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5 mai 2025
Diaspora
MULTIPLE PHOTOS
L'AMBASSADE DU CAMEROUN À PARIS SACCAGÉE
Une cinquantaine de manifestants qui se présentaient comme des opposants à Paul Biya ont envahi le 26 janvier l'ambassade du Cameroun à Paris, saccageant notamment des portraits du chef de l'État camerounais
Vers 19H00 (18H00 GMT), ces manifestants qui se filmaient en direct sur la plate-forme Facebook Live ont pénétré dans les locaux de l’ambassade fermée le samedi dans le très chic XVIe arrondissement de Paris, avant d’être évacués par les forces de l’ordre deux heures plus tard.
Selon un riverain témoin de la scène, les manifestants « ont sauté les grilles et défoncé la porte » pour entrer. Ils ont ensuite été délogés par la police, dans le calme et ont poursuivi leur manifestation dans la rue aux abords de l’ambassade.
« On prend les Camerounais pour des idiots, il ne faut pas mener un peuple à bout comme ça. Dans les régions anglophones, l’armée tue, à Douala, ils tirent à balle réelle… », explique l’auteur de la vidéo en direct, Daniel Essissima.
Des photos d’au moins trois personnes blessées, dont un conseiller municipal cadre du MRC à Douala et une avocate renommée du parti, Me Michèle Ndoki, circulaient samedi matin sur les réseaux sociaux. Il n’était pas possible samedi de déterminer si leurs blessures étaient dues à des tirs de balles réelles ou non.
Le Cameroun est également secoué par les velléités séparatistes d’une frange de la population anglophone, depuis un an. Des hommes armés y multiplient les enlèvements de responsables, de militaires et policiers, ainsi que des civils dans les deux régions anglophones en crise du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Ils militent pour la création d’un Etat indépendant. Des affrontements entre l’armée et ces séparatistes armés, regroupés en groupes épars dans la forêt équatoriale, s’y produisent depuis quasiment chaque jour.
PAR NDIAGA GUEYE
LE NUMÉRIQUE AU-DELÀ DES DISCOURS
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Promouvoir le développement de l’industrie des TIC n’est possible qu’avec un leadership politique de haut niveau, une stratégie claire et cohérente, un cadre juridique adéquat et une meilleure régulation du secteur
#Enjeux2019 – Le Plan Sénégal Emergent (PSE), document de référence du gouvernement pour le développement du Sénégal accorde une place très secondaire au secteur des TIC. En effet, dans le plan d’actions prioritaires du PSE d’un montant de 9 685 milliards, seuls 60 milliards sont destinés au numérique. Parmi les 27 projets prioritaires du PSE, aucun ne concerne spécifiquement le secteur des TIC.
Pendant 7 ans de gouvernance du président Macky Sall, les autorités ont alloués en moyenne 0,20% du budget national au ministère des Postes, des Télécommunications et de l’économie numérique. Il n’a atteint 0,68% qu’en 2019 (28 056 604 939FCFA sur un budget national de 4 071 770 000 000). Budget dérisoire encore au moment où la tendance mondiale est d’utiliser les TIC comme principal levier de développement.
Au regard de tout cela, il ressort que les autorités ne considèrent pas dans le PSE, les TIC comme un secteur important pour booster le développement du Sénégal. C’est seulement durant l’année 2016 qu’une stratégie nationale de développement des TIC « Sénégal Numérique 2016-2025 », a été présentée par les nouvelles autorités.
Paradoxalement, la stratégie « Sénégal Numérique 2016-2025 » a été élaborée, sans dresser au préalable un état des lieux clair et précis du secteur des TIC au Sénégal. En effet, la dernière enquête nationale sur les TIC, réalisée par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) et dont les résultats ont été présentés par l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) remonte à 2009. Depuis lors, aucune collecte officielle de données n’a été effectuée.
Les données statistiques sur les TIC comparables au niveau international sont très rares et limitées au Sénégal. Les quelques chiffres que nous avons sont celles collectés par l’ARTP auprès des opérateurs. Des données parcellaires sur les télécommunications modélisées par ces derniers suivant une logique commerciale plutôt que de politique publique.
Aussi, les autorités ne disposent-elles d’aucun tableau de bord qui permette une analyse du secteur des TIC afin, d’une part, de mesurer sa taille, la portée des produits, les services offerts, les usages, les ressources humaines, les besoins, et de l’autre, identifier les défis réglementaires et politiques.
Au regard de ce constat, il résulte que la stratégie « Sénégal Numérique 2016-2025 », qui a été adoptée, est truffée d’affirmations gratuites, avec des approximations, non soutenues par aucun chiffre et quand on se hasarde à livrer des statistiques, les sources ne sont pas précisées.
Ainsi, les objectifs contenus dans cette stratégie, d’atteindre la 4e place en Afrique et au moins la 90e place mondiale dans l’indice développement des TIC de l’IUT, la contribution du numérique au PIB à hauteur de 10% avec la création de 216 000 emplois d’ici 2025, sont plus que fantaisistes et illusoires. Nous irons plutôt à l’horizon 2025 à reculons, au grand dam du peuple Sénégalais. Le classement 2017 du Sénégal est déjà un indicateur pertinent de la trajectoire empruntée.
- Une régulation imparfaite du marché des TIC -
Beaucoup de décisions ont été prises par le gouvernement depuis 2012, avec les résultats négatifs que l’on sait sur le développement du secteur. Aussi, malgré les discours de circonstance, le gouvernement du Sénégal, dans toutes ses décisions, ne vise en réalité que trois (3) objectifs :
Donner des assurances aux bailleurs de fonds qu’il est en train de se conformer à leurs recommandations de libéralisation du secteur des TIC en vue d’obtenir des financements ;
Consolider et pérenniser le quasi-monopole de la Sonatel pour préserver ses intérêts financiers liés à sa participation au capital de cette société ;
Engranger le maximum de ressources financières de la vente des licences et des ressources rares.
En outre, il y a eu le favoritisme manifeste en faveur de Sonatel sur l’attribution des fréquences 4G. Une discrimination des opérateurs Expresso et Tigo opérée par l’ARTP à l'issue d'un processus de gré à gré opaque qui a permis à la Sonatel d’avoir une longueur d’avance sur ses concurrents.
Au regard de ce constat, il résulte que la démarche constante des autorités depuis 2012 est la protection de la Sonatel de la concurrence pour préserver les intérêts à très court terme du gouvernement, liés aux taxes et dividendes, au détriment de l’intérêt national. Toute la politique gouvernementale du secteur est alignée sur les objectifs de la Sonatel qui donnent le cap à suivre.
La présence de l'Etat du Sénégal dans le capital de la Sonatel apparaît ainsi comme un obstacle majeur au développement de l'industrie des télécommunications au Sénégal. A l’évidence, ce gouvernement, toujours entre deux marchés financiers pour lever des fonds, concilier des objectifs nombreux, prioritaires et parfois contradictoires est problématique. En effet, Il exerce en même temps les rôles d'actionnaire, de porteur de politiques publiques, de gestionnaire des finances publiques, de régulateur, et de client.
En conséquence, il est temps que le gouvernement du Sénégal choisisse de n’exercer que les attributions liées à la définition du cadre juridique, des stratégies, de la régulation et se retire du capital de la Sonatel mettant ainsi fin à la dépendance financière de cette société. On ne peut pas être juge et partie.
