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25 avril 2025
Développement
par Eric Felley
DE LA COULEUR DE L'ARGENT À LA COULEUR DE LA PEAU
Démissionné de Credit Suisse, Tidjane Thiam avait deux défauts, il était trop français et pas assez clair. Pour le reste, on n'avait rien à lui reprocher
Vu de Suisse romande, la démission du CEO de Credit Suisse Tidjane Thiam n'a pas le même impact qu'en Suisse alémanique, où le Credit Suisse a son siège à Zurich. Certes les Romands ont pu faire connaissance récemment avec ce banquier de haut-vol dans l'émission «Pardonnez-moi» de Darius Rochebin. Ils ont sans doute découvert un personnage plutôt sympathique.
Premier noir à la tête d'une banque suisse
Au moment de sa nomination, en 2015, son origine africaine avait crée une surprise, pour ne pas dire un choc. Comme Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, on n'avait jamais vu un noir diriger une banque suisse, qui plus est la seconde en importance. Mais le choix était bon. Tout le monde admet – et en premier ceux qui l'ont poussé dehors – que le nouvel homme fort a redressé et dépouisséré la banque helvétique durant quatre ans. Alors quid ?
Un double obstacle
Cela ne veut pas dire que le directeur général s'est fait beaucoup d'amis. Tidjane Thiam est franco-ivoirien. Dans la mentalité alémanique, cela peut constituer un double obstacle à son intégration à un haut niveau. Que la deuxième grande banque suisse soit dirigée par un Français suscite déjà une réticence épidermique des milieux économiques helvétiques. Ensuite, la couleur de la peau est, plus ou moins consciemment, un élément dérangeant dans un milieu où tout le monde est blanc. Jusqu'à l'affaire de la filature, les compétences de l'homme avaient cependant fait taire ces petites voix intérieures.
Un écart entre la banque et son public
La «Neue Zurcher Zeitung» (NZZ), qui a fait campagne ces dernières semaines contre Tidjane Thiam, se félicite aujourd'hui qu'il soit remplacé par quelqu'un de moins voyant, de moins coloré dans la grisaille des éminences de la Bahnhofstrasse: «Contrairement à Thiam, qui n’avait aucun lien avec la Suisse, écrit-elle, son successeur, Thomas Gottstein, connaît le pays et ses habitants. Il devrait permettre de combler l’écart entre la banque et le public qui s’est creusé ces dernières semaines et ces derniers mois.» Un écart qui a surtout été entretenu pour obtenir sa démission. A moins que ce soit pour qu'il retourne en Côte d'Ivoire, où certains verraient bien Tidjane Thiam en président !
TIDJANE THIAM, L'"OBAMA DE LA FINANCE" AU PARCOURS CAHOTEUX
Brillant étudiant en France, ministre en Côte d'Ivoire, premier Africain à diriger un groupe coté au Royaume-Uni, puissant banquier en Suisse... il a ajouté un rebondissement à un parcours déjà hors normes en prenant la porte vendredi du Credit Suisse
L'arrivée en juillet 2015 à Zurich du Franco-Ivoirien, qui dirigeait jusque-là le groupe britannique d'assurances Prudential, bouscule le milieu feutré de la banque helvète.Précédé d'une réputation de fin stratège, Tidjane Thiam, a pour mission de rééquilibrer le paquebot Credit Suisse, alors en eaux troubles entre actifs toxiques, scandales financiers et banque d'investissement hypertrophiée.
Il lance une vaste restructuration pour donner la priorité à la banque privée et à la gestion de fortune.D'abord saluée, sa stratégie est ensuite critiquée après trois exercices consécutifs de pertes et une chute du cours de l'action.
Près de cinq ans après, la rupture semble déjà consommée avec l'intelligentsia bancaire suisse."Tidjane Thiam contre l'establishment" titre fin janvier le site local financier Finews.com en relatant le bras de fer engagé entre le patron et l'élite zurichoise, après l'éclatement d'un scandale d'espionnage d'anciens cadres du Credit Suisse et de l'ONG Greenpeace.Scandale dans lequel Tidjane Thiam nie toute implication.
Finalement, l'"Obama de la finance", comme l'avaient surnommé certains tabloïds suisses, jette l'éponge, éclaboussé par l'implication dans l'affaire de son fidèle bras droit, le Français Pierre-Olivier Bouée.Il quittera le Credit Suisse le 14 février après la présentation des résultats annuels.
Agé de 57 ans, que va faire le grand patron?Se lancer à nouveau dans une aventure politique en Côte d'Ivoire, où il est né?Tous les paris sont ouverts pour celui dont le nom avait circulé pour succéder à Christine Lagarde à la direction du FMI.
Né en juillet 1962 dans une famille baignant dans la politique (son père, diplomate plusieurs fois emprisonné pour ses opinions, a épousé une nièce de l'ancien président Félix Houphouët-Boigny), l'homme fait figure de pionnier dès ses études supérieures.
Il est le premier Ivoirien à entrer à l'Ecole Polytechnique, couronnement d'études brillantes en France.
Il est recruté en 1988 par le célèbre cabinet de consultants américain McKinsey, au sein duquel il travaille à Paris et New York, avant d'être appelé en 1994 par le président ivoirien Henri Konan Bédié.Au départ haut fonctionnaire, il devient en 1998 ministre de la Planification.
Mais cette carrière en politique s'écroule fin 1999, quand le gouvernement est renversé alors qu'il se trouve à l'étranger.Il rentre au pays mais se retrouve assigné à résidence, et repart en France au bout de six mois.
