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30 avril 2025
Economie
Par CALAME
LES TAS D’URGENCES DIFFÉRÉES
Au moment où le virus a fini de prendre ses quartiers dans notre si accueillante terre d’inconscience et d’irresponsabilité, voilà que le pavillon lui est cédé. Et vogue la galère, toutes voiles dehors !
Le président de la République vient de délivrer les Sénégalais du corset de l'état d'urgence et du couvre-feu qui avaient fini par faire la preuve absolue de leur inefficacité. Le seul intérêt présenté par ces mesures a été à l'avantage de l'Exécutif.
En effet, abonné à l'exercice solitaire du pouvoir, il s'est arrogé les pleins pouvoirs, instaurant par voie de conséquence, un régime d'exception, suite à l'auto-confinement de l'Assemblée nationale qui s'est dépouillée allègrement de toutes ses prérogatives.
A la manière de la République romaine, qui a inauguré le recours à un dictateur exerçant une magistrature exceptionnelle avec l'attribution de tous les pouvoirs à un seul homme en cas de danger très grave, pour six mois au maximum. Dans le cas de Macky Sall, cela a duré un peu moins de quatre mois, période dans laquelle, il a légiféré sans contrôle ni toujours lisibilité, comme bon lui a semblé. Des sommes astronomiques ont été annoncées dépassant largement les mille milliards initialement alloués au Fonds Force Covid 19.
Les manquements et irrégularités notés dans l'attribution des marchés, le transport et la distribution des vivres, la politisation et le copinage sont vite passés aux oubliettes, dès la mise en place d'un Comité de Suivi aux pouvoirs inexistants. Au total, la Covid 19 aura été une aubaine pour ceux qui sont à la manœuvre.
Le recensement des bénéficiaires du programme de résilience, les données complémentaires engrangées, ajoutées au décompte des éligibles aux bourses familiales, sont autant d'acquis à comptabiliser en direction des échéances électorales majeures à venir. Notamment les élections communales et législatives qui préfigurent le profil gagnant de la présidentielle de 2024. Exit le Dialogue national piloté par Famara Ibrahima Sagna.
Le président Macky Sall a mis à profit le spectre de la pandémie pour amadouer "son" opposition au nom d'un consensus national douteux, et légitimer face à l'opinion, les tractations souterraines avec certains ténors qui, le temps d'une apparition au Palais de la République, sont retournés à leurs manœuvres en sous-sol. Ceux et celles qui ont fait le choix d'une opposition conséquente et vigilante, d'une citoyenneté active et pugnace, se verront conspuer par des individus de la meute allant jusqu'à leur denier tout "patriotisme".
Des membres du parti de la majorité et de l'entourage du président de la République ont même été taxés de déloyauté, de connivence, si ce n'est d'intelligence avec l'ennemi, simplement parce qu'incapables de défendre des mesures dont ils ignorent tout. Revient en boucle cette litanie : «on ne défend pas le président», désignant par-là de potentiels adversaires promis au supplice. En tout état de cause, la situation qui prévaut n’a pas l’heur de plaire puisqu’il se susurre un possible remaniement ministériel.
Dans l’esprit et dans l’expression de ceux qui se veulent les « boucliers» du président, un tel remaniement ne serait motivé, ni par la nécessité d’apporter des correctifs face à des insuffisances de résultats, ni par la volonté d’injecter un nouveau souffle à l’action gouvernementale, mais plutôt par le désir de venir au secours d’un chef qui souffrirait de ne pas voir une légion de séides s’ébranler, sabres au clair, pour charger l’ennemi. La logique qui prévaut voulant que : «être dans un système implique qu’on doive le défendre». Ce qui peut se traduire par, «on ne peut pas, on ne doit pas profiter des largesses du pouvoir et faire comme si de rien n’était». Est-ce pour autant la meilleure manière de défendre le chef de l’Etat ? Rien n’est moins sûr. Ne serait-ce que parce qu’il serait certainement plus efficient de se concentrer sur la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, à savoir l’accès à l’eau, à l’emploi, à l’éducation, à la santé, etc..
Ainsi, faut-il le rappeler, l’être humain habite le monde sous le signe d’une nécessité vitale : boire, manger, dormir, et avant tout respirer. Une nécessité souvent contrariée sous nos cieux par une perversité machiavélique dont certains gouvernants ont le secret et qui consiste à essayer de s’assurer le contrôle des populations en les installant dans la précarité pour ensuite, terrible retournement des choses, se présenter à elles sous le prisme de la bienveillance et de la sollicitude.
Tout à leurs calculs, ils donnent le sentiment de miser sur l’effet contraignant du besoin. Un état qui, tant qu’il n’est pas satisfait, maintient ceux qui en sont victimes dans une hébétude qui les rend dépendants, soumis à la pression du quotidien, dans l’impossibilité de se livrer à quelque chose d’autre, interdits de penser, sans nulle possibilité d’être celui ou celle qu’ils pourraient espérer être.
Forts de cela, nos dirigeants donnent le sentiment d’avoir pris le parti d’épouser une certaine perception du pouvoir, comme lieu à partir duquel, il est loisible de s’enrichir en ayant accès directement aux ressources. Etrange conception en effet que celle-là où tout s’articule autour d’une injonction portée par une vision prédatrice, jouissive du pouvoir. C’est dire la nécessité de déconstruire une telle conception, surtout en ces temps de revendication identitaire, voire de propension à se démarquer des symboles du colonialisme. Il serait par conséquent souhaitable de se réarmer moralement en se posant comme des constructeurs d’avenir adossés à leur héritage patrimonial.
A l’instar de cette recommandation de Souleymane Baal, leader de la Révolution Toroodo de 1776, fondateur de la théocratie du Fouta Tooro, en matière du choix de l’Imam et par extension du chef de l’Etat.
Ainsi avait-il conseillé : « Choisissez un homme savant, pieux et honnête, qui n’accapare pas les richesses de ce bas monde pour son profit personnel ou pour celui de ses enfants. Détrônez tout imam dont vous verrez la fortune s’accroître, confisquez l’ensemble de ses biens, combattez-le et expulsez-le, s’il s’entête ». Voilà une recommandation forte qui devrait servir de boussole tant elle charrie des idéaux intemporels voire universels. Au passage, un détail et pas des moindres, mérite d’être relevé.
L’adresse à la Nation, exercice solennel par excellence, a été délivrée à partir du domicile privé du Président de la République, à Mermoz, comme l’indique la pancarte ostensiblement posée sur son bureau domestique. A ce que l’on sache, le domicile privé de monsieur Macky Sall n’est pas répertorié dans la catégorie des résidences officielles du chef de l’État, comme Poponguine. La seule fois où un domicile a abrité un événement officiel fut la réunion des députés putschistes contre le président Mamadou Dia en 1962 au domicile du Président de l’Assemblée nationale de l’époque, Maître Lamine Guèye. Aujourd’hui comme hier, l’heure est grave, et la “quatorzaine“ n’aidant pas, ce énième coup de canif à la gouvernance orthodoxe, n’émouvra que les râleurs indécrottables soucieux ... d’orthodoxie républicaine. Au moment où le virus a fini de prendre ses quartiers dans notre si accueillante terre d’inconscience et d’irresponsabilité, voilà que le pavillon lui est cédé. Et vogue la galère, toutes voiles dehors !
FIN DE L'ÉTAT D'URGENCE
Le couvre-feu est levé, les liaisons aériennes vont reprendre à partir du 15 juillet. Alors que les frontières terrestres et maritimes restent fermées jusqu'à nouvel ordre
SenePlus publie ci-dessous, l'intégralité du discours à la nation de président de la République Macky Sall, de ce lundi 29 juin 2020, qui annonce notamment : la fin de l'état de l'urgence, la levée du couvre-feu et la réouverture progressive des frontières aériennes à compter du 15 juillet prochain.
"Mes chers compatriotes,
En raison du confinement qui ne me permet pas d'accueillir le dispositif habituel de diffusion, je m'adresse à vous ce soir par visioconférence.
Trois mois après la proclamation de l'état d'urgence le 23 mars 2020, je souhaite vous entretenir du chemin parcouru et de nos perspectives dans notre lutte contre la pandémie à coronavirus, COVID-19.
Cette lutte, chacune et chacun de nous en supporte le coût, parce que nous la menons ensemble, dans l'unité et la solidarité, grâce à la synergie de nos efforts.
C'est pourquoi je tiens d'abord à remercier toutes les forces vives de la Nation qui ont permis cette symbiose :
l'Assemblée nationale, majorité, opposition et non-inscrits confondus ;
le Gouvernement et les autres Institutions de la République ;
les autorités locales, les partenaires sociaux, le secteur privé, les guides religieux, les chefs coutumiers, la société civile et les mouvements citoyens.
J'exprime notre gratitude aux pays amis et aux partenaires multilatéraux qui soutiennent nos efforts.
