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1 mai 2025
Diaspora
L'ARGENT ET LA LIBERTÉ, L'ÉNIGME DU FRANC CFA
De la création du franc CFA sous le régime de Vichy à sa pérennité controversée aujourd'hui. La réalisatrice Katy Lena Ndiaye dissèque avec brio l'évolution de cette monnaie qui lie encore l'Afrique à la France
(SenePlus) - La réalisatrice sénégalaise Katy Lena Ndiaye s'est lancée dans un ambitieux projet cinématographique : réaliser un documentaire retraçant toute l'histoire du franc CFA de 1945 à nos jours. Intitulé "L'argent, la liberté, une histoire du franc CFA", ce film présenté au dernier Fespaco a pour objectif de donner des clés de compréhension sur cette monnaie encore utilisée dans 14 pays d'Afrique de l'Ouest, souvent décriée mais méconnue du grand public.
Comme le rapporte un article de RFI, ce projet a germé il y a 10 ans après une discussion avec l'économiste camerounais Thierry Amougou. "Le franc CFA, c'est vraiment une question sur laquelle il faudra bien un jour qu'on s'arrête", avait-il lâché. Cette déclaration a poussé Katy Lena Ndiaye à se plonger dans les livres et les archives pour retracer le passé colonial de cette devise. Pendant 7 ans, elle a collecté témoignages et images pour donner corps à sa narration.
Son documentaire adopte un ton pédagogique pour présenter de manière accessible les rouages économiques et politiques qui ont présidé à la création du franc CFA en 1945. En s'appuyant sur des intervenants de renom comme l'économiste sénégalais N'Dongo Samba Sylla ou l'écrivain sénégalais Felwine Sarr, le film décrypte avec justesse les relations asymétriques qui unissent encore la France à ses anciennes colonies utilisatrices du franc CFA.
Pour illustrer de manière poétique les liens qui unissent les pays concernés, la réalisatrice a choisi de filmer des images de tisserands, évocatrices du tissage de liens économiques et humains. Son documentaire passionnant parvient à la fois à dresser un récit historique précis tout en interrogeant de manière pertinente les enjeux actuels liés à cette monnaie souvent décriée.
Présenté au Fespaco, le plus grand festival de cinéma africain, "L'argent, la liberté" a reçu une mention spéciale du jury, récompensant la qualité de ce travail de mémoire et de pédagogie sur un sujet d'importance pour le continent. Un documentaire majeur, qui devrait être diffusé plus largement dans les mois à venir pour faire mieux connaître cette thématique stratégique qu'est le franc CFA.
par Momar Dieng
UN LAPSUS RÉVÉLATEUR SUR LE SORT DE DIDIER BADJI ET FULBERT SAMBOU ?
Si l'ancien ministre de la Justice s'est ensuite rétracté, ses propos originels suggérant un possible lien avec les événements politiques amnistés ont provoqué l'indignation et relancé les soupçons sur les circonstances réelles de cette affaire
L’affaire Didier Badji-Fulbert Sambou est-elle couverte par la loi d’amnistie votée par les députés sous l’ancien régime le 6 mars 2024 et concernant les événements meurtriers survenus au Sénégal entre février 2021 et février 2024 ? A la question balancée par la journaliste Maimouna Ndour Faye sur le plateau de 7Tv, le Pr Ismaila Madior Fall, ancien ministre de la Justice, a répondu : « oui, en principe c’est inclus là-dedans », ajoutant que « la loi d’amnistie est large, hein. On y a mis tous les événements… »
Les gendarmes Didier Badji et Fulbert Sambou, sous-officiers des armées sénégalaises, ont été déclarés « disparus » depuis le 18 novembre 2022 par les autorités sénégalaises de l’époque. Le corps sans vie de Sambou a été « retrouvé » et remis à sa famille. Mais celui de Badji reste introuvable.
L’affirmation d’Ismaila Madior Fall est lourde de conséquences. Elle pourrait suggérer que les deux sous-officiers ont pu être éliminés pour diverses raisons dont une dite d’Etat que le régime de Macky Sall n’aurait pas voulu assumer. Une interprétation raisonnablement admissible d’autant plus que les conditions dans lesquels Didier Badji et Fulbert Sambou ont été déclarés disparus n’ont jamais été clairement explicitées par les autorités sénégalaises. La fébrilité du pouvoir à la simple évocation du dossier et sur les mystères qu’il porte ont couté plusieurs mois de prison à un responsable du parti Pastef, Fadilou Keïta, coupable de s’être interrogé - par amitié - sur le sort des deux gendarmes ?
La « bévue » oratoire de l’ex garde des Sceaux est-elle révélatrice d’une vérité cachée ?
Selon l’ancienne première ministre Aminata Touré, « Ismaila Madior Fall est mis en demeure hic et nunc d’expliquer aux Sénégalais quel est le lien entre la disparition par noyade supposée des deux gendarmes et les évènements politiques amnistiés ».
D’après elle, les propos de l’ex garde des Sceaux sont « une raison de plus pour révoquer cette loi d’amnistie qui porte atteinte aux droits des victimes ».
Le rétropédalage d’Ismaila Madior Fall ne s’est pas fait attendre. Dans un post tiré de sa page Facebook et rapporté par la plateforme Ma Revue de Presse, il s’explique :
« Je tiens à préciser que cette affaire n’a aucun rapport avec la loi d’amnistie. Ma réponse est tout simplement un lapsus dont je voudrais ‘excuser auprès des téléspectateurs et de toutes personnes que ces propos auraient choqués ». Il souligne avoir répondu « spontanément » et « par inadvertance » « à une curieuse relance inattendue » de la part de notre consoeur.