- "Plafond de verre" -
Les déconvenues ne s'arrêtent pas là.L'homme, à la haute silhouette et au sourire tranquille sous sa paire de lunettes, connaît en France, selon ses propres termes, la "fatigue de (se) cogner le crâne contre un plafond de verre parfaitement invisible mais ô combien réel".
Il racontera plus tard comment un ancien camarade d'école devenu chasseur de têtes lui avait avoué avec embarras qu'il ne le présentait plus à ses clients français, "parce que la réponse invariablement était : profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…".
Il part alors pour le Royaume-Uni en 2002, embauché par l'assureur Aviva, où il gravit les échelons jusqu'à devenir responsable pour l'Europe, avant de rejoindre Prudential en 2008, comme directeur financier, puis d'en prendre la direction générale en octobre 2009.
Un an après sa nomination à la tête de la "Pru", le carrosse menace de se transformer en citrouille, lorsque qu'il renonce à racheter l'assureur asiatique AIA, faute d'avoir pu renégocier à la baisse le coût colossal de cette transaction (35,5 milliards de dollars).
Ce fiasco laisse une facture salée (450 millions de livres) à Prudential, fait hurler certains actionnaires et manque de lui coûter son poste.
Malgré cet échec cuisant, Tidjane Thiam a redoré son blason en dégageant année après année de bons résultats, et développé fortement Prudential, notamment dans les pays émergents.
Peu connu du grand public en France, ce père de deux enfants et fan du club de football d'Arsenal s'est vu remettre en 2012 la Légion d'Honneur, des mains de l'ancien patron de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.
Ce dernier avait alors salué son "cursus éblouissant", et souligné "ne pas connaître d'autre exemple de personne ayant trois dimensions aussi fondamentales, africaine, française et orientée vers +le vaste monde+".
par Boubacar Badiane
NATIONS NÈGRES ET CULTURE, RETOUR SUR LA PARUTION D’UNE ŒUVRE CULTE
Avec la parution de cet ouvrage, c’est l’idée même d’une Afrique anhistorique telle que formulée par la philosophie hégélienne de l’histoire qui se voit sapée dans ses fondements les plus lointains
Il n’est certainement pas exagéré de dire que l’année 1954 restera, au même titre que l’année 1945, dans la mémoire collective des Allemands, à jamais, gravée, dans la mémoire des africanistes, des égyptologues, des historiens modernes et des autorités universitaires françaises des années 50. 1954 marque, en effet, l’année de parution de Nations nègres et culture.
Nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale et l’impérialisme européen bat encore son plein dans presque toute l’Afrique. C’est dans ce contexte marqué, au plan des idées, par l’hégémonie d’une conception de l’histoire, à la fois, eurocentriste et raciste, héritée de la philosophie hégélienne de l’histoire, que Cheikh Anta Diop va, en 1954, suite à la publication de Nationsnègresetculture, frapper, de plein fouet, l’arrogance d’une Europe amnésique de l’origine de sa civilisation et obnubilée par sa puissance matérielle et technique.
Les solutions de continuités
On sait que l’Afrique a été, suite au Congrès de Berlin, morcelée en une multitude de micro-Etats. Pourtant, un siècle, plutôt, dans ce même Berlin, Hegel avait, déjà, annoncé la couleur. En effet, dans ses célèbres Leçons sur la philosophie de l’histoire, Hegel soutient, de toutes ses forces, que l’Afrique est constituée de trois continents : l’Afrique sub-saharienne, l’Afrique septentrionale et l’Egypte. Hegel pense ainsi que l’Afrique septentrionale devrait être rattachée à l’Europe, au lieu où l’Egypte appartient à l’Asie. Ainsi, selon lui, l’Afrique proprement dite, se réduit, en dernière instance, à l’Afrique sub-saharienne, c’est-à-dire à l’Afrique noire. Loin de s’en tenir là, Hegel continue à filer la métaphore en affirmant que cette partie de l’Afrique est peuplée de barbares ou, si l’on préfère, de sauvages. Ainsi, comme le note, à juste titre, Pierre Quillet, aux yeux de Hegel, l’Afrique se situe au seuil de l’histoire universelle et le Nègre au seuil de l’humanité :
« L’ouvrage du comte Arthur Gobineau intitulé « Essai su l’inégalité des Races humaines », publié en 1953-55 (22), bien après la mort de Hegel, est en quelque sorte, l’acte de naissance du racisme contemporain. Mais à comparer ces deux courants de la pensée, on s’apercevrait vite que le racisme de Hegel est beaucoup plus pernicieux, car il ne s’agit pas chez lui d’ « inégalité »- ou l’on peut trouver du plus et du moins- mais d’une différence d’espèce : les Nègres sont des pseudo-hommes destinés seulement à manifester dans la nature, avant l’histoire, ce qu’est l’humanité réduite à l’animalité»[1].
C’est cette conception, à la fois, balkanisante et condescendante à l’endroit de l’Afrique et des Africains, adossée à une érudition idéologique féroce, que les africanistes vont reprendre à leur compte en se donnant, pour ainsi dire, la discontinuité des faits de culture comme grille d’intelligibilité du passé négro-africain. Aussi François-Xavier Fauvelle-Aymar dit-il qu’ : « au découpage de l’Afrique sur le terrain colonial, correspond, sur le terrain savant, le découpage monographique pratiqué par les africanistes traditionnels »[2].
