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29 avril 2025
Diaspora
Par Alioune Tine et Amrit Singh
LA LOI D’AMNISTIE, LE DÉNI DE JUSTICE PERMANENT ?
La loi d'amnistie, telle qu'interprétée par la proposition législative, nécessite des améliorations pour se conformer à l'État de droit. L'introduction d'une exemption pénale pour les acteurs politiques conduirait à une discrimination dangereuse
Alioune Tine et Amrit Singh |
Publication 27/03/2025
Une proposition de loi en passe d’être adoptée au Sénégal ravive les tensions au sujet de l’amnistie. Cette proposition vise à interpréter la loi du 13 mars 2024 ayant accordé l’amnistie pour les crimes et les délits liés à des manifestations politiques ou ayant des motivations politiques qui ont été commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024.
Lors de ces évènements, soixante-cinq personnes ont été tués et près d’un millier ont été détenues arbitrairement, maltraitées et parfois torturées, selon plusieurs organisations de défense des droits humains et un collectif de journalistes. La loi d’amnistie a été adoptée dans « un esprit de réconciliation », tel que déclaré par le président de l’époque, Macky Sall. Elle a permis l'organisation des élections présidentielles de 2024 et une transition pacifique du pouvoir à Bassirou Diomaye Faye, qui a été libéré de sa détention grâce à la loi. M. Faye a rapidement nommé le chef de l'opposition Ousmane Sonko au poste de premier ministre, lui aussi libéré en vertu de la loi d'amnistie.
Si cette loi a effectivement sorti le Sénégal d'une impasse politique, elle a introduit l'impunité dans un pays qui a longtemps fait figure de modèle en matière de protection des droits humains. Comme l'ont démontré nos organisations dans un rapport publié en janvier dernier, la loi d'amnistie est en tout point contraire au droit international et à la jurisprudence des juridictions régionales telles que la Cour et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et la Cour de justice de la CEDEAO. Elle contredit tous les principes énoncés par les Nations Unies.
En l'état, la loi empêche les victimes des pires abus d'accéder à toute forme de justice. Les victimes sont privées de leur droit à un recours effectif pour les violations qu'elles ont subies. Leur droit de connaître la vérité sur les abus est réduit à néant. La loi piétine l'obligation du Sénégal d'enquêter et de poursuivre les personnes susceptibles d'être pénalement responsables de violations flagrantes des droits de l'homme. Enfin, en offrant une immunité inconditionnelle aux bourreaux sans exiger d'eux qu'ils remplissent la moindre condition préalable, la loi sacralise l'impunité.
L’espoir fut toutefois retrouvé lorsqu'en décembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé son intention d'abroger cette loi, « pour que toute la lumière soit faite et les responsabilités établies de quelque bord que ce soit », et que des fonds destinés aux victimes soient inscrits dans le projet de loi de finances pour l'année 2025.
La proposition de loi récemment déposée par un député de la majorité de M. Sonko était censée acter cet engagement. En réalité, elle fait tout le contraire.
Non seulement la proposition de loi n'abroge pas la loi, mais elle représente aussi, selon les observateurs politiques, un changement radical de position de la majorité, suggérant que celleci préfère maintenir une amnistie à son seul avantage.
La proposition de loi, qui ne vise qu'à fournir une interprétation de la loi d'amnistie, soulève plus de questions que ne fournit de réponses.
Nous admettons que le préambule suscite de l'enthousiasme, puisqu'il indique que la proposition vise à « adapter le corpus juridique interne » aux obligations internationales du Sénégal en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du Statut de Rome. Elle exprime à juste titre que l'interdiction de la torture et les crimes du Statut de Rome ne peuvent bénéficier d'une amnistie. Cependant, la proposition elle-même reste silencieuse sur ce point fondamental alors qu'elle devrait l’aborder expressément, la force contraignante d'un préambule étant laissée à l'appréciation du juge.
Le principal ajout de cette proposition de loi est de préciser que l'amnistie s'applique aux actes « ayant exclusivement une motivation politique ». Cette précision est loin de répondre aux exigences de l'État de droit, car elle contrevient à deux principes juridiques fondamentaux : la sécurité juridique et l'égalité devant la loi.
S’agissant d’abord du principe de sécurité juridique. La clarté, la détermination, l'accessibilité et la prévisibilité constituent des exigences essentielles de toute loi affectant la responsabilité pénale. Alors que la loi d'amnistie sénégalaise initiale couvre les actes criminels liés à des manifestations politiques ou ayant des motivations politiques, le projet de loi précise que la loi s'applique aux actes « ayant une motivation exclusivement politique ». Malheureusement, sans offrir quelque définition à cet ajout, le projet de loi sème le flou.
Il est évident que l'amnistie s'applique traditionnellement aux crimes et délits politiques, qui constituent des types d’incriminations pour lesquels des mesures alternatives, comme la négociation, pourraient efficacement permettre de restaurer l'État de droit, rétablir la confiance dans les institutions et prévenir de nouveaux délits
Cependant, il est essentiel que les lois d'amnistie soient formulées avec suffisamment de précision et de clarté concernant le champ d’application personnel, matériel et temporel de l'amnistie, tant ces lois ont une incidence sur la responsabilité pénale dans un contexte sociétal sensible. Distinguer les actions politiques des autres actions sociales peut être une démarche subjective et spécifique au contexte.
Le motif exclusivement politique dans la proposition de loi, érigé en critère principal pour déterminer le champ d'application de la loi, ne répond pas à l'exigence de précision et de clarté. Bien que la proposition prétende ne rien ajouter à la loi, elle précise que les faits se rapportant aux manifestations ne sont amnistiés que s’ils ont une motivation exclusivement politique. Cela signifie-t-il que seuls les manifestants demandant un changement politique sont couverts par l'amnistie ? Qu'en est-il des forces de sécurité qui réagissent violemment aux manifestants, agissent-elles exclusivement par motivation politique ? Qu’en estil des milices privées armés qui tirèrent sur les manifestants ? De même, quel sort pour les jeunes apolitiques qui ont suivi le courant populaire, se sont laissés entraîner et ont commis des infractions contre des bâtiments publics ? L'amnistie les couvre-t-elle ?
Nous pensons que le critère de « motivation exclusivement politique » devrait être clarifié, sinon supprimé. La proposition devrait en outre énumérer clairement les crimes et délits qui seront amnistiés.
Ensuite, cette proposition législative menace une norme juridique fondamentale : l'égalité devant la loi. Cette dernière exige que les critères de l’amnistie ne soient pas conçus pour couvrir des individus spécifiques. Le manque de lisibilité de la proposition pourrait être un stratagème pour restreindre l'amnistie à certains individus seulement. Cependant, l'introduction d'une exemption pénale pour les acteurs politiques conduirait à une discrimination dangereuse et pourrait contribuer à légitimer la violence politique, comme l'a affirmé un observateur sénégalais
Dans l'ensemble, la loi d'amnistie, telle qu'interprétée par la proposition législative, nécessite des améliorations cruciales pour se conformer aux normes de l'État de droit. En l'état, et si le Parlement adopte le projet de loi interprétatif, la loi d'amnistie demeurera en violation flagrante du droit international. Elle continuera à priver les victimes des pires abus des droits humains de toute forme de justice. Et elle bloque l’obligation du Sénégal d'enquêter pour faire éclater la vérité sur les événements tragiques, de situer les responsabilités et de poursuivre les personnes susceptibles d'être pénalement responsables.
Alioune Tine est fondateur d’Afrikajom Center de Dakar.
Amrit Singh est Professeure de droit et directrice exécutive du Rule of Law Impact Lab de l’école de droit de Stanford.
LE PUDC, UN DÉSASTRE
Chantiers inachevés, travaux mal faits, entreprises au bord de la faillite, poursuites judiciaires… Retour sur l'un des programmes phares du régime précédent, dont on a souvent vanté les mérites
Chantiers inachevés, travaux mal faits, entreprises au bord de la faillite, poursuites judiciaires… ‘’EnQuête’’ revient sur l'un des programmes phares du régime précédent - le Programme d'urgence de développement communautaire (PUDC) - dont on nous a souvent vanté les mérites, en mettant en avant ses nombreuses réalisations.
