’occasion de désigner les présidents et les rapporteurs de chacun des quatre comités chargés de l’élaboration de ces tomes. Surtout, les participants à l’atelier doivent identifier les normes professionnelles les plus pointues ainsi que les meilleures pratiques mondiales concernant ces matières.
L’ambition est en effet de hisser les pays de l’Uemoa au niveau de ce qui se fait de plus sophistiqué dans le domaine de la vérification, de l’audit et du contrôle financier. au terme des travaux, vendredi prochain, un projet de guide harmonisé aura été élaboré et il ne restera plus qu’à le soumettre aux organes compétents pour validation. La séance d’ouverture, tenue lundi dernier, a enregistré notamment la présence de la représentante-résidente de l’Uemoa à Dakar, Mme Kabo. a cette occasion, le président de la cour des comptes de l’Uemoa, m. Malick Kamara Ndiaye, a insisté sur la nécessité de recourir, pour mener à bonne fin ce projet, « à l’expertise déjà disponible au sein de nos juridictions au sein desquelles nous comptons des conseillers, des magistrats, des auditeurs et des Vérificateurs de très haut niveau dont certains justifient, en sus, d’une certification, en qualité de « mentors » ou de « Facilitateurs » ; certifications délivrées, par la commission des normes professionnelles de l’intosai et de l’iDi. » pour une raison très simple, a-t-il expliqué : « ces personnes ressources sont réputées qualifiés, aux plans national, régional et international, dans la mise en œuvre et la transposition des normes internationales - issai, respectivement, en audit de conformité, audit financier et en audit de performance. » selon lui, le guide de vérification, actualisé, qui sera composé de quatre tomes, fixera les principes généraux, les méthodes et les règles auxquels devront se référer, systématiquement, toutes les juridictions financières de l’espace Uemoa, à l’occasion de leurs travaux consacrés respectivement au contrôle juridictionnel (tome 1), à l’audit de conformité (tome 2), à l’audit financier (tome 3) et à l’audit de performance (tome 4). m. Malick Kamara Ndiaye a aussi vivement remercié les autorités de notre pays pour la chaleur de leur accueil et félicité particulièrement le président de la république, son excellence m. Macky Sall, pour sa brillante réélection à la tête de notre pays. a signaler que les présidents de juridictions financières ont mis en place un secrétariat technique unanimement confié à notre compatriote Mbaye Diène, directeur de l’audit et de la Vérification de la cour des comptes de l’Uemoa et point focal.
LA SOCIÉTÉ CIVILE DÉCLINE SES TERMES DE RÉFÉRENCE
Pouvoir, opposition et société civile seront tous autour d’une table au cours du dialogue politique national initié par Macky Sall - En attendant ce grand raout, les tractations et positionnement vont bon train
Lors du lancement de la concertation devant fixer les termes de références du dialogue politique initié par le président de la République, le ministre de l’Intérieur, M. Aly Ngouye Ndiaye, qui présidait la séance avait présenté les points de référence proposés par le régime en place tandis que l’opposition, sous la bannière du Front de résistance nationale (FRN), avait posé ses conditions. Cette fois ci, c’est autour de la société civile de déposer son carnet de suggestions.
Pouvoir, opposition et société civile seront tous autour d’une table au cours du dialogue politique national initié par le président de la république et leader de Benno Bokk yakkar (Bby), Macky Sall. en attendant ce grand raout, les tractations et positionnement vont bon train. Car, alors que le ministre de l’intérieur Aly Ngouye Ndiaye, a louvoyé autour de l’éventualité du report des élections locales prévue en décembre prochain, le collectif des organisations de la société civile pour les élections (cosce) dirigé par le pr Babacar Guèye, lui, demande le respect du calendrier républicain. « Par principe, la société civile est toujours d’avis que les élections doivent se tenir à date échue même si à l’impossible nul n’est tenu. Mais notre position de principe, c’est que l’élection doit se tenir à date échue », a martelé avec force l’éminent constitutionnaliste.