- Un cadre juridique imparfait -
Le code des communications électroniques adopté le 28 novembre 2018, qui actualise le code de 2011, en plus de contenir beaucoup d’articles problématiques, imprécis, flous, et des manquements délibérés, comporte des dispositions qui portent atteinte directement aux droits fondamentaux des sénégalais.
Le code comporte beaucoup d’imperfections, d’articles problématiques sur les questions liées à la protection des utilisateurs, la portabilité, le nom de domaine.
Après avoir consacré un accès ouvert à internet en ses articles 26 et 26, l'article 27 du même code insère des exceptions à la neutralité du net sous le couvert de mesures raisonnables de gestion du trafic. Ces dernières peuvent être mises en œuvre par les opérateurs sur la base de considérations techniques et sécuritaires ou l’autorité de régulation (ARTP) peut en donner l’autorisation pour motif économique. Cela aboutira à des situations où des contenus, des services ou, plus généralement, des communications peuvent être surveillés, filtrés, ralentis ou bloqués par les opérateurs. C’est la censure d’internet.
A l’inverse, ils peuvent aussi les favoriser, mettre en avant, ou imposer, c’est la discrimination. En somme, un internet à deux vitesses, un pour les riches et un autre pour les pauvres dans un pays ou la fracture numérique est déjà béante. Autrement dit, l’ARTP et les opérateurs déciderons désormais de ce que les sénégalais doivent voir et faire sur internet.
En outre, il y a le risque certain de comportement anticoncurrentiel dans la gestion du trafic de la part d’opérateurs ayant une position dominante sur au moins un des segments de la chaine de valeur du marché de l’accès à internet.
Dorénavant, la liberté d'expression, le libre accès à l'information, la liberté de choix des utilisateurs et le pluralisme des médias ainsi que la compétitivité et l'innovation sont menacés au Sénégal.
- Quelques recommandations –
Le Sénégal a déjà raté plusieurs virages, qui auraient dû en faire un pays émergent. Aujourd’hui, le virage technologique est à notre portée. On peut choisir, soit de le prendre, soit encore une fois de le rater, et attendre le prochain qui arrivera dans un siècle ou deux … ou peut-être jamais. Le monde avance, et il avancera avec ou sans nous … C’est en devenant contributeur au progrès technologique, qu’un pays affirme sa souveraineté et devient ainsi une terre d’espoir pour sa jeunesse.
Aussi, des réformes s’imposent pour promouvoir le développement de l’industrie des TIC, de créer un environnement favorable à la création de richesses et d’emplois afin que le secteur soit le moteur de développement du Sénégal.
Elles ne sont possibles qu’avec un leadership politique de haut niveau, une stratégie claire et cohérente des TIC, un cadre juridique adéquat et une meilleure régulation du secteur.
Aussi, les mesures minimales suivantes sont à prendre :
Définition d’une nouvelle stratégie de développement des TIC ;
Définition d’une lettre de politique sectorielle ;
Mise en place d’un observatoire des TIC ;
Refonte du code des communications électroniques ;
Assurer l’indépendance de l’ARTP pour une meilleure régulation du secteur ;
Indépendance du Fonds de Développement du Service universel des Télécommunications (FDSUT) ;
Vente des actions détenues par l’Etat dans le capital de la Sonatel par une offre publique de vente ;
Entrée d’un 4e opérateur dans le marché ;
Amélioration du service de la portabilité ;
Création d’un Fonds pour l’innovation qui permettrait de soutenir les entrepreneurs numériques.
Titulaire d’un Master 2 en Informatique (Université Lumière Lyon 2, France) et en Gestion de projets numériques (Université Paris 10 Nanterre, France) ; Ndiaga Gueye est ingénieur en réseaux informatiques (Houston, Texas). Auteur du livre "Conception et gestion de projets numériques territoriaux" publié aux éditions universitaires européennes en 2016 (ISBN 978-3-639-54136-6), il est consultant en TIC et président de l’Association Sénégalaise des Utilisateurs des TIC (ASUTIC).
LE TEMPS D'ANTENNE ET L'ORDRE DE PASSAGE DES CANDIDATS DÉVOILÉS
Chaque candidat aura 7 minutes de temps d’antenne, soit 2 minutes de plus que durant la présidentielle de 2012 - Madické Ndiang débute chaque soir à partir de 21h, suivi de Macky Sall, de Cheikh Issa Sall, d’Idrissa Seck, et d'Ousmane Sonko
Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) et les mandataires des cinq candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019 se sont accordés sur le temps d'antenne et l'ordre de passage des candidats sur la chaine publique (RTS) lors de la campagne électorale qui démarre le 3 février.
Cette rencontre s'est tenue dans locaux du CNRA sur la direction de Babacar Diagne, président de cette structure chargée de veiller à la régulation audiovisuelle de la campagne. A l'issue de cette rencontre, il a été arrêter que chaque candidat aura 7 minutes de temps d’antenne, soit 2 minutes de plus que durant la présidentielle de 2012.
Pour ce qui est de l'ordre de passage, il est défini comme suit: Madické Ndiang débute chaque soir à partir de 21h, suivi de Macky Sall, de Cheikh Issa Sall du PUR, d’Idrissa Seck. Et c’est Ousmane Sonko qui va conclure le temps d’antenne tous les soirs.
L'élection présidentielle au Sénégal est prévue le 24 février 2019. Le candidat sortant Macky Sall fera face à quatre autres candidats: Idrissa Seck de la coalition "Idy 2019", Ousman Sonko de la coalition "Sonko Président", Madické Niang de la coalition "Madické 2019" et El Hadj Issa Sall du PUR.
Une enveloppe de 14 milliards de FCFA a été mobilisée pour l'organisation du scrutin dont le premier tour aura lieu le 24 février prochain, a annoncé le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye.
6 683 043 électeurs répartis dans 14 651 bureaux de vote à travers le territoire national seront appelés aux urnes. 746 bureaux de vote pour les Sénégalais résidant à l’étranger, soit un total de 15 397 bureaux de vote, a indiqué le ministre de l'Intérieur.
AUDIO
TRUMP RECULE-T-IL POUR MIEUX SAUTER ?
EXCLUSIF SENEPLUS - AFRICAN TIME - Dame Babou revient sur la fin (temporaire ?) du shutdown, synonyme de capitulation pour le président américain, qui n'abandonne pas pour autant l'idée de la construction du mur anti-immigration à la frontière mexicaine
Il aura fallu 35 jours pour que le shutdown trouve une issue. En effet, Donlad Trump a accepté vendredi de rouvrir le gouvernement fédéral jusqu'au 15 février pendant des négociations sur la frontière. Une décision d'autant plus difficile pour le président américain qu'elle ne prend en compte aucun financement sur l'érection du mur à la frontière mexicaine. Le locataire de la Maison Blanche refuse cependant de concéder la défaite et n'exclue pas de passer outre l'accord du Congrès dans trois semaines.
Trump a-t-il reculé pour mieux sauter ? Risque-t-on un nouveau shutdown d'ici le 15 février ? Quelle pourrait être l'issue de ce bras de fer entre les Démocrates et le président ? Le spécialiste de la politique américaine, Dame Babou donne quelques éléments de réponses dans sa chronique, diffusée depuis New-York, sur les antennes d'AfricanTime.