Près de 500 milliards F CFA dépensés par le gouvernement du Sénégal dans le Programme d'urgence de développement communautaire (PUDC). Plus de 123 milliards rien que dans la première phase mise en œuvre entre 2015 et 2018. Pour le deuxième volet, un budget estimatif de 300 milliards a été annoncé, lors de la cérémonie de lancement par le président de la République Macky Sall. Ce qui fait, au total, une enveloppe de 423 milliards F CFA supposés être engloutis dans les différents travaux de ce programme. Dans le PTBA (Programme de travail du budget annuel de 2024), l'alors ministre chargé du Développement communautaire, Thérèse Faye, avait fait le bilan de huit ans d'exécution de ce programme d'urgence. Elle annonçait la réalisation de 827 km de pistes de désenclavement, 328 systèmes d'alimentation en eau potable et 857 villages électrifiés, entre autres grandes réalisations sur la période.
Pour aller vite dans ce programme d'urgence, l'État s'était attaché les services du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui était chargé de l'exécution. À ce titre, il était signataire de tous les contrats avec les entreprises engagées dans le cadre de ce processus.
À peine trois ans après le lancement, le PNUD avait quitté la barque, laissant sur place de nombreux chantiers inachevés, des chefs d'entreprises désemparés, contraints de faire face à des fonctionnaires peu soucieux de leur sort, des agents qui leur en ont fait voir de toutes les couleurs, en méconnaissance de plusieurs termes de leurs contrats. Depuis, certains d'entre eux peinent à se relever, tenaillés entre les difficultés économiques, les nombreuses dettes envers leurs créanciers et fournisseurs, l'impossibilité d'obtenir un quitus fiscal...
“Je suis complètement ruiné à cause de ce programme. Nous avons été dupés par le PNUD et le PUDC”, témoigne Papa Ngagne Dièye, la cinquantaine révolue, mandataire du groupement d'entreprises EAK-GCI et fondateur de GCI Construction. Une entreprise qu'il a bâtie après des efforts inlassables, beaucoup de résilience et de sacrifices. “Je me rappelle des nuits passées dans les rues de la Médina ou de Pikine à réparer des réseaux d'assainissement et de voirie. Tout ça a été anéanti par le PNUD et le PUDC”, rapporte-t-il, la voix emplie de tristesse.
La désillusion des entreprises
Avant le programme, GCI était en pleine croissance. Aujourd'hui, après avoir participé à ce programme, ses activités sont complètement à l'arrêt. Ses machines immobilisées dans les chantiers. Ses bureaux fermés. Ses employés envoyés en chômage technique à cause des lourdes pertes financières. Et elle est loin d'être la seule entreprise dans cette situation. D'autres vivent le même calvaire depuis bientôt cinq longues années voire plus. Directeur général de Negodis, Doudou Condé explique dans un mémorandum que nous avons parcouru comment le PNUD et le PUDC ont coulé son entreprise. En sus d'un préjudice moral jugé énorme, de la détérioration de son image, il invoque “un redressement par les impôts pour un montant de 500 millions de francs ; des problèmes avec la douane pour la régularisation de 257 millions déclarés (injustement) au nom de Negodis et toujours non régularisés...” ; des procédures interminables avec ces administrations ; plus de 300 millions de frais financiers auprès de sa banque du fait notamment des retards de paiement.... Tous ces préjudices, selon lui, résultent de manquements imputables au PNUD et au PUDC, qui n'ont rien fait pour les aider à sauver leurs entreprises.
Selon les termes des contrats signés avec les entreprises, le PNUD devait payer les factures dans un délai de 15 jours, suivant leur présentation. Sous ces conditions et tenant compte du sérieux présumé de cet organisme international, les banques, d'habitude réticentes, n'ont pas hésité à apporter leur concours. Papa Ngagne Dièye : “Les termes du contrat étaient très motivants et devaient nous éviter de recourir à des concours bancaires sur des délais longs et à des coûts financiers exorbitants. Avec le PNUD et la charte de transparence et de lutte contre la corruption établie, nous pensions que cela nous mettait à l’abri de certaines pratiques courantes dans nos administrations telles que les lenteurs administratives, la corruption et la concussion avec comme corolaires les conflits d’intérêts. C'est dans ces conditions que nous tous nous étions engagés.”
Le PNUD tenu pour “complice” de tous les manquements de la première phase
Mais dès les premières semaines surgirent les premiers problèmes : avec des retards de paiement, des variations substantielles des termes des contrats dues à des erreurs de conception, entre autres pratiques que les chefs d'entreprises jugent dolosives. Monsieur Dièye donne son exemple dans son premier contrat portant sur la réalisation d'une piste rurale de 12,5 km dans la région de Matam. “Nous avions réalisé le contrat (initial) et 50 % des avenants dans le délai contractuel de 3,5 mois – délai anormalement court - mais que nous avions tenu à respecter parce qu’étant contractuel”.
À sa grande surprise, il sera immobilisé (personnel et matériel) durant sept mois sur le site, pour la validation des avenants restants et l’achèvement des travaux. “Nous avions fait ce sacrifice, car en ce moment, notre niveau de motivation était à son maximum à cause de notre attachement au programme. Mais il était étonnant de constater que pour ce petit projet, nous nous retrouvions avec autant d’avenants, à cause de mauvais choix techniques. Ce qui démontrait à suffisance la non-maîtrise du projet par l’équipe composée d’experts sénégalais recrutés par le PNUD pour gérer la dimension technique du programme. Cela montre également que le PNUD n'était pas outillé pour mener à bien ce genre de projets”, a-t-il indiqué.
Les mêmes problèmes ont aussi été notés dans l'exécution du deuxième contrat gagné en 2015 grâce à ses performances et plus tard dans l'exécution du troisième contrat. Comme pour le premier contrat, il a encore perdu beaucoup d'argent dans l'exécution du deuxième contrat ; pour une piste de 38 km toujours dans la région de Matam. “Après plusieurs mois d’hésitations sur le choix de l’itinéraire, le PNUD a fini par choisir de relier la route nationale de Matam à Lougrethiolly. Ce qui devrait nous amener à réaliser une route de 50 km en lieu et place de 38 km contractuels. Ainsi, non seulement le linéaire a augmenté, mais aussi l’itinéraire a changé impactant le nombre d’ouvrages d’assainissement. Ce qui nous donnait droit à un avenant de 600 000 000 F CFA environ”, confie-t-il, soutenant que le PNUD et le PUDC n'ont pas voulu réparer ces préjudices, sous le prétexte qu'au-delà de 30 % du marché de base, l'avenant doit être validé par New York. C'est pour ne pas en arriver là qu'on essayait par des subterfuges de gérer les difficultés.
Retour sur le déni de responsabilité du PNUD
Comme pour ne rien arranger, en 2018, le PNUD décide de se retirer. Aux entreprises qui avaient encore des travaux en cours, elle impose une cession de contrat avec la direction nationale du PUDC. Une proposition à prendre ou à laisser. Motif invoqué : le contrat qui le liait à l'État dans le cadre de cet appui technique était arrivé à terme. Pour légitimer cette “rupture”, il a été reproché aux entreprises de n'avoir pas terminé les travaux dans les délais requis. Des accusations rejetées par les chefs d'entreprise, qui accusent l'agence d'être à l'origine des retards. “En réalité, si nous n’avions pas pu finir les travaux objet de nos contrats dans les délais contractuels qui étaient supposés être couverts par la durée de la première phase du Programme, c’était bien évidemment de la seule responsabilité du PNUD qui a failli gravement à tous ses engagements contractuels, avec notamment le non-respect des délais de paiement contractuels, les variations substantielles de quantités, entre autres causes”, se défend le mandataire de EAK-GCI, rappelant l'exemple de son premier contrat dans lequel il a été immobilisé plus de sept mois pour validation des avenants.
