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29 avril 2025
Diaspora
DERRIÈRE LA DETTE CACHÉE
Face à la polémique suscitée par le débat autour de la dette cachée, ‘’EnQuête’’ a sollicité l'avis de plusieurs experts pour en déterminer les contours et la portée de cette notion technique qui ne renvoie pas forcément à des qualifications pénales
Face à la polémique suscitée par le débat autour de la dette cachée, ‘’EnQuête’’ a sollicité l'avis de plusieurs experts pour en déterminer les contours et la portée de cette notion technique qui ne renvoie pas forcément à des qualifications pénales.
“Ne tombons dans aucune diversion. La confirmation du FMI de la dette cachée par le régime de Macky Sall de 2019 à 2024 doit faire l’objet de tous les lives, post Facebook, tweets, débats dans les groupes WhatsApp, conférences et thé-débats dans les coordinations et cellules”. Le peuple, poursuit Amadou Ba, doit définitivement comprendre les enjeux et conséquences de cette confirmation. Le député, juriste de surcroit, ne s'en limite pas.
Pour lui, l'argent de ce peuple “a été volé et qu’il faut tout récupérer”. La justice, peste-t-il, “doit maintenant immédiatement s’activer pour identifier les responsables”.
Le verdict d'Amadou Ba est sans équivoque. Le Premier ministre Ousmane Sonko, selon lui, avait raison. Les opposants avaient tort. Il en résulte la déduction suivante : premièrement, “il est urgent de criminaliser le détournement de deniers du peuple pour empêcher la récidive. Deuxièmement, il estime que “tout le peuple doit être patient et se mobiliser derrière le gouvernement pour redresser le pays. Tous les contrefeux, faux débats et diversions de l’opposition et de leurs sbires médiatiques ne doivent plus faire l’actualité”, décrète le porteur de la loi portant interprétation de l'amnistie.
Nos tentatives d'entrer en contact avec lui pour plus de clarifications sont restées vaines.
Ce qui est clair, c'est que, comme lui, ils sont nombreux, les observateurs, à confondre ou à faire l'amalgame entre “dettes cachées” et malversations. Ce, malgré les précisions diplomatiques du chef de la délégation du Fonds monétaire international qui a effectué une mission au Sénégal ces derniers jours.
Sur RFI, la journaliste lui a demandé : “Des sources parlent de sept milliards de dollars qui auraient été détournés. Vous confirmez ?” À cette question, le chef de la délégation, M. Gemayel, avait répondu sans hésiter : “25 % du PIB, c'est à peu près 6-7 milliards de dollars. Je ne dirais pas détourné ; c'est un endettement qui n'a pas été dévoilé. Et donc le stock de la dette a été sous-estimé de 6-7 milliards de dollars à peu près.” À la journaliste qui demande si l’on peut parler de mensonge par rapport à ce qui est arrivé, le fonctionnaire du FMI s'est voulu bien plus mesuré. “Il y a une sous-estimation”, rétorque-t-il net, avant d'expliquer : “Donc, une partie de la dette qui a été cachée. Ce qui a permis aux autorités de s'endetter plus sur les marchés, de donner un signal plus positif aux marchés financiers et aussi de pouvoir s'endetter à des taux plus favorables que ce que ces taux auraient été, si la dette était plus élevée.”
Selon certaines estimations, la dette cachée a atteint 1 000 milliards de dollars au niveau mondial
‘’EnQuête’’ a essayé d'en savoir plus sur les dettes cachées. Qu'est-ce que c'est ? Quelles en sont les implications ? Dette cachée renvoie-t-elle forcément à une malversation ?
D'abord, dans le blog du FMI, dans un article rédigé avec la contribution de Kika Alex Okoh - agent au Département juridique du FMI - la définition suivante est donnée à cette notion qui défraie la chronique : “La dette cachée est un emprunt dont un État est redevable, mais qui n’est pas divulgué à ses citoyens ou aux autres créanciers.” Cette dette, par nature, renchérit la cadre du FMI, “est souvent exclue du bilan comptable public, mais elle est bien réelle et atteint 1 000 milliards de dollars au niveau mondial”, informe la source qui renvoie au rapport “Hidden Debt Revelations” (en français Révélations sur la dette cachée) 2022-2023.
Ce qu'il faut comprendre par dette cachée
Qu'en pensent les experts ? Plusieurs économistes ont été interpellés par ‘’EnQuête’’ pour mieux cerner cette notion de dette cachée. Pour Dr Ndongo Samba Sylla, chercheur très respecté pour ses nombreux travaux scientifiques, il faudrait comprendre par dette cachée “des dettes contractées sans autorisation parlementaire et qui n'ont pas été reportées comme faisant partie de la dette publique officielle”.
Pour sa part, le professeur Malick Sané de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar donne la définition suivante : “Je ne pense pas qu'il y ait une définition consacrée, mais on peut comprendre par-là toute dette qui n'a pas été officiellement déclarée.” Rappelant que souvent, la notion est mise entre guillemets, il est revenu sur le fait que cette dette n'est pas totalement cachée. “Ce n'est pas pour rien qu'on le met souvent entre guillemets. Entre guillemets parce qu'il y a quand même des traces. Mais comme c'est consigné quelque part de manière plus ou moins officieuse, on dit que c'est caché. Mais on connait qui sont les créanciers, on connait les montants’’.
Alors, dette cachée vaut-elle forcément malversations ? Le professeur est catégorique : “Pas du tout. Ça ne rime pas du tout avec malversations. En tout cas pas de manière systématique.”
Dans le même sillage, le professeur Mounirou Ndiaye est d'avis qu'une dette ne peut pas être cachée. “Il y a toujours une institution financière ou un partenaire qui accorde cette dette et elle fait toujours l'objet d'une écriture. Maintenant, pour ce que l'on appelle communément dette cachée, il y en a deux catégories. Il y a, d'une part, des dettes qui ne figurent pas dans les documents budgétaires. D'autre part, les dettes qui sont expressément dissimulées par l'État pour éviter que la signature internationale soit ternie ou que sa crédibilité soit entamée” a-t-il détaillé.
Pour le cas de nos États, souligne-t-il, les deux catégories existent. “Il y a le cas des lettres de confort et les lettres de garantie qui permettent de financer des choses sous la garantie ou sous la responsabilité de l'État, sans pour autant que ces dettes transparaissent dans les documents budgétaires. Il y a également cette volonté de dissimuler, une tendance débridée à l'endettement qui pousse à vouloir dissimuler une partie de la dette pour continuer à bénéficier de meilleures conditions”, précise le spécialiste.
Mais, alors que le Pr. Sané indique que cela ne rime pas forcément avec détournement, le Pr. Mounirou Ndiaye semble un peu plus nuancé. À la question de savoir si dette cachée renvoie forcément à vol ou autre acte de malversation, voici sa réponse : “Je pense qu'on peut nuancer. Parce que dans certains cas, on peut se demander valablement où est passé l'argent ? Parce que de l'argent a été emprunté pour des projets et on ne voit pas que ces projets ont été réalisés. Il revient à la justice d'en déterminer les tenants et aboutissants, et de situer les responsabilités. Le parquet financier est en train de travailler dans ce sens.”
Dette cachée ne rime pas forcément avec vol ou détournement
Depuis quelques jours, le cas du Sénégal défraie la chronique. Chacun y allant de son commentaire. Ce qui nous pousse à demander si la pratique est rare ou fréquente à l'échelle internationale. Selon le Dr Ndongo Samba Sylla, “les dettes cachées existent dans les pays où les contrôles démocratiques sont défaillants”. L'économiste donne l'exemple du Mozambique, avec le scandale emblématique des Tuna bonds. “Cependant, la pratique consistant à maquiller les comptes du gouvernement pour les présenter à leur avantage est assez répandue (les dettes cachées étant un exemple extrême et illégal)”, souligne le spécialiste.
À la question de savoir dans quelle catégorie il rangerait l'exemple du Sénégal, il rétorque : “C'est un mélange des deux. La dette contractée auprès du système bancaire sans autorisation du Parlement est un cas clair de violation de la loi.” Sur les prêts projets financés sur ressources extérieures, il est moins tranché. “J'imagine qu'il faut entrer dans les détails. Mais c'est sans doute plus difficile de gruger les chiffres qui concernent la dette extérieure auprès des partenaires bilatéraux et multilatéraux occidentaux”, a-t-il précisé.
Pour sa part, le Professeur Sané estime que la pratique de la dissimulation est assez fréquente à travers le monde. “C'est sûr que dans les États, il y a toujours des choses qu'on ne dit pas officiellement. Quand vous traitez avec des institutions comme le FMI qui sont très contraignantes, parfois, on peut être tenté de ne pas tout déclarer. Même dans les entreprises, il y a des choses qu'on ne déclare pas. Vous embellissez votre bilan en sachant qu'il y a des éléments que vous gérez en toute discrétion. Et l'émissaire du FMI l'a clairement dit. Il a dit que ce n'est pas une première. C'est aussi ça la réalité”, souligne le Dr Malick Sané.