PAR Yoro Dia
DE LA THÉORIE DE LA RUPTURE À LA PRATIQUE DE LA CONTINUITÉ
Il est heureux que Diiomaye ait choisi de renforcer les axes diplomatiques classiques du Sénégal, au lieu de suivre les gourous aventuriers théoriciens d’une diplomatie d’un panafricanisme de Gauche et qui sont les maîtres à penser du Premier ministre
En matière de politique extérieure, il y a eu plus de continuité que de rupture. Le président Bassirou Diomaye Faye n’a fait que poursuivre les grandes lignes tracées par son prédécesseur le Président Sall, en refusant de suivre la diplomatie parallèle et concurrente de son Premier ministre. La cartographie des premières sorties du président Faye montre qu’il suit les pas de son prédécesseur dont la politique de bon voisinage a transformé le cercle de feu autour du Sénégal en un cercle de paix. Cette politique repose sur deux postulats : deux Etats liés par des intérêts économiques lourds sont rarement en conflit (c’est le cas actuellement entre la Mauritanie et le Sénégal). Deux Etats démocratiques sont rarement en conflit (le cas actuellement entre le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau). C’est pourquoi il faut saluer la décision du président de réserver sa première sortie à la Mauritanie, ensuite à la Gambie, la Guinée-Bissau, puis à la Coté d’Ivoire, l’autre poumon de l’Uemoa avec le Sénégal.
Le président Diomaye Faye renforce les ponts de la confiance jetés sur les fleuves Gambie et Sénégal par Macky Sall. Donc, il est heureux que le président Diomaye Faye ait choisi l’avant-garde économique (pétrole et gaz avec la Mauritanie) et démocratique (Gambie, Guinée-Bissau), plutôt que l’arrière garde politique des Etats putschistes de l’Aes qui sont les références de son Premier ministre. Il est heureux que le président Faye ait choisi de renforcer les axes diplomatiques classiques du Sénégal, au lieu de suivre les gourous aventuriers théoriciens d’une diplomatie d’un panafricanisme de Gauche et qui sont les maîtres à penser de notre Premier ministre.
L’histoire des relations internationales se réduit au fond à un débat entre deux immigrés allemands refugiés aux Usa pour fuir le nazisme, à savoir Hans Morgenthau, théoricien de l’intérêt national, et Leo Strauss et sa théorie de la «clarté morale». Grace à nos diplomates chevronnés (qui ont dû être diplomatiquement vexés quand on les a conviés pour écouter Pierre Sané et Ngagne Demba Touré blablater sur le panafricanisme de Gauche), le président Faye a pris la sage décision de privilégier la doctrine de l’intérêt national, en lieu et place de la théorie et de l’idéologie fumeuse du panafricanisme de Gauche dont l’objectif est de légitimer la forfaiture des putschs par l’idéologie. La France qui a été la première sortie du président hors du continent confirme qu’il y a aussi plus de continuité que de rupture et est une preuve supplémentaire que le souverainisme version Pastef n’est rien d’autre qu’un refoulement d’un désir de reconnaissance de la France.
Si le président Diomaye Faye est bien présent en Afrique de l’Ouest, le Sénégal a disparu des radars de la scène internationale, comme par exemple le G7 où il était traditionnellement invité depuis la présidence de Wade, ou la question de Haïti qui est au monde noir ce qu’Israël est au monde juif. A défaut de s’engager activement comme le Kenya qui est si loin de Haïti historiquement et géographiquement, le Sénégal, qui est si proche de Haïti sur tous les plans, se couvre d’un silence retentissant. La voix du pays de Senghor devrait au moins se faire entendre sur «Haïti où la Négritude se mit debout pour la première fois et dit qu’elle croyait à son humanité», comme dit Césaire. Non seulement la voix de Wade s’était fait entendre lors du terrible séisme de 2006, mais le Sénégal avait tenu son rang en volant au secours de la première République noire (1804), Patrie du Roi Christophe dont la tragédie a été immortalisée par Douta Seck.
La politique extérieure d’un pays se définit aussi par le sens de l’histoire de son président et la connaissance des valeurs du pays. Nous devons rester une terre d’asile démocratique, n’en déplaise aux putschistes de la sous-région qui instrumentalisent des manifestations devant nos ambassades. On n’a pas à être gênés ou à s’excuser d’être une vieille terre de liberté et de démocratie du continent. Nous devons aider les Etats de l’Aes à se hisser à notre niveau de démocratie, mais pas céder au nivellement par le bas avec le panafricanisme de Gauche. Nous sommes une exception, et nous devons en être plus que fiers.
par Abdou Mbow
CENT JOURS, CENT FAILLES
Peu de réponses claires ont été apportées aux défis urgents du pays alors que la patience des citoyens s'amenuise, révélant les limites du discours populiste face aux exigences du pouvoir
On le sait, les vendeurs de rêve comme les vendeurs de sable sont destinés à la ruine au moindre coup de vent. Sonko et Diomaye viennent d'être rattrapés par la dure vérité, du fait des promesses mirobolantes qui se révèlent impossibles à l’épreuve des réalités du pouvoir. M. le Premier ministre disait, naguère, qu’il ne croyait pas à ces dernières.
Aujourd'hui, il s'y entremêle les pinceaux, et de fort triste manière. En rupture de banc institutionnelle, il se croit encore en campagne électorale pour masquer ses carences manifestes. Hélas pour lui, il se rend de plus en compte à quel point le divorce sera tragique avec ceux qui, alors, entonnaient le fameux « so ko lalé », Rien à faire. Il faut payer : « dige bor la » (la promesse est une dette). Dommage qu'il ne le comprenne qu'aujourd'hui car c'est la politique qui risque de s'exposer à une sévère disqualification, entraînant du coup des vagues de désaffiliation.
En cent jours, les Sénégalais vivent l'amère expérience d'une déroute précoce. pouvoir c'est.... pouvoir. Dans bien des démocraties au monde, il est convenu que lorsqu'un nouvel homme ou un nouveau gouvernement arrive aux affaires, les cents premiers jours doivent porter la marque d'une vision déclinée en stratégie claire pour être mise en œuvre au profit des populations.
Les bas ressorts dune partie du peuple ont été tellement instrumentalisés par un « projet » fictif qu'il y a à craindre un retour d'ascenseur détonnant. Quand de nouvelles équipes arrivent au pouvoir, il est de coutume que le peuple discerne le cap vers lequel tendent les premières décisions, souvent dites de rupture.