Par ailleurs, dénoncent plusieurs chefs d'entreprises, l'agence onusienne a royalement ignoré leurs différents courriers de mars 2018 à avril 2019, alors qu'ils étaient toujours en contrat selon M. Condé. En lieu et place, c'est la Direction nationale du PUDC qui leur a envoyé le 5 octobre 2018 une lettre dans laquelle elle leur fait part d'un protocole de cession de contrat en sa faveur. “La Direction nationale n’était pas partie prenante au contrat. Le PNUD, notre seul et unique cocontractant, n’a pas daigné nous écrire directement pour discuter des conditions de cession. Nous répondîmes à la DN-PUDC que nous n’allions pas signer le protocole pour plusieurs raisons dont l’une était l’absence de solidarité du PNUD en cas de non-paiement par l’État du Sénégal”, insiste-t-il.
C'est dans ces conditions que l'ancienne représentante résidente, Mme Bintou Djibo, a été affectée au Niger. Sa remplaçante, Mme Priya, dès son installation, avait refusé de s’impliquer, dans le sens d’un redressement effectif de la situation laissée par sa prédécesseur.
Une entreprise espagnole saisit le tribunal de La Haye
Avec le retrait du PNUD, entrent en jeu des fonctionnaires de l'État du Sénégal qui ont fini d'achever les entreprises. Ces fonctionnaires en voulaient à certains nationaux qui n'étaient pas favorables à la cession de contrats et qui avaient refusé au départ d'y adhérer.
Ces derniers ont dû faire face à ce qu'ils considèrent comme du sabotage, des représailles et un mauvais traitement qui les a précipités dans la dèche. Monsieur Dièye : “Le coordonnateur du programme au départ du PNUD était très remonté contre tous ceux qui n’avaient pas systématiquement signé lesdits protocoles de cession de contrats. Pour lui, le refus de signer était assimilable à de l’insubordination, et de la défiance à l’État du Sénégal. Alors que nous ne faisions que prévaloir nos droits.”
Devant leur refus persistant de signer, le coordonnateur avait fini par recevoir des représentants du groupe pour les inciter à signer, afin d’accéder aux paiements de leurs décomptes en souffrance. C’était, selon lui, la seule alternative puisque le PNUD était de toutes les façons déjà parti.
Avec lui, la détérioration des rapports s'est accentuée. “Après nous avoir plongés dans des difficultés incommensurables, le Coordonnateur du PUDC se plaisait à nous mépriser et à nous traiter de défaillants dans la presse. Nous confirmons que le PNUD et le PUDC nous ont effectivement rendus entreprises défaillantes. Mais en ce qui concerne nos contrats PNUD PUDC, nous les avons honorés pour l’essentiel, malgré les dysfonctionnements relatés et dont le PNUD et le PUDC sont totalement responsables.”
Papa Ngagne Dièye et Condé appellent de tous leurs vœux une évaluation exhaustive sur tout ce qui s'est passé, afin de situer les responsabilités entre les entreprises, la Direction nationale et le PNUD. Le plus cocasse, pensent-ils, c'est qu’après la cession de contrat, le PNUD est encore revenu dans le jeu lors de la deuxième phase. Cette fois, juste pour aider l'État à contourner les dispositions du Code des marchés publics.
À noter que cette affaire PUDC risque d'atterrir devant les tribunaux internationaux. Une entreprise espagnole du nom d’Atersa avait en effet saisi une Cour permanente d'arbitrale également appelée tribunal de La Haye, conformément aux dispositions contractuelles, pour faire trancher le contentieux l'opposant au PUDC et au PNUD. Les nationaux non plus n'écartent pas l'hypothèse de saisir les juridictions. Mais avec l'avènement de l'alternance, ils espèrent ne pas en arriver à ce stade.
Diomaye demandait l'inventaire de tous les chantiers inachevés
À l'occasion du Conseil des ministres du mercredi 19 mars dernier, le président de la République revenait sur cette problématique des chantiers inachevés et donnait des instructions pour une prise en charge efficiente.
“Il est constaté, depuis plusieurs années, un nombre important de chantiers inachevés dans plusieurs localités du Sénégal. C’est le cas dans les secteurs de l’enseignement supérieur, de l’éducation, de la formation professionnelle et technique, de la santé, de l’énergie, de l’assainissement, des routes et des sports”, indiquait le communiqué du CM qui ne s'adressait pas exclusivement au PUDC.
Aussi, le chef de l'État enjoignait au Premier ministre “de faire procéder, dans chaque ministère, au recensement exhaustif des projets de construction inachevés et de proposer les voies et moyens de restructuration et de relance desdits chantiers, dans le respect du Code des marchés publics et des procédures du ressort de l’Agence judiciaire de l’État”.
Il avait également souligné l’urgence de faire le point sur les projets relevant du PUDC, de Promovilles, du PNDL et du Puma, différents programmes dont la mutualisation des interventions participe du renforcement de l’efficacité de la territorialisation des politiques publiques.
Auparavant, le Premier ministre avait aussi annoncé un audit sur ce programme.
DAKAR FACE À LA COLÈRE DU FMI
Après la confirmation de la dette cachée, le Sénégal s'expose à des sanctions sévères du Fonds, de la suspension d'aide à l'imposition de réformes structurelles. Un précédent qui rappelle le cas mozambicain, privé d'aide pendant huit ans
(SenePlus) - Le Fonds Monétaire International (FMI) a confirmé lundi 24 mars 2025 l'existence d'une dette cachée de 7 milliards de dollars au Sénégal, accumulée entre 2019 et 2024 sous la présidence de Macky Sall, corroborant ainsi les révélations de la Cour des Comptes de février 2025. Face à cette situation, le pays pourrait subir diverses sanctions de la part du FMI, qui dispose d'un mécanisme gradué pour punir les États dissimulant leur endettement réel.
"Le Fonds Monétaire International doit s'assurer qu'un pays a les garanties suffisantes pour rembourser ses traites à l'échéance, ce qui permet à l'institution financière de mettre de nouvelles ressources à la disposition d'autres États. C'est pourquoi une série de sanctions est prévue en cas de fausses déclarations", précise RFI.
L'histoire récente offre deux exemples africains révélateurs de la réponse du FMI à de telles situations.
En 2016, le Mozambique a vu sa "dette cachée de 2 milliards de dollars" dévoilée, constituée de "prêts secrets accordés à des entreprises publiques par des banques privées et dont un demi-milliard de dollars est détourné", selon RFI. La réaction du FMI fut immédiate : l'institution "suspend son aide budgétaire aux autorités de Maputo. Les versements n'ont repris qu'en 2024", soit après huit années de suspension.
Plus proche géographiquement du Sénégal, "au Congo-Brazzaville, une dette cachée de quelque 3 milliards de dollars est mise au jour mi-2017", indique RFI. Cette dette était composée de "pré-financements – et de pots de vins – accordés par des négociants en échange de livraisons de pétrole".
La réponse du FMI fut différente mais tout aussi contraignante : "En avril 2018, après des négociations avec le gouvernement de Denis Sassou-Nguesso, conseillé dans ces négociations par Dominique Strauss-Kahn et Mathieu Pigasse, le FMI conditionne son aide à une série de réformes pour plus de transparence dans la gestion des ressources publiques et pétrolières congolaises", explique RFI.
Le cas sénégalais, avec une dette cachée de 7 milliards de dollars, dépasse en ampleur ceux du Mozambique et du Congo-Brazzaville. Selon les informations de RFI, le pays pourrait donc s'attendre à des sanctions sévères, allant d'une suspension temporaire ou prolongée de l'aide budgétaire à l'imposition de réformes structurelles profondes.
L'inquiétude persiste quant à la capacité du Sénégal à se conformer aux exigences qui seraient imposées. Comme le souligne RFI concernant le Congo-Brazzaville, "la poursuite de ces réformes et la volatilité des cours du brut restent une source d'inquiétude exprimée l'an dernier par l'institution financière".
Pour le Sénégal, dont l'économie comprend désormais une composante pétrolière et gazière en développement, les répercussions pourraient être particulièrement significatives, tant sur les finances publiques que sur la crédibilité internationale du pays.
LA VACCINATION MONDIALE EN DANGER
L'administration Trump a décidé de couper les 2,6 milliards de dollars destinés à Gavi jusqu'en 2030. Cette organisation, qui fournit des vaccins essentiels aux pays les plus pauvres, pourrait voir son action gravement compromise
(SenePlus) - Selon des documents obtenus par le New York Times, l'administration Trump a pris la décision de mettre fin au soutien financier américain pour Gavi, l'organisation internationale qui a permis l'achat de vaccins essentiels pour les enfants des pays en développement, sauvant des millions de vies au cours des 25 dernières années.