AUDIO
L'ACTUALITÉ DE LA SEMAINE AVEC PAPE NDAO
EXCLUSIF SENEPLUS - AFRICAN TIME - La chronique hebdomadaire diffusée en wolof tous les week-end depuis New-York
Pape Ndao fait le tour des faits marquants de la semaine, au micro d'AfricanTime, partenaire de SenePlus à New-York.
PAR JEAN MEÏSSA DIOP
UNE DÉMOCRATIE AU DISCOURS INSURRECTIONNEL
EXCLUSIF SENEPLUS - Les acteurs, du côté du pouvoir comme de l’opposition, clament leurs convictions dans ce système, mais se laissent aller à des actions fort insolites, voire en contradiction formelle avec le jeu démocratique
La démocratie sénégalaise – ou « à la sénégalaise » – charrie souvent de ces paradoxes qu’on s’étonne de constater dans un tel système politique. Les acteurs, du côté du pouvoir comme de l’opposition, clament leurs convictions dans ce système, mais se laissent aller à des actions et à des proclamations fort insolites, voire en contradiction formelle avec le jeu démocratique. En lieu et place de confrontations d’idées, on assiste plutôt à ce que le leader syndical Iba Ndiaye Diadji appela un « débat physique ». Et les tirades entendues de part et d’autre, ces temps-ci, laissent croire que les urnes ne seraient qu’une clause de style et que la violence va trancher l’adversité.
« Il est temps de brûler le Conseil constitutionnel et toute la magistrature », écrit sur sa page un facebooker. Invité à « Autour du Micro » du journal « Dakar Matin », un ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, martèle que « Macky a transformé notre démocratie en une dictature ».
Des déclarations aussi ahurissantes sont tout sauf concevables dans un pays cité en référence à travers le monde comme un modèle éprouvé de démocratie. Ceux qui décernent ainsi cette distinction au Sénégal peuvent avoir été déçus – et à juste raison – en lisant dans la presse qu’un ministre de la République du Sénégal, Mame Mbaye Niang, en l’occurrence, a déclaré que « moi, personnellement, j’ai déjà recruté mes gros bras ». Et pour lui porter la réplique un personnage loufoque appelé Omar Faye Leeral Askan Wi avertit disposer de « 500 baye fall prêts à anéantir les gros bras de Mame Mbaye Niang ».
Et l’opposition regroupée dans un cadre dénommée C25 (Collectifs des 25 candidats de l’opposition recalés comme acceptés) promet d’empêcher le candidat Macky Sall d’effectuer sa campagne électorale. La menace est si grave que des organisations de la société civile y ont lu comme des déclarations aux « relents d’appel à l’insurrection ».
Il y a comme une veillée d’armes à deux semaines de l’ouverture de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 24 février 2019. Les titrailles de la presse traduisant le climat entretenu par les adversaires politiques ne reflètent guère l’ambiance d’une démocratie. Le Collectif des 25 candidats courroucés contre la décision du Conseil constitutionnel invalidant leur candidature, promet de « s’opposer à la campagne du président sortant Macky Sall et la déclare « invalide ».
« Il y aura confrontation par tous les moyens », titre le journal Le Quotidien dans son édition du 22 janvier 2019. « On va s’opposer au déroulement de la campagne » (Le Quotidien 22 janvier 2019) ; « Le Sénégal au bord du précipice » (page Facebook) ; « L’opposition opte pour la confrontation », titre, de son côté, Wal Fadjri du 22 janvier 2019. « Les germes d’un soulèvement populaire », alerte DakarTimes des 19-20 janvier 2019.
« Personne ne peut déstabiliser ce pays », réplique le chef de l’Etat Macky Sall, lors de l’inauguration de la grande mosquée rénovée de Guédiawaye.
Et pourtant, tout porte à croire que le Sénégal ira aux urnes le 24 février 2019 ; parce que, ces proclamations contraires, certes à la démocratie ne sont pas une nouveauté ; il y en a eu de similaires comme cette « Initiative pour démettre Wade » (Idewa) dont une des figures de proue, en l’occurrence Serigne Mbacké Ndiaye, sera un des zélateurs du président Wade et dont il sera le ministre, avant de le lâcher pour se jeter aux pieds du président Macky Sall. Démettre Wade avant la fin de son mandat inscrit dans la Constitution de la République. Aujourd’hui, les opposants au président Sall ont un langage similaire en parlant de « résistance », de « déloger Macky », de « le chasser du palais ». Le fameux 23 juin 2011, jour où le président Wade tenta de faire voter par les députés une loi instituant ce que d’aucuns appelèrent un dauphinat, les insurgés, malgré la mise à feu et à sang du périmètre de l’Assemblée nationale, ne franchirent pas le Rubicon de ceux qui haranguaient « au palais ! au palais ! » - sous-entendu pour y prendre le pouvoir par la force et attenter contre la démocratie.
Mais, à l’expérience, ces menaces n’auront été que bravades – mais tout bravades qu’elles soient, cette violence verbale est une incongruité en démocratie et ne rassure guère quant aux convictions des auteurs à un jeu démocratique sain et apaisé.
À LA DÉCOUVERTE DE GAYNAKO
Ibrahima Kane, jeune mauritanien ayant fait ses classes entre le Sénégal, la France et les Etats-Unis, présente sur le plateau de VOA, les innovations de son entreprise spécialisée dans le marketing digital
Ibrahima Kane est d'origine mauritanienne, évoluant dans le domaine du marketing. Sur le plateau de Jacques Aristide, il présente ses innovations à travers son entreprise, Gaynako.
PAR MOUHAMADOU MOUSTAPHA SOW
RÉHABILITER L’ŒUVRE DE MAMADOU DIA
La rénovation du building administratif doit être l’ultime occasion pour le chef de l’Etat de réhabiliter celui fut le bâtisseur de notre Etat moderne, le premier président du Conseil de gouvernement du Sénégal
Le 25 janvier 2009 Mamadou Dia, ancien président du Conseil de gouvernement décédait. Il nous quittait après une vie politique et patriotique bien remplie. Cinq jours après l’anniversaire de son décès, le président de la République, Macky Sall, procédera à l’inauguration officielle des travaux de réhabilitation du building administratif, siège administratif du gouvernement du Sénégal. Pour ma part, la réhabilitation de ce bâtiment doit être l’ultime occasion pour le chef de l’Etat de réhabiliter celui fut le bâtisseur de notre Etat moderne, le premier président du Conseil de gouvernement du Sénégal, Mamadou Dia. Incontestablement toutes les raisons militent en faveur de ce devoir de mémoire à l’endroit d’une figure emblématique qui a incarné toute sa vie durant la splendeur et le prestige de l’Etat Sénégalais.
Il me semble, en effet, incompréhensible qu’en dépit des immenses services rendus au Sénégal et du combat politique qu’il amené pour l’accession du Sénégal à l’indépendance que Mamadou Dia n’ait pas encore reçu de la Nation les hommages dignes de son rang. A ma connaissance, aucune rue encore moins une avenue, aucun édifice administratif établi à Dakar ne porte le nom de celui qui a été, contre vents et marées, à l’origine du transfert de la capitale de Saint-Louis à Dakar en 1957. Sur cette question précisément, l’histoire, à commencer par ses adversaires notamment du PRA-Sénégal, lui a, aujourd’hui donné raison. Mieux, étant vice-Président du gouvernement de la Loi-Cadre, puis président du Conseil du gouvernement, Mamadou Dia est le seul et l’unique sénégalais ayant signé l’acte de naissance de l’indépendance du Sénégal. C’est pour cette raison qu’il me plait dire avec aisance, que si Senghor a construit la Nation, Mamadou Dia fut le bâtisseur incontestable de l’Etat. C’est toute la signification et la pertinence du couple « Etat-Nation » qui constitue le socle de notre République. Dès lors, les leçons de l’histoire nous enseignent l’effort nécessaire et permanent d’équité et de justice que gouvernants et citoyens sont invités à méditer constamment dans le cadre du devoir de mémoire que nous devons accomplir vis-à-vis des pères de notre indépendance.