Les égyptologues leur emboiteront le pas, en soutenant, à leur tour, que la civilisation égyptienne ne saurait être l’œuvre des Nègres. Ainsi, selon eux, l’Egypte antique est, non seulement blanche, mais aussi, que c’est cette race blanche qui serait à l’origine de sa brillante civilisation. Ils vont ainsi, enrobés du manteau de la science, se rendre coupables de ce que Cheikh Anta Diop appellera, plus tard, « un crime, le plus gravecontrela science et l’humanité »[3].
Les historiens modernes vont, pour leur part, donner libre cours à leur imagination, en se donnant comme sacerdoce un seul principe : raconter l’histoire à rebours. Ainsi, selon eux, l’histoire africaine s’arrête avec la fondation de l’empire du Ghana ; au-delà, c’est la nuit noire, en Afrique. Ce qui signifie que l’histoire africaine n’est que solution de continuité. Autrement dit, elle comporte des trous. Et ce sont, justement, ces solutions de continuités que Cheikh Anta Diop va, en publiant Nations nègres et culture, se proposer de balayer d’un revers de main. Ainsi, à une conception, à la fois, raciste et eurocentriste de l’histoire, Diop oppose, à son tour, une conception, à la fois, afrocentriste et polycentriste de celle-ci. La nouveauté de Cheikh Anta Diop, c’est le lieu de le dire, réside, en effet, dans l’introduction de l’approche diachronique comme grille de lecture du passé négro-africain.
En introduisant ainsi le temps comme principe d’intelligibilité du passé négro-africain, Cheikh Anta Diop découvre que l’Egypte antique est, non seulement, nègre, mais aussi, que c’est à cette Egypte nègre, encore sous le joug de la colonisation, que l’Europe est tributaire de tous les éléments de la civilisation, aussi extraordinaire que cela puisse paraître. En remontant ainsi le cours de l’histoire africaine jusqu’à l’antiquité égypto-nubienne, sur une période d’au moins 5000 ans sans solution de continuité, Cheikh Anta Diop fait d’une pierre deux coups : il replace le Nègre et l’Afrique au centre de l’histoire universelle, d’une part, affirme l’antériorité des civilisations nègres, d’autre part.
Ainsi, en replaçant l’Egypte antique dans son giron africain, Cheikh Anta Diop rétablit, du coup, dans la longue chaine de l’histoire africaine, le maillon rompu par la parenthèse coloniale et saisit, simultanément, le fil conducteur qui relie les africains à leurs ancêtres les plus lointains. C’est ce qu’il appelle : « laconsciencehistoriqueafricaine », c’est-à-dire, suivant sa propre terminologie : « le ciment qui réunit les individus d’un peuple, qui fait qu’un peuple n’est pas une population, un agrégat d’individus sans liens »[4]. C’est dire que la nouveauté de Cheikh Anta Diop était, comme il le soulignera, plus tard, lui-même, moins d’avoir dit, à la suite de certains auteurs classiques, que l’Egypte antique est nègre, que d’avoir fait de cette idée un fait de conscience historique africaine et mondiale et, surtout, un concept scientifique opératoire[5].
La presse
Ainsi, avec la parution de Nations nègres et culture, c’est l’idée même d’une Afrique anhistorique telle que formulée par la philosophie hégélienne de l’histoire qui se voit sapée dans ses fondements les plus lointains. Le choc fut total : « coup de tonnerre », « effet de bombe », « folie », « scandale », « tremblementde terre », « révélation », « dangereux », « audacieux », « révolutionnaire », tels sont, entre autres, les termes employés, çà et là, pour relater l’événement. La force même des termes employés, pour rendre compte de l’événement, traduit, d’une manière ou d’une autre, le malaise profond que cette parution a suscité au cœur de la communauté scientifique. Qu’il s’agisse des africanistes, des égyptologues ou, des autorités académiques de l’époque, tous avaient, pour reprendre le titre même de Chinua Achebe, le sentiment que : « Le monde s’effondre »[6].
Dans une des émissions, Archives d’Afrique, consacrée à Cheikh Anta Diop, Alain Foka, journaliste à RFI, revient sur cette publication dans les termes qui suivent : « En 1954 Cheikh Anta Diop publie son premier ouvrage : Nations nègres et culture ; c’est un coup de tonnerre dans le monde des intellectuels, en général et, celui très tranquilledes égyptologues, en particulier»[7]. C’est cette même idée d’un espace universitaire serein, troublé, tout d’un coup, qui sera, à son tour, reprise par Fabrice Hervieu Wane dans les colonnes du mensuel Le Monde diplomatique : « Le livre sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel tranquille de l’establishment intellectuel »[8]. Bizarrement, un mois, plus tard, dans les colonnes du même mensuel et dans, à peu près, les mêmes termes, Philipe Leymarie, revient, à son tour, sur l’événement : « refusée en Sorbonne, sa thèse avait fait l’effet d’une bombe dans le milieu intellectuel des années 50. Nations nègres et culture était à l’ origine une thèse. Mais les autorités universitaires avaient jugé ses idées trop subversives et s’opposèrent à ce qu’elle soit soutenue »[9]. C’est un journal français, Le Républicain Lorrain, qui, deux ans après la parution de Nations nègres et culture, suite à une conférence de Cheikh Anta Diop, résume, de façon tout à fait éloquente, dans un de ses titres, le malaise général que cette œuvre a provoqué au sein de la communauté scientifique : « Deux siècles d’érudition remis en question »[10].