Cette décision s'inscrit dans une réduction massive de l'aide étrangère américaine, détaillée dans un tableau de 281 pages envoyé lundi soir au Congrès par l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Ce document liste les projets d'aide étrangère que l'administration compte poursuivre ou interrompre.
Ils offrent "une vue d'ensemble de l'ampleur extraordinaire du retrait de l'administration d'un effort d'un demi-siècle visant à présenter les États-Unis au monde en développement comme un allié compatissant et à diriger la lutte contre les maladies infectieuses qui tuent des millions de personnes chaque année."
La lettre d'accompagnement décrit ce qui restera de l'USAID après ces coupes : une agence considérablement réduite avec seulement 869 employés en service actif sur plus de 6 000. Au total, l'administration a décidé de maintenir 898 subventions de l'USAID et d'en mettre fin à 5 341.
Le financement restant est évalué à 78 milliards de dollars, mais seulement 8,3 milliards constituent des fonds non engagés disponibles pour de futurs décaissements. Cette somme, qui couvre des programmes s'étalant sur plusieurs années, suggère "une réduction massive des 40 milliards de dollars que l'USAID dépensait annuellement."
Parmi les programmes supprimés figure le financement de Gavi, qui représentait 2,6 milliards de dollars jusqu'en 2030. L'organisation comptait sur un engagement pris l'année dernière par le président Biden pour son prochain cycle de financement. Les États-Unis contribuent actuellement à hauteur de 13% du budget de Gavi.
Selon les estimations de Gavi, la perte du soutien américain pourrait signifier que "75 millions d'enfants ne recevront pas de vaccinations de routine au cours des cinq prochaines années, entraînant le décès de plus de 1,2 million d'enfants."
Le Dr Austin Demby, ministre de la Santé de la Sierra Leone, qui dépend du soutien de Gavi pour l'achat de vaccins, s'est dit "choqué et perturbé" par cette décision. "Ce n'est pas seulement une décision bureaucratique, des vies d'enfants sont en jeu, la sécurité sanitaire mondiale sera en jeu," a-t-il déclaré au New York Times. "Soutenir Gavi en Sierra Leone n'est pas seulement une question sierra-léonaise, c'est quelque chose dont la région, le monde, bénéficie."
La Dr Sania Nishtar, directrice générale de Gavi, a exprimé l'espoir que "l'administration Trump reconsidérerait sa décision de mettre fin à son soutien." Elle souligne que le travail de Gavi protège les personnes partout dans le monde, y compris les Américains. Au-delà de la protection individuelle des enfants, la vaccination réduit les risques d'épidémies majeures.
Gavi maintient également des stocks mondiaux de vaccins contre des maladies comme Ebola et le choléra, qu'elle déploie rapidement en cas d'épidémies. Son modèle de fonctionnement, qui exige que les pays bénéficiaires paient une partie du coût des vaccins (leur contribution augmentant avec leur niveau de revenu), a permis une autonomisation progressive des pays à revenu intermédiaire.
Bien que l'administration ait décidé de maintenir certaines subventions clés pour les médicaments contre le VIH et la tuberculose, ainsi que l'aide alimentaire aux pays confrontés à des guerres civiles et des catastrophes naturelles, la fin du financement de Gavi marque un tournant majeur dans la politique étrangère et sanitaire américaine.
La légalité de ces décisions unilatérales est actuellement contestée devant plusieurs tribunaux, car les dépenses consacrées à des programmes de santé spécifiques sont généralement allouées par le Congrès.
PAR Ndongo Samba Sylla et Peter Doyle
LE FMI DOIT D'ABORD FAIRE LE MÉNAGE EN SON SEIN
EXCLUSIF SENEPLUS - S'agit-il de ne pas examiner les chiffres de près, de peur que des transactions n'apparaissent publiquement, ce qui aurait pu nuire à l'avenir politique du meilleur ami de la France au Sénégal, Macky Sall ?
Ndongo Samba Sylla et Peter Doyle |
Publication 26/03/2025
Dans sa publication mondiale phare – Perspectives de l’Économie mondiale - publiée en octobre 2024, le FMI prévoyait que l'inflation sur 12 mois au Sénégal en décembre 2025 serait de -13,4 % et de 41,9 % pour l’année d’après. Ces prévisions n'étaient pas fondées. En effet, l'inflation sur 12 mois au Sénégal en décembre 2024 était de 0,8 %, ce qui confirme, si besoin était, que les prévisions du FMI étaient erronées.
Nous avions indiqué à l'époque que cet épisode reflétait une défaillance majeure de contrôle de qualité du FMI concernant ses propres travaux de base. Cependant, nous notions que le problème essentiel n'était pas sa mauvaise compréhension évidente de l'inflation. Nous soulignions plutôt que cette erreur sur une variable macroéconomique aussi centrale n'était que « la partie émergée de l'iceberg ».
En effet, si le FMI s’est fourvoyé à ce point sur un indicateur macroéconomique de base tel que l'inflation sur un horizon aussi court, quelles assurances pourrions-nous avoir qu’il ne s’est pas trompé sur les autres et plus lourdement ?
Un récent audit public des finances publiques de 2019 à mars 2024 nous apprend que la dette publique du Sénégal à la fin de 2023 s'élevait à 18 558 milliards de francs CFA, soit 99 % du PIB officiel, et non 74 % du PIB comme indiqué précédemment.
Une partie de cette dette élevée est due au FMI lui-même uniquement en raison des décaissements liés à son programme avec le Sénégal qui n'auraient pas dû être effectués parce que, sur la base de données correctes, les critères de performance du programme avaient été largement enfreints.
Il ne s'agit pas ici, comme l'a récemment suggéré le chef de la mission du FMI, de « déclarations erronées » de la part du gouvernement sénégalais de l'époque.
Il s'agit plutôt de savoir comment les services du FMI ont pu perdre de vue plus de 20 % du PIB au cours d'un programme intensif avec ce gouvernement, et ainsi mal mesurer les critères de performance.
Le plus gros dans l’affaire est que le FMI n’a pas seulement perdu de vue plus de 20 % du PIB. Il a dû aussi à plusieurs reprises, mission après mission, pendant cinq ans, perdre toute trace de ces sommes à quatre endroits : dans la balance des paiements, dans l'enquête monétaire, dans les comptes nationaux et, bien sûr, dans les comptes publics.
Le fait que le FMI n'ait pas détecté ce problème en temps réel constitue donc un manquement majeur à son obligation de diligence. En effet, à chaque revue de programme avec le Sénégal, les services du FMI étaient tenus de déclarer à tous les actionnaires du FMI, y compris au peuple sénégalais, que les données reflétaient fidèlement les actions du gouvernement de Macky Sall.
Autrement, nous devons nous demander : s'agit-il simplement d'un « manque » de diligence raisonnable de la part du FMI, d'autant plus que le FMI a ignoré les avertissements de l'opposition sénégalaise concernant les fausses déclarations dès 2018 ? Peut-être s'agit-il plutôt d'une décision délibérée de ne pas examiner les chiffres de trop près, de peur que des transactions n'apparaissent dans le domaine public, ce qui aurait pu nuire à l’avenir politique du meilleur ami de la France au Sénégal, M. Macky Sall ?
Quoi qu'il en soit, le chef de la mission du FMI note que le FMI pourra agir « rapidement » pour résoudre les difficultés du Sénégal, dès que les sources des déclarations erronées auront été identifiées.
Tout sauf ça, serions-nous tentés de dire !
En fait, le même problème s'est posé en 2016 au Mozambique lorsqu'il est apparu que la dette publique, en proportion du PIB, était 10 % plus élevée que ce qui avait été confirmé précédemment par le FMI, dans le contexte d'un boom des actifs carbone. De toute évidence, le FMI aurait dû examiner comment il avait pu perdre de vue 10 % du PIB dans les données du Mozambique afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise. Mais il est rapidement passé à autre chose.
Cette « rapidité du FMI », il est maintenant clair, s'est faite aux dépens du Sénégal.