Je salue le travail remarquable des médias qui contribuent à mieux faire connaitre la maladie et les moyens de la combattre.
J'encourage vivement nos élèves des classes d'examen, leurs enseignants, les personnels d'encadrement et de soutien qui ont repris le chemin de l'école.
Quand je m'adressais à vous le 23 mars dernier pour proclamer l'état d'urgence, le monde comptait plus de 340 000 personnes affectées par la pandémie COVID-19, dont plus de 15 000 décédées.
Notre pays en était à un total de 79 malades, 8 guéris, zéro décès et 71 patients sous traitement.
À la date d'aujourd'hui, la maladie a atteint plus de 10 100 000 personnes à travers le monde et causé plus de 502 000 décès.
Notre pays totalise 6698 personnes testées positives, dont 4341 guéries, 108 décédées et 2248 actuellement sous traitement et un malade évacué.
Je prie avec vous pour que nos morts reposent en paix et que nos malades recouvrent la santé.
Malgré l'augmentation du nombre de cas positifs, notre système de santé continue de montrer ses capacités de résilience et d'adaptation dans l'accueil et le traitement des malades.
Nos performances dans la riposte anti COVID-19 sont en effet considérables :
À ce jour, le SAMU a reçu plus de 726 000 appels d'alerte.
Nous avons réalisé plus de 78 338 tests. 24 824 contacts ont été suivis par nos services.
Le taux de létalité au Sénégal est de 1,5%, contre une moyenne africaine de 2,5% et de 5,2% au niveau mondial.
Le Sénégal affiche un taux de guérison de 64,8%, contre une moyenne africaine de 48% et mondiale de 50%.
À l'échelle nationale, les statistiques montrent que les principaux foyers de la pandémie sont essentiellement localisés dans les régions de Dakar, Diourbel et Thiès, qui concentrent 92% des cas de contamination.
Le Département de Dakar à lui seul totalise 54% des cas recensés sur l'ensemble du territoire national.
Dans ces trois régions, il convient donc de redoubler de vigilance et d'effort pour arrêter la propagation de la maladie en intensifiant les campagnes de proximité.
Je tiens, une fois de plus, à exprimer notre gratitude et rendre hommage à notre remarquable corps médical, para médical et aux personnels de soutien, pour leur compétence, leur engagement et leur disponibilité.
Je réitère nos remerciements aux autres Services de l'État mobilisés dans la riposte, à notre dynamique et dévouée Administration territoriale et à nos vaillantes Forces de défense et de sécurité déployées dans le cadre de l'état d'urgence.
En dépit de nos performances dans la riposte sanitaire, je dois cependant rappeler, avec insistance, que la lutte contre la pandémie n'est pas encore finie. La maladie est toujours là et toutes les projections montrent que le virus continuera de circuler durant les mois à venir.
Nos Services de santé et tous les autres acteurs mobilisés dans la riposte anti COVID-19 donnent le meilleur d'eux-mêmes.
Mais en définitive, l'issue de notre lutte contre notre ennemi commun dépendra, en grande partie, de nos propres comportements individuels et collectifs.
Il nous faut, par conséquent, redoubler d'efforts dans les attitudes qui empêchent la propagation du virus : se laver fréquemment les mains, respecter la distanciation physique, éviter les rassemblements, non nécessaires, limiter les déplacements et porter correctement le masque.
Il est établi que le port du masque réduit considérablement la circulation du virus ; et je rappelle qu'il est obligatoire dans tous les espaces publics, les lieux de travail, publics et privés, les transports et les commerces.
Dans ce front uni que nous menons contre ce terrible fléau, le port du masque est à la fois une mesure de protection de soi-même et de son prochain ; mais aussi un acte de civisme et un engagement patriotique vis-à-vis de la Nation.
J'appelle, par conséquent, à une mobilisation de toutes et de tous, pour le respect des gestes barrières et le port systématique et correct du masque.
J'invite instamment les élus locaux, les partenaires sociaux, le secteur privé, les guides religieux et coutumiers, la société civile et les mouvements citoyens à poursuivre leur action d'alerte, de veille et de sensibilisation dans nos villes, nos villages, nos quartiers et nos communautés.
Veillons particulièrement aux personnes âgées et à celles souffrant de certaines pathologies, parce qu'elles sont les plus vulnérables aux formes sévères de la maladie.
J'appelle, une fois de plus, à ne pas stigmatiser les malades de la COVID-19.
Un malade mérite compassion, pas la stigmatisation. Stigmatiser un malade, c'est ajouter de la souffrance à la souffrance ; c'est faire offense aux valeurs socio- culturelles et religieuses qui nous enseignent de traiter les autres comme nous voudrions être traités ; et de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fasse.
Mes chers compatriotes,
En plus d'être une crise sanitaire majeure, la pandémie COVID-19 affecte durement l'économie nationale. D'après les dernières évaluations, notre taux de croissance économique passerait de 6,8% à 1,1%, voire moins.
Plusieurs secteurs de l'économie comme les transports aériens, le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, la culture et les loisirs, l'artisanat et le commerce de produits agricoles, sont à l'arrêt, ou au ralenti.
Voilà pourquoi j'ai mis en place le Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la pandémie COVID-19, FORCE-COVID-19, doté de 1000 milliards de FCFA, pour financer le Programme de Résilience Economique et Sociale.
Ce Programme, qui vise à renforcer notre système de santé et soutenir nos ménages, notre diaspora, nos entreprises et les salariés, est en cours d'exécution.
Sur la composante santé, le Programme nous a permis de dérouler sans tarder notre stratégie de riposte à la pandémie, par :
l'achat massif d'équipements et de produits médicaux ;
le relèvement substantiel du plateau sanitaire existant, l'aménagement et l'équipement de nouvelles structures de traitement des épidémies, soit 33 Centres répartis à travers le pays ;
enfin, la prise en charge des malades et des personnes confinées.
Nous allons renforcer ces acquis.
Ainsi, sur la séquence 2020-2021, l'État recrutera 500 médecins et 1000 agents professionnels de la santé, notamment infirmiers et infirmières, sages-femmes, ainsi que des personnels de soutien. S'agissant des médecins, la priorité sera accordée aux districts éloignés et aux spécialistes.
En outre, le Gouvernement mettra en place, sur la période 2020-2024, une ambitieuse stratégie de modernisation du secteur de la santé et de l'action sociale, à travers le Plan d'investissement pour un système de santé et d'action sociale résilient et pérenne, dont une composante dédiée à la télésanté. Ce Plan sera adopté prochainement lors d'un Conseil présidentiel.
S'agissant du soutien aux ménages, en plus de la prise en charge par l'État des factures d'électricité des abonnés de la tranche sociale, pour un bimestre, la distribution des denrées de première nécessité est engagée depuis le 11 avril.
Cette opération d'envergure, jamais réalisée, a nécessité la mobilisation de plus de 4000 camions pour acheminer l'aide à 1.100.000 ménages sur l'ensemble du territoire national, soit environ plus de la moitié de la population.
À ce jour, sur les 552 communes du pays, 438 ont terminé la distribution ; le reste des opérations est en cours dans 114 communes, soit un taux de réalisation de 79,34%. Toute la distribution devra être achevée le 15 juillet prochain au plus tard.
Des quotas spécifiques seront alloués aux chauffeurs du transport interurbain (14.000 kits), aux réfugiés (4 262 kits), aux titulaires de Cartes d'égalité de chance (54. 219 kits) et aux personnes omises du Programmes national de bourses de sécurité familiale (42. 650 kits).
Concernant l'appui à la Diaspora à hauteur de 12,5 milliards de FCFA, la plateforme ouverte à cet effet a enregistré plus de 200 000 inscriptions provenant de 142 pays. 60 000 demandes ont été déjà satisfaites. Les opérations se poursuivent avec la troisième et dernière phase.
En outre, le Gouvernement a facilité le rapatriement de 3505 compatriotes bloqués à l'étranger par la fermeture des frontières aériennes. Les vols se poursuivront pour une vingtaine de pays, jusqu'au 3 juillet.
Pour le compte du secteur privé, le Programme de Résilience économique et sociale a permis :
le paiement de créances du secteur privé sur l'État pour un montant de 121 960 804 055 de FCFA ;
des reports d'échéances au niveau des banques pour un montant de 135 milliards de FCFA ;
et l'opérationnalisation du mécanisme de financement dont les entreprises bénéficiaires ont pu ainsi obtenir des crédits de trésorerie à des taux préférentiels, pour un montant d'environ 10 milliards de FCFA.
Ce mécanisme aide à couvrir des charges incompressibles pour maintenir 5 374 emplois.
Enfin, la Délégation à l'Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes a soutenu à hauteur de 15,8 milliards de FCFA le secteur de la pêche, le cofinancement pour l'acquisition de matériels agricoles, la confection de 10 millions de masques et le commerce de produits horticoles menacés par la crise, notamment l'anacarde, l'oignon et la mangue.