Malheureusement, les aléas et vicissitudes de l’histoire politique contemporaine ont très souvent relégué Mamadou Dia dans l’oubli et les tenants de l’histoire « officielle » l’ont dépeint souvent comme un dirigeant autoritaire et anti-système au point qu’une bonne partie de la jeunesse dispose de peu de connaissances sur celui qui est à la base de l’indépendance nationale de notre pays.
C’est pour cette raison qu’à sa mort le 25 janvier 2009, les rares hommages qui avaient été organisés à Dakar ou à Paris et le peu de connaissance des jeunes étudiants interrogés à son propos m’avaient poussé, à l’époque, à porter mon sujet de grande enquête de fin d’études au CESTI sur cette figure emblématique de la vie politique sénégalaise. L’enquête eut comme titre : « Mamadou Dia, un homme politique controversé ».
Très vite, au fil de mes enquêtes, je m’aperçus que la carrière politique de Mamadou Dia a fait souvent l’objet de beaucoup de controverses. Plusieurs exemples en donnent l’illustration. Déjà, au lendemain de sa disparition, les discussions surgirent çà et là au sujet principalement de deux points : l’hommage national dû à son rang de président de Conseil du gouvernement et la réouverture de son procès sur les évènements de 1962. Pour les uns, Dia n’a pas eu les hommages qu’il mérite de la Nation. Le gouvernement de Maître Abdoulaye Wade devait décréter un jour de deuil national et mettre le drapeau en berne, pour d’autres, son décès était une occasion devant permettre la réouverture du procès de l’homme sur les évènements de 1962. Sur ce point, il est bon de rappeler que malgré l’existence de faits probants plaidant amplement en faveur du réexamen des décisions rendues par la justice à l’époque, Mamadou Dia s’était toujours opposé à la réouverture du procès, d’après nos sources.
Ces controverses trouvèrent très vite une réponse au cours de mes enquêtes auprès de feu Justin Mendy, journaliste, très proche de Mamadou Dia, qui me fit la révélation suivante : « Mamadou Dia n’a jamais voulu les hommages de la nation, il était indifférent à cela ; lorsque je lui demandais la raison, il s’empressait de préciser que c’est la postérité qui jugera et appréciera la valeur et la portée de son action ». Dans le même ordre d’idées, je fis aussi la rencontre du Secrétaire général de son parti, Massène Niang, qui me fit également la même confidence non sans ajouter que : « Dia est immortel, ses œuvres sont là même si le gouvernement de Maître Abdoulaye Wade ne lui rend pas cet hommage qu’il mérite ; nous allons organiser des conférences et des tables rondes pour le lui rendre et perpétuer son œuvre ».
Malgré cette polémique, plusieurs conférences furent organisées à Dakar et à Paris pour célébrer cette figure politique de l’échiquier politique sénégalais. A travers ce travail de recherches, je découvrais comment la personnalité de Mamadou Dia et son leadership fondé sur l’exercice de son autorité personnelle et de sa rigueur dans la gestion des affaires de l’Etat s’incarnait dans les grands événements qui ont marqué cette période de transition politique (1957-1962). Je pense notamment au transfert de la capitale de Saint-Louis à Dakar, au référendum de 1958, à la crise de la fédération du Mali, à la grève générale des travailleurs de 1959, à sa position sur l’indépendance du Sénégal et à ses relations heurtées avec les milieux d’affaires de l’époque. A toutes ces occasions, Mamadou Dia ne transigea jamais sur les intérêts supérieurs de l’Etat sénégalais. A toutes ces étapes, je découvris un homme imbu de valeurs éthiques et morales et dont la seule et unique motivation qui guidait son action était l’amour ardent pour son pays. Je compris que Mamadou Dia avait très tôt compris et était même en avance sur son époque sur les voies et moyens que le Sénégal devait emprunter pour le chemin du développement. Pour Mamadou Dia : « Bâtir une nation exige de nous une révolution interne, celle de notre style de vie, celle des structures sociales périmées, celle des structures économiques archaïques, celle de l’appareil administratif inadapté ».
Conformément à cette vision, Mamadou Dia et son équipe initièrent des réformes en profondeur des structures de pilotage et d’encadrement notamment du monde paysan et rural. C’est ainsi qu’à la suite de plusieurs missions d’études réalisées sur le terrain, Mamadou Dia, en économiste s’abreuvant aux principes idéologiques de l’école Perroussienne de la destruction créatrice, mit en place les outils d’exécution de sa politique économique et sociale. Il s’agit de la création du Centre d’expansion rurale (CER), de l’Office de Commercialisation agricole (OCA) et de la Banque sénégalaise de développement (BSD), etc.
Pour permettre une adhésion du monde paysan à sa politique de réformes dans un contexte profondément dominé par l’économie de traite et de la toute-puissance des traitants des maisons de commerce et la panoplie d’intermédiaires qui les accompagnait, Mamadou Dia introduit une innovation éducative majeure avec la mise en œuvre de l’animation rurale. Il s’agit, selon ses termes à travers cette politique d’animation rurale « d’accueillir des groupes d’animateurs paysans désignés démocratiquement par leur communauté » et qui contribuerait ainsi « à l’établissement d’une relation contractuelle entre l’appareil d’Etat intégré, organisé et les cellules de base, qui était le garant du socialisme et redéfinissait le rapport entre l’Etat et la Nation » (Dia, 2001 : 156).
C’est au regard de cette œuvre gigantesque que nous souhaitons vivement que le building administratif rénové dont il fut le premier occupant porte son nom. Par ce geste, le président de la République, Macky Sall, aura ainsi, réconcilié Mamadou Dia et son peuple.
PAR ELHADJI DANIEL SO
L’ITALIE CASSE LA TIRELIRE “FRANCE-A-FRIC”
Du moment que la place qu'occupe l’Afrique dans les intérêts de la France au niveau mondial n'est plus à démontrer, que leur (aux deux) arrivera-t-il si le cordon ombilical était définitivement coupé ?
L’exploitation morbide, voire inhumaine durant les 5 derniers siècles de l’Afrique par l’Occident pèse tellement sur le passé, le présent et le futur des deux entités au point que l'on s'attendait tôt ou tard à ce que ce dernier paie, de façon directe ou indirecte un lourd tribut à son suprémacisme hérétique. Qu'il soit en nature ou en délires anthropophasiques [1], l'essentiel est qu'il (l’Occident) n'en sorte pas indemne, et que ses dirigeants n'échappent pas au couperet divin. Celui-là même qui nous exhorte à combattre l'arrogance, porteuse des germes d’une autosuffisance aveugle qui pousse à l’abus. Car, quoi que vous fassiez, un jour, il vous sera rendu. Et “jour” ne pourrait être meilleur que celui du Seigneur à savoir ce dimanche 20 janvier 2019.