Frappé de caducité, l’africanisme ne s’en relèvera presque plus jamais. Aussi l’Afrocentricité apparaitra-t-il aux africanistes comme étant, non seulement, un défi tout à fait intimidant, mais aussi un défi qui mérite une réponse tout à fait précise. Telle est, du moins, la conviction de Mary Lefkowitz et qui, d’une certaine manière, traduit le sentiment de frustration générale que toute la communauté africaniste avait, au plus profond de sa chair, éprouvé :
« Parce que l’afrocentrisme[11] est appris dans les écoles et les universités et qu’il est pris au sérieux par de nombreuses personnes, il représente un défi qui exige une réponse bien circonstanciée. C’est un défi à l’intégrité académique de toute personne étudiant la Méditerranée orientale, défi qui exige que nous répondions d’abord aux accusations selon lesquelles nous avons délibérément trompé nos étudiants et le public au sujet de l’influence égyptienne sur la pensée occidentale. Ce défi est particulièrement intimidant parce que toute tentative de débattre ou de discuter de ces questions engendre des accusations supplémentaires et une plus grande acrimonie »[12].
Ainsi, avec Nations nègres et culture, c’était, manifestement, une nouvelle page de l’histoire universelle et, surtout, de l’histoire africaine qui s’ouvrait, amplement. Anatole Fogou semble avoir bien perçu l’un des enjeux majeurs de cette œuvre : « L’enjeu, c’est de faire mentir une certaine conception de l’Afrique et de l’Egypte qui situe cette dernière hors de l’Afrique. Et l’auteur qui s’est le plus avancé dans cette direction n’est autre que Hegel, que Diop ne cite pratiquement jamais, mais dont on « sent » bien à la lecture qu’il s’attache à détruire les conceptions sur l’Afrique»[13]. Tout se passe ainsi comme si les thèses exprimées dans Nations nègres et culture remettaient en question les fondements même de la civilisation occidentale. Une chose est, en tout cas, sûre, c’est que sa parution constitue, aux yeux de la communauté des savants européens, abreuvée de Hegel, un véritable scandale. Jean-Marc Ela est de cet avis : « Dire que les bâtisseurs de l’Egypte ancienne sont des nègres authentiques, aussi vrai que les bantous ou les tirailleurs noirs, c’est faire preuve de « folie » aux yeux des sages d’Occident. Les thèses exprimées dans Nations nègres et culture constituent une sorte de scandale pour un esprit nourri de Hegel et d’une longue tradition intellectuelle »[14].
On saisit alors toute la portée de l’événement. La volonté affichée par son auteur n’était, en réalité, comme le note, à juste titre, François-Xavier Fauvelle-Aymar, que de : « Lever le voile d’un seul coup sur plusieurs siècles de mensonges occidentaux, et montrer une fois pour toutes la profondeur historique et la valeur du passé africain»[15].
De là à dire que Nations nègreset culture marque, dans le champ de l’historiographie, un lever héliaque de Sothis, il n’y a qu’un pas-un seul pa s- et François-Xavier Fauvelle-Aymar, naturellement, n’hésite pas à le franchir : « A quoi juge-t-on que l’on a affaire à un nouveau Galilée?»[16], s’interroge François-Xavier Fauvelle-Aymar, avant de répondre presque aussitôt :
« A l’ampleur des sarcasmes et des résistances que suscitent ses idées, forcément justes puisque critiquées. Ainsi, Diop fait sortir le loup du bois. Presque chaque article sur son compte rappelle la façon dont l’establishment universitaire étouffa le scandale que n’aurait pas manqué de produire sa thèse, si la soutenance n’avait été reportée sine die. Mais ce n’était que partie remise : la parution de Nations nègres et culture provoqua, parait-il, un tremblement de terre dans le Landerneau africaniste»[17].
On comprend alors, aisément, que Joseph Ki-Zerbo ait pu dire que la nouveauté de Nations nègres et culture réside, justement, dans cette farouche volonté de son auteur de vouloir, à tout prix : « replacer le soleil au centre du système »[18].
Du côté africain, l’accueil ne fut pas, non plus, chaleureux. L’attitude des intellectuels noirs africains avait, en tout cas, été tout à fait mitigée. C’est, du moins, ce que rapporte Pathé Diagne dans un des passages de son ouvrage consacré à l’auteur de Nations nègres et culture : « Certes, à sa parution, peu de monde l’aura lu avec intelligence et lucidité. C’est pour les uns, une révélation et ils y adhèrent. Pour d’autres, un texte idéologique et politiquement dangereux »[19].
Seul, de toute l’élite africaine, Césaire avait été, dès sa parution, acquis à ses thèses. Césaire, dans un des passages de son célèbre Discours sur le colonialisme, publié deux ans après la publication de Nations nègres et culture, reviendra, d’ailleurs, sur cette parution en saluant, à son tour, non seulement l’audace de l’auteur, mais en attestant, également, pour la postérité, que Nations nègres et culture était le livre : « le plus audacieux qu’un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera à n’en plus douter dans le réveil de l’Afrique »[20].
C’est Cheikh Anta Diop, lui-même, qui, dans un des passages de la préface de Nations nègres et culture de 1979, où se mêlent hommages et admirations, nous rapporte l’événement : « Avec vingt-cinq ans de recul on s’aperçoit que les grands thèmes développés dans Nations nègres et culture, non seulement n’ont pas vieilli, mais sont tous tombés maintenant dans le domaine des lieux communs, alors qu’à l’époque ces idées paraissaient si révolutionnaires que très peu d’intellectuels africains osaient y adhérer. Il y a lieu de rendre hommage ici, au courage, à la lucidité et à l’honnêteté du génial poète, Aimé Césaire ; après avoir lu, en une nuit, toute la première partie de l’ouvrage, il fit le tour du Paris progressiste de l’époque, en quête de spécialistes disposés à défendre, avec lui, le nouveau livre, mais en vain ! Ce fut le vide autour de lui »[21].