Toujours en perspective du dialogue national, les ong de la société civile ont esquissé une feuille de route contenant des propositions en prévision notamment des prochaines locales. une synthèse des différentes contributions et débats sera d’ailleurs produite et présentée à l’issue de l’atelier d’évaluation de leur participation à la dernière élection présidentielle. Cependant, on peut d’ores et déjà annoncer que cette société civile devrait proposer une refonte du mode de suffrages et de scrutin des échéances municipales à venir. en d’autres termes, la société civile, à travers le cosce, prône une rupture totale par rapport au scrutin majoritaire et proportionnel qui, selon eux, favorise l’installation de conseillers municipaux sans aucune once de crédibilité et de représentativité populaire. Des procédés d’accession au pouvoir de gestion de la cité, qui, de l’avis de Moundiaye Cissé, heurtent la conscience démocratique. Quant au directeur général des élections, m. Thiandella Fall, venu représenter le ministre de l’intérieur, il a estimé que « cette rencontre de la société civile vient à point nommé car coïncidant presque avec le dialogue national ». De son point de vue, il serait donc normal que ces travaux de la société civile soient intégrés dans les pourparlers politiques en vue.
L’ORDRE DES PHARMACIENS TOMBE DES NUES
Amadou Woury Diallo et Bara Sylla avaient écopé de 5 et 7 ans de prison pour trafic de faux médicaments. Le premier nommé a bénéficié d’une grâce présidentielle et s’est fait la malle.
C’est avec une grande surprise, de la désolation, de l’amertume et beaucoup de regret que l’Ordre des pharmaciens du Sénégal accueille la grâce présidentielle dont bénéficie Amadou Woury Diallo qui a été condamné pour trafic illicite de faux médicaments d’une valeur de 1,3 milliard de F Cfa. Puisque ce dernier n’a pas attendu pour demander son reste.
Actuellement, il se la coule douce en Guinée. Ainsi, avant-hier, à l’appel du dossier devant la Cour d’appel de Thiès, Amadou ne s’est pas présenté. Joint par ‘’EnQuête’’, le président de l’Ordre des pharmaciens, Amath Niang, a fait part de sa désolation : ‘’Le procès en appel d’avant-hier a été un événement inédit. Eux-mêmes ont été mis devant le fait accompli. Aucun élément des dossiers qui prouve ou qui indique les traces de la grâce présidentielle d’Amadou Oury Diallo. C’est étonnant et c’est un problème.’’ Car, bien que la grâce présidentielle relève des prérogatives du président de la République, il estime qu’elle doit être encadrée, pour qu’on puisse déterminer ceux qui sont éligibles à cette grâce.
Docteur Niang ajoute qu’ils ont été informés depuis très longtemps. ‘’Cette grâce est intervenue à la veille de la fête de l’indépendance. C’est un document qui est rendu public. Nous avons des conseillers juridiques qui suivent l’évolution du contentieux qui nous opposent à ces gens’’, renseigne le président de l’Ordre des pharmaciens. Amath Niang note ‘’qu’après avoir été sanctionnés sur la base d’un verdict rendu par le tribunal de Diourbel, ils (Amadou Woury Diallo et Bara Sylla) ont interjeté appel. C’est comme du lait sur le feu’’. ‘’Le rôle d’un pharmacien est d’être au service de la santé publique du pays’’, poursuit-il. Avant de préciser que, dans le cas d’espèce, l’Ordre des pharmaciens ne se bat pas pour la préservation d’intérêts professionnels, mais pour l’intérêt de la santé publique.
Le ‘’problème du marché noir est devenu une très grande problématique’’. ‘’On ne joue pas avec la santé des populations’’, dit-il au bout du fil. Après cette bataille perdue, Dr Niang constate que ‘’c’est tout le peuple sénégalais qui a perdu’’. Très remonté, il fulmine : ‘’C’est une exposition à une situation de danger se rapportant à la préservation de leur santé.’’ Ces médicaments, dit-il, sont destinés à être consommés par la population. Ainsi, Dr Niang trouve normal qu’ils usent de toutes les voies que la loi leur permet pour qu’on revienne à l’orthodoxie. Il indique clairement qu’ils ne peuvent pas se permettre de laisser des actes qui portent atteinte à l’épanouissement de toute une profession et qui l’empêchent de se déployer, conformément aux recommandations du législateur.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
BOUN DIONNE, PRIME À LA CASSE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dévoué jusqu’au reniement, il a transformé la servitude en une forme de vertu d’allégeance - De tous les talents de Macky, celui de réduire ses collaborateurs à de petits tacherons, est le plus saisissant - INVENTAIRE DES IDOLES
La suppression du poste de premier ministre a été votée par les parlementaires et promulguée hier, mardi 14 mai, par le chef de l’État. Macky Sall a bien surpris son monde avec cette innovation. De la genèse de la décision à son adoption, il n’y a quasiment pas eu de résistance politique, de contestation majeure. L’opinion publique a été mise devant le fait accompli. Devant la longue expectative qui a suivi son élection, l’interminable période de flottement et d’incertitudes politiciennes, le président a sorti de sa botte secrète cette idée, pas tellement neuve, mais dont le sens peut se prêter à plusieurs lectures. L’idée d’écarter un potentiel dauphin gênant, comme l’ont avancé certains analystes, en réaffirmant l’ascendance du président sur le chef du gouvernement et en dissuadant la querelle de la succession, paraît une hypothèse sans souffle : Boun Dionne n’a, en effet, jamais montré des velléités d’ambition personnelle. Son profil introverti a d’ailleurs été décisif dans le choix porté sur lui au début du premier mandat. Un moine, appliqué et discipliné, en retrait, dur à la tâche, bosseur. Il est bien probable que le président réélu, au bord du plébiscite, ait tenté là un coup politique, pour donner une épaisseur historique à sa sortie et asseoir un pouvoir plus large dans les institutions internes du parti et celles nationales. Cette hypothèse serait – prudemment - la mienne. Elle n’est pas prédictive, seul l’avenir dira si malfaçon, abus, déséquilibre démocratique au-delà du seuil déjà éprouvé, viendront accabler cette idée. L’analyse doit bien souffrir de patience et soutenir les enseignements du temps long. Noter quand même ceci : le présidentialisme n’avait pas besoin d’être dopé par plus de concentration de pouvoirs.