Du coup, le premier pays à être rattrapé par ses vieux démons “africains”, n'est ni plus ni moins que l’Italie, classée - tenez vous bien - en tête des pays européens dans le dernier rapport de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique) portant sur les investissements directs - nous, nous disons plutôt ciblés - en Afrique durant les années 2015 et 2016 grâce à sa société nationale italienne des hydrocarbures - ENI (en italien Ente Nazionale Idrocarburi), qui, à elle seule polarise plus de 70% de l'ensemble de ses investissements dans le continent avec un volume total de 11,6 milliards de dollars derrière la Chine, à l'échelle mondiale (38,4 milliards dollars), suivie des Émirats arabes unis (14,9 milliards dollars) et des Etats-Unis (10,4 milliards dollars). Fort heureusement que “ce n'est pas en accusant son prochain d'un forfait que l'on peut pour soi-même éviter un châtiment.”[2]
Paradoxalement, c'est bien Signore Luigi Di Maio, se estesso - lui-même, vice-président du Conseil italien, chef de file antisystémiste du Mouvement 5 Étoiles (M5S), et par ailleurs ministre du Développement économique du gouvernement qu'il partage avec la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini (ministre de l’Intérieur), qui, en déplacement de campagne dans l'Est de Rome, s'est convulsivement mis à vendre la mèche en faisant office de balance. Ce qui n'est certes pas bon ni mauvais, mais tout dépend de ce qui se trame derrière sa pensée, pour reprendre Sir William Shakespeare !
Les collines et montagnes de la région des Abruzzes, lui ont servi de vases communicants pour décharger abyssalement sur la France en l'accusant publiquement "d’appauvrir l’Afrique" et “d’aggraver la crise migratoire” ; tout en étalant au grand jour leur modus operandi et avouant inconsciemment leurs pêchés communs. Puis s'ensuit le grand déballage du linge sale partagé pendant plusieurs siècles de domination. Il poussa le bouchon plus loin en arguant que “Si aujourd’hui il y a des gens qui partent, c’est parce que certains pays européens, la France en tête, n’ont jamais cessé de coloniser des dizaines de pays africains", puis pestant ouvertement que "il y a des dizaines de pays africains où la France imprime une monnaie, le franc des colonies, et avec cette monnaie, elle finance la dette publique française". En guise de conclusion, il renchérit que "si la France n’avait pas les colonies africaines, parce que c’est ainsi qu’il faut les appeler, elle serait la 15e puissance économique mondiale alors qu’elle est parmi les premières grâce à ce qu’elle est en train de faire en Afrique" ; avant de finir par exhorter que "l'UE devrait sanctionner la France et tous les pays qui comme la France appauvrissent l'Afrique et font partir ces personnes (les migrants), parce que la place des Africains est en Afrique pas au fond de la Méditerranée."
Bis repetita, un des députés de son Mouvement, et pas des moindres, Alessandro Di Battista (membre du directoire depuis 2014) ne s'est pas fait prier pour lui emboiter le pas en brûlant en direct au cours d’une interview sur Rai1, un billet de banque de 10 000 francs CFA ; cela sans omettre d’attaquer virulemment le système colonialiste français en Afrique en ces mots « disons franchement des colonies françaises, CFA… Si nous n’abordons pas la question de la souveraineté monétaire en Afrique, tout ceci ne sert à rien. Actuellement la France près de Lyon, imprime la devise utilisée dans 14 pays Africains. Tous ces pays africains, précisément de la région subsaharienne qui, non seulement ont une monnaie imprimée par la France mais pour maintenir un taux fixe d’abord avec le franc français et aujourd’hui avec l’euro », avant de terminer par “ces pays sont obligés de payer environ 50% de leur argent sur un compte courant géré par le trésor français, avec lequel vous payez un montant négligeable de dette publique française à environ 0,5%. Mais surtout la France à travers cela, contrôle la géopolitique de cette région où vivent 200 millions de personnes qui utilisent un billet de banque et pièce imprimés en France. Elle gère également la souveraineté de ces pays, empêchant ainsi leur indépendance légitime, souveraineté monétaire et valeur fiscale, sans oublier la possibilité de faire des politiques expansionnistes, jusqu’à ce qu’ils vont déchirer ce qui n’est qu’une escroquerie pour moi, un fac-similé et une menotte pour les peuples Africains. »
Comme seule réponse à apporter face à de si graves accusations, nous n’avons eu droit qu'à la convocation de l’ambassadrice d’Italie à Paris (Teresa Castaldo) au quai d'Orsay et cette phrase lapidaire d'un bouc émissaire à court d'idées “la France ne jouera pas au « concours du plus bête »” de la part de Nathalie Loiseau, la ministre française des Affaires européennes au sortir du Conseil des Ministres du mercredi 23 Janvier 2019.
Waouh ! Quoique ces différentes déclarations consistant à se rejetter mutuellement la faute ne les dédouanent pas d'être autant coupables et complices de part et d'autre, le moins que l'on puisse dire est que les extrémistes italiens anti-immigration ont dit tout haut ce que de moins audibles voix ont depuis toujours tenté de faire entendre en vain. Cela, avec la lâcheté sournoise de la communauté internationale qui, à coup sûr, n'arrête pas consciencieusement de le penser tout bas ! Ce que, bien avant eux, de nombreux intellectuels européens, français, de surcroit, à l'instar du Socialiste humaniste et spécialiste du développement, René Dumont [3] ainsi que l'économiste - historien et un des porte-étendards dénonciateurs de la politique africaine de la France, François‐Xavier Verschave [4] n'ont cessé de décrier à travers leurs ouvrages.
De la traite négrière à la « France-à‐fric » en passant par la colonisation suivie de la “Françafrique”, la France nous a nargués avec le même scénario digne d'un film de mafia italienne. France-Afrique, cette expression du président ivoirien Félix Houphouët‐Boigny créée en 1955, désignant à l’origine les relations loyales entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique subsaharienne est dévoyée « Françafrique » puis “France-à-fric” par son concepteur et droit de l’hommiste François-Xavier Verschave qui la décrit comme : « une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisé sur l’accaparement de deux rentes : les matières premières et l’Aide publique au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative hors du cercle des initiés. Le système autodégradant se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie ».
Pour l'affirmer, nous vous livrons synthétiquement la clandestinité dans laquelle, cette politique basée exclusivement sur la mainmise à tout prix sur l’Afrique est opérée en toute ignobilité au coeur de l’Élysée.
Aujourd’hui et plus que jamais, «Rester à l’ombre pour ne pas attraper de coups de soleil», comme disait ironiquement à qui voulait l'entendre et coopérer le grand maître d’oeuvre de la Françafrique, Jacques Foccart, secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974, représente l'unique méthode qui vaille pour que “Tout part d’elle (France) pour aboutir à elle, sans laisser aucune possibilité, aucune ouverture, aucune initiative aux anciennes colonies, nouvellement indépendantes qui travaillent désormais sous sa direction”, aimait rappeler René Dumont, le grand défenseur de la cause des agriculteurs africains.
Ce stratagème qui remonte aux années 50, tout au début de la floraison d'indépendances accordées aux colonies françaises d’alors, coïncidant avec la naissance des « réseaux Foccart », se caractérise par le rôle des réseaux extra-diplomatiques (services de renseignement, relations privilégiées avec les dirigeants africains, entreprises, etc.) et l'ingérence directe des autorités françaises dans les affaires intérieures des anciennes colonies ; et ce, dès la proclamation de leur soit disant autonomie. D'où son livre visionnaire que certains qualifient même de “prophétique” dénommé “L’Afrique noire est mal partie - Éditions Seuil, 1962.”