Boubacar Badiane est Doctorant à l’Ecole Doctorale ETHOS de l’UCAD, Laboratoire CEREPHE.
Bibliographie
[1] P. QUILLET, « Hegel et l’Afrique », Ethiopiques, revue socialiste de culture Négro-africaine, 1976, N° 6, p. 62
2 F-X. FAUVELLE AYMAR, « Cheikh Anta Diop ou l’africaniste malgré lui. Retour sur son influence dans les études africaines », in : F-X., FAUVELLE-AYMAR, J. P., CHRETIEN, et C. H., PERROT (éds), Afrocentrismes. L’histoire des africains entre Egypte et Amérique, Paris : Karthala, 2000, p. 32.
8 F. H. WANE, « Cheikh Anta Diop, restaurateur de la conscience noire », Le Monde diplomatique, Janvier 1998, p. 24-25.
9 P. LEYMARIE, « L’Afrique de Cheikh Anta Diop », Le Monde diplomatique, Février 1998, p. 30.
10 Cité par C. M. DIOP, Cheikh Anta Diop, L’homme et l’œuvre, Paris : PA, 2003, p. 47.
11 Il faudrait peut-être préciser que s’agissant de Diop, le terme qui serait sans doute le plus approprié est celui d’Afrocentricité, introduit par un des disciples de Cheikh Anta Diop et non celui d’afrocentrisme qui est l’œuvre d’un groupe d’intellectuels européens farouchement opposé aux thèses de Cheikh Anta Diop et qui, par tous les moyens, cherchent à les discréditer.
12 M. LEFKOWITZ, « Le monde antique vu par les afrocentristes », in : F-X., FAUVELLE-AYMAR, J. P., CHRETIEN, et C. H., PERROT (éds), Afrocentrismes. L’histoire des africains entre Egypte et Amérique, Paris : Karthala, 2000, p. 243.
13 A. FOGOU, « Histoire, conscience historique et devenir de l’Afrique : revisiter l’historiographie diopienne », N° 60, janvier 2014, p. 6. http://www.fmsh.fr - FMSH-WP-2014-60, consulté le 10/06/ 2016 à 17h 48.
14 J.-M. ELA, Cheikh Anta Diop ou l’honneur de penser, Paris : L’Harmattan, 1989, pp. 52-53.
15 F-X. FAUVELLE AYMAR, op. cit., p. 29.
16 ID., op.cit., p. 40.
17 ID., op.cit., ibid.
18 J. KI-ZERBO, Sud, Revue africaine d’intégration, n° 1, mars 1986.
19 P. DIAGNE, Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde, Paris : L’Harmattan, 2015, p. 32
20 A. CESAIRE, Discours sur le colonialisme, Paris : PA, 1955, p. 41.
21C. A. DIOP, Nations nègres et culture, Paris : PA, 1979, p. 5.
par Mamadou Kane
EXFILTRATION DES ÉTUDIANTS DE WUHAN, ÉTAT D’ÂME OU MAUVAISE FOI ?
Vouloir utiliser le malheur des familles inquiètes et des compatriotes à des fins politiciennes relève de la démagogie et d'une immoralité inouïe
Suite à la conférence de presse des parents de nos enfants, étudiants dans la ville de Wuhan, beaucoup de nos compatriotes se sont exprimés sur ce sujet délicat.
Les épreuves difficiles ont cette particularité de secouer les poussières de notre humanité pour révéler les responsabilités dans la société telles qu'elles sont inscrites dans la réalité des limites de la solidarité quand la raison s'impose.
La déclaration hautement responsable du chef de l'Etat pouvait suffire pour calmer les esprits après un geste concret consistant à l'assistance financière aux jeunes compatriotes dans la cité mise en quarantaine de Chine.
Mais hélas, la politique politicienne s'invite toujours dans les choses les plus sérieuses qui devraient faire converger les esprits et les cœurs vers l'objectif supérieur d'une vision globale des intérêts du Sénégal sur la scène internationale.
La démarche rationnelle du président de la République étant en phase avec les directives de l'Organisation Mondiale de la Santé dans laquelle le Sénégal joue un rôle essentiel à travers son Laboratoire de l'Institut Pasteur, pourquoi tout ce bruit autour d'une situation non souhaitée qui devrait donner matière à réfléchir à tout croyant sincère?
La maitrise remarquable par notre personnel sanitaire de ce genre de maladies émergentes, l'expérience dans la lutte contre le virus Ebola, suffisent pour se convaincre qu'aucun sénégalais ne sera abandonné à son sort.
En effet, on peut douter de la bonne foi de ces pointeurs de doigt accusateur en direction du chef de l'Etat. Vouloir utiliser le malheur des familles inquiètes et des compatriotes à des fins politiciennes relève de la démagogie et d'une immoralité inouïe.
Les sentiments normaux des parents qui sont dans une situation d'incertitude, connaissant le risque pour leurs enfants sont assurément compréhensibles. On peut partager leurs inquiétudes, en être solidaires sans prêcher l'irresponsabilité dans l'hypocrisie, appelant à la légèreté de l'action de l'Etat. Arrêtez les larmes de crocodiles et soutenez les actions de protection de la Nation !
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«NOTRE SYSTEME JUDICIAIRE DOIT FAIRE SON EXAMEN DE CONSCIENCE»
Boubacar Boris Diop se prononce sur l'affaire Guy Marius Sagna et Cie
J’ai beaucoup d’admiration pour Guy Marius Sagna. Ce qui lui arrive est tout juste un scandale.