Avec ses partenaires, la DER travaille également à la structuration d'un financement de 12 milliards de FCFA en soutien à l'élevage et à la campagne agricole.
Mes chers compatriotes,
Depuis trois mois que nous luttons contre la pandémie de COVID-19, nous en mesurons pleinement les effets, par les êtres chers perdus, nos malades hospitalisés, notre vie sociale et notre économie profondément perturbées.
Malgré toutes ces difficultés, nous devons rester debout, combatifs et compter sur nos propres forces d'abord dans une lutte sur deux fronts : celui de la santé et celui de l'économie.
Voilà le défi qu'il nous faut désormais relever : lutter pour préserver nos vies et notre santé, et reprendre toutes nos activités productives pour remettre pleinement notre économie en marche.
De la même manière que nous ne pouvons pas laisser au virus nos vies et notre santé, nous ne pouvons, non plus, lui laisser la vie et la santé de notre économie.
Ainsi, mes chers compatriotes, tenant compte de cette double nécessité vitale, j'ai décidé de lever l'état d'urgence et le couvre-feu y afférent à compter de demain, 30 juin 2020 à 23 heures.
L'horaire de bureau qui était aménagé pour l'Administration de 9 heures à 16 heures depuis l'allègement de l'état d'urgence en mai, est rétabli dans sa séquence normale, de 8 heures à 17 heures, avec la pause habituelle de 13 heures 30 à 14 heures 30.
La fermeture des marchés publics un jour par semaine pour nettoiement reste en vigueur.
En raison du risque élevé de propagation du virus qu'ils présentent, les lieux accueillant des activités de loisirs à huis clos resteront fermés.
La réouverture des frontières aériennes se fera à partir du 15 juillet prochain ; et les vols internationaux reprendront ainsi selon un protocole sanitaire défini.
Les frontières terrestres et maritimes restent fermées jusqu'à nouvel ordre.
Dès à présent, il nous faut aussi anticiper et nous organiser en nous préparant à l'ère post COVID-19. A cet effet, le Gouvernement me soumettra prochainement un Programme de Relance de l'Economie nationale sur lequel il travaille déjà.
Ce Programme reposera sur nos bases productives, dont l'agriculture, qui bénéficie pour la présente campagne de ressources budgétaires exceptionnelles de 60 milliards de FCFA, contre 40 milliards pour la précédente.
De même, la Banque mondiale a octroyé un financement de 150 millions de dollars pour soutenir le renforcement de la résilience et la productivité agricoles.
Ce projet aidera à accroître l'exportation de cultures à haute valeur ajoutée, dont la filière horticole, à améliorer la productivité de l'élevage laitier et réduire le taux de mortalité des petits ruminants.
Tous ces efforts viennent consolider notre quête d'autosuffisance alimentaire. Cette crise rend en effet plus évidente la nécessité de réaliser au plus vite cet objectif, en produisant plus et en transformant davantage nos produits d'agriculture, d'élevage et de la pêche.
Comme je l'ai indiqué dans mon message du 11 mai dernier, le Programme de relance de l'économie nationale post COVID-19, soutiendra aussi les initiatives créatives développées dans le cadre de la lutte contre la pandémie et la promotion de l'industrie pharmaceutique nationale.
Nous allons, en même temps, poursuivre et adapter les réformes et projets du PSE, renforcer nos politiques d'équité territoriale et consolider le processus d'industrialisation entamé dans les Parcs industriels et les Zones économiques spéciales, dont les Agropoles.
Je tiens particulièrement à ce que l'État et ses démembrements, y compris les sociétés à participation publique, ainsi que le secteur privé valorisent davantage le contenu local dans la commande publique des biens et services.
Mais tous, ensemble, nous devons faire du consommer sénégalais non pas un effet de mode ou de conjoncture, mais l'affirmation d'une véritable culture de souveraineté économique. Il nous faut davantage développer un état d'esprit de nature à faire ancrer durablement une culture du produire et consommer sénégalais !
Mes chers compatriotes,
En levant l'état d'urgence, je rappelle, en même temps, que l'urgence sanitaire est toujours là et nous impose un devoir : devoir de vigilance, devoir de responsabilité individuelle et devoir de responsabilité collective.
Le péril est toujours là, et nous devons continuer la lutte.
Alors, mes chers compatriotes, protégeons-nous, protégeons nos familles, nos communautés et notre pays, pour que vive le Sénégal, en bonne santé, dans la paix, la stabilité et la prospérité. Bonsoir."
CEDEAO, LE CALENDRIER DE REPRISE DU TRANSPORT AÉRIEN
Les ministres proposent «une ouverture des aéroports domestiques et la levée des restrictions relatives au transport terrestre au sein des Etats membres de la Cedeao en fin juin 2020».
Le Comité ministériel de coordination des transports et du commerce de la Cedeao a tenu des réunions les 12 et 16 juin 2020, par vidéo-conférence, afin de discuter et de convenir d’une réponse régionale bien coordonnée pour «l’ouverture de corridors de transport et de commerce transfrontaliers pour la circulation immédiate de fournitures et d’équipements médicaux humanitaires, de biens essentiels et de personnes dans la lutte contre la pandémie dans la région, et l’ouverture progressive et coordonnée des frontières terrestres, aériennes et maritimes en vue d’accompagner le processus de relance des activités économiques transfrontalières».
Discuter et convenir d’une réponse régionale bien coordonnée pour l’ouverture de corridors de transport et de commerce transfrontaliers pour la circulation immédiate de fournitures et d’équipements médicaux humanitaires, de biens essentiels et de personnes dans la lutte contre la pandémie dans la région, et l’ouverture progressive et coordonnée des frontières terrestres, aériennes et maritimes en vue d’accompagner le processus de relance des activités économiques transfrontalières : Tels sont les objectifs des réunions du Comité ministériel de coordination des transports et du commerce de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tenues les 12 et 16 juin 2020 par vidéo-conférence.
Après délibérations, les ministres ont suggéré «l’ouverture progressive et coordonnée des frontières terrestres des Etats membres de la Communauté et des aéroports qui devra être faite sur la base de données sanitaires et lignes directrices proposées pour l’harmonisation et la facilitation du commerce et du transport transfrontaliers dans la région de la Cedeao dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 et d’une ouverture coordonnée et progressive des frontières aériennes, terrestres et maritimes, la nécessité de relancer les économies des pays membres de la Cedeao». Pour ce qui concerne les frontières terrestres et aériennes, les ministres proposent «une ouverture des aéroports domestiques et la levée des restrictions relatives au transport terrestre au sein des Etats membres de la Cedeao en fin juin 2020».
Ouverture progressive
S’agissant des frontières terrestres, aériennes et maritimes entre les Etats membres de la Cedeao, le Comité ministériel demande de les ouvrir dans la première quinzaine du mois de juillet 2020, en vue de permettre la libre circulation des biens et des personnes sur la base d’une application stricte des lignes directrices proposées pour l’harmonisation et la facilitation du commerce et du transport transfrontaliers dans la région de la Cedeao. Comme autre recommandation, les membres du Comité prônent «une ouverture des frontières aériennes et terrestres aux autres pays ne présentant pas de niveau très élevé de taux de contamination du Covid-19 à compter de la deuxième quinzaine de juillet 2020, 31 juillet 2020 au plus tard. Cette ouverture sera fonction de l’évolution de la pandémie au sein des pays membres de la Cedeao et des autres pays, et fera l’objet d’une évaluation périodique».
Entre les Etats membres, le Comité ministériel recommande aussi un «partage des informations dans un esprit de solidarité, d’autonomie collective et de coopération interétatique par des consultations bilatérales et multilatérales, en se fournissant des informations précises et opportunes sur les mesures d’ouverture».
Pour les ministres de la Cedeao, «ces informations doivent être fournies aux acteurs du secteur privé tels que les compagnies maritimes, celles aériennes, les transporteurs et les commerçants transfrontaliers, les médias et la société civile». Ils sont par ailleurs pour «une forte collaboration aux frontières entre les administrations chargées des frontières pour la mise en place d’un dispositif de contrôle des voyageurs concernant le Covid-19», mais également «un mécanisme efficace de coordination pour suivre la mise en œuvre des lignes directrices aux niveaux national et régional. A cette fin, les structures et les comités existants, étatiques ou régionaux chargés de veiller à la bonne application les protocoles de libre circulation sur les corridors et aux frontières communautaires ainsi que la facilitation du commerce régional, doivent s’impliquer pour la mise en œuvre effective des présentes lignes directrices…».
Le Comité ministériel de coordination des transports, de la logistique et du commerce a adopté ces recommandations et demandé au président du Comité ministériel ad hoc et au président de la Commission de la Cedeao de les soumettre à Muhammadu Buhari, président de la République fédérale du Nigeria, en vue de leur présentation ultérieure à la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao.