Au grand dam du ministère des Affaires étrangères, la politique africaine de la France a toujours été concoctée, au vu et au su de tous, au palais de l’Élysée où quasiment tous les présidents de la Vème République française et leurs conseillers se retrouvent périodiquement autour d'une officieuse “cellule africaine” pour décider unilatéralement du sort de l’Afrique en contre partie de l'assistance militaire et de la stabilité financière qu'ils se targuent de lui offrir afin de mieux maintenir l’influence sur elle qui, à y regarder de plus près semble devenir inhérente au progrès de la France.
Dès lors, du Général de Gaulle à Emmanuel Macron en passant par Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, l’esprit d’Afrique continue de planer entre les murs élyséens et l'indispensabilité de son contrôle constamment dans leur ligne de mire pour demeurer dans le Top 10 sur le plan économique mondial. Afin de brouiller les pistes et de ne pas éveiller des soupçons de récidive d'un colonisateur des temps modernes, il lui a fallu juste avoir l'ingéniosité de faire disparaître progressivement les traces par des jeux de mots en faisant passer respectivement la fameuse “cellule africaine ” indissociable de la personne de son fondateur Jacques Foccart à “Cellule Afrique” ensuite “conseiller pour les affaires africaines” puis «mentor africain» enfin “conseiller diplomatique Afrique” avant d'atterrir sur “la favorisation du contact direct.”
Sachant maintenant qu'avec cette dernière option, la France, se doit d'élargir autant que possible son champ d'action, une armada de maillons est mise en place pour sécuriser la chaîne d'exploitation. Ainisi, elle ne lesine sur aucun moyen pour ratisser large en bloquant toutes les issues de sortie à l’Afrique.
Pour vous donner un ordre d'idées sur l'ampleur de cette manoeuvre malsaine, nous vous renvoyons vers le dossier du 2 juin 2010 de l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique titré : «France-Afrique, les nouveaux réseaux».[5] En avant goût, vous y verrez comment à travers les ONG et associations, les cabinets d'avocats d'affaires, les camaraderies entre générations, les médecins, les intellectuels et même les loges maçonniques, la France parvient - elle à mailler le territoire africain par une infiltration de ses citoyens convertis patriotiquement en éléments de renseignements dans tous les secteurs et domaines de prédilection via l'entité “Élysée connection”. Quant à nous, nous avions mis les pieds dans le plat avec notre contribution en date du 21 septembre 2017 intitulée “Le Franc CFA, cette énigmatique monnaie communautaire !” qui révèle l'emprise que la France sur l’Afrique avec le Franc CFA comme épée de damoclès.
Du moment que la place qu'occupe l’Afrique dans les intérêts de la France au niveau mondial n'est plus à démontrer, que leur (aux deux) arrivera-t-il si le cordon ombilical était définitivement coupé ? …...
Qu’Allah SWT veille sur l’Afrique notamment sur NOTRE CHER Sénégal et nous préserve du fatum obscur … Amen
NOTES :
[1]. Le délire anthropophagique est une conviction psychotique : boire le sang de l'homme rapprocherait l'anthropophage du divin ;
[2]. Citation de Samuel Ferdinand-Lop ; Les nouvelles pensées et maximes (1970) ;
[3]. René Dumont - L’Afrique noire est mal partie - Éditions Seuil, 1962 ;
[4]. François-Xavier Verschave - La Françafrique : Le plus long scandale de la République, 1998, Stock, 380 p ;
Dix ans après la mort de l'ancien président du Conseil (1957 à 1962), son ancien directeur de cabinet, Roland Colin, choisit de confier l’intégralité de ses douze heures d’entretiens enregistrés à Dakar entre 1975 et 1978, à RFI
RFI |
Valérie Nivelon Maxime Grember |
Publication 25/01/2019
C’est une archive sonore inédite où le premier président du Conseil du Sénégal revient sans aucune concession ni amertume sur la crise de 1962 et ses années de prison, suite à son arrestation ordonnée par son mentor Léopold Sédar Senghor, premier président de la République sénégalaise. Mais le témoignage de Mamadou Dia ne se résume pas à l’événement de 1962, aussi tragique soit-il. Sa dimension autobiographique revisite toute l’histoire de la lutte anticoloniale depuis les années 1930. Celle d’un instituteur africain et musulman, dont l’idéal nationaliste ne souffrait aucun compromis avec la France. À la proposition de Senghor de le libérer contre son engagement à renoncer à la politique, Dia a répondu qu’il préférait « vivre libre en prison plutôt que d’être prisonnier dehors ».
Avant de découvrir La voix Mamadou Dia, la série documentaire en trois épisodes diffusée en exclusivité dans La marche du monde sur RFIà partir du dimanche 17 mars à 11h10 TU, Roland Colin revient sur l’histoire de cette archive sonore et sur la dimension biographique du récit de Dia.
RFI : Dans quelles circonstances avez-vous réalisé ces entretiens ?
Roland Colin : J’ai retrouvé Mamadou Dia à Dakar en 1974, juste après sa sortie de prison et je lui ai dit que son témoignage était fondamental, que son histoire devait désormais être intégrée à la grande Histoire et qu’il devait reprendre la parole pour que tout le monde puisse entendre ce qu’il avait à dire.
Il a été très heureux de cette proposition, mais comme il était devenu presque aveugle et qu’il ne pouvait plus écrire, il a accepté de témoigner oralement et de revenir sur son parcours, de son enfance jusqu’à son emprisonnement en 1962.
C’est dans ce contexte que son récit autobiographique a été enregistré. Le travail de mémorisation a été fait par étape. Nous nous sommes vus une quinzaine de fois chez lui à Dakar entre 1975 et 1978. Ce travail lui a permis d’écrire son livre autobiographique : Afrique, le prix de la liberté (aux éditions L’Harmattan).
J’ai soigneusement gardé ces enregistrements et j’ai décidé aujourd’hui, à 90 ans, d’en faire don à RFI pour l’émission de Valérie Nivelon, La marche du monde. Il est important que ces archives puissent être connues de tous, car elles nous donnent à entendre la voix de Mamadou Dia, acteur de l’indépendance du Sénégal, mais aussi figure incontournable de la décolonisation en AOF (Afrique-Occidentale française) et en Algérie.
Quand entrez-vous au cabinet de et Mamadou Dia et quelle fonction occupez-vous ?
La loi-cadre Deffere du 23 janvier 1956 permet de créer pour la première fois un gouvernement sénégalais, et c’est le parti de Léopold Sédar Senghor qui occupe la position de responsabilité. Léopold Sédar Senghor nomme Mamadou Dia à la tête du gouvernement.
A la demande de Léopold Sédar Senghor, j’entre au cabinet de Mamadou Dia en juillet 1957, que je connaissais et pour qui j’avais de l’estime. Mamadou Dia me confie plusieurs missions importantes ; travailler à la fédération des Etats d’Afrique occidentale, suivre le transfert de la capitale de Saint-Louis à Dakar et l’accompagner dans la mise en place de sa politique de développement économique ; l’animation rurale.
Peut-on établir des comparaisons dans les parcours et les origines de Senghor et Dia ?
Mamadou Dia vient d’une classe pauvre. Il n’appartient pas au milieu de la bourgeoisie urbaine, à l’inverse de Léopold Sédar Senghor, dont le père était bien ancré dans le milieu des affaires.