Il faut rappeler que lors de la conférence de presse du gouvernement ayant suivi la publication du rapport de la Cour des comptes, le ministre de la Justice avait précisé ce qui suit à propos des menaces de poursuites : “L'exploitation du rapport a permis de relever, qu'en dehors des taux anormalement élevés de la dette, des manquements graves, qui pourraient revêtir diverses qualifications pénales : du faux en écriture, faux en informatique, détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics, blanchiment d'argent et enrichissement illicite, complicité et recel de ces chefs”, avait-il clamé.
À ceux qui voulaient plus de détails, il avait dit que les éléments en sa possession ne lui permettent pas d'en dire plus et qu'une enquête serait ouverte pour situer toutes les responsabilités.
Récemment à l'Assemblée nationale, à ceux qui réclamaient des poursuites contre l'ancien président, il avait précisé que le rapport ne mentionne pas le délit de haute trahison, seul chef pour lequel un chef d'État peut être poursuivi. “Je ne vais pas entrer dans des considérations que je ne maitrise pas. Nous sommes dans une dynamique d'enquête et rien n'est exclu” s'était-il limité à préciser.
Interpellé sur la question sur RFI, l'émissaire du FMI avait laissé entendre que cette question relevait exclusivement de la compétence des autorités judiciaires du Sénégal. “Il faut laisser la justice suivre son cours. Cela permettra de déterminer si ces faits ont eu lieu ou non”, avait-il précisé, tout en reconnaissant l'existence de “manquements graves”.
Le verdict
En résumé, à propos de la dette cachée, il faut retenir qu'il n'y a pas de définition consacrée. Mais les différentes définitions données par le FMI et les experts se recoupent par rapport au critère de la dissimulation.
Pour le Dr Ndongo Samba Sylla, il s'agit de “dettes contractées sans autorisation parlementaire et qui n'ont pas été reportées comme faisant partie de la dette publique officielle”. Pour le Pr. Sané, “il faut plutôt mettre des guillemets à dette cachée. Parce que la dette n'est pas totalement cachée ; il y a des traces. On connait les créanciers, on connait les montants. C'est juste que la dette ne fait pas l'objet d'une déclaration officielle”.
Cela rejoint les déclarations de Mounirou Ndiaye qui estime que dettes cachées, ça n'existe pas, puisque les dettes en question figurent forcément dans des écritures. “Maintenant, s'empresse-t-il d'ajouter, pour ce que l'on appelle communément dette cachée, il y en a deux catégories. Il y a, d'une part, des dettes qui ne figurent pas dans les documents budgétaires. D'autre part, les dettes qui sont expressément dissimulées par l'État pour éviter que la signature internationale soit ternie ou que sa crédibilité soit entamée”.
Par rapport à la confusion dette publique-malversation, il faut noter qu'il y a des cas où la dette cachée peut effectivement déboucher sur des qualifications pénales, si elle a permis de commettre des actes délictuels. Ce qui n'est pas forcément le cas, selon la plupart de nos interlocuteurs.
FADIGA, 76 ANS D'ISOLEMENT
Malgré son intégration comme quartier de Kédougou, ce village souffre d'un manque criant d'infrastructures de base. La pénurie d'eau constitue le problème le plus aigu, avec une borne-fontaine pour ses 1200 habitants
Le village de reclassement social de Fadiga, dans la commune de Kédougou (sud-est), souffre aujourd’hui de plusieurs maux, dont le manque d’infrastructures sociales de base, près de 76 ans après sa création en 1949, pour accueillir les populations atteintes de la lèpre, une maladie tropicale négligée.
Au départ, une partie de la population du village Fadiga, devenu un quartier de la commune de Kédougou, vivait de manière isolée à Woumbaré. Cette localité est située sur la route de Fongolimbi, à une quinzaine de kilomètres environ de la ville de Kédougou.
A Woumbaré où Alamouta Cissokho était le chef de village, les populations atteintes de la lèpre, en plus d’être isolées, étaient dépourvues de moyens de défense face aux attaques des hyènes.
Malgré leur handicap physique, elles ont élaboré des stratégies de lutte contre ce phénomène qui perdurait. Elles ont ainsi incendié leurs cases afin de pousser les autorités à prendre des décisions urgentes et adéquates à propos de leur situation.
Après cet évènement, ces populations furent déplacées de Woumbaré pour être installées sur un site du quartier Fadiga, à cheval entre l’aérodrome et la ville de Kédougou.
Deux versions pour expliquer l’origine du nom Fadiga
Selon la première version, Fadiga viendrait de “ifandinkha”, ce qui signifie en mandingue ‘’ta propre tombe’’. Cette appellation n’est pas fortuite, indique Boubacar Traoré, un notable du village. Elle fait référence à la souffrance que les personnes atteintes de la lèpre ont vécue à Woumbaré, leur premier site d’accueil, dit-il.
‘’Elles étaient laissées à la merci des hyènes dans un endroit sans aucune mesure de protection contre ces fauves et les autres prédateurs’’, fait-il savoir.
La seconde version, renseigne le notable Traoré, serait liée à leur recasement à plusieurs reprises vers d’autres sites. ‘’Fadiga, leur dernier site de recasement, est pour elles l’endroit où elles finiront leur dernier jour’’, dit-il.
Bambo Dramé, un autre notable du village de Fadiga, opte pour la deuxième version ‘’Fakhadiya’’ signifie en mandingue ‘’mourir facilement sans gêner personne’’, tente-t-il d’expliquer l’origine du village Fadiga.
‘’Les morts étaient enterrés hors du village et les défunts n’avaient pas droit aux rituels religieux, à savoir le lavage et la prière mortuaires, l’utilisation de linceul et l’inhumation’’, a-t-il rapporté.
Il indique que l’ancien chef de village de Fadiga, Nouhoun Sylla, a mis un terme à cette pratique, suite au décès de son frère à l’époque.
”Il a mobilisé la population du village pour dire non à cette injustice humaine. Depuis ce jour, les morts sont enterrés à Fadiga sans l’aide des habitants de Kédougou’’, a-t-il raconté.
Sur le plan démographique, le village de Fadiga a commencé à évoluer dans le temps, note pour sa part, le notable Djiguiba. Selon lui, 4 ans (1953) après sa création, le village de reclassement social ne comptait que 9 personnes atteintes de la lèpre.
Des maisons construites en briques de banco ou en dur, les rues au sol rouge : telle est la carte postale de ce village devenu un quartier de la ville de Kédougou en 2008.
La localité fait face à la route nationale (RN7) qui mène vers le département de Salémata. Pour y accéder, il faut passer par une petite descente qui conduit à la grande mosquée et à la place publique du village.
En ce samedi, il règne un calme dans ce quartier où la majorité des habitants parlent le mandingue. Dans les maisons, sauf le bruit des enfants jouant au football vient perturber ce silence.
Le manque d’infrastructures sociale de base déploré
Le quartier de Fadiga est confronté à d’énormes difficultés parmi lesquelles le manque de l’eau et d’infrastructures sociales de base.
La vente de charbon de bois était l’activité principale des habitants du village. Mais depuis l’interdiction de cette activité par les autorités locales, il n’y a pas de mesures d’accompagnement en leur faveur, déplore Boubacar Traore, un jeune.
Doura Keita, un habitant, déplore aussi le manque de mesures d’accompagnement depuis que Fadiga est devenu un quartier de la commune de Kédougou en 2008. ‘’Vraiment nos femmes sont fatiguées et nos enfants ne travaillent pas jusqu’à présent’’, dénonce-t-il.
Debout au milieu des périmètres maraîchers du village, les femmes observent l’horizon avec enthousiasme. Ici, les récoltes de choux, d’oignon, des feuilles d’oignon ou de salade sont prometteuses. Les populations vivent grâce au maraîchage qui se développe à un rythme effréné.
Selon Doura Keita, les femmes de Fadiga n’ont jamais bénéficié d’accompagnement technique et financier.
‘’Les femmes de Fadiga surtout celles qui travaillent au niveau du jardin n’ont pas bénéficié d’appuis économiques et sociaux de l’Etat du Sénégal. Pour conserver les légumes qu’elles vendent au marché, c’est un problème’’, a-t-il fustigé.
Il a invité l’Etat et les collectivités territoriales à prendre en charge la formation des jeunes, surtout des femmes du village de reclassement social de Fadiga.
‘’Nous voulons que les autorités nous aident avec des bons de formation pour insérer nos jeunes et on a constaté que beaucoup d’entre eux ne travaillent pas, malgré toutes les opportunités de la région de Kédougou’’, a-t-il dit.
Toutes les maisons impactées par la pénurie d’eau
Depuis 2008, la population fait face à un problème d’approvisionnement en eau potable. Le groupe ‘’Yellitare’’ de la famille Sall a installé une pompe solaire pour alimenter le village en liquide précieux.
Sur place, le visiteur est frappé par cette longue file de récipients, de baignoires qui attendent d’être remplies sous les yeux de leurs propriétaires, des hommes et des femmes, venus s’approvisionner en eau à l’unique borne fontaine du quartier.
‘’Le problème de l’eau se pose avec acuité à Fadiga et sincèrement nous sommes fatigués et surtout nos femmes. Elles sont complètement fatiguées et depuis de nombreuses années, elles font la queue pour avoir de l’eau’’, déplore Boubacar Traoré.