MARCHÉ SANDAGA : LA DÉMOLITION DÉMARRE VENDREDI PROCHAIN
Les commerçants sont avertis. Le marché Sandaga sera rasé à partir de vendredi prochain, 4 juillet 2020.
Les commerçants sont avertis. Le marché Sandaga sera rasé à partir de vendredi prochain, 4 juillet 2020. Mais il y a de l’électricité dans l’air. Car renseigne L’As, bien que favorables au projet, des commerçants, regroupés au sein du collectif ’’And Taxawu Sandaga’’, grognent, dénonçant un coup de force.
Normalement, l’opération de décantinisation concernera les nombreuses cantines jouxtant le mythique marché Sandaga. Ainsi, les occupants ont été sommés de déguerpir au plus tard vendredi.
Dans le cadre du processus de modernisation des marchés de Dakar mené de concert par l’État et les collectivités territoriales, un site de recasement a été implanté au champ des courses pour reloger les commerçants du marché Sandaga.
En compagnie des maires de Dakar et de la Médina, Soham El Wardini, et Bamba Fall, le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim Fofana, avait visité les lieux, rassurant sur les dispositions prises pour le relogement des commerçants dans le nouveau marché.
Une affaire à suivre.
FRAUDE SUR LES LICENCES DE PÊCHE
Adama Lam, ancien directeur de la Sopasen, se prononce sur les implications et les enjeux de l’introduction de 56 navires de pêche dans les eaux sénégalaises, en violation, selon lui, de toutes les procédures régissant le secteur
Membre éminent du secteur de la pêche depuis 35 ans environ, ancien directeur de la Sopasen, M. Adama Lam se prononce ici sur les implications et les enjeux de l’introduction de 56 navires de pêche dans les eaux sénégalaises, en violation, selon lui, de toutes les procédures et des règles régissant le secteur. Il estime que si les choses ne sont pas corrigées rapidement c’est toute la pêche sénégalaise qui est condamnée à disparaître à moyen terme.
Depuis un certain temps, le ton monte entre les organisations des pêcheurs et leur ministère de tutelle à la suite de l’agrément d’une cinquantaine de bateaux chinois. Pourquoi la situation actuelle est-elle plus grave que quand on a parlé de bateaux russes, ou même, de la mise en place d’usines à farine de poisson ?
Votre question appelle d’abord la nécessité de bien camper le sujet pour permettre au lecteur de bien saisir la problématique. On dit que la répétition est pédagogique.
Le Gaipes avait constaté vers le mois de septembre 2019, des mouvements importants de navires chinois et turcs dans le port de pêche au môle 10 du Pad, avec des débarquements de poissons divers dans des cartons sans aucune inscription, ce qu’on appelle des cartons neutres. Le Groupement s’est renseigné et a obtenu une copie d’une licence d’un navire chinois portant une immatriculation sénégalaise, avec sur la licence : Pêche demersale profonde, option poissonniers céphalopodiers. En professionnels de la pêche, nous avions noté que cette option n’existait pas dans le code de la pêche, ni dans son décret d’application et en plus, nous nous demandions si la sénégalisation du navire était conforme à la loi. Pour en avoir le cœur net, le Gaipes a saisi le ministère chargé des Pêches pour des éclaircissements.
C’est ainsi que Madame la ministre de l’époque a convoqué une réunion élargie aux autres acteurs de la pêche artisanale. Après confirmation de l’existence de cette licence «hors la loi» par le Directeur des Pêches Maritimes (Dpm) avec comme justificatif de cette décision qu’un ministre pouvait donner une licence qui n’était pas dans la loi, Mme la ministre a décidé de mettre en place une commission technique composée des professionnels industriels, pêcheurs artisans et des techniciens du Département des pêches pour faire la lumière sur cette affaire. Je signale que lors de cette réunion, l’Administration des pêches ne voulait pas donner ou indiquait ne pas savoir le nombre exact de navires qui ont bénéficié de ces licences illégales. Cette commission a tenu deux séances et identifié 12 navires dont les licences sont jugées non conformes à la loi. Cette commission n’a jamais demandé la régularisation de ces dossiers, et cela se comprend car le travail n’était pas exhaustif et terminé.
Mme la ministre a été remplacée au Département des pêches au mois de novembre 2019 et les travaux de la commission ont été purement et simplement arrêtés. Les acteurs de la pêche artisanale et ceux de la pêche industrielle ont alors saisi l’Ofnac pour signaler que de forts soupçons de corruption et de concussion pèsent sur la délivrance de ces licences dont on ne veut pas divulguer le nombre. 12 erreurs, c’est impossible à croire pour des dossiers qui passent devant autant de professionnels qui gèrent les licences !
Au mois d’avril, en plein Etat d’urgence dû au Covid 19, le directeur des Pêches maritimes a convoqué une autre séance de la Commission consultative d’attribution des licences de pêches pour étudier à domicile, 56 nouveaux dossiers de demandes de promesses de licences de bateaux chinois et turcs. Les membres de la commission devaient répondre par oui ou non sur les dossiers, ce qui est contraire à l’esprit de la commission dont les échanges sont interactifs en tenant compte de l’avis du Crodt (Centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye) sur la disponibilité des ressources halieutiques, presque toutes surexploitées ou en pleine exploitation. Bref, notre demande de report de la réunion du fait du nombre de bateaux, du contexte de la pandémie, de la nécessaire rencontre avec le ministre de tutelle pour attirer son attention sur la gravité de la situation, a reçu une fin de non-recevoir. La presse est saisie pour alerter l’opinion.
Pour répondre à votre question, il m’a paru nécessaire de faire ce rappel, tellement la situation est inédite dans l’histoire halieutique de notre pays. 56 navires (dont 52 sont des étrangers) à étudier et on se rend compte qu’il y a déjà 56 autres bateaux dans la pêcherie des eaux sénégalaises. S’il est vrai que les 56 premières demandes ont été théoriquement rejetées ces derniers jours, le problème reste entier avec 56 navires étrangers ayant bénéficié de licences de pêche et de sénégalisation. C’est le désastre le plus important tant par le nombre que par les espèces effectivement ciblées et débarquées par ces bateaux (poissons des fonds moyens (thiofs, diarègne, sompatte, etc.), poissons de surface (pélagiques : yaboy, diaye, weuyeung) dont vivent nos populations, et surtout espèces que cible aussi la pêche artisanale. Les bateaux russes faisaient des incursions dans la pêcherie avec l’accord secret de l’Etat et arrêtaient leur intervention avec la pression des pêcheurs sur les décideurs. Mais cette fois-ci, ces bateaux chinois sont introduits de manière définitive avec leur sénégalisation non conforme aux lois de notre pays.
Cette question est aussi plus destructrice que les usines de farine de poisson parce que les navires pêchent pour exporter sur le stock de poissons que la pêche artisanale a l’habitude de capturer. Les usines de farine de poissons privaient nos populations de poissons, nos femmes transformatrices de matières premières et enfin incitaient à une surexploitation des petits pélagiques, ce qui conduirait à une grave crise alimentaire, mais le prélèvement devrait être fait par des pirogues si le gel des licences est respecté.
Des informations contradictoires sont avancées en ce qui concerne l’état de la ressource halieutique. A qui selon vous, devrait-on se fier ?
L’avis de la recherche scientifique (Crodt) a été volontairement ignoré en ce qui concerne l’introduction de ces navires dans le pavillon et la pêcherie, avec évidemment, la complicité de Sénégalais qui servent de prête-noms. Le faux prétexte, c’est de dire que des campagnes d’évaluation directes des stocks de poissons n’ont pas été faites. Mais pourquoi elles n’ont pas eu lieu ? Parce qu’un avis du Crodt, qui s’appuie sur des constats physiques, dérange. Les crédits budgétaires qui ont été votés pour qu’il fasse son travail n’ont pas été mis à sa disposition selon les informations reçues.
Je parle de faux prétexte aussi parce que malgré cela, une évaluation indirecte des ressources halieutiques par le Crodt est possible. La preuve, c’est que, saisi par le Gaipes au nom de la coalition des pêcheurs, le Centre de recherche halieutique (Crodt) a émis un avis sans appel sur l’état désastreux des stocks de poissons pour la plupart des pêcheries. L’avis du Crodt est fondamental pour la possibilité de donner ou non des licences de pêche. Mais, même en dehors du principe de précaution qui recommande la prudence en matière de ressources épuisables, comment comprendre que l’on interdise l’immatriculation de nouvelles pirogues en faveur de la pêche artisanale, que l’on interdise l’immatriculation de nouveaux bateaux par les industriels sur la pêche démersale côtière, que l’on mobilise dans un projet de l’Etat des fonds pour la destruction de navires sénégalais afin de réduire l’effort de pêche, pour ensuite donner 56 licences de pêche à des navires étrangers faussement sénégalisés ! Le comble, c’est que l’on commence par donner les licences sur un segment de pêche qui n’existe pas dans la loi, qu’on «régularise» sur la base de promesses de licences non conformes aux textes législatifs, et qui plus est, sur un stock inexistant ! Tout cela est fait sciemment et des navires étrangers ôtent le pain de la bouche des pêcheurs et des consommateurs sénégalais.