Le confort de l'opposition et du ministère de la parole avait fait dire à Monsieur Ousmane Sonko que quand on est au pouvoir, on n'a pas besoin d'état de grâce.
Et voilà qu'aujourd'hui il convoque le besoin d'une mise en route, et doit faire avec le diesel qui fait tourner le moteur des réalisations et des « Solutions », énumérées en long, en large et surtout à tort et à travers de ce livre, dont on peut se demander, après coup, s'il en était véritablement l’auteur.
Le démarrage est poussif. 100 jours ? Dieu que c'est passé vite ! Et pourtant... La gabegie de l'Etat ? Il nous avait été promis-juré que 25 ministres suffiraient à faire tourner le Sénégal... On constate que bientôt, il faudra tenir le Conseil des ministres à Dakar Arena, tant ministres conseillers, secrétaires d'État, commencent à être à l'étroit autour de la table du Conseil. Ils nous avaient promis-juré que dorénavant, ce serait « the right men at the right places », comme si, naguère, des ignorants faisaient marcher notre haute administration et nos directions institutionnelles.
Le renoncement aux appels à candidatures fut de mise et chaque mercredi est l'occasion de distribuer sucettes et récompenses aux contributeurs et diplômés du seul concours obtenu par certains, à savoir le " Concours de Circonstances », pour être passés par un gratifiant séjour en prison.
Toute honte bue, alors qu'il avait, emporté par la fougue électoraliste, assuré les Sénégalais que le pétrole et ses bénéfices étaient déjà partis, ce sont bien le Premier ministre Ousmane Sonko et notre président Diomaye Faye, qui en ont recueilli les premières gouttes.
En accord avec lui-même, il aurait pu nous dire « d'ailleurs, voyez ce qu'il en reste », cela aurait au moins fait rigoler. Qu'a-t-on vu en 100 jours de pouvoir ? Un tâtonnement sans précédent au sommet de l'Etat avec un gouvernement parallèle à la primature, pathétique tableau qui offre l'image d'un monstre à deux têtes, dont l'une fait des sourires aux présidents démocratiquement élus, comme le nôtre, et l'autre qui s'enorgueillit de flatter et d'encourager les putschistes, au grand dam des institutions politiques et économiques de notre sous-région. N'est pas Sankara ou Mandela qui veut...
Cent jours et les paysans Sénégalais ne savent toujours pas, alors que l'hivernage bat son plein, quelles sont les modalités de la campagne agricole 2024 qui vont leur assurer une bonne distribution des semences.
Qu'avaient prévu tous ces soi-disant cerveaux Sénégalais répartis à travers le monde et qui avaient fait du Projet, l'Alpha et l'Omega de la survenue, grâce à Pastef, du Sénégal, dans le « temps du monde » ? C'était un brouillon ?
L'homosexualité devait être criminalisée dès les premiers jours
? Il a été préféré l'accueil du souteneur fantasque et populiste Jean-Luc Mélenchon, le jour de la célébration mondiale des droits LGBT. Il est vrai que pour faire passer cette boulette, un conseil - que de faire construire une mosquée dans l'enceinte du Palais de notre République. Mis, M. Ousmane Sonko élargit le rang des chômeurs avec les renvois de jeunes élèves sénégalais de leur centre d'examen, alors qu'il avait décrété, comme de droit divin, la fin de la tentation des pirogues meurtrières.
En cent jours, la guerre contre la presse a été déclarée, avec fermeture de comptes et annulations de conventions, mais il a été mis en lumière le rôle des « lanceurs d'alertes », bombardés grâce à leurs smartphones et leur connectivité, nouvelles agences de presse patriotiques, seules dignes de confiance. Je suis loin du nihilisme en dépit de toutes ces failles. Le BRT a été mis en service. Mais c'est le fait de qui ? Messieurs les « patriotes », vous auriez au moins pu re connaître dans ce moyen de transport public la touche indélébile de vos prédécesseurs.
Monsieur le Premier ministre, les Sénégalais ont voté, ils ont élu Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il est temps de vous y faire. Vous n'êtes plus en campagne électorale, ceux que vous accabler encore de vos menaces et injures ont été sanctionnés et en ont pris acte... Apparemment, seul vous ne l'avez guère encore compris... Arrêtez cette diversion.
Embrayez Monsieur le Premier ministre avec plus de calme et de sérénité. Les Sénégalais sont fatigués. Cent jours déjà, que le temps passe vite, pour des Sénégalais qui s'impatientent de vous voir vous atteler aux urgences de l'heure, à prendre vos responsabilités et votre courage sur la question de la DPG et toutes autres attentes, qui vont des réformes électorales au processus de réconciliation nationale, en passant par l'apaisement de l'espace politique, et la recherche des solutions concrètes à la cherté de la vie.
Au-delà de ces cents jours, les Sénégalais peuvent être enclins à vous faire comprendre que l'arrogance est une étrange maladie, et qu'un de ses pires symptômes est la conviction de se sentir meilleur que les autres.
Une menace, une promesse, une insolence, une courtoisie : cette balance est celle des affaires. Pas celle du pouvoir, lequel exige une culture, que dis-je, une liturgie de la République. Il faut avoir baigné dedans...ça ne s'apprend pas dans les allées populistes à force de bravades et de colère permanente, Monsieur le président Ousmane Sonko... pardon, Monsieur le Premier ministre.
Abdou Mbow est député,président du groupe parlementaire BBY, porte-parole national adjointde l'APR.
L'ONDE DE CHOC DU RN VU DE DAKAR
Alors que le parti de Marine Le Pen pourrait accéder au pouvoir, la diaspora française et les binationaux redoutent un avenir incertain pour les liens entre les deux nations. Entre inquiétudes économiques et peurs sociétales, les réactions fusent
(SenePlus) - La percée historique du Rassemblement national, parti d'extrême droite présidé par Marine Le Pen, au premier tour des élections législatives françaises du mois de juin suscite inquiétudes et interrogations au Sénégal. Selon un reportage du Point Afrique, les résultats obtenus par le RN sont largement commentés dans le pays, tant par les résidents français que par les nombreux binationaux franco-sénégalais.