Léopold Sédar Senghor a été extrait de son milieu dès l’âge de 7 ans. Il a été envoyé à l’école où on lui a appris le français et le wolof, alors que sa langue maternelle était le sérère. Il a découvert la religion et la culture française, tout en étant travaillé par l’aiguillon de la culture première perdue et qu’il appelait son royaume d’enfance. Dès lors, il va être obsédé par le retour à cette culture perdue ; la négritude, selon lui, qui sera vue comme une reconquête de soi. Il arrive à Paris en 1928 et il y restera jusqu’en 1945.
Quand il revient au Sénégal, il entend parler de Mamadou Dia, qui était un jeune instituteur et qui faisait un travail formidable avec les paysans sénégalais. Il rencontre un garçon en pleine possession de sa négritude première et sera dès lors fasciné par la négritude de Dia, qui venait de créer, avec un groupe d’amis, le cercle de l’authenticité, véritable creuset de la négritude accomplie.
De son côté, Dia considérait que la religion ne pouvait être un facteur discriminant pour s’intéresser aux autres, ce qui explique pourquoi il a accueilli Senghor (chrétien) avec beaucoup d’ouverture.
Dans quelle mesure la religion apparaît comme une clé de compréhension de la personnalité et de l’éthique politique de Mamadou Dia ?
Son témoignage nous permet de comprendre l’importance qu’a joué son père dans sa vie. Cet « homme digne et extraordinaire », comme il le qualifiait, était agent de police rurale et il incarnait à ses yeux la rectitude et la loi. Sa mort accidentelle va profondément le marquer et renforcer sa foi.
Par la voie d’un islam soufi que lui a transmis son père, la religion était de l’ordre du personnel et il était révulsé de voir l’utilisation de l’islam par les marabouts. Il voulait faire une grande assise nationale sur l’islam et le développement, mais cela n’a pas pu se faire à cause des événements de 1962.
D’où vient son intérêt pour les questions économiques ?
Il devient instituteur, puis comme directeur de l’école régionale de Fatick, il écrit pour des journaux dans lesquels il décrit la misère du monde paysan qu’il connaît bien. Ses articles portent essentiellement sur les questions économiques. Il préconise le regroupement des paysans en coopératives, voie idéale pour leur émancipation. Cette idée marquera par la suite sa pensée politique.
Comment Mamadou Dia est-il entré en politique et a-t-il créé le Bloc démocratique sénégalais (BDS) avec son mentor Léopold Sédar Senghor ?
D’abord réticent à l’action politique, il accepte de se présenter à la demande des habitants de Fatick qui souhaitent le voir candidat au conseil général. Parrainé par Senghor, il se présente sous l’étiquette SFIO.
Ses relations avec Lamine Gueye, leader de la SFIO, se détériorent et avec un groupe de camarades contestataires, dont Léopold Sédar Senghor, il décide de s’impliquer dans la création du BDS.
Pour quelles raisons Mamadou Dia entretient-il des relations privilégiées avec les religieux et avec les syndicalistes pour créer le BDS ?
Le contact avec les religieux et les syndicalistes a permis au BDS de se structurer et de s’étendre, là où la SFIO n’avait pas d’influence.
Mamadou Dia était proche du militant syndicaliste Ibrahima Sar, qui était l’animateur de la grande grève des chemins de fer de 1947. Ibrahima Sar a été ministre du Travail et de la Fonction publique dans le gouvernement de Dia. Il restera fidèle et solidaire à Dia lors des événements de 1962. Il sera emprisonné au même titre que Dia pendant douze ans. Il est mort peu de temps après, suite à une maladie mal soignée pendant son emprisonnement.
En quoi l’année 1958 est-elle un tournant dans la politique sénégalaise ?
L’année 1958 est celle de l’effondrement de la IVe République française. Le général de Gaulle arrive au pouvoir et accepte de faire un pas supplémentaire vers l’autonomie des territoires de l’AOF en proposant un grand référendum sur l’ensemble de l’espace d’influence française, où les pays doivent choisir entre deux options : prendre l’indépendance immédiatement ou se fédérer au sein de la communauté française…
Gros débat, car choisir l’indépendance, c’est émerger sur le plan international sous la forme d’un petit Etat et compromettre les chances réelles d’émancipation sur le plan économique et géopolitique. Le Sénégal, avec d’autres, choisit le statut d’Etat membre de la communauté, en annonçant qu’il transforme son système intérieur de telle sorte à être apte à assumer les responsabilités de l’indépendance. Le Sénégal se donne quatre ans pour transférer son économie.
Comment Mamadou Dia s’y prend-il pour transformer l’économie de son pays ?
Dia avait une formation économique, ce qui était précieux et rare pour un responsable africain de cette époque. Et comme le Sénégal vivait encore dans l’économie de traite colonialiste, il va choisir la voie de l’économie sociale pour transformer l’économie de l’arachide et créer les coopératives paysannes, qui seront de véritables lieux d’apprentissage de la démocratie. Il se fixe comme objectif de réaliser ce travail de formation et de transformation sur quatre ans.
Il lui faut un outil d’éducation paysanne pour permettre à la population de gérer ce qu’il lui est proposé ; ce sera l’animation rurale. Dia va parler d’une économie démocratiquement contractuelle et d’un socialisme humaniste - et non bureaucratique - selon les références culturelles du peuple. A partir de là, son gouvernement va proposer aux paysans de s’organiser en coopératives paysannes, puis il va choisir de réformer l’administration pour que celle-ci soit une administration de partenariat. Dia va appeler ce système de cogestion et d’autogestion le « socialisme africain humaniste ».
C’est à cette période que vous débutez votre collaboration avec Mamadou Dia ?
Oui. Accordé à cette idée, Mamadou Dia me demande de prendre la tête de son cabinet. Ce seront quatre années passionnantes de mise en place du développement de l’animation rurale. Une étape nécessaire pour passer de l’autonomie à l’indépendance.
Comment se met en place l’animation rurale ?
L’Etat met en place un plan de développement sur quatre ans pour chacune des régions : 750 coopératives sont créées la première année. L’Etat crée une banque de développement et un office de commercialisation, ce qui permet de sortir de l’économie de traite. Sur les 600 000 tonnes d’arachide produites chaque année, 150 000 tonnes le sont par le biais de l’économie sociale. Les protagonistes extérieurs n’y croient pas et pensent que les Noirs sont incapables de se gérer eux-mêmes… Au bout de la première année, tout marche au cordeau.
Lors de la deuxième année, 1 500 coopératives sont créées et 300 000 tonnes d’arachide sont produites. Tout marche normalement et les protagonistes extérieures hostiles au régime commencent à avoir peur et pensent que si l’on passe à 75%, ce sera irréversible… Dès lors, il faut « abattre » Dia avant la troisième année.
Comment les opposants de Mamadou Dia vont-ils s’y prendre pour faire tomber son gouvernement ?
Les opposants forment une coalition comprenant trois composantes : « les firmes de commerces internationaux », « les grands marabouts sénégalais » et « le personnel des administrations ». L’objectif est de faire renverser le gouvernement avant la troisième année en déposant une motion de censure par les députés qui s’opposent à la politique de Dia.