Notre système judiciaire doit faire son examen de conscience. In fine garder quelqu’un en prison, c’est une idée un peu mesquine, pour dire en wolof « boy bi dagn koy yaar », qu’on va l’éduquer. On le garde en prison sans des fondements précis.
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René Lake se penche sur l'avenir des Etats-Unis au lendemain de la procédure d'impeachment du président, dans un contexte politique et électoral bouillonnant
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TIDJANE THIAM CLAQUE LA PORTE DE CRÉDIT SUISSE
La banque a annoncé vendredi la démission de son directeur général. Il sera remplacé par Thomas Gottstein à la tête du groupe, éclaboussé par un scandale d’espionnage
Tidjane Thiam, 57 ans, a renoncé à ses fonctions à l’issue d’une réunion du conseil d’administration jeudi, qui s’est tenue alors que la banque est éclaboussée par une affaire à rebondissements qui avait débuté en septembre avec la filature d’un ancien cadre de haut rang.
Né en 1964, Thomas Gottstein dirige actuellement les activités de la banque pour le marché suisse. Titulaire d’un doctorat en finances et comptabilité de l’Université de Zurich, ce ressortissant suisse avait débuté sa carrière chez la banque concurrente UBS, avant de rejoindre Credit Suisse en 1999.
Filatures
«Tidjane a apporté une énorme contribution à Crédit Suisse depuis qu’il nous a rejoint en 2015», a déclaré le président du conseil d’administration, Urs Rohner, cité dans le communiqué.
Franco-Ivoirien, cet ingénieur diplômé de l’École polytechnique et de l’École des mines avait alors repris les commandes de la banque après avoir repositionné avec succès l’assureur britannique Prudential. Il avait rapidement mis en place un grand plan de repositionnement de la banque visant à renforcer la gestion de fortune et à recalibrer la banque d’investissement, en réduisant les pans d’activités les plus volatils.
LES IDÉES DE CHEIKH ANTA SONT DE PLUS EN PLUS ACTUELLES
Les anciens du Rassemblement national démocratique (Rnd) seront à Thieytou demain pour commémorer le 34ème anniversaire de la disparition de Cheikh Anta Diop le 7 février 1986. Pape Demba Sy revient sur l’œuvre de l’égyptologue et anthropologue
Les anciens du Rassemblement national démocratique (Rnd) seront à Thieytou demain pour commémorer le 34ème anniversaire de la disparition de Cheikh Anta Diop le 7 février 1986. Pape Demba Sy revient sur l’œuvre de l’égyptologue et anthropologue. Le leader du parti Udf/Mboloo-mi et enseignant à la Faculté de droit de l’Ucad estime que l’Afrique gagnerait à s’approprier les idées de Cheikh Anta Diop pour s’extirper des griffes du sous-développement.
Vous irez à Thieytou ce samedi pour vous recueillir sur la tombe de Cheikh Anta Diop dans le cadre de la commémoration du 34ème anniversaire de sa disparition. Quel est le cap pour cette année ?
La commémoration de la disparition du Pr Cheikh Anta Diop est initiée depuis 1987, soit un an après son décès le 7 février 1986. Le voyage commémoratif de cette année entre dans ce cadre. L’objectif est toujours le même : rappeler aux Sénégalais que le Pr Cheikh Anta Diop repose à Thieytou, mais a joué un rôle important dans la prise de conscience des Noirs en Afrique. Son objectif, et il l’a dit, c’était de restaurer la conscience historique des Africains.
En France, il s’est rendu compte que lorsqu’on étudiait l’histoire de l’Afrique, on s’arrêtait seulement à une certaine époque. Il a balayé toutes ces théories en démontrant que les premiers hommes dans le monde viennent de l’Afrique, que la première civilisation du monde est égyptienne et qu’elle était noire. Il a montré que les Grecs se sont abreuvés à la source égyptienne.
Cheikh Anta Diop s’est battu contre les falsificateurs de l’histoire qui disaient que les Noirs n’avaient pas d’histoire. A un moment donné, personne n’osait contredire les savants occidentaux. Cheikh Anta l’a fait. Dans Nations nègres et culture, il a remis en cause toutes les croyances que les savants occidentaux avaient distillées en Afrique.
34 ans après sa disparition, l’Afrique fait face à de nombreux défis. Est-ce que les Africains se sont servis des travaux de Cheikh Anta Diop ?
Il faut rétablir les choses à leur juste contexte. Cheikh Anta a aussi mené un combat politique. Lorsqu’il est revenu, il a d’abord publié un ouvrage, Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire. Il disait que les petits pays africains ne pouvaient pas se développer individuellement. De petits Etats qui seront instables et qui pourront être balayés par n’importe quel vent venant de l’extérieur.
C’est pourquoi il se battait pour un regroupement des différents Etats et la création d’un Etat fédéral africain. Et l’histoire lui donne raison. On a des défis économiques, sanitaires, éducatifs, sécuritaires…
Les Etats africains ne peuvent pas faire face au terrorisme. On a l’exemple du Burkina Faso, du Mali, du Niger où de petits groupes déstabilisent des Etats. Si on avait une Armée fédérale, elle pourrait se battre contre les terroristes et toute incursion étrangère.
L’Afrique ne s’en sort pas parce qu’elle est désunie, faible économiquement, politiquement et militairement. Je me félicite de voir des Africains commencer à véhiculer cette idée panafricaniste de Cheikh Anta Diop. Il y a un an, on a créé un grand comité qui regroupe tous les panafricains qui veulent aller vers un congrès qui va être le prélude à la création des Etats Unis d’Afrique.