"Le RN court depuis des années derrière le pouvoir mais je ne suis pas certaine qu'ils gagneront", estime Adji, une commerçante dakaroise interrogée par le journal. À l'instar de nombre de ses compatriotes, elle doute de la capacité du RN à mettre en œuvre son programme, notamment sur des sujets aussi sensibles que l'immigration. "La France n'est pas un petit pays, il ne faut pas le donner à n'importe qui...", prévient-elle, craignant que Marine Le Pen "gâte" le pays.
Ces inquiétudes sont exacerbées par l'image renvoyée par certains discours et positions du RN, jugés xénophobes et islamophobes au Sénégal. "Depuis des années, il y a une stigmatisation en France à travers les médias et les réseaux sociaux, des étrangers, des Arabes, des musulmans", déplore Camélia, une Franco-Marocaine résidant au Sénégal, pointant du doigt le "bouc émissaire" trouvé dans l'immigration.
Pourtant, le reportage relaie aussi le point de vue plus positif d'autres Sénégalais sur le RN. À l'image de Daouda, persuadé qu'une victoire de Marine Le Pen serait "bien pour la France", séduit par son discours souverainiste défendant les intérêts nationaux français. Certains y voient même la fin potentielle de "l'ingérence française" en Afrique.
Quelle que soit l'issue du second tour des législatives, cette percée inédite du Rassemblement national interroge beaucoup sur l'avenir des relations entre le Sénégal et la France. Premier investisseur étranger dans le pays avec plus de 200 entreprises, la France craint des tensions diplomatiques. "La diminution de son pouvoir sur le continent peut s'accentuer", souligne Adji.
Les binationaux sont également inquiets. "Il y a une multiplication des repats ces dernières années car ils refusent de vivre dans un pays où ils sont rejetés", explique Mamadou. Ce Franco-Sénégalais craint aussi la remise en cause possible de leur statut. Camélia ajoute: "Je m'inquiète pour ma famille et mes amis racisés".
Au Sénégal, si l'on garde espoir dans la démocratie française, nombreux sont ceux qui suivront attentivement les prochains mois afin de mieux cerner les répercussions éventuelles de cette poussée de l'extrême droite sur la relation bilatérale.
LUDOVIC BARON, L'EXPATRIÉ FRANÇAIS QUI A CONQUIS LE WOLOF
Français de 27 ans installé au Sénégal il y a un peu plus d'un an et qui maîtrise la langue locale au point que ses vidéos d'apprentissage sont devenues virales sur internet
Ludovic Baron, un Français de 27 ans installé au Sénégal il y a un peu plus d'un an et qui maîtrise la langue wolof au point que ses vidéos d'apprentissage du wolof sont devenues virales sur internet.
par Elimane Haby Kane
LA RÉPUBLIQUE AFFIRME LE DROIT ET IMPOSE LE DEVOIR
Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle crise politique qui aurait des conséquences sur la marche du pays déjà entamée par la crise économico -financière et la précarité des conditions de vie des Sénégalais
La lettre de Guy Marius Sagna au Premier ministre Ousmane Sonko, ainsi que la réponse que ce dernier lui a servie sont à inscrire dans le registre de la communication politique. Elles s’adressent plus à l’opinion qu’à leurs fonctions respectives. Si Ousmane Sonko n’a aucun moyen juridique d’intervenir pour régulariser la situation au niveau de l’assemblée nationale, Guy Marius lui est député et il a le pouvoir d’initier une action de modification de la organique portant règlement intérieur de l’assemblée nationale. Avec ses collègues, ils doivent aller au-delà de dénoncer, en introduisant une proposition pour rectifier leur faute constatée. Le président aussi peut faire la même chose en introduisant un projet de modification de la loi organique en procédure d’urgence.
Le jeu dangereux des représentants du peuple contre les instituons constitutionnelles
L’Assemblée nationale semble être dans une impasse réglementaire créée par la décision incongrue de l’ancien président de la république de supprimer le poste de premier ministre en 2019 et les députés qui, après la réhabilitation de ce poste en 2022 n’ont pas remis à jour le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Un laxisme grave à corriger impérativement au risque de remettre en cause la légalité des autres institutions et le bon fonctionnement de notre démocratie.
Après le Conseil constitutionnel accusé de corruption, maintenant c’est l’Assemblée nationale que les législateurs et représentants légitimes du peuple accusent de faux et usage de faux.
Au moment où on tient les assises de la justice, on soupçonne nos institutions constitutionnelles de délinquantes. Et à chaque fois, ce sont des enjeux de pouvoir qui sont en cause.Juste que la roue du pouvoir a tourné entre temps avec le sens du vent qui régule l’écho des voix discordantes.
Quand sortir de l’arène de la politique politicienne ?
Le problème avec les politiciens c’est qu’ils réduisent les enjeux du pays à leur propre jeu autour des enjeux de pouvoir. Dans leur raisonnement, il manque la considération républicaine de préserver la puissance de l’Etat de droit au dessus des intérêts politiques partisans. Bassirou Diomaye Faye a été élu par 54% des suffrages exprimés, soit 2 434 751 de sénégalais
La DPG qui est une obligation constitutionnelle du premier ministre dès sa nomination concerne l’avenir immédiat d’environs 18 millions de sénégalais. Et ils ont le droit de savoir vers où son action d’exécution de la politique définie par le chef de l’Etat leur mènera. Cette politique a déjà été présentée aux sénégalais dans le programme sur la base duquel les sénégalais ont voté pour le candidat élu.
Ceci dit, le Premier ministre n’a certainement pas pu gérer politiquement le risque d’une motion de censure avec l’actuelle opposition parlementaire. Ce qui serait un coup politique déstabilisateur pour le nouveau régime et surtout pour lui-même. Le cas échéant, le président pourrait toujours le reconduire et gouverner par ordonnance en attendant de pouvoir dissoudre l’Assemblee nationale. Cette option se heurte aussi à l’exigence du calendrier budgetaire 2025.
Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle crise politique qui aurait des conséquences sur la marche du pays déjà entamée par la crise économico -financière et la précarité des conditions de vie des Sénégalais.
