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25 avril 2025
Femmes
UNE COLLABORATION FRANCO-SENEGALAISE POUR L’AUTONOMISATION DES FEMMES
Madame Christine Fages, ambassadrice de France au Sénégal, a rappelé l’engagement de la France en faveur de la diplomatie féministe, une initiative portée par seulement 15 pays dans le monde
En prélude à la Journée Internationale des Droits des Femmes célébrée chaque année le 8 mars, le Musée de la Femme Henriette Bathily a accueilli une rencontre de haut niveau hier, jeudi 7 mars, en présence de l’ambassadrice de France au Sénégal, Madame Christine Fages, de la directrice exécutive du musée, Madame Awa Cheikh Diouf, et de la représentante de la ministre de la Famille et des Solidarités Madame Maimouna Dièye. Cet événement, organisé en partenariat avec l’Ambassade de France, s’inscrivait dans le cadre de l’initiative « Égalité en Lumière », visant à mettre en avant les actions en faveur des femmes au Sénégal.
Madame Christine Fages, ambassadrice de France au Sénégal, a rappelé l’engagement de la France en faveur de la diplomatie féministe, une initiative portée par seulement 15 pays dans le monde. Elle a souligné que le soutien à l’écosystème féminin est une priorité pour l’équipe France au Sénégal, notamment dans les domaines de la santé, de l’entreprenariat, et de la lutte contre les violences faites aux femmes. « Nous souhaitons que cet événement soit un des événements majeurs de l’année, au même titre que le Women Investment Forum ou le forum exclusivement féminin », a-t-elle déclaré. L’ambassadrice a également mis en avant les projets concrets soutenus par la France, tels que le fonds Maïssa, dédié aux industries culturelles et créatives, et le projet Finance for All, qui facilite l’accès au financement pour les femmes entrepreneures. « Les femmes sénégalaises sont dynamiques et créent de la richesse. Elles ont juste besoin d’un coup de pouce pour coconstruire des projets bénéfiques pour tous », a-t-elle ajouté.
Une exposition ethnographique mettant en lumière le pouvoir des femmes
Madame Awa Cheikh Diouf, directrice exécutive du Musée de la Femme Henriette Bathily, a présenté l’exposition photo ethnographique intitulée « Égalité en Lumière », réalisée en partenariat avec l’Ambassade de France. Cette exposition met en avant les communautés Adiamat et Tenda du Sénégal, ainsi que les rôles traditionnels des femmes dans l’organisation sociale et politique de ces communautés. « Cette exposition met en exergue le pouvoir des femmes, qu’il soit ésotérique ou politique. C’est la quintessence de ce que nous voulons transmettre », a-t-elle expliqué.
L’exposition, qui se tient à l’esplanade de la Place du Souvenir, présente également les réalisations concrètes des femmes entrepreneures soutenues parles différents programmes mis en place. « Dès l’instant où l’on capacite les femmes et qu’elles acquièrent un savoir-faire, elles peuvent aller de l’avant. Le thème de cette année, ‘Pour toutes les femmes et pour toutes les filles : droit, égalité et autonomisation’, reflète cette volonté de les accompagner financièrement et techniquement », a ajouté Madame Diouf.
Un programme riche en activités
Pendant deux jours, plusieurs activités sont prévues pour célébrer les droits des femmes et leur autonomisation. Un colloque réunissant des experts, des entrepreneures et des représentantes d’ONG abordera des thématiques telles que l’accès au financement, la santé des femmes etla lutte contre les violences basées sur le genre. Des stands d’exposition présenteront les réalisations des femmes dans divers domaines, notamment le sport, l’investissement, et les industries créatives. En marge de l’exposition, des ateliers de formation et de sensibilisation seront organisés pour les femmes entrepreneures, avec un focus sur les compétences techniques et managériales nécessaires pour développer leurs projets. Enfin, une cérémonie de remise de prix récompensera les initiatives les plus innovantes portées par des femmes.
Des avancées concrètes depuis la première édition
Interrogée sur les avancées depuis la première édition de l’événement, Madame Fages a souligné les progrès réalisés dans le cadre du Teranga Club et de l’incubation des femmes dans l’entreprenariat. «Nous avons incubé un nombre important de femmes cette année et continuons à soutenir les ONG dans la santé des femmes et la lutte contre la violence », a-t-elle déclaré.