C’est au niveau des Etats que les choses ne bougent pas. Qu’est-ce qui les empêche de se réunir ?
Cheikh Anta Diop est plus valorisé à l’extérieur qu’ici. A Atlanta, il y a une avenue Cheikh Anta Diop. Les ouvrages de Cheikh Anta sont dans les écoles et les universités. En 2016, lors du 30ème anniversaire de la disparition de Cheikh Anta, le président de la Répu bli que avait promis d’introduire son œuvre dans l’enseignement. Jusqu’à présent, on ne voit rien. Je ne saurais vous dire où se situe le blocage. Si l’Afrique est unie, la domination étrangère va reculer voire disparaître.
Ces puissances extérieures ne le souhaitent pas. Donc, ils ont besoin d’un certain nombre de pions. Thomas Sankara, Nkrumah, Kadhafi avaient des idées panafricanistes, mais on a tous vu leur sort.
Le Sénégal est-il reconnaissant envers Cheikh Anta Diop ?
Si on prend le Sénégal dans son ensemble, on peut dire que les populations sont reconnaissantes envers Cheikh Anta Diop. De plus en plus, les jeunes s’engagent et épousent les idées de Cheikh Anta. Il y a des jeunes qui ont créé le mouvement Carbone 14, il y a des clubs, des écoles privées Cheikh Anta Diop. Au niveau politique, tout le monde reconnaît l’œuvre de Cheikh Anta. Il y a une avenue, une université, l’Ifan, un mausolée baptisés Cheikh Anta Diop. Ces sont des efforts importants, mais insuffisants à nos yeux. La première chose à faire, c’est de refaire la route qui mène à Thieytou. Entre Bambey et Thieytou, c’est une piste en latérite. Le président de la République avait promis de faire la route de Thieytou, mais on attend toujours.
Est-ce que la pensée de Cheikh Anta Diop est toujours actuelle ?
Il avait créé le Rassemblement national démocratique (Rnd) dans le lequel étaient prévus les «Diaistes», partisans de Mamadou Dia, un certain nombre de partis comme la Ld. C’était ça l’esprit de rassembler le maximum de patriotes pour créer une grande force qui peut créer les changements dont nous avons besoin. Nous, Udf/Mboloo mi, sommes toujours dans cette direction de rassembler tous les partisans de Cheikh Anta Diop afin de créer cette grande force.
Du point de vue organisationnel, les héritiers de Cheikh Anta Diop n’ont pas maintenu l’unité. Mais les idées que Cheikh Anta Diop a développées sont de plus en plus actuelles. Tout ce débat sur l’environnement, Cheikh Anta l’a posé dans les années 1950 avec le reboisement dans «Alerte sous les tropiques».
Il a fait une conférence à Dakar pour le dire. Tous les vieux disaient que rien ne va dans la tête de Cheikh Anta. Il a toujours demandé que l’énergie renouvelable soit utilisée, des énergies propres capables d’impulser un développement durable. Faire un développement tout en conservant la nature et la faune. Donc ses idées sont actuelles. Lorsque le pouvoir parle de mixte énergétique, cela vient de Cheikh Anta qui en a parlé dans les «Fondements».
Sur la culture, il a toujours dit qu’on ne peut pas se développer avec une langue étrangère. Et il a raison. Sur la question de l’unité africaine, aujourd’hui tous les Africains se sont rendu compte qu’ils ne peuvent aller nulle part sans l’unité. Sur le plan sécuritaire, Cheikh Anta disait que la sécurité précède le développement.
On ne peut pas développer un pays dans l’insécurité générale. Cette idée a été reprise au niveau des Nations unies. Tout le monde reconnaît que les pays africains ne peuvent pas se développer dans l’insécurité. Notre objectif est de faire partager à tout le monde la pensée de Cheikh Anta Diop. Nous appelons les jeunes à s’approprier les idées de Cheikh Anta. Le libéralisme a atteint ses limites et risque de conduire à la destruction du monde.
Est-ce que l’Eco est un début de réalisation de la pensée économique de Cheikh Anta Diop sur le plan monétaire ?
Pas du tout. Cheikh Anta était depuis longtemps partisan d’une monnaie à l’échelle africaine. C’est pourquoi je le pose comme ça. Dans l’Union africaine, il y a même une idée allant dans le sens d’une création d’une monnaie appelée Afro. L’Eco est d’abord une idée de la Cedeao qui a décidé en 1999 d’aller vers une monnaie commune.
D’ailleurs, c’est en cemoment que la Mauritanie a quitté. Actuelle ment, elle veut revenir. Ces derniers temps, il y a eu l’annonce de Ouattara et de Macron créant une confusion. L’Eco, c’est l’appellation que la Cedeao avait déjà retenue pour sa monnaie. C’est un premier pas parce que le nom Cfa d’origine coloniale a été changé. C’est largement insuffisant pour allevers une unité monétaire.
Pourquoi on ne vous a pas entendu dans le débat entre Boubacar Boris Diop et Souleymane Bachir Diagne sur l’œuvre de Cheikh Anta Diop ?
C’est un débat à la marge. Il est posé la question des langues nationales. Il y a beaucoup d’éléments que Souleymane Bachir Diagne a intégrés pour essayer de minimiser la pensée de Cheikh Anta. Lorsqu’il dit que c’était facile de traduire la relativité universelle de Einstein en wolof, c’est son point de vue. Mais il faut lui demander d’essayer.