Ces derniers jours, c’est pratiquement tout le village qui fait face à cette pénurie en eau, parce que la pompe solaire ne peut pas satisfaire tout le monde, selon Traoré.
Selon la première version, Fadiga viendrait de “ifandinkha”, ce qui signifie en mandingue ‘’ta propre tombe’’. Cette appellation n’est pas fortuite, indique Boubacar Traoré, un notable du village. Elle fait référence à la souffrance que les personnes atteintes de la lèpre ont vécue à Woumbaré, leur premier site d’accueil, dit-il.
‘’Elles étaient laissées à la merci des hyènes, dans un endroit sans aucune mesure de protection contre ces fauves et les autres prédateurs’’, explique-t-il.
La seconde version, renseigne le notable, serait liée à leur recasement à plusieurs reprises sur d’autres sites. ‘’Fadiga, leur dernier site de recasement, est pour elles l’endroit où elles finiront leur dernier jour’’, dit-il.
Bambo Dramé, un autre notable du village de Fadiga, penchse pour la deuxième version, celle de ‘’Fakhadiya’’ qui signifie en mandingue ‘’mourir facilement sans gêner personne’’.
‘’Les morts étaient enterrés hors du village et les défunts n’avaient pas droit aux rituels religieux, à savoir le lavage et la prière mortuaires, l’utilisation de linceul et l’inhumation’’, raconte-t-il.
Il indique que l’ancien chef de village de Fadiga, Nouhoun Sylla, a mis un terme à cette pratique, suite au décès de son frère à l’époque.
”Il a mobilisé la population du village pour dire non à cette injustice humaine. Depuis ce jour, les morts sont enterrés à Fadiga sans l’aide des habitants de Kédougou’’, confie-t-il.
Sur le plan démographique, le village de Fadiga a commencé à évoluer dans le temps, indique Djiguiba, un de ses notables. Selon lui, quatre ans (1953) après sa création, le village de reclassement social ne comptait que neuf personnes atteintes de la lèpre.
Des maisons construites avec des briques en banco ou en dur, des rues au sol rouge : tel est le décor qu’offre ce village devenu un quartier de la ville de Kédougou, en 2008.
La localité fait face à la route nationale (RN7) qui mène vers le département de Salémata. Pour y accéder, il faut emprunter une petite descente menant à la grande mosquée et à la place publique du village.
En ce samedi, il règne un calme dans ce quartier où la majorité des habitants parlent le mandingue. Dans les maisons, seul le bruit des enfants jouant au football vient perturber ce silence.
Manque d’infrastructures sociale de base
Le quartier de Fadiga est confronté à d’énormes difficultés, parmi lesquelles le manque d’eau et d’infrastructures sociales de base.
La vente de charbon de bois était l’activité principale des habitants du village. Mais, depuis l’interdiction de cette activité par les autorités locales, il n’y a pas de mesures d’accompagnement en leur faveur, déplore Boubacar Traoré, un jeune.
Doura Keita, un habitant, déplore aussi le manque de mesures d’accompagnement depuis que Fadiga est devenu un quartier de la commune de Kédougou, en 2008. ‘’Vraiment nos femmes sont fatiguées et nos enfants ne travaillent pas jusqu’à présent’’, dénonce-t-il.
Debout au milieu des périmètres maraîchers du village, les femmes contemplent l’horizon, l’air visiblement enthousiastes. Ici, les récoltes de choux, d’oignon, de feuilles d’oignon ou de salade sont prometteuses. Les populations vivent grâce au maraîchage qui se développe à un rythme effréné.
Selon Doura Keita, les femmes de Fadiga n’ont jamais bénéficié d’accompagnement technique et financier.
‘’Les femmes de Fadiga, surtout celles qui travaillent au niveau du jardin, n’ont pas bénéficié d’appuis économiques et sociaux de l’Etat du Sénégal. Pour conserver les légumes qu’elles vendent au marché, c’est un problème’’, déplore-t-il.
Il invite l’Etat et les collectivités territoriales à prendre en charge la formation des jeunes, surtout des femmes du village de reclassement social de Fadiga.
‘’Nous voulons que les autorités nous aident avec des bons de formation pour insérer nos jeunes et on a constaté que beaucoup d’entre eux ne travaillent pas, malgré toutes les opportunités de la région de Kédougou’’, dit-il.
Toutes les maisons impactées par la pénurie d’eau
Depuis 2008, la population fait face à un problème d’approvisionnement en eau potable. Le groupe ‘’Yéllitaré’’ a installé une pompe solaire pour alimenter le village en liquide précieux.
Sur place, le visiteur est frappé par un long alignement de récipients qui attendent d’être remplis sous les yeux de leurs propriétaires, des hommes et des femmes, venus s’approvisionner en eau à l’unique borne-fontaine du quartier.
‘’Le problème de l’eau se pose avec acuité à Fadiga et sincèrement nous sommes fatigués, et surtout, nos femmes. Elles sont complètement fatiguées. Et depuis de nombreuses années, elles font la queue pour avoir de l’eau’’, déplore Boubacar Traoré.
Ces derniers jours, c’est pratiquement tout le village qui fait face à cette pénurie d’eau, car la pompe solaire ne peut pas satisfaire les besoins en eau de tout le quartier, explique-t-il.
‘’Vous avez vu les charrettes chargées des bidons de 20 litres ainsi que les femmes qui viennent avec des seaux et des baignoires vers un seul robinet. C’est pour vous dire le problème que nous vivons pendant des années, et les gens ne s’occupent plus de savoir si l’eau est potable ou pas’’, martèle-t-il.
En ce samedi, c’est la ruée vers le robinet public à cause du manque d’eau en cette période de forte chaleur, coïncidant avec le mois de ramadan. Dans cet espace communément appelé robinet ‘’Sall Sall’’, Mamita Camara attend patiemment, pour espérer remplir ses bassines.
Elle s’est réveillée sans la moindre goutte d’eau à domicile. Un foulard blanc sur la tête, un pagne autour des reins assorti d’un t-shirt blanc, la dame d’une trentaine d’année a fini par s’habituer à cette situation.
‘’La situation a toujours été comme ça et je ne pense pas que le problème de l’eau sera réglé à Fadiga’’, dit-elle sur un ton de désespoir.
Le maraîchage, principale activité des femmes
A Fadiga, 130 femmes regroupées autour de quatre groupements féminins issus des familles victimes de la lèpre, ont emblavé deux ha de périmètres maraîchers. Elles cultivent de la salade, de l’oignon, des carottes et d’autres légumes.
‘‘Nous avons un grand rendement, parce que c’est nous qui approvisionnons tous les jours une partie du marché central de Kédougou en légumes frais. Et nous mangeons l’autre partie, parce que nos maris ne travaillent plus. Ils s’activaient dans la vente du charbon, maintenant cette activité a été interdite’’, lance Mamy Camara, rencontrée dans le jardin maraîcher de Fadiga.
Elle déplore le manque d’eau et d’espace arable au niveau du jardin maraîcher des femmes de Fadiga.
‘’Notre grand problème ici, c’est l’eau. Pour arroser nos plantes, il faut que tu te réveilles à 5h du matin, car à midi les puits sont à sec. Nous voulons travailler, mais on n’a pas d’eau et d’espace pour cultiver’’, déplore-t-elle.
Mamy Camara plaide pour un financement en faveur du groupement afin que les femmes du village puissent agrandir leur périmètre maraîcher.
‘’On n’a jamais eu de financement ni bénéficié d’actions des autorités locales de Kédougou et on se débrouille avec les moyens du bord. Pourtant, on doit en bénéficier comme tout le monde, parce que nous faisons partie de la société’’, revendique-t-elle.
Pourtant, la direction générale de l’action sociale a initié un vaste programme d’accompagnement de ces populations victimes de lèpre, selon Mamadou Saliou Sall, directeur régional de l’action sociale de Kédougou.
‘’Nous les avons regroupées en association des personnes vivant avec la lèpre du village de reclassement de Fadiga. Et c’est une association très dynamique et très organisée qui, aujourd’hui, est en train de travailler pour améliorer les conditions de vie des populations victimes de la lèpre’’, assure-t-il.
Mamadou Saliou Sall ajoute que l’Etat du Sénégal a initié également le Programme pour l’autonomisation des personnes atteintes de lèpre et familles (PAPALF).
‘’Il s’agit de fonds qui sont destinés à subventionner des activités génératrices de revenus au profit des populations de Fadiga. On finance des petits commerces tels que l’aviculture et l’élevage’’, a-t-il détaillé.
Il signale que l’école élémentaire de Fadiga a bénéficié également de fournitures scolaires dans le cadre du programme PAPALF.
‘’Nous avons construit deux salles de classe au niveau de l’école élémentaire et réhabilité la case des tout-petits de Fadiga avec notre partenaire, la DAHW [l’association allemande de lutte contre la lèpre et la tuberculose]. Et nous choisissions chaque année des jeunes adolescents de Fadiga pour les inscrire dans les écoles de formation de métiers et de réinsertion’’, indique-t-il.