Entre-temps, Senghor avait pris les fonctions de président de la République. Dia était toujours chef de gouvernement et pouvait orienter le gouvernement avec la confiance de Senghor, qui pouvait arbitrer en cas de crise. La gestion de Dia est critiquée. Il reprend contact avec certains dirigeants venant des pays de l’Est, notamment la Yougoslavie dont le principe d’autogestion l’intéresse. Les ennemis de Dia intoxiquent Senghor, car le socialisme de Dia mènera au communisme qu’on lui présente comme une destruction pour l’Afrique. On fait croire à Senghor que Dia est en train de monter un complot contre lui pour transformer le Sénégal en République islamique. Progressivement, Senghor va se laisser envahir par cette idée.
Comment Mamadou Dia décrit les événements de 1962 dans vos entretiens ?
Senghor s’était installé dans un protocole « élyséen », si bien que Dia n’avait plus le même accès à Senghor qu’auparavant pour discuter simplement.
Les députés frondeurs déposent une motion de censure alors qu’ils sont issus du même parti que Dia et Senghor. Ils programment le vote de la motion de censure avant que le Conseil national ne se réunisse. Dia se trouve face à un dilemme politique et moral ; s’il laisse faire, c’est toute la politique menée depuis des années qui s’écroule. Il faut donc convaincre les parlementaires avant que le parti ne se réunisse, ce qu’il ne réussit pas à faire. La motion de censure est votée. En parallèle, la Constitution change et on passe au régime présidentiel. Dia est embarqué par l’armée. La nouvelle est répandue : Dia a tenté un coup d’Etat, la presse est sous contrôle, et on dit que Senghor a sauvé la démocratie d’un coup d’Etat.
Ou étiez-vous à ce moment précis ?
Un mois avant les événements de 1962, j’étais au cabinet de Dia et j’avais encore accès à Senghor avec qui je pouvais discuter, car il avait confiance en moi, mais une tuberculose m’oblige à être évacué en France. J’apprends la nouvelle de l’emprisonnement de Dia à la radio depuis la France.
A quel moment revenez-vous au Sénégal ?
Senghor m’envoie un message et me dit que ma place est au Sénégal, et qu’il me confiera des responsabilités importantes quand je sortirai du sanatorium. Je lui réponds que je ne peux pas remettre les pieds au Sénégal tant que Dia est en prison. Senghor se fâche et interrompt ses relations avec moi. Je retrouve Paris en juin 1963 après huit mois au sanatorium et j’entre à la direction de l’Iram, l’Institut de recherche et d’applications des méthodes de développement. Madagascar et le Niger s’intéressaient aux méthodes de Dia et je leur servais d’interlocuteur.
Entre-temps, Dia est condamné pour coup d’Etat par une cour de justice constituée de parlementaires qui avaient voté la motion de censure, et est envoyé dans un centre de détention proche de la frontière du Mali.
En 1967, je reviens à Dakar pour un congrès international et je rencontre Senghor le lendemain de mon arrivée. Je lui rappelle l’estime que j’ai pour lui et que le tandem qu’il formait avec Dia était fondamental, que c’était une chance pour l’Afrique d’avoir un homme de culture et un économiste à la tête du gouvernement du Sénégal, et qu’ensemble ils doivent faire front commun pour mener le destin du Sénégal. Senghor veut bien envisager des mesures permettant la libération de Dia, mais il veut des garanties et me propose de faire l’intermédiaire pour mettre en œuvre sa libération.
Quel est votre rôle pendant les douze années de prison de Dia ?
Je continue d’écrire régulièrement à Senghor sans réussir à faire avancer les choses et un jour Senghor me fait venir à Dakar. Il me demande de porter le message suivant : « J’ai décidé d’envisager la libération de Dia à condition qu’il fasse l’engagement par écrit de renoncer à faire de la politique ». Je me charge de faire l’intermédiaire et Senghor me permet de rencontrer secrètement Dia en prison.
Je revois Dia en 1972 et lui expose les exigences de Senghor et il me dit qu’il considère la politique non pas comme un droit mais aussi comme un devoir. Il me dicte un texte que je remets à Senghor dans lequel il lui dit préférer « vivre libre en prison plutôt que d’être prisonnier dehors ». La lettre est transmise au cabinet de Senghor, qui estime que Dia fait sa mauvaise tête.
Entre-temps, Dia souhaite que son message soit connu et me demande que sa lettre soit envoyée à Houphouët-Boigny, alors président de Côte d’Ivoire. La réconciliation entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire bat son plein ; Senghor fait son voyage de réconciliation à Abidjan et invite Houphouët à Dakar. Houphouët-Boigny appelle l’ambassade du Sénégal et dit qu’il accepte à condition que Dia sorte de prison. Senghor reçoit le message et les négociations se rouvrent pour faire sortir Dia de prison. Un compromis est trouvé. Nous sommes en 1974.
Comment Dia a-t-il supporté ses douze années de détention ?
Ses conditions de vie étaient très dures. Il a tenu le choc moralement et spirituellement en le prenant comme une épreuve humaine et métaphysique. Une mission vis-à-vis de son peuple. Il a beaucoup médité, réfléchi, lu et écrit. Il en est sorti encore grandi.
J’ai beaucoup admiré sa force morale et sa sérénité. Dia a été séparé de ses cinq compagnons avec qui il n’a eu aucun contact pendant ces douze ans. Chacun dans son pavillon. Il a vécu dans une grande solitude et il ne pouvait recevoir de visite qu’une fois par trimestre. Il est sorti de ces longues années d’incarcération avec une volonté de liberté totale.
Dans quel état d’esprit retrouvez-vous Mamadou Dia à sa sortie de prison ? Une réconciliation était-elle envisageable avec Senghor ?
Dia était évidemment heureux de retrouver les siens et la liberté mais il n’était pas habité par un esprit de revanche. Il avait la conviction qu’il avait encore un devoir à accomplir dans la ligne de la démocratie participative.
Avec Senghor, on peut parler de reprise de contact et non d’une réconciliation. Dès que Dia est sorti de prison, il a demandé à être reçu par Senghor. Une fois dans son bureau, il s’est avancé vers lui, a ouvert les bras et lui a dit : « Alors, tu ne m’embrasses pas Léopold ? » S’en est suivi une conversation politique dans laquelle Dia lui a dit qu’il fallait impliquer davantage la société civile pour qu’elle puisse avancer vers la démocratie participative et qu’il souhaitait fonder une internationale africaine pour le développement. Senghor était interloqué par la demande de Dia.
Dia créée cette fondation en 1975 et commence à faire des voyages. Le gouvernement sénégalais lui a mis des bâtons dans les roues. Le projet a fonctionné deux ans. Dia a ensuite repris sa militance politique.
Né en 1928, Roland Colin entre à l'Ecole nationale de la France d'outre-mer en 1948 où il a Léopold Sédar Senghor comme professeur et avec qui il se lie d’amitié. Diplômé de l'Ecole des langues orientales, il commence sa carrière comme administrateur au Soudan français (actuel Mali) en 1952, puis au Sénégal en 1955.
En juillet 1957, à la demande du président Senghor, il est nommé conseiller technique dans le cabinet de Mamadou Dia, président du Conseil de gouvernement du Sénégal, puis chef du gouvernement de la République du Sénégal en 1958.
Suite à l’arrestation de Mamadou Dia en décembre 1962, Roland Colin abandonne toute fonctionne officielle et rentre en France pour entamer une carrière d’anthropologue et d’universitaire, spécialiste du développement des pays africains.