INNOCENCE BAFOUÉE
Une vidéo récemment devenue virale a mis en lumière une réalité alarmante: un jeune garçon, identifié, est violemment roué de coups par un homme présenté comme son oncle paternel, sous le regard indifférent des adultes présents...

Une vidéo récemment devenue virale a mis en lumière une réalité alarmante: un jeune garçon, identifié, est violemment roué de coups par un homme présenté comme son oncle paternel, sous le regard indifférent des adultes présents. Cette scène insoutenable a suscité une onde de choc et une vague d’indignation sur la toile. Peu après, une seconde vidéo dévoile les marques laissées par les coups, des blessures profondes, dont des plaies sanglantes sur le dos du garçon. Cet épisode tragique n’est malheureusement pas un cas isolé.
II met en lumière des pratiques fréquentes au Sénégal, où la violence contre les enfants est répandue, bien qu’elle ne soit pas documentée de manière cohérente. Pour trop d’enfants, les endroits où ils devraient se sentir en sécurité à la maison, à l’école, dans leur communauté sont les premiers et les plus fréquents sites de violence, d’abus et d’exploitation. Parmi les plus vulnérables figurent les talibés, ces enfants confiés dès leur plus jeune âge à des maîtres coraniques. Souvent contraints à mendier pour subvenir à leurs propres besoins et rapporter de l’argent à leur maître, ils sont exposés à des conditions de vie précaires et à diverses formes de maltraitance. Une étude de l’Ong Global Solidarity Initiative (GSI) estimait en 2018 qu’il existait plus de 2.000 daaras à Dakar, accueillant près de 200.000 talibés, dont 25% sont forcés à mendier.
Les abus subis par ces enfants sont multiples: violences physiques, abus sexuels, enchaînement, négligence sanitaire et alimentaire. Des cas tragiques ont été rapportés, tels que celui d’un talibé de 10 ans mort en janvier 2022 à Touba après avoir été frappé à la tête par son maître pour ne pas avoir su sa leçon du jour. Face à cette situation, des initiatives ont été lancées pour améliorer les conditions de vie des talibés. Le projet « Un talibé, un métier », lancé à Tivaouane, vise à offrir une formation professionnelle aux élèves coraniques pour faciliter leur insertion socio-économique. De même, l’Ong Save The Children a lancé le projet « Wallu talibé yi » pour réduire la mendicité des enfants talibés et promouvoir l’implication communautaire. Cependant, malgré ces efforts, les défis restent immenses. L’absence d’un cadre juridique clair pour les daaras et la non-application des lois existantes contribuent à la persistance des abus. Amnesty International souligne la nécessité d’adopter le projet de Code de l’enfant et la loi portant statut du « daara » pour renforcer la protection des talibés.
Il est impératif que l’État du Sénégal prenne des mesures concrètes pour protéger les enfants contre la violence, l’exploitation et les abus. Cela passe par une application rigoureuse des lois, une surveillance accrue des daaras, une sensibilisation des communautés et un soutien aux initiatives visant à offrir des alternatives éducatives et professionnelles aux enfants talibés. L’enfance est sacrée. Elle ne peut continuer d’être un territoire de souffrances. Il est temps d’agir pour que chaque enfant sénégalais puisse grandir dans un environnement sûr, respectueux et propice à son épanouissement.