Chez nous, la politique sait créer des problèmes inutiles, sans être en mesure de satisfaire les aspirations des citoyens. En voici des situations à éviter qui doivent justement inspirer la refondation (règles et institutions de la res-publica).
Les régimes peuvent changer mais la pratique politique reste réactionnaire.
LES NOMINATIONS AU CONSEIL DES MINISTRES DU 3 JUILLET
SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du mercredi 3 juillet 2024.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES,
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
- Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Au titre de la Présidence :
- Monsieur Lansana Gagny SAKHO, titulaire d’un doctorat en Business
Administration, est nommé Président du Conseil d’Administration de l’Agence de Promotion des Investissements et des Grands Travaux (APIX), en remplacement de Monsieur Abdou FALL ;
- Monsieur Fall MBAYE, titulaire d’un doctorat en Génie électronique, est nommé Directeur Général de l’Institut National du Pétrole et du Gaz (INPG), en remplacement de Monsieur Aguibou BA.
Au titre de la Primature :
- Le Colonel Amadou Ousmane BA de la Gendarmerie nationale, précédemment Directeur du Contrôle, des Etudes et de la Législation au Ministère des Forces Armées, est nommé Directeur général de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol, en remplacement du Colonel Papa Saboury NDIAYE, appelé à d’autres fonctions.
Au titre du Ministère de l’Intérieur :
- Monsieur Abdoul Wahabou SALL, Contrôleur général de Police, est nommé Directeur général Adjoint de la Police nationale, en remplacement de Monsieur Modou DIAGNE, appelé à d’autres fonctions.
Au titre du Ministère de la Justice :
Monsieur Aliou NDIAYE, titulaire d’un master professionnel en sciences de gestion, matricule de solde n° 602 214/C, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de la Justice, en remplacement de Monsieur Abdoulaye SY, appelé à d’autres fonctions.
Au titre du Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens :
- Monsieur Pape Abdourahmane DABO, Ingénieur des Travaux Publics est nommé Président du Conseil d’Administration de la société AIBD SA, en remplacement de Monsieur Abdoulaye TIMBO.
-Monsieur, Atoumane SY, Spécialiste Sécurité Routière et titulaire d’un Diplôme d’Études Approfondies (D.E.A) en Géographie et Aménagement du territoire, est nommé Directeur général de l’Agence nationale de la Sécurité Routière (ANASER), en remplacement de Cheikh Oumar GAYE.
- Monsieur Ibrahima SALL, Ingénieur Géotechnicien – Expert Routier, est nommé Directeur Général de la Société Autoroutes du Sénégal (ADS), en remplacement de Monsieur Aubain SAGNA, appelé à d’autres fonctions.
Au titre du Ministère de l’Environnement et de la Transition écologique :
- Le Colonel Ibrahima GUEYE, conservateur des parcs nationaux, est nommé Directeur des Parcs nationaux, en remplacement de Monsieur Bocar Thiam admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite ;
- Monsieur Aliou NDIAYE, professeur assimilé en biotechnologie végétale, est nommé Directeur exécutif de l’autorité nationale de Biosécurité, en remplacement de Monsieur Ousseynou KASSE, appelé à d’autres fonctions ;
- Le Colonel Lamine KANE, conservateur des parcs nationaux, est nommé Secrétaire permanent de l’Autorité nationale de Biosécurité, poste vacant ;
- Monsieur Modou Fall GUEYE, titulaire d’un doctorat en biologie végétale est nommé Directeur du Centre d’Education et de Formation environnementales, en remplacement de monsieur Gora NIANG, appelé à d’autres fonctions.
Au titre du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation :
- Monsieur Serigne Mbacké LO, Ingénieur informaticien est nommé Directeur du Centre Régional des Œuvres universitaires sociales de Thiès, en remplacement de Monsieur Cheikh SALL ;
- Monsieur Jean Birane Gning, maître de conférence titulaire, est nommé Directeur du Centre Régional des Œuvres universitaires sociales du Sine Saloum, en remplacement de Monsieur Ousseynou Diop ;
- Madame Fama Dieng, juriste spécialiste en logistique et management portuaire,est nommée Directeur du Centre Régional des Œuvres universitaires sociales de Diamniadio, en remplacement de Moussa Hamady SARR;
- Monsieur Salif Baldé, titulaire d’un doctorat en sciences de l’Education, est nommé Directeur du Centre régional des Œuvres universitaires sociales de Ziguinchor, en remplacement de Monsieur Sana MANE.
Au titre du Ministère de l’Industrie et du Commerce :
- Monsieur Momar Talla GUEYE, Directeur de recherches CAMES, précédemment Directeur de la Recherche et du Développement de l’Institut de Technologie Alimentaire, est nommé Directeur de l’Institut de Technologie Alimentaire, en remplacement de Mamadou Amadou SECK, admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite.
Au titre du Ministère de la Famille et des Solidarités :
- Madame Assiah DIOP, titulaire d’un Diplôme d’Ingénieur en Industrialisation spécialiste en Financement de l’Entreprenariat, est nommée Directeur général du Développement communautaire et de la Promotion de l’Equité, en remplacement de Monsieur Mousse Bar Faye ;
- Madame Fatoumata Bintou DIEDHIOU, titulaire d’un Master 2 en management de Projets, est nommée Directeur de l’Equité Sociale en remplacement de Madame Fatou DIAGNE ;
- Monsieur Ely Paul BIAGUI, précédemment directeur régional du pôle sud du Développement communautaire, est nommé Directeur du Développement Communautaire, en remplacement de Monsieur Khadim SYLLA ;
- Madame Saye CISSÉ, titulaire d’un Master 2 en Biogéographie, est nommée Directeur de l’Equité Territoriale en remplacement de Monsieur Abiboulaye LO ;
- Madame Fatou BA, titulaire d’un Master 2 en Droit Ingénierie financière et fiscalité, est nommée Directeur de Promotion des droits et de la Protection des Enfants en remplacement de Monsieur Ibrahima GUEYE ;
- Madame Nancy NDOUR titulaire d’un doctorat en Sociologie de l’éducation, est nommée Directeur de l’Autonomisation Économique des Femmes, poste vacant ;
Monsieur Edmond KAMARA, Administrateur civil, matricule de solde n° 624 555/C, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de la Famille et des Solidarités.