La représentante de la ministre de la Famille et des Solidarités a salué cette initiative et réaffirmé l’engagement du gouvernement sénégalais à soutenir les femmes dans tous les domaines. « L’autonomisation des femmes est une priorité nationale, et nous travaillons main dans la main avec nos partenaires pour atteindre cet objectif », a-t-elle conclu.
Cette rencontre au Musée de la Femme Henriette Bathily a été l’occasion de rappeler l’importance de la collaboration internationale pour l’autonomisation des femmes. À travers des expositions, des colloques et des ateliers, cet événement a mis en lumière les réalisations des femmes sénégalaises et les défis qui restent à relever. Alors que la Journée Internationale des Droits des Femmes est programmée pour demain, samedi 08 mars, cet événement rappelle que l’égalité et l’autonomisation des femmes sont des enjeux majeurs pour le développement durable du Sénégal et du monde entier.
UNE PRÉTENDUE FAVEUR QUI CRÉE L'INÉGALITÉ
Le Collectif des féministes du Sénégal s'insurge contre la permission accordée aux femmes de quitter leur poste à 15h pendant le Ramadan. Il dénonce une mesure qui, sous apparence de bienveillance, instaurent des discriminations
Le Collectif des féministes du Sénégal dénonce dans le communiqué ci-après, les notes de service permettant aux seules femmes de quitter leur poste à 15h pendant le Ramadan au sein de plusieurs administrations publiques. Il s'agit selon lui, de directives qui sous apparence de bienveillance religieuse, instaurent des discriminations multiples contraires aux principes constitutionnels d'égalité et de laïcité de la République du Sénégal. Face à cette atteinte aux droits fondamentaux, le Collectif appelle à une mobilisation immédiate pour faire respecter l'égalité entre tous les citoyens, sans distinction de genre ou de confession.
"Lii jubul jubentilen ko !
Nous avons pris connaissance, avec stupeur, des notes de service émanant des directions de certains services publics (le Port autonome, la Poste, etc). Il s’agit de notes dans lesquelles le personnel féminin est autorisé à partir à 15h pour cause de Ramadan.
Ces notes de service posent problèmes car elles sont constitutives de diverses discriminations. Au premier rang desquels on note des discriminations entre les agents hommes et les agents femmes des services publics. De surcroit, elles instaurent des discriminations entre hommes musulmans et femmes musulmanes contraires également aux principes islamiques (les musulmanes et les musulmans étant égaux devant leurs devoirs de respect d’un des piliers de l’Islam). S’y rajoutent des discriminations entre personnes de confession musulmanes et personnes d’autres confessions. Enfin elles induisent des discriminations entre agents du secteur public et professionnels du secteur privé.
En l’espèce, ces notes défient le principe de respect des libertés fondamentales et des droits des citoyens qui sont au fondement de la société sénégalaise. Elles défient également la Constitution du Sénégal qui proclame le rejet et l’élimination, sous toutes leurs formes, de l’injustice, des inégalités et des discriminations. Au surplus, ces notes portent atteinte au principe de l’article premier de ladite Constitution qui énonce : « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Tous les agents des services publics sont fondés à agir en attaquant ces notes par des recours en excès de pouvoir. Elles ne sauraient prospérer et porter atteinte à leurs droits et encore moins au principe d’égalité des citoyennes et des citoyens sénégalais consacré par notre Constitution commune.
Bon Ramadan, bon carême, bons hommages aux ancêtres ou juste bonne journée !
Bien cordialement.
Mbooloo wu jigéenaan yi"
L’ONU EXIGE UNE APPLICATION STRICTE DE LA LOI
Malgré l’interdiction de l’excision depuis plus de deux décennies, onze fillettes âgées de cinq mois à cinq ans ont été mutilées le 15 février dernier à Goudomp, dans la région de Sédhiou.
Malgré l’interdiction de l’excision depuis plus de deux décennies, onze fillettes âgées de cinq mois à cinq ans ont été mutilées le 15 février dernier à Goudomp, dans la région de Sédhiou. Face à cette violation grave des droits des enfants, l’UNICEF, l’UNFPA et ONU Femmes dénoncent un recul inquiétant et appellent à l’application stricte de la loi pour mettre fin à cette pratique néfaste.