Il signale aussi que son service a initié un plateau de soins médicaux pour les personnes vivant avec la lèpre.
‘’Des gens ont été bien formés et sont en train de les accompagner sur place. Maintenant, quand le cas devient grave et nécessite une évacuation au niveau de l’hôpital régional, là aussi nous avons mis en place des fonds pour accompagner ces malades qui ont besoin des soins coûteux’’, poursuit-il.
Il précise que tous les lépreux du village de reclassement social de Fadiga sont bénéficiaires de la carte d’égalité des chances.
‘’L’avantage de cette carte, au-delà de l’identification, elle permet au bénéficiaire d’avoir la bourse de sécurité familiale. Et aussi d’être enrôlé pour la couverture maladie universelle, et cela va leur permettre d’accéder très facilement aux soins de santé’’, indique-t-il.
Le village compte aujourd’hui 1200 personnes, selon les statistiques de la Direction régionale de l’action sociale de Kédougou. Elle dit avoir recensé 54 personnes vivant avec la lèpre à Fadiga.
‘’Au total, 54 personnes vivant avec la lèpre se trouvent dans 48 ménages à Fadiga. (…), mais il se trouve que les enfants ne sont pas atteints de la maladie de la lèpre’’, explique-t-il.
Le directeur régional de l’action sociale de Kédougou invite les collectivités territoriales de Kédougou à appuyer le village de Fadiga pour la construction d’habitations et dans la fourniture d’eau et d’électricité.
LE PARI GAGNANT DE YÉRIM SOW EN CÔTE D’IVOIRE
Bridge Bank Group Côte d'Ivoire, créée en 2006 par l'homme d'affaires sénégalais s'impose comme une banque de niche hautement rentable en ciblant le haut de gamme et les PME performantes
(SenePlus) - L'entrepreneur sénégalais Yérim Sow a réussi à imposer sa vision singulière dans le paysage bancaire ouest-africain. Selon Jeune Afrique, le patron du groupe Teyliom a développé Bridge Bank Group Côte d'Ivoire (BBGCI) en suivant une stratégie à contre-courant des grands groupes panafricains, privilégiant "le confort et la rentabilité d'une niche plutôt que l'expansion à tous crins."
Fondée en 2006 par cet homme d'affaires visionnaire, BBGCI est devenue "le premier établissement privé n'appartenant pas à un groupe panafricain" dans la région. Sous sa direction, la banque a atteint un bilan impressionnant de 748 milliards de FCFA en 2023, la plaçant au 12e rang dans l'UEMOA.
La stratégie distincte de Yérim Sow repose sur un ciblage précis: services haut de gamme, agences soigneusement conçues et accompagnement personnalisé des PME les plus prometteuses. Cette approche lui a permis de dégager "près de 20 milliards de FCFA de bénéfices" en 2023, avec un coefficient d'exploitation remarquable de 45%.
"Nous sommes ravis d'accompagner la stratégie de croissance de BGWA avec des dirigeants de haut niveau, dont M. Yérim Sow, un véritable entrepreneur visionnaire, toujours à la recherche de projets percutants", expliquait Hichem Ghanmi d'AfricInvest, qui a détenu jusqu'à 30% du capital.
Contrairement à ses concurrents, Yérim Sow a opté pour une expansion mesurée. En 2022, il a simplement ouvert une succursale au Sénégal, son pays d'origine. Cette "régionalisation modérée" lui permet de bénéficier des synergies avec son groupe Teyliom, présent dans 16 pays africains.
Sa vision a convaincu des bailleurs de fonds prestigieux comme la Société financière internationale (40 millions de dollars) et la Banque africaine de développement (30 millions d'euros), confirmant la pertinence de son modèle alternatif dans un secteur en pleine mutation.
CHIMAMANDA, L'ÉCRITURE RETROUVÉE
Après dix ans d'absence dans le domaine romanesque, la célèbre écrivaine féministe nigériano-américaine revient avec "L'Inventaire des rêves". Un roman qui explore la sororité entre quatre femmes africaines et revisite l'affaire Strauss-Kahn-Diallo
(SenePlus) - La célèbre écrivaine nigériano-américaine Chimamanda Ngozi Adichie, figure de proue du féminisme contemporain, est de passage à Paris pour présenter son nouveau roman très attendu, « L'Inventaire des rêves ». Lors d'un entretien accordé au journal Le Monde, l'autrice aborde avec franchise le blocage créatif qui l'a paralysée pendant une décennie, la genèse de son nouveau livre inspiré de l'affaire Strauss-Kahn, et livre son analyse sans concession sur la situation politique américaine.
Dix ans après le succès international d'« Americanah », Chimamanda Ngozi Adichie renoue avec la fiction qu'elle qualifie, selon Le Monde, comme « l'amour de sa vie, sa raison d'être, sa 'joie' ». Cette longue absence dans le domaine romanesque n'était pas volontaire, mais le résultat d'un blocage créatif profond. « J'étais bloquée, répond-elle, c'est aussi simple que cela », confie-t-elle au quotidien français.
L'écrivaine, née au Nigeria en 1977 et récemment naturalisée américaine, évoque avec une rare transparence les tourments liés à cette incapacité d'écrire : « Je me sentais totalement misérable, séparée de mon vrai moi », avoue-t-elle, ajoutant qu'elle « passait beaucoup temps à cacher aux autres qu'elle n'écrivait pas ».
C'est après avoir perdu successivement ses deux parents que la romancière a retrouvé le chemin de la création littéraire. Elle explique au Monde ce phénomène par une forme de connexion spirituelle : « C'est comme si ma mère m'avait ouvert une porte... » Un événement qu'elle ne cherche pas à rationaliser, mais dont elle revendique l'« intuition profonde ».
« L'Inventaire des rêves », ouvrage de plus de 600 pages décrit par Le Monde comme « un texte tonique et plein de sève », entrelace les destins de quatre amies africaines. « Cela faisait longtemps que je voulais mettre en scène des vies de femmes contemporaines », explique l'autrice qui souhaitait « montrer l'amitié qui les lie, la façon dont elles se comprennent, se soutiennent, explorer la 'sisterhood' [la sororité] ».
Le journal détaille les profils de ces protagonistes : Chiamaka (« Chia »), une Nigériane installée aux États-Unis qui a abandonné son emploi pour se consacrer à l'écriture de voyage ; Zikora, avocate tourmentée par un désir de maternité ; Omelogor, femme d'affaires aux opinions tranchées ; et enfin Kadiatou, femme de ménage guinéenne dont le parcours est inspiré de celui de Nafissatou Diallo.
Comme le rapporte Le Monde, le roman commence durant la pandémie de Covid-19, période durant laquelle les trois premières protagonistes s'interrogent sur leurs aspirations : « Les rêves des femmes sont-ils vraiment les leurs ? » La romancière confronte ses personnages aux injonctions contradictoires qui pèsent sur les femmes, créant une œuvre à la fois critique et engageante.
Le personnage de Kadiatou, d'après Le Monde, est librement inspiré de Nafissatou Diallo, la femme qui avait porté plainte contre Dominique Strauss-Kahn en 2011. Dans le roman, son rêve américain se brise lorsque « dans une chambre, 'un Blanc tout nu, un client VIP', s'est rué sur elle et l'a laissée 'la bouche pleine d'asticots' ».
Chimamanda Ngozi Adichie explique au journal son indignation face à l'abandon des poursuites contre DSK : « Quand j'ai su que les poursuites avaient été abandonnées sous prétexte que Nafissatou Diallo avait menti au moment de sa demande d'asile, j'ai trouvé cela injuste et immoral. C'était une façon de dire aux femmes : si vous êtes agressées sexuellement, il faut, pour espérer obtenir réparation, que vous soyez parfaites en tout point. Or, qui est parfait dans la vraie vie ? »
Pour l'écrivaine, ce livre revient sur « une affaire trop importante pour être classée sans suite » et démontre comment « là où le droit ne s'exerce pas, la littérature peut rendre justice », en « redressant par l'écriture 'l'équilibre des récits' ».
Interrogée sur la situation politique américaine actuelle et le retour de Donald Trump, Chimamanda Ngozi Adichie livre une analyse sans détour : « Je pense qu'on a trop couvert la folie [de Trump]. Parce qu'elle est divertissante, d'un certain point de vue, la télévision l'a beaucoup trop relayée, imprudemment. C'est cela qui a fait Trump. Si ça n'avait pas été le cas, il n'aurait pas gagné le premier mandat. »
L'écrivaine déplore, selon Le Monde, l'obsession pour le divertissement qui caractérise la politique trumpienne, citant en exemple une récente humiliation du président ukrainien Zelensky : « Regardez, quand Trump humilie Zelensky à l'écran, ce qu'il dit à la fin c'est : 'Ça va faire un bon moment de télévision !' »
Face à cette situation, Adichie affirme avoir pris ses distances avec l'actualité : « Je ne veux pas qu'elle contrôle ma vie ». Ayant grandi « dans une dictature, au Nigeria », elle assure que la situation actuelle ne « changera rien » à sa créativité : « Je ne me laisserai certainement pas aller au désespoir. »
« L'Inventaire des rêves » de Chimamanda Ngozi Adichie, traduit de l'anglais par Blandine Longre, est publié aux éditions Gallimard dans la collection « Du monde entier » (656 pages, 26 euros).