Eloge du fusible dévoué
Le plus cocasse dans l’affaire, c’est qu’on a vu l’ancien - et dernier - Premier ministre, Boun Abdallah Dionne, à la manœuvre. Tout occupé, dans un zèle qui n’a pas manqué de faire sourire, à destituer ce qui fut le sens de toute sa mission politique. Locataire de l’autre maison blanche de la capitale, il s’est attelé minutieusement à démembrer la fonction, à la débarrasser, dans une vidange politique dont il était la pièce superflue. Dévoué jusqu’au reniement, il a transformé la servitude en une forme de vertu d’allégeance politique. Toutes ses sorties, depuis l’annonce de sa fin prochaine, ont alterné entre le ton monacal et le beau sacrifice. Boun Dionne n’aura pas tellement eu à puiser dans un autre registre, c’est une rupture dans la continuité comme il s’en fait tellement actuellement. Il s’est effacé, comme s’il n’avait d’ailleurs jamais existé, s’échinant à une discrétion que ses admirateurs trouveront admirable et que ses détracteurs penseront soumise.
De tous les talents de Macky Sall, et le bonhomme en a quelques-uns dans l’habileté politique, surtout en crimes politiques propres, celui de réduire ses collaborateurs à de petits tacherons, est le plus saisissant. Il sait séduire par le charme et la terreur, le miel et l’acide. Toute sa cour a cette déférence que le monisme absolutiste du pouvoir de façon plus générale rend plus comique. La relation, à l’intérieur même des partis, entre le boss et les autres, est verticale, et les discussions plus heurtées se font à la périphérie, aux risques et périls des téméraires. La politique puise ainsi, très simplement, dans le corpus des valeurs nationales, où l’autorité est respectée et les populations admettent les abus, du moment que c’est la contrepartie pour être promu.
Des belles prédispositions réduites à néant
Il serait assez intéressant de savoir, plus en détail, dans un long entretien, ce que Boun Dionne pensait de la pratique politique dans ses jeunes années. Quels rêves peuplaient la tête de ce jeune ingénieur, formé en France, cadre chez IBM, discret et prometteur, qui a connu bien des épreuves familiales dont il est sorti précocement mature, avec un sens de la responsabilité vite acquis. Qu’est-ce qui fait ce visage pudique, presque fuyant, de soldat de l’ombre qui fuit les lumières, comme ennemies du secret du pouvoir ? On aurait bien aimé le savoir. Un article du quotidien Libération, de 2014, donne à voir cette facette du personnage en compilant savamment des anecdotes sur l’homme et son réseau.
Le gamin de Gossas, y découvre-t-on, est adroit, tisse sa toile, un réseau amical et professionnel, où il puise soutien, énergie et compagnonnage. C’est du reste presque de cette manière que se fait sa rencontre avec Macky Sall bien avant la montée en flèche de l’ancien maire de Fatick. Ce qui semble sûr, c’est que l’ancien Premier ministre a eu un parcours brillant et partage avec Issa Sall, sinon cet esprit de matheux appliqué, à tout le moins, le goût des ascensions sans bruit, le sens du devoir, et du service de l’Etat. Le parallèle va plus loin : ils ont en commun leur domaine de prédilection, l’informatique, et beaucoup de cours dispensés dans de grands organismes sous-régionaux ou mondiaux. Faux jumeaux d’un désir d’inviter l’efficacité professionnelle au cœur de la politique, l’apriori leur était favorable.