Ainsi, si, dans la précipitation, le FMI propose maintenant que le Sénégal stabilise son imposante dette publique en s'engageant à atteindre des objectifs élevés d'excédent primaire dans son budget - peut-être 4 % du PIB - un tel conseil n'aurait absolument aucun fondement, tout comme ses projections d'inflation pour décembre 2025 et 2026, et tout comme toutes ses assurances antérieures au fil des ans que les données macroéconomiques pour le Sénégal étaient saines.
Non, le FMI ne devrait pas conseiller ou agir à la hâte. Il devrait d'abord faire le ménage en son sein.
*Ndongo Samba Sylla est économiste sénégalais, Directeur de Recherche à l’International Development Economics Associates (IDEAs).
*Peter Doyle est économiste américain, ancien cadre du FMI et de la Banque d’Angleterre.
TRUMP TOURNE LE DOS À 250 ANS D’HISTOIRE AMÉRICAINE
Selon Bernie Sanders, le président américain considère les dictateurs du monde entier comme ses amis, nos alliés démocratiques comme ses ennemis et le recours à la force militaire comme le moyen d’atteindre ses objectifs
(SenePlus) - Dans une tribune d’une rare gravité publiée initialement par The Guardian et reprise ce jour par Le Monde, Bernie Sanders, sénateur indépendant du Vermont et figure historique de la gauche américaine, dresse un constat alarmant : selon lui, les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, ont cessé d’être un modèle de démocratie pour le monde. Pire, ils seraient en train de rejoindre, délibérément, le camp des autocraties.
Cette dénonciation directe, frontale, intervient alors que les tensions géopolitiques s’intensifient et que les États-Unis se trouvent à la croisée des chemins : continuer à incarner la défense des droits humains, ou céder à la tentation de l’autoritarisme.
Un reniement historique de l’engagement américain pour la liberté
Dès les premières lignes, Sanders rappelle avec émotion le rôle historique des États-Unis dans la promotion de la démocratie à l’échelle mondiale. Il invoque la Déclaration d’indépendance et la Constitution comme des références universelles ayant inspiré des générations de combattants pour la liberté.
Mais ce passé glorieux est désormais piétiné, affirme-t-il. Donald Trump, par ses actes récents, a tourné le dos à cet héritage pour s’aligner sur des figures aussi inquiétantes que Vladimir Poutine, Kim Jong-un ou Ali Khamenei. Le vote américain contre une résolution de l’ONU condamnant l’invasion russe de l’Ukraine – une résolution soutenue par 93 pays, dont les principaux alliés des États-Unis – en serait la preuve la plus éclatante.
Une rupture inédite avec l’ordre international et les alliés traditionnels
Le 24 février, l’administration Trump a franchi une ligne rouge symbolique. Pour la première fois, les États-Unis ont voté contre une résolution des Nations unies exigeant le retrait des troupes russes d’Ukraine. Une décision qui les place, de facto, du côté des agresseurs et des régimes autoritaires.
« Plutôt que de se joindre à nos alliés historiques pour défendre la démocratie, le président a voté aux côtés de la Russie, de la Corée du Nord, de l’Iran et de la Biélorussie », écrit Sanders, soulignant l’isolement moral croissant des États-Unis sur la scène internationale.
Ce vote constitue selon lui bien plus qu’un simple positionnement diplomatique : c’est un signal clair que Trump rejette le droit international et la solidarité démocratique au profit d’une vision du monde cynique, brutale et dominée par la force.
Trump, Poutine et la fascination pour le pouvoir autoritaire
Sanders ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’attaque au président russe Vladimir Poutine, qu’il qualifie de « dictateur » ayant anéanti les espoirs démocratiques de la Russie post-soviétique. Il dénonce les assassinats politiques, la répression de la presse, le pouvoir des oligarques et les crimes de guerre perpétrés en Ukraine, y compris l’enlèvement de milliers d’enfants envoyés dans des camps de « rééducation ».
Mais ce qui inquiète le plus le sénateur, c’est la proximité croissante entre Trump et ce modèle autoritaire. Il l’accuse de chercher à extorquer les ressources naturelles de l’Ukraine au profit de ses amis milliardaires, sans aucune considération pour le peuple ukrainien ou pour le droit des nations à disposer d’elles-mêmes.
Une vision impériale, délirante et dangereuse du monde
La tribune ne s’arrête pas à l’Ukraine. Sanders élargit son réquisitoire à l’ensemble de la politique étrangère de Trump, qu’il juge incohérente, mégalomaniaque et dangereuse. Il cite plusieurs exemples qui relèvent presque de la satire, mais qu’il présente comme des intentions réelles :
l’annexion du Groenland, territoire autonome du Danemark ;
la reprise en main du canal de Panama ;
l’absorption du Canada comme 51e État des États-Unis ;
et même l’expulsion de 2,2 millions de Palestiniens pour transformer Gaza en « station balnéaire pour milliardaires ».
Autant d’exemples qui, selon Sanders, trahissent une vision impériale décomplexée, une nostalgie du colonialisme, et un mépris absolu pour les règles internationales.
Le monde face à un tournant historique
Sanders inscrit cette situation dans une perspective historique plus large. Il rappelle qu’au début du XXe siècle, la majorité du monde vivait sous le joug de monarques et d’empires, souvent légitimés par le mythe du « droit divin ». Depuis, une marche difficile mais continue vers la démocratie a été engagée – et les États-Unis y ont joué un rôle central, des champs de bataille de Gettysburg à ceux de Normandie.
Mais aujourd’hui, cette marche est menacée. « Nous sommes à un tournant », avertit-il. Le monde peut encore choisir la voie de la démocratie, de la justice et de la coopération, mais il peut tout aussi bien replonger dans l’autoritarisme, l’oligarchie et la loi du plus fort.
Un appel à la mobilisation des citoyens américains et des démocrates du monde
Le message de Bernie Sanders est clair : ne pas se résigner. Il appelle les citoyens américains à « se battre pour nos valeurs » et à refuser la dérive incarnée par Donald Trump. Il lance également un appel à la coopération internationale entre démocrates, progressistes et défenseurs des droits humains pour préserver l’ordre fondé sur le droit.
Dans une période où les clivages se durcissent et où les voix critiques sont parfois marginalisées, cette tribune constitue un cri d’alarme. Mais aussi un manifeste de résistance. Un plaidoyer vibrant pour la dignité humaine, l’engagement citoyen et la solidarité mondiale.
En conclusion, la tribune de Bernie Sanders est bien plus qu'un texte d'opinion ; c'est un acte politique fort. Elle interpelle les consciences, refuse le cynisme et réaffirme la foi dans une démocratie exigeante, parfois imparfaite, mais essentielle.Alors que les États-Unis sont confrontés à des choix cruciaux sous la présidence de Donald Trump, ce texte pourrait bien devenir l'un des manifestes fondateurs de la résistance démocratique à venir.
par Fadel Dia
CE QUE PARLER VEUT DIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Donner à un texte le titre « Ethnicisme -Needo (sic) ko- bandam(sic) /Violences et prédation sous Macky Sall », c'est réduire le mandat de l'ancien président à une dérive uniquement imputable à son appartenance ethnique
Donner à un texte, et l’ordre des mots est important, le titre de « Ethnicisme -Needo (sic) ko- bandam(sic) /Violences et prédation sous Macky Sall » (le signe / est de moi et le reste est d’origine), c’est apparier d’autorité des notions dont on se demande, à priori, ce qu’elles ont en commun et ce qui justifie, sans que démonstration préalable en ait été faite, qu’on les accole l’une à l’autre. C’est donner à croire que le magistère de l’ancien chef de l’Etat pouvait se réduire à une unique dérive, dont son appartenance ethnique serait seule comptable, et cela nous rappelle cette propension des médias occidentaux à toujours juxtaposer « délinquance » et « immigration » pour accréditer l’idée que l’une produit systématiquement l’autre.
Si le texte lui-même se donne des apparences d’étude sociologique, il n’est en réalité qu’une charge, entre excès de zèle et masochisme, contre une composante nationale, tout entière associée, sans restriction, au pouvoir d’un homme qui pourtant avait été élu au suffrage universel et dont le supposé vivier électoral, ce fameux « titre foncier » qui lui avait été attribué par un courtisan, représente à peine plus de la moitié du corps électoral de la seule ville de Pikine.