L’excision, pourtant interdite au Sénégal depuis plus de vingt ans, continue de sévir dans certaines communautés. Le samedi 15 février 2025, dans le département de Goudomp, région de Sédhiou, onze fillettes âgées de cinq mois à cinq ans ont été excisées collectivement. L’information, révélée par les services de protection de l’enfance et relayée par les agences onusiennes, a suscité une vive indignation.
Dans un communiqué publié le 21 février, l’UNICEF, l’UNFPA et ONU Femmes dénoncent avec fermeté cet acte barbare, qui survient quelques jours seulement après la Journée internationale de tolérance zéro contre les mutilations génitales féminines (MGF). Ces organisations regrettent que, malgré les efforts du gouvernement et les avancées législatives, cette pratique persiste dans certaines régions, souvent avec la complicité de membres de la communauté.
Si aucune interpellation n’a encore eu lieu, les agences onusiennes saluent le travail des forces de l’ordre, des services de santé et des acteurs engagés dans la lutte contre les MGF.
Elles rappellent l’urgence d’appliquer la loi pour traduire en justice les auteurs et complices de ces crimes.
Un fléau aux conséquences dramatiques
L’excision est une atteinte grave aux droits fondamentaux des filles et des femmes. Ses conséquences physiques et psychologiques sont profondes et irréversibles : douleurs aiguës, infections, complications obstétricales, traumatismes psychologiques et, dans certains cas, décès. « L’excision n’est pas seulement une atteinte à l’intégrité physique des filles, c’est une négation de leur avenir », a déclaré Jacques Boyer, Représentant de l’UNICEF au Sénégal. Tracey Hebert-Seck, Représentante de l’UNFPA, s’indigne également : « À cinq années de l’échéance des ODD de 2030, un seul cas est de trop ! Il est impératif de prendre nos responsabilités afin qu’aucune fille ne subisse encore ce sort. »
Arlette Mvondo, de son côté, souligne le paradoxe sénégalais : « Il est difficile de comprendre qu’une violation aussi grave des droits fondamentaux des filles ait lieu dans un pays pionnier dans la lutte contre les MGF. ». Les chiffres confirment l’ampleur du problème : au Sénégal, près de deux millions de filles et de femmes ont subi des MGF. Parmi elles, 12,9 % ont été excisées avant l’âge de 15 ans, et .80 % avant leur cinquième anniversaire.
Une loi en vigueur mais insuffisamment appliquée
Le Sénégal a pourtant été l’un des premiers pays de la région à criminaliser l’excision avec l’adoption en 1999 de la loi 99-05. Celleci pénalise non seulement la pratique elle-même, mais aussi son instigation, sa préparation, son assistance et son non-signalement. La Constitution sénégalaise, dans son article 7, garantit également la protection de toute personne contre toute forme de mutilation physique. Mais malgré ces avancées législatives, l’application de la loi reste insuffisante. Dans certaines communautés, l’excision demeure profondément ancrée dans les traditions et continue d’être pratiquée en secret.
Face à cette situation, l’UNICEF, l’UNFPA et ONU Femmes appellent à un sursaut collectif. Elles exhortent les autorités à poursuivre systématiquement les responsables de ces actes et à renforcer la sensibilisation pour éradiquer définitivement cette pratique. Depuis 2008, l’UNICEF et l’UNFPA soutiennent la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’abandon des MGF. Ces agences collaborent avec les ministères, les collectivités territoriales et la société civile pour lutter contre les violences et les pratiques néfastes visant les femmes et les filles.
L’excision n’est pas une fatalité. Si la loi est appliquée avec rigueur et que les efforts de sensibilisation se poursuivent, il est possible d’en finir définitivement avec cette pratique d’un autre âge. Pour cela, un engagement ferme du gouvernement, des autorités locales et de la société dans son ensemble est indispensable.