Le vrai débat n’est pas sur une question de nationalité, de couleur de peau ou de stigmatisation d’un pays. Ce sont des ressources nationales régies par des lois et règlements et qui de surcroit, nourrissent nos populations parce qu’étant directement comestibles, contrairement au pétrole et au gaz. Alors pourquoi tant de désintéressement vis-à-vis de ce qui fait le ciment social de notre Nation et qui plus est, la nourrit ?
N’existe-t-il pas de cadre de concertation entre les différents acteurs de la pêche ?
Vous avez raison de poser cette question tellement la contradiction est frappante avec la multitude d’organisations bien structurées dans le secteur de la pêche. Les acteurs ont toujours eu des cadres de concertations mais nous constatons qu’à chaque fois qu’il y a une crise majeure, on essaie d’opposer la pêche artisanale, toutes composantes confondues, à la pêche industrielle. Ces entités sont effectivement les grandes branches du secteur de la pêche maritime. Le but est connu : diviser pour mieux brader la ressource ! Un pays comme le Sénégal a besoin de sa pêche artisanale, de sa pêche industrielle et des acteurs connexes.
Quand le Département des pêches a besoin des acteurs, il sait où les trouver car sur ce dossier, les principaux acteurs parlent d’une même voix dans le cadre de la coalition mise en place et qui continuera d’exister quelles que soient les solutions trouvées. Les ministres passent et laissent toujours en place les acteurs et les ressources halieutiques. La rengaine est la même, faute d’arguments crédibles : c’est le Gaipes qui détruit la mer, c’est le Gaipes qui embarque la pêche artisanale (pourtant très mature) sur des chemins tortueux, c’est le Gaipes qui met les bâtons dans les roues des ministres des Pêches. Pourtant, Messieurs Sadibou Fall, Djibo Ka (paix à son âme), Souleymane Ndéné Ndiaye, Mme Aminata Mbengue, aucun de ces ministres n’a eu des divergences profondes avec les pêcheurs. Il faut donc chercher l’erreur ailleurs ! Le Gaipes ne fait que s’inscrire dans l’objet de sa création, comme tout syndicat : défendre les intérêts matériels et moraux de la profession.
Pour dialoguer, il faut être deux au moins. Le Département des pêches semblerait ignorer, à moins que je ne me trompe, les instructions du chef de l’Etat demandant une large concertation avec tous les acteurs, dans le respect des textes en vigueur. En effet, si on ne discute pas avec ceux qui sont membres de la coalition où tous les acteurs qui contestent les décisions sont représentés, c’est qu’on ne veut pas trouver une solution.
De deux choses hypothétiques l’une, en souvenir de mon passage dans l’Administration : la tutelle a reçu des instructions fermes de donner des licences de pêche. Si cela est exact, la mise en œuvre ne peut s’opérer que dans le respect des textes en vigueur, comme aimait le rappeler feu Jean Collin (Que la terre lui soit légère) lorsqu’il transmettait des instructions présidentielles. C’est cela l’esprit d’une administration républicaine. En effet, comment des promesses de licences de pêche valables 6 mois et renouvelables une seule fois, peuvent-elles être renouvelées en 2018, en 2019 et validées en 2020 ! Et l’autorité nous dit que je n’ai signé que des renouvellements de licences sur la base des promesses. Eh bien, c’est de l’illégalité que l’on essaie de faire passer en se dédouanant par la continuité du service public et la solidarité gouvernementale. Ces 56 licences de pêche, pour la plupart, sont nulles et non avenues au regard des lois de notre pays (caducité de la promesse, pas de passage obligé à la Commission d’attribution des licences, etc.), et de surcroit sur une ressource inexistante (le merlu). Ce procédé était simplement une porte d’entrée pour taper sur les démersaux et le pélagique côtier. Laisser pourrir la situation pour espérer une lassitude des acteurs semble être la stratégie. Les vrais acteurs sont déterminés mais ouverts au dialogue. Ils ne sont pas des adversaires, encore moins des ennemis ou des «va-t’en guerre». Même les guerres mondiales ont fini autour d’une table de négociation et on est très loin de cette situation.
L’autre : la tutelle prendrait ses propres responsabilités ou s’appuierait sur les services techniques qui l’ont induit en erreur, en validant et en délivrant des licences de pêche sur le stock de demandes non conformes. La prudence aurait dû être observée tant pour le démarrage d’une carrière ministérielle que pour le respect des textes de loi, d’autant que l’essentiel des 56 licences est supposé être délivré sur un stock de 3 000 tonnes, soit une pêche de 2 mois par année et par bateau. C’est hallucinant aussi bien pour l’épuisement programmé de cette ressource que pour la rentabilité économique et financière desdits bateaux. Cela veut dire, en réalité, qu’on permet à ces navires de faire des activités en violation de leur licence de pêche. C’est une faute grave (art 125, alinéa f du code de la pêche).
En tant que Sénégalais, certes novice dans la chose politicienne, il me semble que l’une ou l’autre de ces hypothèses desservirait profondément les actions de M. le président de la République en matière de pêche car, 56 navires qui pêchent en majorité dans les 12 miles, c’est-à-dire sur le stock de démersaux, en plus de l’effort de pêche existant, c’est condamner irrémédiablement toute la pêche maritime à l’arrêt à plus ou moins long terme. Les captures débarquées sont passées en 3 ans, de 400 000 à 450 000 tonnes, puis environ 525 000 tonnes. Ces statistiques parlent d’elles-mêmes et les débarquements des produits capturés dans les pays limitrophes sont effectués sur ce stock transnational. La bonne question, c’est dans combien de temps il n’y aura plus une écaille dans nos eaux maritimes. Tous les efforts consentis pendant des décennies par l’Etat, les communautés de pêcheurs, les bailleurs de fonds seraient annihilés.
De l’autre côté, «ventre vide n’a pas d’oreilles», dit l’adage. Laisser pourrir la situation c’est faire le lit d’une dégradation profonde des conditions de vie des pêcheurs et des populations à faible revenu qui, d’une part, trouvent dans la pêche une activité refuge durant les temps de soudure, d’autre part, affaiblit l’apport en protéines des populations. Développer une perspective d’émergence suppose un climat social apaisé sur un secteur retenu dans les grappes de croissance, comme secteur prioritaire.
Pourquoi alors ce dialogue de sourds, et comment pourrait-on y mettre fin ?
Le dialogue de sourds est introduit par la tutelle, à mon avis. Les professionnels du secteur privé demandent le respect des lois et la sauvegarde de leur outil de travail et la tutelle répond par une personnalisation du débat autour de personnes dont le seul tort est d’être des dirigeants d’un syndicat patronal. Tout y passe : accusation de chantage, monopole inexistant, club de «richards», ségrégation, alors que le Gaipes compte dans ses membres des partenaires chinois, coréens, espagnols, français et tutti quanti. La propre personne de ces acteurs, certes importants, n’intéresse pas le commun des Sénégalais. C’est à croire qu’on n’est plus dans une République et que le fait d’être un industriel qui a honnêtement réussi est une tare ! Tout le monde sait que même le bonnet de la tutelle est plus important que ces messieurs. S’il leur arrivait de le piétiner par inadvertance, ils ne passeraient pas la nuit chez eux ! Un ministre, c’est le démembrement du président de la République et sa posture doit s’inscrire dans la grandeur de cette fonction. En tous cas, moi je sais ce qu’est la dimension de la charge de ministre de la République pour avoir passé dix ans dans l’Administration sénégalaise. Il faudrait que certains comprennent qu’ils sont parmi les meilleurs parce que choisis par le chef de l’Etat mais nous tous réunis, nous sommes bien meilleurs qu’eux. Ce rappel était un viatique pour les princes du Sine fraîchement intronisés.
Le vrai débat posé est, je le rappelle : combien de licences ont été accordées en 2018, 2019, 2020, par qui et sur quel segment de pêche ? Quel est l’effort de pêche que les différentes ressources peuvent supporter ? Les «sénégalisations» des navires sont-elles adossées sur le respect des lois ? Comment relancer le secteur de la pêche en cette période de pandémie et de post pandémie ?