Le ton employé est empreint d’une certitude inébranlable, ce qui n’est pas souvent le meilleur chemin pour parvenir à la vérité, et les mots sont excessifs puisqu’on parle « d’éthnicisme ambiant », de « mafieux », de « pulsions de mort », de « gangstérisme d’état », d’un « cercle » aux allures maçonniques et pour finir, mais celle-là on l’attendait au tournant, « d’arrogance » congénitale. Enfin, pour achever la bête, et c’est sans doute l’accusation la plus grave car c’est une forfaiture, on invoque un « ostracisme ethniciste » qui a conduit à mettre au pain sec une partie essentielle du territoire national pour des raisons proprement tribales.
Au total, une somme de comportements qui, nous dit-on, ont failli conduire à la dislocation du pays et dont nous n’aurions été sauvés que grâce au « Bloc de résistance » constitué par les (autres ?) composantes nationales qui « dans leurs diversité culturelle et religieuse, s’en sont tenues au respect du pacte ancestral de paix et de solidarité »!
Je ne m’intéresserai pourtant qu’à la première partie de l’étrange diptyque qui sert de titre à cet article parce que je n’ai ni l’envie ni la légitimité de défendre un président que je n’ai jamais fréquenté, pour lequel je n’avais pas voté et que je n’ai jamais soutenu quand il exerçait le pouvoir. De toutes façons, il n’était ici qu’un prétexte, le sujet dépasse sa personne, sa personnalité ou son parcours politique, qui auraient peut-être pu éclairer sa gestion de l’Etat, sont totalement ignorés. On remarquera néanmoins que dans ce « cercle pular », dans ce réseau de comploteurs qui ont failli conduire notre pays à la ruine et qui comprendrait d’éminents cadres des affaires, des finances, de l’administration ou du milieu maraboutique, un seul complice sort de l’ombre, l’auteur de l’article n’ayant osé citer nommément qu’un seul d’entre eux, le plus insignifiant de tous, un électron libre qui n’exerçait aucune fonction officielle, le maillon faible sans doute qu’il traite « d’immigré » à Dakar, et ce mot a un sens ! Manque de chance pour lui car aucune des personnalités qu’il met au cœur de cet éthnicisme forcené qu’il pourfend, ni le présumé concepteur du projet ni son folklorique propagateur, ne sont, à proprement parler, des modèles parfaits de « l’homo pulaarensis », soit en raison de leur lieu de naissance soit en raison de leur origine familiale.
C’est pourtant à partir de ce « binôme » qu’il a bâti une théorie, mais encore lui faudrait-il trouver les bons termes, ne pas se tromper sur leur sens, ni jouer au yoyo sur leur transcription, et savoir les employer à bon escient ! Ce n’est malheureusement pas le cas et on est plutôt frappé par l’imprécision, voire l’impropriété, des expressions et mots pulaar employés ici dans leur transcription française et cela donne l’impression que leur auteur est peu imbu des arcanes du parler du monde qu’il passe au scalpel avec un parti pris évident.
Commençons par l’appellation par laquelle il désigne ses habitants qu’il nomme « Al pular » (sic), comme s’il s’agissait d’une tribu arabe, et qui fait peu cas de l’histoire. L’expression par laquelle s’appellent elles-mêmes les populations qui vivent sur les deux rives du fleuve Sénégal découle en effet du fait que leur région a été un lieu de passage et de mélange de peuples divers dont le lien principal est devenu la langue imposée par le dernier envahisseur. Elles ne s’appellent ni « Al Pulaar » ni « Toucouleurs » mais « Haal Pulaareen », avec un h bien aspiré et un double a dans chacun des deux termes, si on veut respecter la codification des langues nationales et tenir compte de l’accentuation qui est importante dans la langue peule. Ce n’est pas à proprement parler un nom d’ethnie, puisque l’expression « haal pulaar », au singulier, signifie littéralement « celui qui parle le pulaar », ou fulfulde ou fulani sous d’autres cieux, ou tout bonnement le peul. C’est un terme qui peut s’appliquer à des communautés réparties dans près d’une vingtaine de pays africains éparpillés de l’océan Atlantique aux confins du Nil mais dont les usages et les traditions ne se recouvrent pas rigoureusement. A l’intérieur du Sénégal ils varient selon qu’on se trouve au bord du fleuve Sénégal, dans le Ferlo, au Fouladou, sur les rives de la Gambie et un peu partout à travers le pays. Même à l’échelle du Fouta proprement dit le parler de Matam, dans le Nguénar, n’est pas exactement celui de Podor, dans le Toro. Cela n’est guère étonnant car toute culture est un espace de mélange et la première erreur de l’auteur de ce texte c’est de faire croire qu’il y a une spécificité culturelle exclusive à une communauté et dont aucun signe ne se retrouve ailleurs. Il est vrai qu’il dit par ailleurs que le trait culturel qui sert d’axe à sa démonstration est une « tradition de Teranga » (dont il ne donne pas l’équivalent en pulaar) et qu’elle est commune aux sociétés sénégambiennes, sans en donner néanmoins les différentes versions , parenté qu’il remet vite en cause en précisant que cette valeur a été travestiee par le groupe politique qu’il accuse d’avoir braqué le pouvoir qui l’a transformée en « facteur culturel de structuration ».
Voilà comment sont nées les stigmatisations qui depuis quelques années minent la cohésion sociale dans les pays de l’AES et nous avons à nous inquiéter car les prises de position récentes d’énergumènes qui cherchent à faire le buzz dans les médias semblent indiquer qu’au Sénégal aussi la chasse est ouverte.
Après « Al pular », l’auteur hésite entre « Needo » (avec deux e) et « Neddo »(avec deux d), entre « bandAm » et « bandUM »,c’est sans doute un détail à ses yeux, mais il se trompe car en pulaar il suffit d’une syllabe pour changer le sens d’un mot. L’expression qui fait le titre de cet article, telle qu’elle est écrite, « Needo ko bandam », a un sens tout différent de celui qu’il voudrait lui donner puisque sa traduction littérale c’est … « Celui qui a ELEVE est MON parent » ! Pour dire « l’homme c’est sa parenté » il eût fallu écrire « neDDo », avec un double DD, (lettre que j’utilise faute d’avoir une machine adaptée à la langue pulaar), et « bandUM », en lieu et place de « bandAm ». Mais même écrite correctement, cet adage a subi ce sort qui fait que les mauvaises monnaies chassent les bonnes, son sens profond, celui qui pousse à la réflexion, a été éclipsé par son sens littéral, celui qui incite à la répréhension. C’est une expression qu’on se plait à marteler à tout bout de champ, notamment dès qu’on parle de la solidarité, que l’on croit atavique chez tous les Peuls, ce qui est encore une autre idée reçue. Tous ceux qui connaissent le passé du Fouta, en particulier, savent, pour le regretter, que ses habitants se sont fait plus souvent la guerre entre eux que contre les autres, que son histoire est traversée de jalousies, de rivalités et de divisions qui l’ont souvent affaibli, de conflits familiaux dont certains ont fait des morts, et qu’une autre manière de désigner des adversaires est de dire qu’ils sont de même père. Tous les Foutankés qui ont eu des parents à des postes de responsabilité étatique importants savent qu’il est rare que ceux-ci fassent la promotion intempestive de leurs proches parents à de hautes fonctions, de peur justement d’accréditer la réputation qui leur est faite. Macky Sall (c’est la seule fois où je le citerai, mais c’est une justice qu’il faut lui rendre) est comme par hasard le seul de nos anciens présidents à n’avoir pas nommé une personne de son sang, son neveu, son frère ou son fils, parmi les membres de ses différents gouvernements. S’il a pratiqué le « neDDo ko banndUm » ses proches parents en doutent puisqu’une de ses tantes avait fait scandale il y a quelques années en avouant aux journalistes qui visitaient son village ancestral qu’il n’avait rien fait pour ses parents restés dans la maison familiale et que son propre frère a pris le risque de laver son linge sale en public en confessant qu’ils ne s’étaient vus qu’à de rares occasions pendant ses deux mandats ! Alors pourquoi, quand on est chercheur, ne pas avoir fait l’effort de chercher ailleurs que dans son origine ethnique les raisons de tous ses dévoiements politiques ?