Par Fatou Warkha SAMBE
LE SOUKEROU KOOR QUE L’ON PEUT OFFRIR AUX FEMMES
Le véritable Soukeurou Kor que l’on peut offrir aux femmes, c’est d’écouter leurs revendications et de prendre des mesures concrètes pour rendre effectifs leurs droits
Dans cinq jours, nous marquerons une nouvelle Journée internationale des droits des femmes. Quand je pense à ce jour, l’une des choses qui me viennent à l’esprit, c’est cette chanson de Ismaïla Lô avec ce refrain : «Toutes les femmes sont des reines, certaines plus reines que des reines...» C’est le son que plusieurs plateaux spéciaux dans nos télévisions utilisent pour le générique de leurs émissions spéciales 8 mars. Vous pouvez déjà deviner le contenu : il ne sera rien d’autre qu’un enchaînement de louanges sur la bravoure des femmes, leur capacité de résilience, un rappel des souffrances que nos mamans et grandsmères ont endurées au sein de la société. Mais aujourd’hui, je me demande : comment peut-on faire un si grand hors-sujet ? Est-ce un manque de connaissance ou une volonté manifeste d’ignorer le but de cette journée ?
Ainsi, j’ai grandi avec cette conscience collective qui fait de la Journée internationale des droits des femmes, une journée de célébration. Vous verrez certainement des événements ou publications où ils ne mentionneront que «Journée internationale des femmes», effaçant totalement la notion de droits, comme si ce jour servait uniquement à exalter une essence féminine plutôt qu’à revendiquer l’égalité et la justice. On nous parlera de «reines», de «mères courageuses», et de «gardiennes du foyer», tout en éludant soigneusement les revendications concrètes des femmes qui subissent chaque jour l’injustice, les violences et la précarité. Cette confusion n’est pas anodine, elle permet de neutraliser un combat politique en le réduisant à une célébration vide de revendications. Quand on parle de droits au Sénégal, si les gens ne nous disent pas que les femmes ont déjà tout, ils vont nous répondre que l’islam a déjà tout donné aux femmes, comme s’ils appliquaient à la perfection ce que l’islam prescrit. Cette rhétorique sert souvent à invalider toute demande de justice et d’égalité, alors même que dans les faits, les inégalités persistent et sont institutionnalisées.
Le 8 mars trouve son origine dans les luttes ouvrières et féministes du début du XXe siècle. En 1908, des milliers de femmes ont manifesté aux Etats-Unis pour réclamer de meilleures conditions de travail, le droit de vote et l’égalité des droits. En 1910, lors de la Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, Clara Zetkin propose l’idée d’une journée internationale pour revendiquer les droits des femmes. En 1917, en Russie, une grève des ouvrières marque un tournant dans l’histoire, menant à la reconnaissance officielle du 8 mars comme une journée de mobilisation pour les droits des femmes. En 1977, l’Onu institutionnalise cette date en tant que Journée internationale des droits des femmes, confirmant ainsi son ancrage dans les luttes pour l’égalité et contre les discriminations systémiques.
Mais l’histoire des luttes féminines ne se limite pas à l’Occident. Au Sénégal, un autre épisode emblématique s’est déroulé en mars 1820 : celui des femmes de Nder, qui ont marqué l’histoire par leur acte de résistance face à l’oppression. Ce jour-là, alors que les hommes du village étaient partis au champ, les envahisseurs maures ont attaqué. Plutôt que de se soumettre, ces femmes ont choisi de se battre. Face à la défaite inévitable, elles ont préféré périr dans les flammes du palais plutôt que d’être réduites en esclavage. Leur courage illustre la détermination et la force des femmes sénégalaises dans leur lutte pour la dignité et la liberté.
Le mois de mars est donc symbolique à plus d’un titre : il est le mois des luttes féminines, qu’elles soient ouvrières ou enracinées dans notre propre histoire. Il rappelle que la revendication des droits des femmes ne s’est jamais faite sans résistance ni sacrifices, et que la mémoire des luttes doit guider nos combats actuels.
Sous le thème de cette année : «Pour toutes les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation», une fois de plus, ce 8 mars s’inscrit dans une réalité marquée par les violences faites aux femmes, le recul des droits et la marginalisation politique. Alors que le Sénégal connaît des transformations majeures sur le plan politique avec l’arrivée du nouveau gouvernement, les femmes, elles, sont toujours laissées de côté. Leur représentation au sein du gouvernement a diminué, les violences n’ont pas cessé, et les avancées légales stagnent. Pendant que d’autres catégories de la population bénéficient du changement, les femmes restent reléguées aux marges du pouvoir et de la société.