Au titre du Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires :
- Monsieur Baye NIASS, Ingénieur de conception en BTP, option Ponts et Chaussées, est nommé Directeur général de l’’Agence de Construction des Bâtiments et Édifices Publics, en remplacement de monsieur Hamady DIENG ;
- Monsieur Serigne Cheikh BAKHOUM, Inspecteur de l’Administration pénitentiaire, matricule de solde n° 659 489/E, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires ;
- Madame Sophie DIONE, expert environnementaliste, est nommée directeur du Projet de Promotion de la Gestion Intégrée et de l’Economie des Déchets Solides (PROMOGED), en remplacement de Monsieur Cheikhou Oumar GAYE ;
Au titre du Ministère de la Santé et de l’Action sociale :
- Monsieur Ousmane CISSE, titulaire d’un doctorat en médecine, est nommé Directeur général de la santé, en remplacement du docteur Barnabé GNING ;
- Monsieur Seydou DIALLO, titulaire d’un doctorat en pharmacie, est nommé Directeur général de la SEN-Pharmacie nationale d’approvisionnement (SENPNA), en remplacement du docteur Fatou Faye Ndiaye DEME ;
- Madame Fatou Bara NDIONE, ingénieure biomédicale, matricule de solde n°613.850/E, est nommée Directeur des infrastructures, des Équipements et de la Maintenance au Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, en remplacement de Monsieur Amad DIOUF ;
- Monsieur Malick DIALLO, titulaire d’un doctorat en gestion des ressources humaines, est nommé Directeur des ressources humaines au Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, en remplacement de Awa Fall DIAGNE.
Au titre du Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage :
- Monsieur Mamadou Lamine DIOUF, Economiste, matricule de solde n° 610 992/C, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage.
Au titre du Ministère de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire :
- Monsieur Abdou Diaw, titulaire d’un doctorat en finance islamique, est nommé coordonnateur national du Programme de Développement de la Microfinance Islamique, en remplacement de Madame Aminata DIAO."
par Elgas
FACE À LA POUSSÉE DU RASSEMBLEMENT NATIONAL, DEVANT SON MIROIR, LA FRANCE FUSTIGE SON REFLET
L’évidence RN se dessine, et elle ne suscite plus une répulsion aussi franche. C’est une certaine idée de la France qui est en train de mourir. Sa grandeur, son exceptionnalité, ses droits humains. Toutes gloires nationales qui s’évanouissent
Une France qui hurle à la laideur face à son propre reflet dans le miroir. L’image ne serait pas exagérée pour décrire le mélange de sidération, de peur, d’incertitude et surtout de déni qui s’est abattu sur la France depuis le 9 juin, et davantage au lendemain des résultats du premier tour des élections législatives qui consacrent l’inarrêtable montée du Rassemblement national.
Pourtant, si on se cantonne à l’analyse des dynamiques internes de la scène politique française, la dissolution de l’Assemblée nationale semblait inéluctable. Dans un Parlement qui paraissait chaotique, avec une inclination particulière pour le conflit et le refus des compromis, émietté, soumis aux vents de forces contraires – pour ne pas dire factions –, le blocage institutionnel chronique rendait impuissante toute gouvernance. L’automne et le vote du budget semblaient constituer l’horizon naturel de la déflagration. Il s’agit donc d’une accélération du calendrier, que l’on doit au chef de l’État. L’opportunité et le timing de cette dissolution prononcée le 9 juin 2024 sont discutables. Ils peuvent être imputés, entre autres, au caprice vengeur d’un monarque impuissant et rejeté. Un président au crépuscule du pouvoir, dont l’état de grâce s’est dans un premier temps fané, pour ensuite totalement s’assécher, dans un entêtement coupable qui se prend en pleine figure le boomerang de la disruption à marche forcée.
Le pire des scénarios
Le rejet de la Macronie est clair, et la « grenade dégoupillée » – pour reprendre la formule d’Emmanuel Macron – a explosé. À bien des égards, c’est le pire des scénarios : un vote décomplexé à l’extrême droite, qui agrège le classique rejet de la colère et désormais la franche adhésion à un projet xénophobe d’une partie importante des Français. Ils constatent que les barrages successifs contre le rassemblement national lui ont pavé la voie vers le pouvoir. Score affolant aux européennes, sommets atteints pour les législatives, possibilité bien réelle sinon probable d’une majorité absolue au Parlement : l’évidence RN se dessine, et elle ne suscite plus une répulsion aussi franche et majeure. Avec le ripolinage express de son programme sur le front économique, les reculs notoires sur des projets phares, le RN semble moins agressif. En parallèle, il se dit que le dispositif constitutionnel peut a minima faire contrepoids voire différer la mise en œuvre du programme, contribuant à la perception d’une urgence moindre. Le sursaut populaire, participation en hausse comprise, a donc été timide, et la rue, relativement aphone, si on excepte quelques manifestations parisiennes ou urbaines. Cette apathie tranche avec un champ politique où les réactions ont fusé, poussant à des alliances contre nature sur ce qui s’apparente à un champ de ruines. Ces coalitions tentent de refonder un front républicain dont les fissures anciennes sont les fractures irréconciliables d’aujourd’hui. Le degré d’animosité politique, perçu dans la précédente législature, consacre une tripartition des blocs, avec une seule dynamique solide : le RN.