« NeDDo ko banndUm », dans son sens originel, c’est en réalité un appel à la solidarité entre les humains et sa vraie et initiale signification c’est « tout homme est votre parent » parce qu’il est votre semblable, ou plus généralement, qu’en tant qu’homme, le sort d’aucun être humain ne peut m’être indifférent. On est bien loin du sens restrictif qu’on donne à cette expression, de l’usage qu’on en fait et de l’interprétation qui en est rendue ici, pour des raisons dont on imagine les motivations.
Je n’ai pas cherché à répondre à cet article, sur le fond, car il a déjà suscité des réactions qui montrent que les idées qu’il contient ne sont pas partagées par la majorité des Sénégalais. Je me suis contenté d’en faire un commentaire et si je le fais avec une certaine acrimonie, c’est parce qu’il manque de rigueur scientifique et que c’est de l’absence de précision que naissent souvent les mésententes et les conflits, et aussi pour qu’il ne serve pas de viatique à ceux qu’il encense. Mais plus que de la colère j’éprouve de la tristesse, comme chaque fois que je vois quelqu’un qui se targue d’être un chercheur se complaire dans l’à peu près, se refuser de faire l’effort d’aller au fond des choses et, surtout, oublier que le pire ennemi de la connaissance c’est le préjugé.
par Christophe Banko
MABOUBA DIAGNE GAGNERAIT À FAIRE PREUVE DE TRANSPARENCE LORSQU’IL Y EST INVITÉ
Le ministre de l'Agriculture répond avec irritation aux questions d'Abdoul Mbaye sur la campagne arachidière. Derrière cette colère se cache une manipulation des chiffres qui transforme une modeste progression de 3,8% en succès spectaculaire
Dans Le Soleil du 21 mars 2025, le ministre de l’Agriculture, Mabouba Diagne, a enfin livré des précisions sur le déroulement de la campagne agricole 2024-2025. À propos de l’arachide, il s’en prend à Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre, l’accusant de verser dans la politique politicienne. Pourtant, ce dernier s’est simplement limité à inviter courtoisement, à plusieurs reprises, le gouvernement à communiquer sur les résultats de la campagne, afin d’évaluer les revenus générés dans les campagnes et d’identifier les soutiens nécessaires à apporter aux paysans.
En guise de réponse, le ministre fournit des statistiques biaisées, s’irrite, et tente de discréditer Abdoul Mbaye en s’interrogeant sur son bilan à la Primature. Une lecture attentive de ses propos permet pourtant de distinguer clairement qui fait de la politique politicienne sous couvert de technocratie.
Une colère inutile. Pourquoi “hausser le ton” lorsqu’on demande simplement de rendre des comptes ? Il est inutile, déplacé, voire puéril, de réagir ainsi. Cette interview accordée au Soleil aurait pu être l’occasion d’une réponse posée et factuelle. Était-ce l’interpellation qui a agacé le ministre ? ou le simple fait d’être contraint à plus de transparence ? Aux lecteurs d’en juger.
Des chiffres tronqués et une comparaison biaisée. C’est justement parce qu’il s’intéresse au revenu des paysans qu’Abdoul Mbaye a questionné la répartition de la production arachidière, notamment entre ce qui est acheté par les huiliers et ce qui est exporté. Mais le ministre a choisi d’omettre délibérément la part exportée. Ce « trou de mémoire » lui permet de comparer les tonnages collectés par les huiliers en 2024-2025 à ceux d’une campagne antérieure durant laquelle les exportations étaient bien plus importantes, donnant ainsi l’illusion d’une progression spectaculaire. Or, les exportations génèrent elles aussi des revenus pour les paysans dont le ministre ne semble se préoccuper. Heureusement, plus loin dans l’interview, il finit par donner le chiffre : 101 403 tonnes d’arachides décortiquées exportées au 20 mars 2024. Il devient alors possible d’établir une comparaison honnête : les 209 430 tonnes de cette campagne à la date du 16 mars doivent être comparées à la somme de 100 389 tonnes (collectées par les huiliers) et 101 403 tonnes (exportées) en 2023-2024, soit un total de 201 792 tonnes. Ainsi, la supposée progression de 109 040 tonnes tombe à 7 637 tonnes, soit une hausse réelle de seulement 3,8 %. Les lecteurs apprécieront la nuance.
Espérons donc que les prochaines communications du ministre intégreront cette correction statistique indispensable.
Mais il faut aussi se rappeler que les précédentes campagnes reposaient sur des données fausses qu’Abdoul Mbaye n’a jamais cessé de dénoncer depuis son départ de la Primature. Il n’a jamais défendu une culture du chiffre déconnectée du réel, destinée à masquer la pauvreté rurale et à gonfler artificiellement le PIB, contribuant ainsi à dissimuler le surendettement du pays et son déficit budgétaire. Les chiffres fournis par Mabouba Diagne pour la campagne 2023-2024 pourraient d’ailleurs permettre à l’ANSD et au FMI de procéder à des ajustements sur les PIB de 2024 et ceux antérieurs. Ce serait déjà un pas vers plus de transparence.
Cependant, au lieu de s’enorgueillir d’une hausse artificielle de 109 040 tonnes, le ministre aurait mieux fait d’expliquer les écarts entre ses objectifs initiaux pour la campagne 2024-2025 et les résultats obtenus, malgré les 120 milliards FCFA mobilisés. Il rappelle un objectif de collecte de 300.000 tonnes pour les huiliers, en baisse donc de 100.000 tonnes par rapport à ses déclarations antérieures. Là également la baisse de l’objectif devient une autre source de performance… Il promet toutefois de revenir sur tous ces chiffres à la fin de la campagne, d’ici un mois. Espérons simplement qu’il ne faudra pas, une fois encore, lui forcer la main pour qu’il rende des comptes. Une justification claire des retards et une présentation honnête des résultats auraient évité cette mise en scène fondée sur des données biaisées.
Dans le même entretien, Mabouba Diagne affirme qu’« au 16 mars 2025, les réceptions ont montré une dynamique encourageante de la collecte. Ainsi, 148.899,241 tonnes d’arachides coque ont été réceptionnées par les établissements de la Sonacos. Il y a 358,705 tonnes en graines décortiquées d’arachide soit 233,15 tonnes de coques pour un taux de conversion de 0,65 selon la Sonacos. ». Là encore, les chiffres manifestement faux par leur incohérence mériteraient d’être vérifiés et corrigés.
Une méconnaissance préoccupante du rôle des semences. L’essentiel de cette interview se trouve ailleurs, lorsqu’il déclare : « 60 297 tonnes de semences à certifier ont été collectées. » Cette phrase illustre une confusion préoccupante entre les « graines sélectionnées » et les « semences certifiées ». Cette ignorance traduit l’absence d’une stratégie agricole cohérente pour relancer la filière arachidière. Depuis l’arrêt de la production de semences certifiées en 2002 remplacées par des graines prétendument « sélectionnées », les qualités germinatives des semences se dégradent, les rendements s’effondrent, et les subventions à l’achat de ces graines et à leur revente aux paysans explosent.
Conscient de ce problème, Abdoul Mbaye avait initié en 2012 un programme de reconstitution du capital sénégalais de semences certifiées, indispensable pour restaurer durablement la production. Ce programme fut malheureusement abandonné après son départ parce que contraire aux intérêts des opérateurs semenciers. Dans son ouvrage « Servir », il qualifie ce système de « financement du sous-développement » et y décrit en détail les raisons de son engagement sur ce sujet. Mais encore faut-il que ceux qui lui ont succédé se donnent la peine de lire.
Mabouba Diagne conclut en lançant à Abdoul Mbaye : « Je l’invite à revoir ses notes. Et je lui demande ce qu’il a fait quand il était là. » La réponse est simple : qu’il lise « Servir » rédigé pour rendre compte d’une gouvernance et servir aux générations de futurs dirigeants sénégalais ; et surtout, qu’il interroge les paysans sur leurs conditions de vie durant les campagnes 2012-2013 et 2013-2014, puis qu’il les compare à celles de 2024-2025. Il comprendra alors ce qu’Abdoul Mbaye a fait, et qui, véritablement, travaille pour l’intérêt général.