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL POUR TRANCHER LA PROPOSITION DE LOI SUR L’AMNISTIE
Face à la controverse, les défenseurs des droits humains appellent à la prudence et recommandent l'arbitrage de la haute juridiction pour préserver la paix sociale avant l'examen parlementaire prévu le 2 avril
La Commission nationale des droits de l’homme du Sénégal (CNDHS) et d’autres acteurs de la société civile ont recommandé jeudi à Dakar la proposition de loi d’interprétation de la loi d’amnistie, portée par le député Amadou Ba, soit soumise au Conseil constitutionnel pour arbitrage.
Au-delà de la concertation, “il y a d’autres préalables, si la loi interprétative doit passer à l’Assemblée nationale”, a avancé a Amsatou Sow Sidibé, présidente de la CNDHS.
La loi interprétative de la loi d’amnistie doit d’abord être soumis au Conseil constitutionnel pour qu’il puisse l’apprécier, a suggéré Mme Sidibé, au terme d’un atelier de réflexion organisé par la CNDHS, ex-Comité sénégalais des droits de l’Homme (CSDH).
Cette rencontre a été initiée en collaboration avec le Haut commissariat des Nations unies section Afrique de l’Ouest (BRAO), Amnesty International et des organisations de la société civile sénégalaise.
Le député Amadou Ba du groupe parlementaire des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef-Les Patriotes, parti au pouvoir) a soumis une proposition de loi portant interprétation de la loi d’amnistie.
Cette initiative vise à délimiter le champ d’application de cette loi votée sous le régime de l’ancien président Macky Sall et portant sur les faits liés aux manifestations politiques ayant secoué le pays entre février 2021 et février 2024.
Cette proposition de loi a soulevé des réactions de désapprobation au sein de l’opposition et de la société civile, qui rappellent aux nouvelles autorités leur engagement d’abroger totalement ce texte adopté par l’Assemblée nationale en mars 2024.
Les experts, spécialistes du droit, universitaires et divers autres acteurs ont pris part aux échanges autour de cette “problématique très sérieuse dont les conséquences qui peuvent avoir des relents forts pour le pays”, s’est inquiétée Mme Sidibé.
La présidente de la Commission nationale des droits de l’homme estime que le Conseil constitutionnel “va éclairer tous les esprits” sur ce sujet.
“Taper aux portes d’une haute juridiction qui est le Conseil constitutionnel, va nous mettre plus à l’aise pour toucher à cette loi d’amnistie parce que, encore une fois, la paix, la cohésion sociale doivent nous guider”, a insisté la professeure de droit.
De cette manière, a signalé Amsatou Sow Sidibé, les problèmes relatifs aux dédommagements seront gérés par la justice.
“Mais sachons comment faire, sachons par quelle voie passer. La meilleure voie, c’est d’abord la patience qui guide toujours”, a-t-elle insisté.
Elle considère que les Sénégalais doivent ensemble faire face aux nombreuses priorités, notamment dans le secteur de l’éducation et du développement de manière générale.
Selon la présidente de la Commission nationale des droits de l’homme, “tout est priorité, donc nous ne pouvons pas perdre du temps dans une dislocation sociale. Il nous faut cette cohésion sociale”.
Amsatou Sow Sidibé estime que seule une concertation inclusive peut faire éviter “les risques d’un désamour” entre le peuple et ses représentants.
Les recommandations issues de cette rencontre seront remises “aux plus hautes autorités de ce pays qui vont l’utiliser certainement à bon escient”, espère-t-elle.
Les députés vont examiner la proposition de loi portant interprétation de la loi d’amnistie, le 2 avril prochain.
PAR Djibril Ndiogou Mbaye
MULTIPLE PHOTOS
L’AFRIQUE À L’ÉPREUVE DES MUTATIONS GÉOPOLITIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - Sur la scène internationale où se joue en ce moment le concert des nations, le continent africain, éternel musicien sans instrument fonctionnel, dort et ronfle devant sa partition, une fois de plus, une fois de trop
À l’heure où la plupart des pays occidentaux s’activent et s’unissent avec beaucoup de dynamisme à refaire les « lois » qui gouverneront le monde politique et économique de demain, les États d’Afrique résonnent par leur silence et une absence quasi-totale de réaction. L’Afrique est inerte et aphone, pendant que le monde occidental bruit de mutations. Aucune initiative majeure à l’échelle africaine, aucun sommet, aucun rendez-vous marquant, même pas pour faire un état des lieux dans cette période charnière.
Les pays africains semblent ne pas être concernés par ce qui se trame outre-Atlantique. N’est-ce pas inquiétant ? Pourtant, à l’issue des confrontations en cours, émergera un univers géopolitique complètement réinitialisé, qui impulsera à coup sûr de nouvelles relations géoconomiques, qui s’imposeront à leur tour, aux pays africains, sans aucune possibilité pour ces derniers d’y échapper.
De la disponibilité des céréales ukrainiennes et russes, aux prix des équipements high-tech, dont les composantes sont issues des minerai critiques et des terres rares de l’Ukraine, tous les prix seront unilatéralement fixés par l’Occident et opposables aux consommateurs africains.
L’Amérique de Trump scellera le sort de l’USAID ou pas, mais définira la nouvelle nomenclature des relations USA-Afrique pour les prochaines décennies. C’est la raison pour laquelle la léthargie de notre continent et du tiers monde plus généralement, en ces temps de manœuvres aux sommets, inquiète.
Sur la scène internationale où se joue en ce moment le concert des nations, l’Afrique, éternelle musicienne sans instrument fonctionnel, dort et ronfle devant sa partition, une fois de plus, une fois de trop ! Elle attend que l’Occident, comme de coutume, décide à sa place. Est-elle à la hauteur des enjeux géostratégiques du moment ? Est-elle capable de se prendre entièrement en charge, planifier son avenir politique et sa survie économique en se projetant activement et intelligemment dans les meilleurs partenariats géostratégiques ? Bref, l’Afrique est-elle prête à écrire elle-même sa propre histoire ?
Hegel écrivait que l’Afrique, en dehors de l’histoire consciente de l’humanité dort dans les ténèbres. Faut-il donner raison à cet impertinent et laisser encore « les autres » définir notre avenir et réécrire notre histoire ?
Si on se réfère à la situation actuelle, marquée par des problèmes de sécurité économique pour les uns et de sécurité intérieure (qui entraine forcément de l’insécurité alimentaire et économique) pour les autres, le pessimisme est permis.
Les pays africains stables essaient de s’inscrire dans des perspectives de développement à moyens et longs termes, mais sont confrontés à la pression soutenue de populations démunies et impatientes.
Dans des pays confrontés à l’instabilité comme le Mali ou la RDC, les populations vivent l’incertitude et le martyr. Les populations africaines, dans leur grande majorité, souffrent pendant que le continent se disloque.
Récemment, trois États putchistes et donc illégitimes ont quitté la CEDEAO. Et comme si cela ne suffisait pas, ont créé dans la foulée l’AES (Alliance des États du Sahel). Pendant ce temps, l’Union Africaine cafouille et marque le pas comme de coutume, en montrant toutes ses insuffisances et son incapacité à être le cadre d’une vraie unité politique crédible et efficace. Elle se complaît, comme l’ONU, dans son statut de « mieux que rien ». L’Afrique est devenue entre-temps le champs délocalisé de la confrontation entre la Russie et la France et l’Union européenne plus généralement.
Ainsi, Ni la vision de l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié, fondateur se l’OUA en 1963, ni celle du jamaïcain Marcus Garvay, ni le mouvement panafricaniste et l’ébauche des « États-unis d’Afrique» issue de la conférence de Manchester de 1945, animée par Patrice Lumumba, George Padmore, Jomo Kenyatta, Modibo Keïta, Kwame Nkrumah, et Ahmed Sékou Touré, pour ne citer que les plus populaires, n’auront permis l’éclosion d’une vraie communauté politique et économique africaine crédible.
Lorsqu'il prît la présidence tournante de l’Union Africaine (UA), remplaçant l’OUA début 2009, le colonel Kadhafi avait présenté à nouveau son projet d'États-Unis d'Afrique aux pays africains. Il envisageait une force militaire africaine conjointe, une monnaie africaine unique, et un passeport africain permettant la libre circulation en Afrique des ressortissants de tout pays africain.
Le projet était presque parfait mais c’était sans compter avec une Afrique divisée, des États fébriles et instables parce que gangrenés par des putschs à répétition, des chefs d’États aliénés à des puissances occidentales que l’avènement d’une Afrique forte n’enchantait guère et des pays plus préoccupés par leurs problèmes internes, qui ont finalement eu raison de ce projet qui aurait sûrement propulsé notre continent au rang de géant économique et de puissance militaire incontestée. Une grande puissance qui pourrait s’asseoir à la même table que les autres puissances économiques occidentales ou asiatiques, avoir les mêmes prérogatives politiques à l’international et un destin économiques plus enviables.
