AU PROCÈS SARKOZY-LIBYE, BEAUCOUP DE SOUPÇONS, PEU DE PREUVES
Entre carnets compromettants, dîners secrets et exfiltrations rocambolesques, l'accusation a décrit un système sophistiqué qui reste à qualifier juridiquement dans le cadre de l'affaire du financement libyen de la campagne de l'ex-président français

(SenePlus) - Après trois mois d'audiences, le procès des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 s'est terminé mardi 8 avril. Le jugement ne sera rendu que le 25 septembre.
Les douze prévenus, dont l'ancien chef de l'État, font face à des accusations de corruption, trafic d'influence et détournement de fonds publics, pour lesquelles ils risquent jusqu'à dix ans d'emprisonnement. Tous réclament la relaxe, arguant de l'absence de preuves formelles.
"Il n'y a pas que la preuve documentaire", a rappelé la présidente Nathalie Gavarino. "La preuve peut résulter d'un faisceau d'indices, d'un ensemble d'éléments, parmi lesquels des témoignages", précise Le Monde.
Parmi les éléments troublants figure le carnet de Choukri Ghanem, ancien ministre libyen du pétrole retrouvé mort dans le Danube en 2012. Une note datée du 29 avril 2007 y mentionne : "Bechir a parlé, disant avoir envoyé 1,5 million d'euros à Sarkozy quand Saïf donnait 3 millions à Sarkozy."
L'enquête a établi que Claude Guéant, directeur de cabinet de Sarkozy au ministère de l'Intérieur, avait reçu un demi-million d'euros d'origine libyenne pour l'achat d'un appartement parisien, via un montage financier complexe.
Trois épisodes embarrassent particulièrement la défense : le dîner de Guéant avec Abdallah Al-Senoussi, chef des services secrets libyens condamné pour l'attentat d'UTA, en octobre 2005 ; la visite mystérieuse de Brice Hortefeux à ce même Al-Senoussi en décembre 2005 ; et l'exfiltration rocambolesque de Bechir Saleh, argentier du régime Kadhafi, le 3 mai 2012, alors qu'un mandat d'arrêt international venait d'être émis contre lui.
Ziad Takieddine, intermédiaire au cœur de l'affaire, affirme avoir remis personnellement trois valises contenant 5 millions d'euros à Claude Guéant en 2006 et 2007, avant de se rétracter spectaculairement en 2020 - revirement pour lequel Carla Bruni-Sarkozy a été mise en examen en juillet 2024.
"Le tribunal aura fort à faire pour démêler les objections juridiques et les versions des uns et des autres", conclut Le Monde, les magistrats s'attendant à "une volée de bois vert, quel que soit le sens du jugement de ce procès historique".