De là, on se rendra compte que Cheikh Anta a fait des efforts pour traduire et est allé très loin dans cette recherche des mots scientifiques. Je ne partage pas le point de vue de Bachir Diagne. Je dis que c’est un débat à la marge parce que le problème technique est réglé, pas seulement au Sénégal, mais dans d’autres pays.
Ce qui intéressait Cheikh Anta, c’est de dire que tant qu’on n’aura pas développé nos langues nationales, on ne pourra pas développer l’Afrique. Pour les modalités, les techniciens vont y travailler. Boris et Bachir sont deux amis philosophes et qui posent un débat de philosophes.
MAIS POURQUOI VEULENT-ILS DÉBARQUER TIDJANE THIAM, LE PATRON DE CRÉDIT SUISSE ?
Depuis sa nomination, le cours de l'action de la banque a fait un bond de 20 % en un an. Alors que reproche-t-on à cet Africain dont la mère était une nièce de Houphouët-Boigny, et dont l'oncle a occupé les fonctions de Premier ministre au Sénégal ?
Le Point Afrique |
Ian Hamel |
Publication 06/02/2020
PRESSION. Malgré le fort soutien des principaux actionnaires de sa banque, le Franco-Ivoirien n'est pas en odeur de sainteté sur la place financière de Zurich.
– Au niveau de l'aura, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), c'est un peu l'équivalent du Monde en Suisse alémanique. Ce quotidien conservateur a la réputation de défendre bec et ongles la place financière, et notamment les deux principaux établissements bancaires, l'UBS et Credit Suisse. Mais depuis quelques mois, la NZZ réclame avec constance le départ de Tidjane Thiam, directeur général de Credit Suisse, en fonction depuis juillet 2015. Ce Franco-Ivoirien, aujourd'hui âgé de 57 ans, dirigeait à Londres le groupe d'assurances Prudential quand il a été appelé à la rescousse de la deuxième banque de la Confédération en mauvaise posture. Depuis, Credit Suisse se porte mieux, sa masse sous gestion grimpe et le cours de son action a fait un bond de 20 % en un an. Alors que reproche-t-on à cet Africain, dont la mère était une nièce de Félix Houphouët-Boigny, l'ancien président de la Côte d'Ivoire, et dont l'un des oncles a occupé les fonctions de Premier ministre au Sénégal ?
Le banquier se déplace en hélicoptère
Le quotidien Le Temps de Lausanne titre sobrement : « Tidjane Thiam, le banquier qui n'était pas assez suisse. » « Il est brillant, mais il ne fait pas partie des élites habituelles », déclare un observateur de la place financière, qui rappelle « que les Suisses n'aiment pas toujours les têtes qui dépassent ». De plus, ce Franco-Ivoirien s'exprime en anglais et en français, mais pas en allemand. À Zurich, on n'aime guère son côté flamboyant : Tidjane Thiam n'hésiterait pas à se déplacer en hélicoptère… Le patron de Credit Suisse ne manque pas non plus d'ennemis à l'intérieur de la banque. À commencer par le Suisse Urs Rohner, le président du conseil d'administration de Credit Suisse ! Ce dernier est soupçonné d'avoir fait fuiter dans la presse la semaine dernière les noms des successeurs potentiels du Franco-Ivoirien.
Credit Suisse n'est plus suisse
L'Agefi, le quotidien de la finance, met encore davantage les pieds dans le plat : « Le plus désolant, c'est que cette discussion ne se fonde pas sur des critères objectifs, mais qu'elle se mène sur des bases émotionnelles pour ne pas dire sur des questions d'appartenance nationale », écrit-il. Tidjane Thiam se serait mis à dos tous ceux qui veulent que la Paradeplatz (la place dans la vieille ville de Zurich qui accueille l'UBS, Credit Suisse et la Banque nationale suisse) reste suisse. Or, la grande banque n'est vraiment plus suisse. Et ses principaux actionnaires, tous étrangers, soutiennent Tidjane Thiam.
Les principaux actionnaires à la rescousse
À commencer par la firme américaine Harris Associates (8,42 % des actions de Credit Suisse) qui menace de ne pas réélire… Urs Rohner, le président de la banque, si ce dernier n'apporte pas un soutien officiel à son directeur général ! La société d'investissement londonienne Silchester International Investors (3,3 % des actions) vient à son tour de plébisciter Tidjane Thiam. Même s'ils ne s'expriment pas officiellement, Qatar Investment Authority, son homologue norvégien, et le groupe saoudien Olayan Group ne semblent pas non plus mécontents des prestations de l'ancien patron de Prudential.
La banque accusée d'espionnage
Malgré tout, la grande banque suisse subit depuis septembre dernier une violente tempête. Elle a été contrainte de reconnaître qu'elle avait mandaté des détectives privés pour suivre son responsable de la gestion de fortune. Ce dernier venait d'être débauché par l'UBS, le principal concurrent. Pour éteindre l'incendie, deux hauts cadres de la banque, le Français Pierre-Olivier Bouée, directeur des opérations (et numéro deux), et Remo Boccali, le chef de la sécurité, ont démissionné. Officiellement, ils auraient pris la décision d'espionner Iqbal Khan, le responsable de la gestion de fortune, sans en informer Tidjane Thiam, le directeur général. Malgré tout, la presse helvétique ne s'est pas gênée pour raconter dans les détails l'animosité qui régnait entre Thiam et Khan, voisins sur les bords du lac de Zurich… De plus, en décembre 2019, la SonntagZeitung révélait que Credit Suisse surveillait depuis plusieurs années les activités de l'organisation Greenpeace en Suisse. Décidément.