Aujourd’hui, l’Afrique est un continent faible et dépendant, sensible et souvent vulnérable, dont certains dirigeants tentent de souffler, vainement, sur la braise de l’unité pour la faire prendre. Et pourtant, c’est plus que jamais d’actualité. Mais l’Afrique est restée divisée avec beaucoup de leaders encore inféodés et partisans de la courtisanerie et des courbettes. Des dirigeants en quête de légitimité démocratique ou n’ayant aucune vision prospective dépassant leurs frontières terrestres, aucune ambition régionale et panafricaine, imbus juste de leurs intérêts personnels. Ces situations, transposées dans la plupart des pays d’Afrique, y auraient la même pertinence, tellement nos réalités sont similaires et superposables.
Face à cette situation, quel doit être le positionnement des pays africains ? Doivent-ils se recroqueviller dans des schémas politiques et économiques introvertis et afro-africains ? Ou doivent-ils prendre la mesure de l’interdépendance des économies dans un monde devenu global et s’organiser en vue de prendre toute leur place dans la nouvelle configuration des échanges internationaux ? Même si la désillusion a été grande de constater que l’interdépendance économique des États ne garantissait pas la paix et la stabilité du monde .
En effet, l’imbrication des relations internationales n’a pas réussi à empêcher l’annexion partielle de territoires souverains comme l’Ukraine ou la Palestine par Poutine et Netanyahu. Elle n’empêche pas non plus les saillies verbales et décisions révoltantes d’inhumanité et d’injustice du président américain Donald Trump, contre le Groenland, le canal de Panama ou le Canada. Des décisions prises en période de paix, contre des pays démocratiques et respectés avec lesquels les USA entretiennent des relations politiques, diplomatiques et économiques sans ambages.
Donc nous vivons une époque incertaine et dangereuse. Une époque néocolonialiste pendant laquelle les délires des superpuissances militaires remettent en cause la pacification présumée de l’espace politique international, longtemps promise et supposée garantie par l’interdépendance entre États souverains et démocratiques.
La géopolitique est le « réalisme », elle est aujourd’hui, comme qui dirait, le moteur de l’histoire qui s’écrit sous nos yeux. Elle enfantera des nouvelles bases géoéconomiques auxquelles toutes les économies du monde devront se plier.
Il est pourtant impossible de nos jours de s’enfermer dans un esprit de clocher. La misère et l’injustice n’affectent plus seulement ceux qui en souffrent mais menacent la prospérité et les droits de tous. Aucun État, aussi puissant soit-Il, ne peut tirer son épingle d’un jeu économique solitaire et isolé.
Donc les États africains doivent faire preuve de plus de responsabilité, en s’activant sérieusement dans l’édification d’une unité africaine capable de leur garantir une place respectable, vectrice de développement.
Il est nécessaire de consolider la CEDEAO et l’UA, les rares espaces communautaires dans lesquels certains États « légitimes » et démocratiques du continent peuvent se retrouver et s’organiser. Il est nécessaire de leur insuffler plus d’énergie pour accroître la volonté politique des États membres.
Si l’Afrique n’a pas de guerre totale en perspective, elle est cependant rongée par des guerres intestines archaïques. Des guerres ethniques, de religions, des guerres basiques, primitives, des rebellions armées. Mais aussi et surtout la menace jihadiste qui ronge et mine le Mali et menace la très fébrile stabilité politique de l’ouest africain. L’Africain est-il prêt à déléguer une partie de sa souveraineté à une organisation supranationale qui conférerait à tous ses membres encore plus de force ?
En tout cas en ces temps où le souverainisme a le vent en poupe, il est plus que jamais nécessaire de savoir en définir la portée et les limites. Parce qu’il n’incite pas à se « fédérer ». Car se fédérer, c’est aussi renoncer à une partie de sa souveraineté pour la déléguer à une entité fédérale qui, elle, serait autant de fois souveraine qu’elle aurait de membres. Donc on reçoit forcément plus que ce que l’on concède. Mais les chefs d’État africains ont longtemps aimé l’autocratie à travers des régimes présidentialistes forts.
Une organisation supranationale a des règles et y adhérer impose de les respecter. Nombreux sont les chefs d’Etat africains qui développent une allergie à toute formes de structures supranationales, qu’ils considèrent comme liberticides et fortement enclines à l’ingérence dans leurs affaires intérieures. Ce qui restreint leur souveraineté et juge leur façon de gouverner.
Il est urgent pour l’Afrique de se mobiliser pour sa propre survie économique et ensuite pour son existence en tant qu’entité territoriale significative sur la scène internationale.
Le 25 mai 1963, lors de la création de l’OUA, le fondateur, l’empereur Haïlé Sélassié déclarait déjà : "Ce dont nous avons besoin, c'est d'une organisation africaine par laquelle l'Afrique puisse faire entendre une seule voix. " La philosophie et les acquis des mouvements panafricains ou panafricanistes peuvent-ils servir de base à l’émergence d’une unification plus efficace ?
Le panafricanisme est « un mouvement et une idéologie politique qui promeut l'indépendance totale du continent. Un mouvement d'émancipation, d'affirmation et de réappropriation politique et culturelle de l'identité des sociétés africaines contre les discours colonisateurs des Européens ». Les mouvements diasporiques ayant animé l’évolution « vagabonde » du panafricanisme, l’ont documenté exhaustivement sur le plan intellectuel et doctrinal.
Depuis le mouvement des droits civiques de Martin Luther King, jusqu’à l’installation des blacks Powers de Stokely Carmichael à Conakry, en passant par le mouvement porté en Amérique du Sud et par des figure comme Fidel Castro, jusqu’à Nelson Mandela et Steven Biko et la lutte contre la politique de développement séparé ou apartheid.
Donc les générations actuelles doivent faire l’économie de confrontations idéologiques inutiles, énergivores et chronophages. Ces joutes intellectuelles, pseudo-révolutionnaires sont désormais obsolètes. L’heure est à l’action. Il faut être pragmatique. Les célébrations mémorielles ? Oui, mille fois oui, mais les Africains ne font que cela depuis toujours. Ne serait-il pas temps de célébrer autrement en se concentrant sur l’urgence économique du continent ? Les célébrations et autres demandes ne sont pas comestibles et les populations africaines ont faim et soif .
L’urgence est sur le plan des actes politiques réalistes et aux schémas économiques réalisables. La survie est la principale préoccupation des populations et sa sécurité économique doit être le principal défi.
Face à cet Occident qui s’organise pour ses propres intérêts et son avenir, sans aucun état d’âme et en abusant parfois de discours guerriers et d’actes criants d’injustices, l’Afrique doit se prémunir de tout ce qui pourrait constituer une menace géopolitique et géoconomique existentielle. Il faut un leadership fort. Une locomotive pour sensibiliser, convaincre à nouveau et porter le combat panafricain au sens ordinaire du mot.
Mais trêve de discours, de forums, de symposiums et autres conférences à n’en finir, pour définir, dénoncer, réinventer un concept qui existe déjà et a fait ses preuves intellectuelles . Maintenant, il faut avancer avec pragmatisme et méthode, organiser le réveil et jeter les bases du parachèvement d’une unité politique et économique.
Il faut des actes, des rencontres entre les dirigeants africains, entre jeunes étudiants, leaders africains partageant ce même idéal. Il manque une ou plusieurs personnes, une ou plusieurs voix et un ou plusieurs visages de référence pour porter le triomphe au dernier round du combat panafricain, sur le ring africain d’abord et ensuite à l’international. Cette locomotive charismatique, indiscutable et reconnue de tous manque à l’appel de cette dynamique nécessaire à notre temps.
Le défi pour l’Afrique d’aujourd’hui, est de garantir sa souveraineté politique pour pouvoir sécuriser ses ressources naturelles en vu de son indépendance économique. La responsabilité historique des chefs d’État africains est engagée. Ils doivent être des présidents de leur temps. C’est une lourde et impérieuse responsabilité car le destin de l’Afrique pour les prochaines décennies se joue en ce moment. Il est pendu à chacun de leurs actes.
Parallèlement aux rencontres et tractations des Occidentaux, les pays africains devaient déjà être également en branle-bas de combat. En train de se réunir, de s’organiser, d’organiser la riposte. Au lieu de tout cela, on a l’impression que l’Afrique est dans l’attentisme. Elle attend que les Occidentaux scellent le destin du monde …une fois de plus …une fois de trop.
Les États d’Afrique semblent sujets à un dilemme cornélien : s’enfermer ou s’ouvrir ? « Enracinement avant ouverture » semble applicable à la réalité économique africaine. S’appuyer sur ses ressources et moyens pour une ouverture plus optimale et des échanges aux termes moins dégradés.
En attendant, les populations africaines se nourrissent d’espoir et c’est déjà heureux, car l’Afrique disparaîtrait si elle s’abandonnait au désespoir. Mais il faut surtout se réveiller . C’est maintenant !
LA FIN DE L'USAID, UNE CRISE LIBÉRATRICE ?