Toutefois, de l’intention à l’exécution, il y bien du chemin, de la contradiction, voire de la trahison. Boun Dionne a donné des gages personnels ; mais pas des gages politiques. Il inspirait confiance ; sa politique moins. La gestion sobre et vertueuse ne fut que sobre, et encore. Pour la vertu, il faut repasser. Malgré tous les succès électoraux du pouvoir, nul ne peut prétendre que la manière de gouverner, de faire de la politique, a connu un tournant bénéfique. Elle est restée, sinon la même, toujours enlisée, dans un immobilisme. Boun Dionne ne naît pas, du reste, de rien. Il suit une belle tradition au Sénégal, encore plus en vigueur depuis les ajustements structurels, avec l’injonction plus ou moins appuyée, des bailleurs de fonds, pour plus de technicité au cœur du pouvoir comme garantie d’un redressement par des méthodes rigides et austères.
Technocrate-sauveur, la légende à la peau dure
Le grand mythe du « technocrate » apolitique au chevet de la politique clientéliste, appliqué à déverser son savoir pour sauver un pays, a eu la peau dure. Il a fait fantasmer. Il a toujours entretenu l’espoir de quelques-uns qui tiennent la politique en horreur et qui voient en ces fonctionnaires froids, le bon équilibre. Seulement, on a trop misé sur les technocrates. Beaucoup plus que ce que peuvent supporter leurs frêles épaules. Un mythe est même resté lié à ces sauveurs annoncés : un costume et un attaché-case faits homme. Sans allure ni audace. Ecrasé par les arbitrages politiques. Leurs apports ont de tout de temps été surévalués, et pas qu’au Sénégal. La politique implique une fine connaissance de la société. Pas des seuls chiffres. La connaissance technique d’un sujet ne fait pas un chef d’orchestre performant. D’autres qualités sont requises, et elles s’obtiennent à l’épreuve et à l’expérience. Le technocrate, c’est presque un valet chic. Mais un valet quand même, qui reste le faire-valoir dans les couples exécutifs, et le fusible pour tenter de nouvelles idées, ou réhabiliter les anciennes.
Si l’on opère une petite chronologie dans l’histoire des locataires de la primature au Sénégal depuis 50 ans, on constate simplement que le technocrate est une figure de l’échec. Comme le reste par ailleurs. Les commentaires, presque dans le genre du marronnier journalistique, ont des adjectifs préconçus pour parler d’eux : discret, travailleur, efficace. On le dit de Mamadou L. Loum à l’actuel Mohamed Dionne, en passant par Abdoul Mbaye, Hadjibou Soumaré… Tous défenestrés plus tard, presque par évidence, les technocrates n’auront pas changé la politique, ni ébauché de grandes réformes. Ils auront été les esclaves les plus polis de leurs supérieurs. Quand on ne s’en sert plus, on jette et on remplace. C’est comme un simulacre de mise en terre de cette idée fétiche de suppression de la primature à laquelle on assiste. Le PSE, qui tient lieu de projet au pouvoir, regorge dans l’architecture de ses acteurs, de nombre de profils similaires à Boun Dionne. De beaux esprits, bien formés, rien qui dépasse, formatés pour l’usure de la technicité, et qui s’exemptent par paresse ou prétention, de détenir des bagages idéologiques qui restent l’inamovible mobilier politique qui forge les hommes d’Etat, avec la lecture, les grandes idées, et le tragique de l’Histoire.
Un épiphénomène
La longévité de Boun Dionne à la tête du gouvernement avait donné comme des gages d’une forme de stabilité au sommet du pouvoir. Le tandem entre le roi et son dunguru était au beau fixe. Sa mort, ou dira-t-on en terme plus bienveillant, sa reconversion, même couverte des atours de la dévotion étatique, est le plus éclatant symbole d’un aveu d’échec d’un pouvoir qui se dénonce et coupe sa graisse. S’il prend des envies de liposuccion au pouvoir, il y a bien des agences et privilèges, nombreux, qui peuvent alléger la charge de l’Etat. Il faut savoir lire les signes. Les problèmes du Sénégal sont beaucoup plus grands que les liftings institutionnels par caprice ou cynisme politique. C’est une prime à la casse. Une prime à la caste aussi. Toilettages des seuls sièges avant de la locomotive nationale où s’entassent des populations sans vue sur le cap et la route.