Les ressorts du vote RN ont été documentés depuis longtemps, et la base de son électorat identifiée. Victimes de la mondialisation, déclassés, ruralité délaissée, embryon factieux avec les gilets jaunes, polarisation conspirationniste durant le Covid-19, rejet de l’immigration associée à l’insécurité et à une charge financière pour le pays, préférence nationale : toutes ces nuances du sentiment d’abandon restent un marqueur du vote RN. Fait nouveau, le RN n’effraie plus une certaine élite, et séduit de jeunes urbains, achevant ainsi sa mue de dédiabolisation. Le parti surfe dorénavant sur une vague dite de révolution conservatrice, qui prospère dans le monde, indépendamment des régions. De l’Inde à la Russie en passant par le Sénégal, une matrice forme le fondement commun de ce regain de conservatisme : le retour désiré et idéalisé à des valeurs anciennes, pour contrer un progressisme jugé comme élan de la perdition. Somme toute, c’était mieux avant. Revendication d’une fierté nationale menacée, au Nord par l’immigration, et au Sud par le néocolonialisme. Le tout accompagné d’un aspect plus incernable, un populisme qui procède par le déni et par l’attaque des élites jugées corrompues, légitimant ainsi une radicalité quasi-séditieuse.
Longtemps protégée grâce à la morphologie électorale des scrutins à deux tours et à leur propension à nourrir les barrages, la France se pensait invulnérable ou immunisée. Elle arrive désormais à un moment charnière où elle a épuisé tous les contournements, et ne peut plus différer l’échéance d’une clarification, dût-elle convier au pouvoir le RN. Dans cette dynamique, on ne peut faire l’économie d’évoquer trois responsabilités majeures – outre la force intrinsèque du parti des Le Pen. Celle d’abord du président, qui cristallise une haine aux pointes irrationnelles, laquelle déteint sur sa politique. Celle ensuite de la défunte Nupes, cornaquée par la France insoumise dont l’ADN politique révolutionnaire chemine imprudemment avec de franches outrances. Celle enfin des médias : l’inexorable croisade civilisationnelle de Bolloré et de son empire, mais aussi le registre moral voire moralisateur de médias de gauche qui assimilent tout à la droite extrême, dans une équivalence dogmatique.
« La Tragédie du président », les manœuvres malhabiles de LFI
La responsabilité première du président est avant tout politique. La dynamique économique du pays sous l’air Macron est relativement défendable, même si la réduction du chômage et les succès réels sur ce front ont atteint un plafond, et que ce qui se présentait comme le talisman de la majorité lancée vers le rêve du plein emploi a alourdi la barque des déficits et des inégalités – sans parler des crises qui ont grevé sérieusement le budget. Au-delà de cet aspect économique, Emmanuel Macron traine depuis le début de sa présidence un boulet : une méconnaissance de la sociologie française, et une rupture originelle avec les classes les plus en difficultés. Sa présidence s’est très vite confondue avec sa personne, lui qui mobilise une grammaire disruptive, violente dans le symbole, rendant souvent inaudible toute potentielle bonne action. Si «la tragédie du président» est souvent inéluctable en France, cette réclusion précoce doublée de rejet personnalisé et personnel, signe la défaite d’un président à qui on ne pardonne pas sa déconnection, la nature fulgurante de son succès, et la désagrégation de repères politiques presque centenaires.
Si l’ovni qu’est la Macronie se désagrège du fait de ses propres apories, il serait pourtant bien réducteur d’attribuer à Emmanuel Macron seul la responsabilité de la montée du RN. La France insoumise (LFI) y a, elle aussi, beaucoup contribué. Avec une présence à l’Assemblée chahuteuse, belliqueuse, le groupe de Jean-Luc Mélenchon a donné par mégarde une contenance républicaine au RN, triste comparaison. Du fait de la conflictualisation extrême théorisée par Jean-Luc Mélenchon, les Insoumis ont parfois donné l’image d’un parti sectaire, avec des ambiguïtés notables sur l’Ukraine, entre autres. Le désir légitime d’une gauche et de son avènement a ainsi frayé avec certaines compromissions. LFI, portée par un mythe révolutionnaire bien français, a donné des forces à un RN qui apparaissait comme le parti de l’ordre. Au-delà de ces gages en termes d’image, LFI est devenue le parti fièrement assumé des quartiers populaires, y compris contre la France des périphéries – et ce malgré d’intenses tensions internes. Cette manœuvre bien malhabile a fini d’opposer des classes qui souffrent, et dont les votes sont désormais clairement antagonistes sinon hostiles : en délaissant les périphéries, LFI n’a fait que conforter le sentiment d’abandon qui porte le RN. La facilité accusatoire – racisme, antisémitisme, et autres qualificatifs fleuris – a fini d’hystériser le débat, et de rendre tout compromis impossible, dans une dynamique perpétuelle du « eux contre nous ».
Entre invectives et propagande, l’impossible débat
Sur cette césure, le refrain médiatique s’est greffé, avec la reconfiguration du paysage et l’ascension de l’empire Bolloré. Cette nouvelle donne a déplumé ce camp de la raison que les médias incarnaient à bien des égards, laissant ainsi le débat à la merci des invectives et de la propagande. Il serait bien sûr malheureux de renvoyer dos à dos les médias droitisés et les médias de gauche et du centre. Il n’en reste pas moins que, dans cette séquence politique, l’examen de conscience de chacun manque cruellement.
Traversant le champ politique dans son entièreté, le champ médiatique, et de manière plus générale le champ intellectuel, le même venin est à l’œuvre. Une impossibilité de débat apaisé, de questionnement, de remise en cause, qui a littéralement disjoncté sous Emmanuel Macron. Avec ce tournant, amorcé depuis longtemps et qui s’accélère désormais, c’est une certaine idée de la France qui est en train de mourir. Sa grandeur, son exceptionnalité, ses droits humains. Toutes gloires nationales qui s’évanouissent. D’où ce déni, cette défausse. Le frisson du chaos est inconsciemment préféré à la nécessaire remise en cause. Il existe des boucs émissaires commodes. Si Macron est le premier appelé à la barre, il devra être suivi par toute la classe politique, médiatique et intellectuelle. Le deuxième tour à venir et la séquence politique qu’il enclenche ne sont que le reflet et le refoulé d’une faillite collective, qu’il est temps de regarder en face.
par Thierno Alassane Sall
RWANDA : L’ÉCHO DE LA BARBARIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria… L’humanité n’a pas beaucoup changé. Il suffit de remplacer Yougoslavie par Ukraine, et Rwanda par Gaza ou Goma. La violence coloniale est encore à l’œuvre dans les psychés
“Déclare en toi et grave dans ton cœur : (…) que jamais revivant ce qui est aujourd'hui ne te vienne à l'esprit cette lourde parole : à quoi bon ?” Paul Valéry.