L'arrêt de l'aide américaine par Trump pourrait paradoxalement libérer certains pays du Sud d'une relation d'assistance devenue, selon ses critiques, un instrument de contrôle géopolitique et de perpétuation des inégalités
(SenePlus) - La suspension de l'aide américaine au développement pourrait être l'occasion pour certains pays d'Afrique de réduire leur dépendance aux financements étrangers et de repenser leur modèle économique, selon plusieurs analystes.
Partout dans le monde, le gel brutal des financements de l'USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) par l'administration Trump a provoqué stupeur et inquiétude. Pourtant, certaines voix s'élèvent pour voir dans cette crise une potentielle opportunité, notamment en Afrique.
Comme le rapporte Courrier international dans son édition du 27 mars au 2 avril 2025, cette décision américaine pourrait constituer "un déclic pour l'Afrique", selon l'expression du chroniqueur zimbabwéen Tafi Mhaka, cité sur le site d'Al-Jazeera.
"Pour certains Africains, cette suspension de l'aide américaine offre une occasion en or à nos pays qui en dépendent de repenser les politiques et stratégies nationales de réponse aux besoins essentiels des populations", confirme également le média malien Bamada.net, cité dans l'article.
L'écrivain haïtien Patrick Prézeau Stephenson, sur le média participatif Rezonodwes, reconnaît que pour Haïti, le gel des 400 millions de dollars d'aide américaine annuelle "représente une crise existentielle pour des millions de citoyens". Mais il ajoute que "cette coupure brutale oblige également Haïti à se confronter à une réalité souvent éludée : la nécessité de repenser son modèle de développement et de réduire sa dépendance à l'aide extérieure".
L'article évoque également les "effets pervers sur le long terme" de la dépendance à l'USAID, notamment le "sabotage de l'agriculture locale", "l'érosion de la souveraineté" et les "projets de développement ratés".
Si ces pays redoutent des conséquences catastrophiques à court terme, les critiques du modèle d'aide actuel sont nombreuses. L'anthropologue sud-africaine Kathryn Mathers, citée dans l'article, estime que "l'aide humanitaire s'est toujours inscrite au sein d'un projet néocolonial".
Le journaliste kényan Patrick Gathara va plus loin dans Al-Jazeera en affirmant que "le système d'aide internationale est un outil de contrôle géopolitique qui a servi à perpétuer les inégalités plutôt qu'à les effacer".
La question demeure néanmoins : ces pays parviendront-ils à "transformer cette crise en une occasion de renouveau, ou sombreront-ils encore plus profondément dans le chaos?" comme s'interroge Patrick Prézeau Stephenson.
SARKOZY FACE À 7 ANS DE PRISON
Après douze semaines d'audience dans l'affaire du financement libyen, des peines sévères ont été requises contre les prévenus. Le procureur dénonce "un tableau très sombre d'une partie de notre République", marqué par "une corruption de haute intensité"
(SenePlus) - Le Parquet national financier (PNF) a requis jeudi 27 mars des peines exemplaires contre Nicolas Sarkozy et ses coaccusés dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, au terme de douze semaines d'audience marquées par des révélations accablantes.
"C'est un tableau très sombre d'une partie de notre République qui s'est dessiné", a déclaré le procureur Sébastien de La Touanne, évoquant "une corruption de haute intensité, attisée par l'ambition, la soif de pouvoir, la cupidité et qui a tissé sa toile jusqu'aux plus hautes sphères de l'État", selon le compte-rendu d'audience publié par Le Monde.
Le ministère public a dressé un portrait sans concession de l'ancien président, décrivant un homme politique dont "l'énergie et le talent" auraient été mis au service d'une "quête effrénée" de financements pour satisfaire ses "ambitions politiques dévorantes". Cette quête l'aurait conduit à conclure ce que le parquet qualifie de "pacte de corruption faustien, avec un des dictateurs les plus infréquentables", en la personne de Mouammar Kadhafi.
Le procureur a rappelé que le dirigeant libyen était responsable de la mort de 170 personnes dans l'attentat du DC-10 d'UTA en 1989, et de 270 autres dans celui de Lockerbie. Un pacte qui, selon l'accusation, "signe la négation des devoirs de probité et d'exemplarité qu'attendent nos concitoyens, heurte la mémoire des victimes et méprise les règles du financement de la vie politique".
Des réquisitions historiques contre tous les prévenus
Pour Nicolas Sarkozy, poursuivi pour "corruption", "association de malfaiteurs", "recel de détournement de fonds publics" et "financement illégal de campagne", le parquet a requis sept ans de prison ferme, 300 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité et d'interdiction d'exercer une fonction juridictionnelle, notamment au Conseil constitutionnel.
L'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant, décrit comme un "haut fonctionnaire à la carrière préfectorale en apparence exemplaire" mais qui aurait "réceptionné des valises de billets", risque six ans de prison, 100 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité. Le parquet a également demandé la confiscation de son appartement dans le 16e arrondissement de Paris, acquis grâce à "un demi-million d'euros de la Libye".
Brice Hortefeux, proche de Nicolas Sarkozy, est visé par une peine de trois ans ferme, 150 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité. Quant aux intermédiaires, Ziad Takieddine, qualifié d'"agent de corruption" et actuellement en fuite au Liban, encourt six ans de prison et trois millions d'euros d'amende, tandis qu'Alexandre Djouhri, "reçu à cinquante-neuf reprises à l'Élysée", risque cinq ans ferme et 4 millions d'euros.
D'autres accusés font l'objet de réquisitions sévères, notamment le Libyen Bechir Saleh (six ans ferme et 4 millions d'euros), le banquier suisse Wahib Nacer (quatre ans et un million d'euros) et les cousins milliardaires saoudiens Khaled et Ahmed Salem Bugshan, qui auraient "prêté leurs comptes bancaires pour noyer les flux de la corruption".
La défense dénonce "l'outrance" des accusations
Face à ces réquisitions, Nicolas Sarkozy a immédiatement réagi dans un communiqué publié sur le réseau social X, dénonçant "les constructions intellectuelles" du parquet qui "bafouent les principes fondamentaux du droit". L'ancien président français estime que "la fausseté et la violence des accusations et l'outrance de la peine réclamée" ne visent "qu'à masquer la faiblesse des charges alléguées", rapporte Le Monde.
Le procès, d'une ampleur inédite pour un ancien chef d'État français, doit se poursuivre lundi 31 mars avec les premières plaidoiries de la défense. Selon l'accusation, il est "parfaitement établi que Nicolas Sarkozy a agi en dehors de ses fonctions de ministre de l'intérieur pour conclure un pacte de corruption avec Mouammar Kadhafi" et qu'"une fois élu président de la République, il a poursuivi l'exécution du pacte de corruption en détournant les moyens de sa fonction pour favoriser les intérêts du régime libyen".
Par Ibou FALL
IL Y A UN AN, LA RÉVOLUTION...
Au menu de ce premier anniversaire du pouvoir : des "Boucliers du Projet" mais pas de ministres aux agapes, des pleurs pour un "ndogou" manqué et le retour des milices. Pastef suit le chemin de ses prédécesseurs
Alors, la mission du Fmi, la dette, la Cour des comptes, les chiffres falsifiés, on en parle ou pas ? De toutes les manières, personne n’y comprend goutte…
Revenons sur terre.
Ça passe si vite, un mandat. Cela fait aujourd’hui un an et trois jours que 54% des électeurs sénégalais soldaient leurs comptes avec le régime précédent. La surprise du chef se nomme Bassirou Diomaye Faye, que l’on présente pendant la présidentielle comme l’alter ego d'Ousmane Sonko, lequel bat campagne comme si lui-même était le candidat… Dans les derniers salons où l’on cause, ça parle d’alternance. La troisième, après la première, celle du Pape du «Sopi», Me Abdoulaye Wade en 2000, qui envoie à la retraite Abdou Diouf après vingt ans de règne, et aux oubliettes le Parti socialiste qui sévit depuis quarante interminables années ; il y a aussi, d’alternance, la seconde, celle de Sa Rondeur Macky Sall, en 2012, dans le touchant scénario parricide du fils modèle qui tue le père indigne.
Tous deux, futurs « alternoceurs », apprivoisent la bête après un laborieux premier tour auquel succède un deuxième vote qui voit le ralliement de tous les laissés-pour-compte devenus des électeurs fâchés.
Le 24 mars 2024 est un tout autre théâtre qui se joue : l’opposant emprisonné à dix jours du scrutin sort de prison - par la magie de palabres nocturnes avec un Macky Sall que sa raison semble déserter - et remporte les élections dès le premier tour, à 54% des votes.
Son CV est riquiqui, il marche dans l’ombre d'Ousmane Sonko depuis une décennie. A part quelques rares plateaux télévisés où il ne se distingue pas particulièrement et une déclaration pétaradante sur les juges qui le conduit direct en prison, on le connaît à peine : le 24 mars 2024 est une révolution…La majorité des Sénégalais sont en colère depuis bien longtemps. Leur vendre la haine est un jeu d’enfant.
Comme Wade et le PDS qui, entre 1988 et 2000, drainent des foules en colère auxquelles ils promettent de sécher leurs larmes et leurs sueurs, Ousmane Sonko et le parti Pastef, bons plagiaires, vendent l’espoir d’un nouveau monde aux vagues en furie.