Pour mettre fin à ce blocage, il faudrait, à mon avis, que l’autorité reprenne la main sur ce dossier et écoute les récriminations des vrais acteurs, sans exclusive. Il y a une petite nuance entre une tutelle et une autorité directe. Un facilitateur, et beaucoup de bonnes volontés se sont offertes, pourrait favoriser le rapprochement. En écoutant les acteurs, je note que la plupart des organisations déplorent ce qu’elles considèrent comme un manque de respect de la part de la tutelle. Certains affirment, qu’en plus de les infantiliser comme étant à la remorque du Gaipes, des courriers sont adressés au Département des pêches sans même un accusé de réception, a fortiori traiter les questions qui sont posées. Le Gaipes souligne qu’au moins 3 courriers adressés au Département de tutelle, bien avant la crise, sont restés sans réponse.
Par ailleurs, les rumeurs les plus folles circulent dans le milieu de la pêche au point d’indisposer et d’affliger tout le monde. Vrai ou faux, beaucoup d’acteurs penseraient que ce serait une vraie machine de fraude sur les licences qui se serait installée dans l’Administration des pêches avec la complicité de certaines autorités et fonctionnaires, par le biais d’officines parallèles. Aucun cadre ou directeur de L’Administration, directement concerné par ce dossier, ne veut éclairer la lanterne des acteurs sur les dossiers de sénégalisation et les licences de pêche incriminées, malgré des saisines par voie d’huissier. Quelle est la bonne information ? Si publier la liste des navires qui pêchent dans nos eaux est un secret d’Etat, cela accrédite de plus en plus ces rumeurs qui n’honorent personne ! Cette liste est d’utilité publique et devrait être accessible à tous les citoyens et même aux étrangers désireux d’investir dans notre pays. L’Etat doit nécessairement éclairer ses citoyens sur ces vraies ou fausses «affaires». Les pêcheurs ont l’habitude de dire que le poisson pourrit par la tête et j’espère que les acteurs échapperont à cette maxime.
En un mot la confiance est rompue et profondément, même si je reconnais qu’il est toujours temps de bien faire malgré le fait d’un département ministériel très technique, complexe, vital pour l’économie et la cohésion sociale. Il faudrait la reprise des travaux de la commission technique ou tout autre organe paritaire, capable de disposer de l’ensemble des dossiers objets du différend, de retenir les licences qui sont en conformité avec la loi et les recommandations du Crodt. Les navires qui sont hors la loi devraient sortir de la pêcherie tant qu’ils ne répondent pas aux critères d’exercice définis par le code de la pêche et celui de la marine marchande. Les Sénégalais complices de ces forfaits doivent être remis sur le droit chemin. Il est quand même paradoxal, malgré que la loi ne le prévoit pas, que la tutelle réclame des bilans comptables de sociétés existantes depuis plus de 30 ans pour renouveler leur licence de pêche et que cette même tutelle ne sente pas obligé de vérifier que des bénéficiaires de licences ne sont pas de simples bénéficiaires de commissions. Que je sache, l’autorité elle-même serait parfaitement outillée pour démêler cette situation qui est décriée comme étant des actes de prête-noms pour certains tout au moins, par la simple lecture de leurs états financiers. Tout le monde sait qui est qui dans le port de pêche.
Si rien n’est fait pour résoudre cette crise, comment se présentent pour vous, les perspectives du secteur de la pêche
A mon avis, le temps nous est compté. D’abord l’incertitude du Covid rend difficile toute projection sur le devenir de la pêche, fortement touchée par les conséquences de la pandémie. Les pêcheurs, les mareyeurs, les femmes transformatrices, les transporteurs et tous les métiers connexes vivent dans de graves difficultés cachées par la sauvegarde de leur dignité. La plupart des acteurs vivent de la sueur de leur travail et l’inquiétude se lit facilement sur leur visage, malgré les sourires accueillants et les attitudes taquines qui caractérisent les acteurs.
Si rien n’est fait, ou du moins si ces navires ne sont pas sortis de la flotte, ce sera la fin irrémédiable de la pêche. C’est simplement une question de temps. Ce n’est pas pour faire peur, être alarmiste ou encore être un oiseau de mauvais augure. Une catastrophe sans précédent est en train de s’installer dans la gestion des ressources halieutiques.
Pour s’en convaincre, il suffira de demander aux chercheurs dont la science est reconnue, de développer un modèle bioécologique et même bioéconomique sur les impacts des 56 licences accordées à ces navires étrangers.
Il faudrait que ceux qui ont les destinées de notre Nation à quelque niveau que ce soit prennent la température de la situation et agissent en conséquence. L’ennemi principal, c’est le temps durant lequel les ressources halieutiques sont actuellement agressées. Ces licences auraient été décriées même si les bateaux appartenaient à 100% à des Sénégalais. La contrainte, c’est la disponibilité de la ressource halieutique.
Si rien n’est fait, la précarité s’installera de manière importante dans le secteur de la pêche et cela impactera très profondément le tissu économique et social du pays.
Si rien n’est fait, le Sénégal continuera de perdre des emplois directs et indirects dans le secteur de la pêche avec des fermetures d’entreprises et par ricochet, dans les industries qui sont les fournisseurs des unités de traitement de poissons et des armements à la pêche. Si rien n’est fait, le Trésor public ne bénéficiera pas des rentes économiques et financières que génère la pêche.
Enfin, et je pourrais continuer à énumérer les nombreux inconvénients induits par cette décision de mettre 56 navires dans la pêcherie. Le Sénégal paiera un lourd tribut en voulant s’inscrire de manière aussi peu structurée, en termes de choix géopolitique, dans le projet de Bri (Belt and Road Initiative) de la Chine. Nous devrions tous éviter de nous livrer pieds et poings liés aux puissances de ce monde, au détriment de notre propre survie en tant qu’Etat et Nation.
Je pense que c’est une démarche citoyenne qui incombe à chacun d’entre nous de faire le maximum pour que le droit soit dit sur cette affaire. On ne peut violer de manière aussi flagrante le code de la pêche, notamment sur le caractère de patrimoine national de la ressource halieutique (art 3), sur la concertation avec les organisations patronales (Art 5), sur la cogestion (art 6), sur l’avis obligatoire de la Ccalp (art 35) et espérer gérer le secteur au profit de l’intérêt général. La pêche n’est certes qu’un maillon de l’économie maritime mais elle est primordiale si j’en juge par la préséance dont elle bénéficie dans l’appellation du ministère. La pêche, c’est fondamentalement le pêcheur, le poisson et son écosystème. On ne peut pas ignorer le premier et occulter la capacité de l’offre du second et tendre vers une gestion efficiente du secteur. La mer ne peut donner plus qu’elle n’a et elle appartient à toute la nation. Les acteurs ne sont que des exploitants par dérogation encadrée par la loi. Enfin, un républicain ne perd jamais la face quand il s’agit d’exécuter une décision conforme aux lois votées par le Peuple, pour le Peuple.
Pour terminer, personne ne pourra dire que je n’étais pas au courant ou que je ne savais pas la gravité de la situation. En ce qui me concerne, à 70 ans et sans aucune prétention, je continuerai à m’investir dans toutes les actions tendant à raffermir la justice sociale, à œuvrer pour que mon pays soit un havre de paix, de prospérité, de dignité, d’accueil de l’autre, dans le respect de nos lois.
LES RISQUES D'UN ECO QUI NE SERAIT QUE L'AVATAR DU FCFA
Le 23 juin, les tweets du président nigérian ont enflammé la toile. Buhari a prévenu d'un risque de dislocation de la CEDEAO, en cas d'adoption unilatérale de l'eco par les pays membres de l'UEMOA. Des déclarations qui ont fait réagir Kako Nubukpo
La Tribune Afrique |
Marie-France Réveillard |
Publication 28/06/2020
Mardi 23 juin, les tweets du président nigérian ont enflammé la toile. Muhammadu Buhari a prévenu d'un risque de dislocation de la CEDEAO, en cas d'adoption unilatérale de l'eco par les pays membres de l'UEMOA. Des déclarations qui ont fait réagir Kako Nubukpo, doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'Université de Lomé, qui appelle au débat et annonce la tenue prochaine des Etats généraux de l'eco...
Comment réagissez-vous au propos du président nigérian Muhammadu Buhari, qui a exprimé ses craintes à l'égard de l'eco dans une série de tweets ?
Kako Nubukpo : Le président Buhari a pointé le risque de dislocation de la CEDEAO [...]. J'ai applaudi quand les présidents Macron et Ouattara ont annoncé, le 21 décembre dernier, le changement de nom du franc CFA en eco. A cette époque, nous n'avions pas encore le projet de loi qui modifie le Traité de l'union monétaire ouest-africaine. Finalement, ce projet a été adopté par le gouvernement français fin mai et il est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale française ainsi que dans les Assemblées nationales des pays membres de l'UMOA. A la lecture de ce projet de loi, on s'aperçoit que les changements sont limités au nom de la monnaie, à la fermeture du compte d'opération et au retrait des ressortissants français des instances de l'UMOA.