Je me suis replongé dans l'inoubliable génocide rwandais, survenu il y a 30 ans. Je vous invite à lire le livre du Général Roméo Dallaire, Shake Hands with the Devil - The Failure of Humanity in Rwanda, qui à l'époque commandait les Casques bleus chargés de l'interposition entre les belligérants (les rebelles de l'Armée Patriotique Rwandaise d'une part et les forces gouvernementales de l'autre). Au fil des pages, on découvre "l'échec de l'humanité", les luttes de pouvoir qui suscitent et entretiennent la haine entre pauvres gens, et le dévouement d'une minorité de personnes (de différentes nationalités) qui, au péril de leur vie, ont tout entrepris pour sauver des innocents. En face, la bestialité la plus achevée, car organisée, planifiée, armée, excitée par tous les médias disponibles comme la Radio-Télévision Libre des Mille Collines... Les tueurs ? Une soldatesque ivre, mais aussi des gens ordinaires, des voisins, des cousins, des conjoints, des adolescents qui découpaient à la machette en riant. Et les victimes devenaient le "festin" de chiens errants et de crocodiles des rivières charriant des milliers de corps.
Cette tragédie n'aurait pas eu lieu sans le silence d'une communauté internationale, qui regarde toujours là où se trouvent les intérêts de la petite clique qui contrôle le monde. Depuis 1994, la guerre s'est déplacée à l'ancien Zaïre, devenu la RD Congo. Elle se poursuit encore de nos jours. Aux 800 000 morts du génocide se sont ajoutés, durant ces trois dernières décennies, 10 millions de morts dans une tragédie sans fin.
Oui, il y a l'Ukraine, mais il y a aussi le Soudan, il y a la "doyenne" des tragédies, infligée depuis plus de 75 ans aux Palestiniens, il y a la Libye, et il y a les Congolais tués pour que ce téléphone portable que je tiens rapporte beaucoup aux multinationales.
L'humanité se noie en effet dans les Grands Lacs. Depuis la colonisation, depuis la "décolonisation"... depuis Léopold II de Belgique dont le Congo était la propriété privée, le monstre Stanley et ses montagnes de crânes autour de sa résidence, les mains coupées des travailleurs forcés pour la moindre peccadille, la CIA et les services belges planifiant la liquidation de Lumumba… Ces nations, prétendument venues nous apporter la civilisation, ont privé des femmes et des hommes paisibles de leur humanité et ont initié des génocides. La violence coloniale est encore à l’œuvre dans les psychés.
Le témoignage du Général Roméo Dallaire constitue le Livre de l’Horreur absolue et gratuite, qui prouve qu’assurément, à l’échelle de la bestialité, l’humain se hisse à des cimes inaccessibles à toute autre espèce. Les innombrables scènes de massacres qu’il décrit (et qui ne constituent que quelques séquences d’un film de plusieurs mois) montrent la banalisation de la cruauté au point où tuer devient un acte jouissif, pratiqué en bandes hilares et à l’échelle de tout un pays, du matin au soir. Extraits parmi des milliers d’autres : “(Les génocidaires) allaient de maison en maison… ils exécutaient certaines (victimes) sur place mais amenaient les autres vers une fosse commune près de l’aéroport (de Gisenyi, ville touristique près du lac Kivu) ; là, ils (les génocidaires) leur coupaient les bras et les jambes, et ensuite les massacraient, selon les témoignages oculaires des observateurs militaires des Nations Unies. L’Armée et la Gendarmerie (gouvernementales) n’ont rien entrepris pour arrêter ces groupes de tueurs… Un prêtre avait donné refuge à plus de 200 personnes dans son église pour leur assurer protection ; après les prières, les tueurs ont ouvert les portes et ont massacré toute l’assemblée…. Une autre chapelle fut brûlée avec des centaines de personnes réfugiées à l’intérieur. Des enfants âgés de 10 à 12 ans tuaient d’autres enfants. Des mères portant des bébés au dos tuaient d’autres mères portant des bébés au dos.”
Le génocide rwandais nous ramène à des questions fondamentales qui troublent notre conscience d'humains et interrogent nos silences, voire celui du Créateur. Le Rwanda tout entier ressemblait à un champ où des personnes ordinaires, des bons pères et mères, des enfants innocents moissonnaient à coups de machettes des humains comme eux.
Les suppliques des parents qui offraient leurs vies pour sauver leurs enfants, dont les échos étaient répercutés à travers les mille collines, étaient à peine perçues par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou par la bureaucratie de l'OUA. Il est vrai que le Rwanda n'était pas l'ex-Yougoslavie, qui mobilisait à l'époque l'attention de la "communauté internationale". Aujourd'hui encore, rien de nouveau sur la planète Terre, il suffit de remplacer Yougoslavie par Ukraine, et Rwanda par Gaza ou Goma.
Et Dieu dans tout ça ? Il semble bien s'être manifesté de manière fugace à quelques élus, tels que le Commandant Diagne du Sénégal, membre de l'état-major du Général Dallaire. Ce dernier écrit : “Un soir, alors qu'il (le Commandant Diagne) était assis devant son bureau rédigeant (un rapport), il eut un soudain besoin de prier ; il glissa de sa chaise et se mit à genoux sur son tapis de prière, tourné vers La Mecque. À cet instant précis, un énorme éclat d'obus fracassa la vitre, traversa la pièce, passant exactement à la place qu'il venait de libérer, cogna contre le mur pour atterrir, le métal encore chauffé au rouge, à ses pieds. Il venait d'échapper, d'un cheveu, à une mort certaine."
C’était il y a trente ans. L’échelle des tueries en moins, on entend encore les échos des cris des suppliciés dans les villages de pauvres gens massacrés de nos jours dans le Sahel. Au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Nigeria… L’humanité n’a pas beaucoup changé. Je sors de cette lecture grippé émotionnellement et blessé par tant de cruauté, mais avec une grande volonté : ne jamais faillir à mon devoir de vigilance.