Les régimes de Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall, avec le temps, deviennent arrogants et imbus de leur supériorité, regardent la négraille de haut, festoient beaucoup, mais sont surtout timorés : ces bons messieurs veulent bien défendre la République, ou plutôt ce qu’il en reste après leur saccage, mais pas à n’importe quel prix.
De compromis en compromissions, ils finissent par déposer les armes. Bien sûr, avant d’en arriver là, que n’ont-ils pas fait ? Diouf courbera l’échine dix ans pour éviter de faire de l’ombre à Senghor, se gardera d’exister avant de le dénigrer une fois au Palais ; Wade soufflera le chaud le jour et le froid la nuit pour avoir l’adversaire à l’usure ; Macky Sall, aussi, courbera l’échine jusqu’au jour où on le virera de la cour des Wade comme un vulgaire courtisan dont l’empressement finit par s’émousser et la flagornerie commence à sonner faux.
Le PDS est une ordure du PS, et ils sont en train de quitter la scène publique et d’être enterrés ensemble. Wade se serait bien contenté, déjà sous Senghor, de quelque ministère peinard qui lui permettrait, une fois dans la semaine, de paraître au journal télévisé… De même, l’APR est un déchet du PDS. Macky Sall, que l’art de plaire aux Wade obsèdera jusqu’en 2008, non plus, ne demande alors pas plus que de garder son fromage avec, au dessert, juste un peu de respect.
Jusqu’où nous mènent nos dépits amoureux…
Pastef est un rebut de l’APR, et ils risquent, comme le PS et le PDS, après s’être étripés, de quitter le théâtre politique bras dessus, bras dessous… L’inspecteur des Impôts et domaines, Ousmane Sonko, deviendrait-il un si virulent opposant si on lui confiait par surprise quelque direction nationale alors qu’il réfléchit à ses plans de carrière dans l’Administration ? Lorsque les Sénégalais confient les destinées du Sénégal à l’opposant Wade, cela fait vingt-six ans qu’il les mène en bateau ; lorsqu’ils se rabattent sur Macky Sall, il est là depuis dix ans aux côtés des Wade. Et il leur faut deux tours pour se laisser convaincre, en 2000 et 2012. L’élection de Bassirou Diomaye Faye l’an dernier est un saut dans, pardon, avec l’inconnu. Et c’est cela, la révolution.
Cette semaine, des militants, pardon, les p’tits soldats de Pastef, qui se surnomment les « Combattants du Projet », pour fêter le premier anniversaire de leur triomphe, choisissent d’organiser des agapes en banlieue. Y’en a un qui profite de l’occasion pour pleurnicher : pas un ministre, pas un député, pas un PCA n’honore ce glorieux anniversaire. Il aurait souhaité que le sang des bovins gicle partout sur les lieux pour que le peuple des mécontents savoure au moins un bon «ndogou».
Rien de tout cela, hélas.
Ça n’entame en rien leur détermination manifestement. Et pour ne rien inventer, les héros du peuple des 54% lancent, dans la continuité des bagarres de rue qui mènent le tandem «Diomaye môy Sonko» au Palais, le mouvement des «Boucliers du Projet». Rien de nouveau sous un soleil habitué aux gardes prétoriennes privées, qui voit passer en 1988 les «Tontons Macoutes» de Abdoulaye Moctar Diop, cidevant l’un des vénérables deux Grands Serigne de Dakar ; on se souvient aussi des «Calots bleus» du Pds, tout comme des «Marrons du feu» de Macky Sall…
Ce n’est pas la bonne méthode pour rester au pouvoir, apparemment.
Ils en profitent pour rendre hommage à quelques-unes de leurs identités remarquables dont le truculent Cheikh Oumar Diagne, l’ancien collaborateur du président Bassirou Diomaye Faye qui s’en est débarrassé sans états d’âme. J’apprends également que Mody Niang aurait démissionné de son strapontin de PCA du Soleil pour des raisons de santé.
La saison du «moss dèm» serait-elle lancée ?
LE DOUBLE JEU DU FMI
Derrière la révélation de la dette "cachée" de 7 milliards de dollars se cache un jeu d'influence où le Fonds apparaît à la fois comme censeur et complice d'un système financier bâti sur des promesses d'hydrocarbures qui tardent à se concrétiser
(SenePlus) - Le Fonds monétaire international vient de confirmer l'existence d'une dette cachée de 7 milliards de dollars au Sénégal, accumulée entre 2019 et 2024 sous la présidence de Macky Sall. Cette annonce, qui fait suite aux révélations de la Cour des comptes le mois dernier, soulève pourtant une question fondamentale : comment une telle situation a-t-elle pu échapper à la vigilance d'une institution financière internationale connue pour sa rigueur ?
Une information "différée" plutôt que "dissimulée"?
L'économiste Yves Ekoué Amaïzo, président du think tank Afrocentricity, apporte un éclairage nuancé sur cette situation apparemment paradoxale. "Le représentant du FMI ne parle pas justement de dissimulation ou de cachette. Ils sont beaucoup plus prudents car ce sont des gens qui sortent des organisations internationales. Ils parlent plutôt de comptes où l'information a pu être différée," explique-t-il à RFI.
Cette distinction terminologique n'est pas anodine. Elle révèle la posture ambiguë du FMI qui, tout en pointant désormais du doigt cette dette non comptabilisée, semble chercher à minimiser sa propre responsabilité dans cette affaire.
"Est-ce que le FMI n'était pas au courant? J'en doute. Ce n'est pas possible. Lors des discussions, tout ceci se sait," affirme catégoriquement M. Amaïzo. Cette déclaration met en lumière le premier aspect du double jeu de l'institution : comment le FMI, qui impose un processus rigoureux de sept étapes avant d'accorder un prêt, aurait-il pu ignorer l'existence de ces 7 milliards de dollars?
Le pari risqué sur les hydrocarbures
Le second aspect de cette ambivalence concerne les projections économiques du Sénégal. "C'est ce même FMI qui a donné des statistiques très intéressantes, croissance économique et autres pour le Sénégal, justement sur la base de ces rentrées d'argent aux recettes du pétrole et des hydrocarbures," rappelle l'économiste.
En d'autres termes, le FMI a non seulement fermé les yeux sur cette dette "différée", mais a également cautionné la stratégie financière du gouvernement Sall basée sur des revenus pétroliers et gaziers futurs. Une stratégie qui s'est révélée problématique puisque, comme le précise M. Amaïzo, "les premières recettes ne vont démarrer que cette année, voire peut-être fin d'année, début de l'année prochaine."
Cette situation met en évidence un mécanisme pernicieux : en autorisant implicitement le Sénégal à reporter la comptabilisation de certaines dettes en prévision de recettes futures, le FMI a contribué à créer une fiction budgétaire qui éclate aujourd'hui au grand jour.
Entre supervision financière et non-ingérence politique
Le FMI justifie généralement sa position par un principe de non-ingérence : "Le problème du FMI, ce n'est pas d'aller s'ingérer dans les affaires politiques du gouvernement, mais de s'assurer que la dette en question, ou la partie de la dette en question, si le gouvernement s'engage à la régler et promet de le faire, ça ne pose pas de problème."
Cette posture révèle une contradiction fondamentale. D'un côté, l'institution impose des "conditionnalités" strictes, exigeant des États qu'ils "suivent une politique économique libérale". De l'autre, elle se retranche derrière le principe de souveraineté nationale lorsque surgissent des problèmes de transparence financière.
Les vrais enjeux pour le nouveau gouvernement sénégalais
Pour le nouveau gouvernement sénégalais, les conséquences de ce double jeu du FMI pourraient être lourdes. L'expert anticipe des pressions considérables : "Le FMI et ceux qui sont derrière le financement du budget pour le Sénégal vont reposer des conditions qu'on ne change pas les contrats qui suivent."
Cette situation place le Sénégal dans un dilemme : soit accepter l'héritage contractuel du régime précédent, potentiellement défavorable aux intérêts nationaux, soit risquer de s'aliéner les institutions financières internationales en renégociant ces accords.
Un système qui dépasse le cas sénégalais
L'affaire sénégalaise illustre un problème systémique plus large concernant le rôle des institutions financières internationales dans les pays en développement. Le FMI, censé être le gardien de la stabilité financière mondiale, se retrouve régulièrement dans une position ambiguë, à la fois juge et partie dans les stratégies économiques des États qu'il supervise.
Cette ambivalence est particulièrement problématique pour les pays africains riches en ressources naturelles. En encourageant des projections optimistes basées sur l'exploitation future de ces ressources, le FMI participe parfois à la création de bulles budgétaires qui, lorsqu'elles éclatent, sont présentées comme des manquements à la transparence de la part des gouvernements locaux.
Le cas du Sénégal rappelle ainsi que la dette publique n'est pas qu'une question technique, mais un enjeu profondément politique où les responsabilités sont souvent partagées entre les gouvernements nationaux et les institutions financières internationales qui les supervisent - avec, trop souvent, un double discours qui finit par peser sur les populations.