AMADOU BA, L'HABIT QUI NE FAIT PAS LE MOINE
En refusant la confrontation directe avec le pouvoir en place, l'ancien Premier ministre choisit une voie médiane qui divise les observateurs : sagesse politique pour certains, collaboration déguisée pour d'autres

L'ancien Premier ministre et candidat malheureux de la coalition BBY lors de la dernière présidentielle, Amadou Ba, refuse-t-il de s'attaquer au tandem Diomaye-Sonko ? Ou a-t-il commis une erreur de communication ? En tout cas, sa sortie lors de la fête de Korité laisse perplexes beaucoup de Sénégalais qui y voient une manière voilée de faire un clin d'œil à ses anciens collègues.
Posture de neutralité axiologique, fuite en avant, clin d'œil au régime, stratégie pour échapper au glaive brandi par Ousmane Sonko ? Nul ne peut dire avec exactitude ce qui se triture dans la tête du candidat malheureux de Benno à la dernière présidentielle, figure de proue de la nouvelle opposition.
Ceux qui voulaient le voir téméraire, offensif, disputant le leadership à son «ami» Macky Sall, peuvent déchanter. L'ancien Premier ministre et patron de la Nouvelle Responsabilité qualifié à tort ou à raison de pleutre, ne semble pas décidé à jouer ce rôle pour faire face au tandem Diomaye-Sonko qu'il est d'ailleurs soupçonné de servir officieusement. «Laissons le gouvernement travailler», affirme-t-il de manière laconique tout en ajoutant qu'il y a un temps pour la politique et un autre pour travailler. «On passe tout notre temps, de mon point de vue, à être en campagne électorale», renchérit-il en marge de la prière de la Korité à la mosquée omarienne samedi.
Le message de l'ex PM est visiblement très clair. Il refuse pour le moment une confrontation avec l'actuel régime et veut marcher sous les radars, tisser sa toile politique sans s'attirer les foudres du nouveau régime. Un couteau à double tranchant. Cela lui a certes réussi par le passé. Car d'agent simple à Premier ministre en passant par les postes de ministre de Finances, celui des affaires étrangères, il a toujours avancé masqué. Jamais de gros mots. Et ses sorties sont toujours conventionnelles et ternes. Les ''punchlines'' politiques ne sont pas sa tasse thé.
Toutefois, sa dernière sortie qui laisse entrevoir une précaution politique est diversement appréciée. Si certains saluent sa posture mesurée et responsable dans un contexte où le champs politique ressemble à un ring où tous les coups sont permis, la majorité des internautes le soupçonne d'être un collabo subodorant une abstention politique qui sonne comme un soutien officieux à ses ''petits frères''. Une thèse difficilement réfutable.
Depuis la perte du régime, Amadou Ba a ''disparu des radars'' comme l'a fait remarquer un journaliste lors de cette interview. Dans le combat que l'APR mène contre la ''traque'' entamée par le pouvoir en place contre les dignitaires de l'ancien régime, Amadou Ba est resté toujours muet comme une carpe alors qu'avec son score à la dernière présidentielle, son aura, ses réseaux, beaucoup s'attendaient à ce qu'il incarne la nouvelle opposition. Mais l'ancien chef de la diplomatie sénégalaise n'est pas prêt apparemment à enfiler son costume de chef. A-t-il peur de l'assumer ou comme le pensent certains, s'entiche-t-il avec ses « frères » en cachette, histoire d'échapper au glaive brandi par le Premier ministre dans le dossier des 94 milliards ? Il est si terne, si isolé que même pour la levée de l'immunité parlementaire de Farba Ngom qui fut son ami, il s'est abstenu.
Peur de représailles judiciaires ou stratégie de séduction à long terme
Le président du parti Nouvelle Responsabilité fait-il un clin d'œil au tandem Diomaye-Sonko si on sait qu'une certaine doxa de la coalition BBY a toujours soupçonné Amadou Ba d'entretenir des relations incestueuses avec les cadres du Pastef, notamment Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et Waly Bodian, qui sont devenus par la force des choses les hommes forts du pays. Ou tout simplement Amadou Ba trouve-t-il trop risqué de s'attaquer à un régime qui les accuse d'avoir vendangé le pays et qui promet des représailles judiciaires ?
Dans tous les cas, Amadou Ba refuse la guerre, contourne la guerre. Pense-t-il aussi que les passes d'armes et les attaques personnelles sont contre-productives ? Quelle que soit sa décision, sa dernière sortie a été un flop en matière de communication. En attestent les sorties «Sav» menées par ses proches pour tenter de dérouter la meute enragées qui cognait sur lui à bras raccourci. Un flot indéfini de critiques contre lui pour son impair de communication.
Pour eux, Amadou Bâ a simplement pactisé avec le duo pour éventuellement prendre sa revanche sur l'ancien président Macky Sall, mais aussi échapper aux représailles judiciaires enclenchées. Si tel est son vœu, il risque de se tirer une balle dans les jambes, parce que les militants de Pastef veillent au grain et ont décidé de nettoyer les écuries d'Augias. N'est-ce pas Samba Ndiaye et Dr Aou Bocar Ly ?...