Christophe Banko est Directeur exécutif de l’ACT (Alliance pour la Citoyenneté et le Travail).
par Moustapha Dieye
DANS LE BROUILLARD AMNISTIANT
Dans ce pays où chaque alternance efface la mémoire, Pastef tente de naviguer entre promesses de vérité et zigzags juridiques. Abrogation ? Interprétation ? Le nouveau pouvoir cherche sa voie pendant que les familles des victimes attendent justice
À Ndoumbélane, l’histoire n’a pas de mémoire, elle a des archives que les vainqueurs réécrivent à chaque alternance. Dans le pays de Laay Njomboor où les promesses de campagne n’engagent que ceux qui y croient, les besoins en lumière des esprits finissent souvent dans l’obscurité des tiroirs sélectifs de la loi. Pastef, nouveau propriétaire du volant républicain, semble vouloir conjurer cette fatalité et conduire le pays vers la vérité des « crimes de sang ». Mais entre les zigzags d’abrogation, les demi-clignotants de la loi interprétative, et les freinages en urgence de la cohérence, on se demande s’il ne faudrait pas appeler un garagiste constitutionnel pour éviter une panne générale des esprits. En attendant, les familles pleurent, les morts se taisent, et les vivants… tergiversent.
Du tarxiis sémantique pour élucider des "crimes de sang"
La législature Pastef semble tenir à une promesse de campagne majeure : faire toute la lumière sur les crimes dits de sang perpétrés sur le ndoumbélanien. Même si l'ambition est claire, les moyens de sa réalisation n'ont pas fini de faire sourire à cause d'un tarxiis (glissement) sémantique digne d'un babillage de nourrisson. On est passé d'une volonté d'abrogation totale à un proposition de loi interprétative supplément amendement, en passant par une volonté d'abrogation partielle. Rien que ça ! C'est cocasse, mais il ne serait pas vraiment sérieux de s'y attarder au regard du drame convoqué par le sujet, n'est-ce pas ? Parlons-en. Des Sénégalais sont abattus comme des cailles pendant une partie de chasse. D'autres sont persécutés, maltraités et torturés. Personne n'y aurait cru s'il n'y avait un travail de documentation amateur et professionnel des évènements qui ont secoué Ndoumbélane entre 2021 et 2024. Comme pour narguer l'opinion, le Watchacha évoque le besoin de stabiliser le climat social et sortit de sa manche une loi pour oublier. La législature Benno, pour enfoncer le glaive dans la plaie déjà béante, vota ladite loi. C'était aussi bête et grave que cela. Ils n'imaginaient peut-être pas qu'Amadou Njamala, le député trop riche pour être honnête, allait essuyer un revers d'anthologie devant le duo Koromak mooy Ngundu à la présidentielle de 2024, malgré le soutien controversé de son patron, le Watchacha.
Pas de sang, pas de responsabilité
Amadou Ba, le député connaît tout de Pastef, est en train de faire le tour des plateaux pour "éclairer" l'opinion sur le tarxiis sémantique. À demi-mot et avec une curieuse légèreté, il a taillé une sorte d'irresponsabilité aux manifestants au motif que cela se passe ainsi ailleurs et que ces derniers n'ont jamais été inquiétés après les évènements de 2011. Ce qu'il oublie ou omet peut-être, c'est que ces "manifestants" avaient une drôle de manière d'exercer leur droit constitutionnel de résister. En effet, à Ndoumbélane, on a résisté en faisant des courses clandestines à Auchan, saccagé et incendié des commerces, des infrastructures publiques et des bus, des maisons et des véhicules privés, insulté les visages institutionnels de la République, appelé à l'insurrection. On a même bouffé le très délicieux poulet de Me Elhadj Diouf après avoir effectué une ziara razzia à son domicile. La liste des actes de "résistance" n'est pas exhaustive mais il serait inopportun de pondre un mémoire sur la question. D'autant plus qu'il ne s'agit là que d'une simple piqûre rappel, pour tous les esprits qui seraient trop tentés par le démon de l'oubli sélectif.
Déclarez l'état d'urgence, le Premier ministre est ‘‘insulté’’ !
Après les propos de Badara langue de feu à l'endroit d'Amadou Ba connaît tout et Koromak, Le parti aux milliers de cadres, entendez Pastef, et des ministres de la République ont réagi à l'unisson : il est hors de question de continuer d'accepter que Koromak se fasse "injurier." Ce qui est cocasse dans ce mélodrame, c'est que Koromak a n fois adressé les propos qu'il a reçus à des institutions de la République. À l'époque, cela ne dérangeait curieusement pas ces fervents gardiens de l'intégrité de la République et de ses symboles. Mais enfin, ce n'est pas cela le plus important. Ce qu'il faut surtout rappeler, c'est que Koromak est le visage d'une forte institution de la République de Ndoumbélane, le gouvernement. Tous les citoyens, de ce fait, sont tenus de lui accorder la dignité qui est attachée à son statut. La liberté d'expression ne saurait tout permettre et les hommes des médias et les leaders d'opinion devraient témoigner davantage de respect aux oreilles qui les entendent et aux yeux qui les lisent. Ave Ndoumbélane !
par Déthie Faye
LA LOI PORTANT AMNISTIE, UNE BOMBE À DÉSAMORCER
La simple persistance dans l'opinion que la loi interprétative vise les forces de défense et de sécurité commande que le processus d'adoption de la proposition de loi soit arrêté
L'opinion publique nationale et internationale est tenue en haleine depuis quelques jours par le débat sur la proposition de loi interprétative de la loi portant amnistie.
Cette initiative qui tendrait à limiter le champ d'application de la loi portant amnistie, ressemble plus à une modification qu'à une simple interprétation de dispositions qui manqueraient de clarté.
Il faut rappeler que cette loi est combattue non pas parce qu'elle souffre d'une quelconque ambiguïté mais plutôt parce qu’elle fait la promotion de tout ce qui va à l’encontre de la consolidation de la démocratie et du renforcement de l’Etat de droit.
Son annulation est attendue pour pouvoir connaître la vérité, toute la vérité sur les événements douloureux de février 2021 à février 2024:
Qui a fait quoi ?
Qui regrette ses actes ?
Qu'est ce que le peuple est disposé à pardonner ?
Quel pacte pour que le Sénégal n'ait plus à revivre de pareils drames ?
Une fois ce travail d'investigation achevé, il sera possible d'adopter une loi prenant en compte la problématique de la cohésion nationale et le nécessaire bannissement de la violence comme moyen de conquête ou de conservation du pouvoir.
Nous devons toujours garder à l'esprit que chacun a quelque chose à dire et le droit d'être écouté.
De larges concertations pour préserver notre Sénégal de ces menaces qui ont perdu beaucoup de pays sont devenues une nécessité urgente dont il serait dangereux de vouloir faire l'économie.
La simple persistance dans l'opinion que la loi interprétative vise les forces de défense et de sécurité (FDS) commande que le processus d'adoption de la proposition de loi soit arrêté.
Les Sénégalais sont inquiets. Il appartient au président de la République de les rassurer. Depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la République s'évertue à donner l'image d'un père de la nation au-dessus de la mêlée et garant de l'unité nationale.
Son adresse à la nation à l'occasion de la célébration de la fête de l'indépendance est une bonne opportunité pour inviter les forces vives de la nation à un dialogue en vue d’engager le Sénégal dans une œuvre commune de construction nationale. La préservation de la cohésion nationale et de la stabilité du Sénégal exige une telle posture.
Pour accompagner cette dynamique qui va dans le sens d'une décrispation de l'espace politique, le groupe parlementaire de la majorité doit donner un signal fort en retirant la proposition de loi interprétative de la loi portant amnistie.
Il faut bannir cette logique qui veut que la mission de l'opposition soit de ne faire que de l'obstruction et celle de la majorité de piétiner tous ceux qui pensent autrement.
Accordons la priorité aux priorités pour que le Sénégal continue d'être une exception.
Déthie Faye est président de la Convergence pour la Démocratie et la République, C.D.R/ Fonk Sa Kaddu.