A la nuance près que, dans le même projet de loi, il est explicitement écrit, qu'en cas de crise, la France pourrait envoyer de nouveau ses ressortissants au Conseil de Politique monétaire de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest - BCEAO - en qualité de garant financier de la zone... Par ailleurs, la flexibilité du taux de change tout comme le régime de ciblage de l'inflation sont deux éléments cruciaux qui ne sont pas réglés par ce nouveau traité, lequel présente l'eco comme un simple avatar du franc CFA, avec le maintien d'une parité fixe entre la future monnaie et l'euro. Pourtant, l'eco est une monnaie destinée à 15 Etats, il ne s'agit plus d'une monnaie du Trésor français avec l'UEMOA. Il faut donc clarifier les contours de cette monnaie de la CEDEAO, dont les principes ont été rappelés le 29 juin 2019 lors du Sommet des chefs d'Etat. L'eco est une monnaie flexible, attachée à un panier de devises, avec un régime de ciblage de l'inflation alors qu'aujourd'hui, on voudrait nous faire adopter une version différente selon laquelle l'eco serait toujours attaché exclusivement à l'Euro.
Les déclarations du président Buhari replacent au centre du débat, la difficulté d'une monnaie commune entre les pays de l'UMOA et le géant nigérian qui représente 71% du PIB CEDEAO et 52% de la population...
J'espère que les déclarations du président Buhari ouvriront un vrai débat au niveau des chefs d'Etat, des parlementaires, des chercheurs, de la société civile ouest-africaine et africaine dans son ensemble, concernant les modalités d'une mise en place optimale de cette monnaie [...] Il est également légitime qu'il y ait un débat entre économistes pour savoir si la CEDEAO peut devenir une zone monétaire optimale. Il existe 2 écoles. La première école, héritière du prix Nobel d'économie Robert Mundell, plutôt pessimiste, considère qu'une monnaie commune dans la zone CEDEAO n'est pas possible, car certains pays comme le Nigéria sont plutôt exportateurs de pétrole et les autres importateurs de pétrole. De fait, ils sont rarement dans la même phase du cycle économique, ce qui rend difficile l'efficacité de la politique monétaire.
La deuxième école qui est celle de l'endogénéité des critères d'optimalité, considère au contraire, que ce décalage permet de garantir la disponibilité permanente des réserves de change, car les cycles haussiers et baissiers se compensent [...] J'organiserai d'ici quelques semaines, les Etats généraux de l'Eco à l'Université de Lomé, dans l'objectif de fédérer un collectif de chercheurs qui proposera une feuille de route aux chefs d'Etat. Elle comprendra les modalités de transition du franc CFA à l'eco, assorti d'un calendrier et de dispositifs de suivi et évaluations des réformes [...]
Actuellement nous faisons face à un double test. Au niveau de la France, il s'agit de mesurer sa volonté de tourner la page de la Françafrique et d'établir les bases d'une véritable politique de coopération au développement. C'est ce que j'appelle « le test de sincérité ».
Au niveau des chefs d'Etat ouest-africains se présente le « test de crédibilité », quant à leurs capacités en matière d'action collective pour la mise en place d'une nouvelle monnaie, capable de financer nos économies et de supporter la compétitivité à l'export de nos biens et services.
Quel regard portez-vous sur l'opérationnalisation de la ZLECA, reportée pour cause de Covid-19 : s'agit-il d'un idéal encore lointain ?
Sur le principe, c'est une très bonne idée qui renvoie à une volonté de panafricanisme. Se posent néanmoins deux questions. Premièrement, le degré de solidarité auquel les Etats membres voudront bien consentir. Les pays n'ayant pas tous la même puissance économique, la zone de libre-échange ne pourra se réaliser avec succès, sans des transferts qui permettront aux régions les plus faibles de remonter leur niveau de compétitivité. Cela renvoie à la vision de l'intégration régionale que l'on veut traduire au sein de la ZLECA.
Le pays, potentiel futur «émirat gazier», est contraint par la crise du covid-19 de revoir ses ambitions à la baisse dans ce secteur. Avec l’urgence de régler dans l’immédiat les conséquences désastreuses d’une récession imprévue
Sputnik France |
Momar Dieng |
Publication 27/06/2020
Le coronavirus est passé par là. Il tue, mais il déstabilise de grands projets économiques et financiers à travers le monde. Le Sénégal, potentiel futur «émirat gazier», est ainsi contraint de revoir ses ambitions à la baisse dans ce secteur. Avec l’urgence de régler dans l’immédiat les conséquences désastreuses d’une récession imprévue.
Les déclarations du Président Macky Sall au journal britannique Financial Times du 23 juin ont sonné l’alerte et font craindre des lendemains difficiles pour l’économie sénégalaise et, surtout, pour les populations. «Si la pandémie de Covid-19 se poursuit, le Sénégal risque la récession économique. […] Cela ne fait aucun doute», a lâché le chef de l’État sénégalais. Après cinq années successives de croissance soutenue d’au moins 6,5%, le pays ne pourra pas dépasser 1% en 2020 «même si tout se passe bien». Le Président Sall, après avoir pourtant tablé sur une croissance d’environ 3% dès les premiers effets de la pandémie, met aujourd’hui le curseur sur les «effets dévastateurs» du Covid-19.
«Cette récession, tous les économistes l’ont vue venir. Nous avons dit à haute voix que le Président Sall était un peu trop optimiste de tabler sur une croissance de 3%. Pour moi, même 1% serait une performance inespérée du fait de notre modèle économique presque entièrement dépendant de l’étranger», souligne l’économiste sénégalais Mbaye Sylla Khouma interrogé par Sputnik.
Il y a de l’eau dans le gaz… et le pétrole
Pour un pays comme le Sénégal, explique à Sputnik un ex-haut fonctionnaire du ministère de l’Économie et des Finances, la récession est «une baisse d’activité qui se traduirait par d’importantes moins-values fiscales par rapport aux prévisions. Quand on sait que 85 à 90% des recettes fiscales vont au paiement du service de la dette et aux salaires des fonctionnaires, on peut dire que la survie dépendra de la perfusion des bailleurs et de coupes sombres dans les programmes d’investissement publics de l’État». En plus de «la désorganisation de la campagne agricole, les secteurs secondaire et tertiaire seraient très affectés», précise cet ancien fonctionnaire qui a préféré gardé l’anonymat.
Un autre gros souci s’est imposé au gouvernement, c’est la remise en cause des grands projets bâtis autour des hydrocarbures. Depuis 2014 en effet, le Sénégal est dans le cercle des futurs grands producteurs de gaz et, dans une moindre mesure, de pétrole grâce aux découvertes des compagnies Kosmos Energy, Cairn, Woodside Energy et de leurs partenaires. Les réserves de gaz sont estimées à 700 milliards de mètres cubes. Celles de pétrole, autour de 500 millions de barils, devaient permettre au Sénégal de produire «une moyenne de 100.000 à 120.000 barils/jour» à partir de 2021. Aujourd’hui, cette échéance n’est plus tenable, confirme Macky Sall qui table sur un retard «d’un à deux ans» dans l’exploitation du gaz et du pétrole.
«Ce que le Président Sall n’a pas dit, c’est: que fait-on justement à partir du moment où on sait avec certitude que le pétrole et le gaz ne seront pas là aux dates indiquées?», interpelle Mbaye Sylla Khouma.
«C’est toute une stratégie qui prend l’eau»
Entre investissements prévus mais plombés par le Covid-19 d’une part et d’autre part les nouvelles stratégies envisagées, le Comité d’orientation stratégique des secteurs du pétrole et du gaz (COS PETROGAZ) créé par Macky Sall s’échine à trouver un juste milieu qui ferait aboutir les projets initiaux.
«Les compagnies et les techniciens sont en train d’y travailler pour évaluer», affirme laconiquement à Sputnik Barthélémy Sène, conseiller technique en communication du ministre sénégalais du Pétrole et des Énergies.
L'ECO VICTIME DES DISSENSIONS ENTRE FRANCOPHONES ET ANGLOPHONES
"Dans les prochaines 10, 15 ou 20 ans, l’économie du Nigeria sera supérieure a celle de la France... si le Nigeria dit non à une monnaie, cette monnaie n’ira nulle part", tranche l’économiste Odillim Envegdara
Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, a exprimé ses inquiétudes quant à la faisabilité de la monnaie régionale ECO, affirmant que les pays sont désormais à la croisée des chemins avec ce projet.
M. Buhari a brandi le risque de dislocation de la Cédéao en cas d’adoption unilatérale de l’Eco par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dominée par les anciennes colonies de la France.
Abuja déplore le manque de confiance qui prévaut dans les discussions devant mener à une adoption commune de la nouvelle monnaie prévue pour l'ensemble de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (Cédéao).
En février dernier le Nigeria avait formulé une demande de prolongation du délai pour le lancement de la monnaie unique. Abuja souhaite aussi que "les critères de convergence" (les conditions économiques à remplir par tous les membres) soient atteints par la majorité des pays.
"C’est un problème entre Francophones et Anglophones", explique Djibrin Ibrahim, professeur de sciences politiques à l’Université d’Abuja. "Mais il y a aussi un deuxième problème, il s’agit des critères, des conditions et des principes annoncés pour l’établissement de cette nouvelle monnaie. La plupart des pays ouest-africains n’arrivent pas a remplir ces conditions qui sont très exigeantes et difficiles", ajoute-t-il.
L'état d'exception ne se justifie plus car inefficace contre le Covid-19, mais surtout, elle représente un risque de fractures sociales. Les Sénégalais ont fait savoir, par une série de manifestations, qu’ils n’en peuvent plus
Dans ces circonstances sanitaires particulières où des décisions urgentes sont capitales, les pouvoirs publics sont contraints à l'efficacité. Pressés d'agir, ils doivent pouvoir déroger, pour un temps limité, à certaines contraintes habituelles, toutefois, cette urgence ne vous dégage pas de la responsabilité que vous confie la constitution de restaurer les principes de l’état de droit au Sénégal.
Depuis l’instauration de l’état d’urgence, le 23 mars 2020, l’Association des Utilisateurs des TIC (ASUTIC) a fait état de sa non-pertinence comme mesure de lutte contre la Covid-19 car les textes existants ainsi que des actions de communication pour une appropriation citoyenne de la riposte, suffisaient largement pour répondre au défi sanitaire.
En outre, l’association a surtout fait part à plusieurs reprises de son inquiétude à l’égard du risque de pérennisation de l’état d’urgence par l’entrée dans le droit de commun de certaines mesures particulièrement attentatoires aux droits et libertés.
ASUTIC constate avec inquiétude ce basculement normatif qui s’installe dans la durée en portant une atteinte insupportable aux libertés fondamentales, pour lesquelles les citoyens se sont toujours battus et qu’ils ne voudraient pas voir réduites sous la pression de la menace sanitaire.
Vous aurez noté, monsieur le président, que le Sénégal ne devrait être pas cité parmi les pays africains qui semblent utiliser l’état d’urgence comme solution à leurs problèmes économiques et sociaux en portant atteinte, au nom de la « santé publique », au droit fondamental de se réunir et de manifester. Le Sénégal s’illustrerait ainsi négativement.
Après trois mois d’état d’urgence, les résultats montrent que l’état d’exception ne favorise en rien la protection des citoyens et empêche au contraire de concevoir une réponse de long terme à la menace sanitaire.
L’état d’urgence a été prolongé à trois reprises, par décret, suite à la loi d’habilitation n°2020-13 du 01 avril 2020. Si sa prorogation est votée à nouveau par l’Assemblée Nationale, le Sénégal connaitra une nouvelle période sous ce régime d'exception, un record.
La menace qui pèse sur le Sénégal - comme sur d'autres pays d'Afrique et du monde - reste et restera longtemps élevée. Plus de 3 mois après son instauration, des raisons objectives de la prorogation de l’état d’urgence ne peuvent être établies.
La consultation du comité national de gestion des épidémies au Sénégal est une démarche pertinente mais ne vous suffira pas pour avoir une vision complète de la situation car il a une approche strictement médicale de la gestion du Covid-19.
Aussi, l’appréciation objective de la situation actuelle commande d’entendre l’ensemble des acteurs (juristes, universitaires, éducateurs, religieux, les élus locaux, la société civile, les représentants des communautés de base…) qui vous éclaireront sur les effets toxiques de l’état d’urgence sur l’état de droit, en sus, du coût social et économique très élevé pour l’ensemble de la société sénégalaise.
En contournant le juge judiciaire garant des libertés, en épuisant les forces de sécurité, l'état d'urgence s'avère à long terme non seulement inefficace, mais aussi contre-productif.
Aussi, ne pas le renouveler serait, restaurer l’état de droit et un pas en avant vers une réflexion sur la résolution à moyen et long terme de la menace sanitaire dans une société soudée autour des valeurs et principes démocratiques les plus fondamentaux.
A défaut, la décision de le proroger tendrait à pérenniser et normaliser une approche policière de la santé publique, au moment où, elle est de plus en plus perçue par les citoyens comme relevant davantage de la communication politique que de la logique sanitaire.
Le droit commun, déjà de plus en plus imprégné de dispositions dérogatoires aux principes fondamentaux de la Constitution, se retrouverait ainsi disqualifié par la longueur de l’état d’urgence, et cela serait préoccupant pour l’avenir.
D’un régime d’exception à celui permanent, tout évènement servirait, désormais, de prétexte pour instaurer un régime policier facteur d’accentuation du contentieux social.
Enfin, nous tenons à vous rappeler que les Sénégalais, ont fait savoir par une série de manifestations, qu’ils n’en peuvent plus des interdictions et autres restrictions de l'état d'urgence.
Compte tenu des éléments précités, la prorogation de l’état d’urgence ne se justifie plus car inefficace pour lutter contre le Covid-19, mais surtout, elle représente un risque de fractures sociales.
Nous invitons donc le gouvernement à ne pas soumettre à l’Assemblée Nationale, un projet de loi en vue de proroger l’état d’urgence au-delà de la période des 3 mois fixée par la loi d’habilitation n°2020-13 du 01 avril 2020.
Veuillez agréer, monsieur le président, notre très haute considération.
La situation de ni guerre ni paix a engendré la naissance de sanctuaires rebelles. En attendant, une économie parallèle doit faire face à une armée sénégalaise déterminée à réinstaller les populations dans leurs localités d’origine
Sputnik France |
Momar Dieng |
Publication 25/06/2020
Au Sénégal, la situation de ni guerre ni paix en Casamance a mis en veilleuse la revendication d’indépendance et engendré la naissance de sanctuaires rebelles. En attendant, une économie parallèle structurée autour de trafics divers doit faire face à une armée sénégalaise déterminée à réinstaller les populations dans leurs localités d’origine.
Dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 juin, des tirs nourris d’armes lourdes ont retenti dans la zone de Bignona (région de Ziguinchor au sud du Sénégal). Le 15 juin dernier, un véhicule militaire sénégalais avait sauté sur une mine entre deux localités de Ziguinchor. Deux militaires ont été tués sur le coup, deux autres «grièvement blessés». Deux jours auparavant, huit «diambars» (mot wolof signifiant «fort» pour désigner les soldats sénégalais) avaient échappé à la mort après que leur véhicule a percuté une autre mine.
Ces incidents, les plus graves survenus depuis plusieurs mois, consacrent le retour des hostilités entre militaires sénégalais et rebelles du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Le conflit, entamé en décembre 1982, risque-t-il de s’exacerber après une longue période d’accalmie?
«La guerre est finie, mais la paix n’est pas là», résume pour Sputnik Robert Sagna, président du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (GRPC), une structure soutenue par les pouvoirs publics sénégalais et supposée avoir l’oreille du Président Macky Sall. «Ces derniers événements entravent certes le processus de paix [parrainé par la Communauté de Sant’Egidio proche du Vatican, ndlr] en cours, le rendent plus difficile, mais ils ne le mettent pas en danger», ajoute cet ancien ministre d’État et ex-maire de la ville de Ziguinchor.
Les incidents qui se multiplient viennent de la volonté de l’armée d’encadrer le retour au bercail des déplacés. Depuis plusieurs années, en effet, plusieurs milliers de personnes avaient déserté leurs localités pour échapper aux combats meurtriers entre militaires et rebelles.
Profitant de l’absence des populations, des franges du MFDC ont pris possession des lieux abandonnés et transformé le vide ainsi créé en des «cantonnements militaires».
Robert Sagna, président du GRPC
En même temps, ils ont développé sur place une économie parallèle, plus mafieuse que légale.
«Les bandes armées ont sanctuarisé des espaces qui ne leur appartiennent pas et qui restent des territoires occupés. Quand les populations ont fui, les rebelles ont intensifié le trafic de bois et le vol de bétail. Ils alimentent Ziguinchor et les autres centres urbains en grandes quantités de viande de brousse. Ils ont renforcé la culture de l’anacarde, pour laquelle ils tirent de substantiels revenus monétaires.
Et comme il n’y a pas eu en amont de négociations entre autorités sénégalaises et représentants de la rébellion pour organiser le retour des déplacés, personne n’ose s’approcher des zones conquises», analyse pour Sputnik un membre de la société civile locale qui a requis l’anonymat par peur de représailles contre sa famille, restée au village.
«Faux», rétorque Jean-Marie François Biagui, ancien secrétaire général du MFDC, fondateur et président du Parti social-fédéraliste (PSF), une entité éloignée de la revendication d’indépendance du MFDC originel et favorable à un grand ensemble fédéral sénégalais, qui prendrait en compte des spécificités régionalistes comme celles de la Casamance, cette région du Sud du pays.