Et en ce mois de Ramadan, le gouvernement nous doit bien un Soukeurou Kor. Puisque ce 8 mars est une journée de revendication, nous allons lui dire clairement le contenu du panier que nous voulons : pas des gestes symboliques, mais des actions concrètes pour faire respecter nos droits.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est un cadre sécuritaire où les féminicides, les agressions sexuelles et les violences conjugales ne sont plus relégués au rang de faits divers. Nous voulons des lois appliquées avec rigueur, des mécanismes de protection renforcés, des refuges sécurisés, un accompagnement psychologique des survivantes et des sanctions effectives contre les agresseurs.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une égalité économique réelle, où les femmes ne sont plus confinées aux marges de l’économie informelle et de la précarité. L’accès aux financements, la reconnaissance du travail domestique, le soutien aux entrepreneures et l’égalité salariale ne doivent plus être des combats sans fin. Nous demandons aussi une protection sociale pour les travailleuses domestiques et toutes celles du secteur informel.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une justice sociale tangible. Nous voulons un accès gratuit aux serviettes hygiéniques et des toilettes propres dans toutes les écoles. L’éducation des filles ne doit plus être entravée par des règles non prises en charge dignement. Il est temps de mettre en place une politique de lutte contre la précarité menstruelle et d’assurer la gratuité des protections hygiéniques dans les écoles et lieux publics.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une réelle égalité dans l’accès à la terre. Il est inadmissible que des femmes qui nourrissent la population soient privées de la propriété foncière. Nous voulons des réformes foncières qui garantissent aux femmes un accès équitable aux titres de propriété et aux ressources agricoles.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une véritable représentation politique et institutionnelle. Les décisions qui nous concernent doivent être prises avec nous, et non à notre place. A celles et ceux qui contestent les quotas, il suffit d’observer les nominations où la parité n’est pas obligatoire : les femmes y sont absentes. Ce n’est pas une question de compétence, mais de verrouillage du pouvoir par l’entre-soi masculin et des biais sexistes. La parité ne doit pas être un débat, mais une nécessité pour une démocratie équitable.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est un ministère qui défend réellement les droits des femmes. En réduisant le ministère de la Femme à un ministère de la Famille, on éloigne encore plus les luttes pour l’égalité. Nous voulons un ministère qui prenne des décisions ambitieuses en matière d’émancipation économique, politique et sociale des femmes.
Cette année, alors que le 8 mars coïncide avec le mois de Ramadan, j’espère que ce mois et ses exigences ne prendront pas le dessus sur l’essence de cette journée. J’espère que, plutôt que d’organiser des conférences religieuses vantant la résilience des femmes, les entreprises accorderont enfin une place à l’écoute des revendications des travailleuses. J’espère qu’au lieu de répondre concrètement aux demandes des femmes, ils ne se contenteront pas de louer leurs mérites à travers des discours sans engagement. J’espère, et j’espère encore, que le Président ne se limitera pas à un tweet accompagné d’un visuel nous souhaitant une «bonne journée». Nous voulons plus.
Le véritable Soukeurou Kor que l’on peut offrir aux femmes, c’est d’écouter leurs revendications et de prendre des mesures concrètes pour rendre effectifs leurs droits
Ps : *Soukeurou Kor : est une offre traditionnelle distribuée pendant le Ramadan, souvent sous forme de panier alimentaire.
KINÉ LAM, UNE VOIX QUI TRANSCENDE LES ÉPOQUES
Ses mélodies envoûtantes ont traversé les générations, portant l'héritage des griots dans un style fusionnant tradition et modernité. Son parcours, de la troupe théâtrale scolaire aux scènes internationales, témoigne d'un talent inné
Elle a toujours chanté. C’est tout ce qu’elle sait faire d’ailleurs. Elle a toujours subjugué, submergé et transmis des ondes de frissons et des palettes de réflexions à beaucoup de générations. L’artiste sénégalaise Kiné Lam est une muse, une fée de la musique africaine. 50 ans de mélodies, de leçons et de poésie, l’éternelle amoureuse de feu son mari Ndongo Thiam a bercé le Sénégal et la sous-région. Son œuvre est un creuset de mémoire, de fragments d’histoires et une manne culturelle.
Il y a quelques mois, le groupe de recherche sur les expressions culturelles contemporaines (Gre2C) et le laboratoire de Littératures et civilisations africaines de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar ont consacré une large journée d’étude à l’œuvre de l’immense chanteuse sénégalaise Kiné Lam. Ce n’est pas étonnant, mais un peu tard. Mais, il vaut mieux tard que jamais n’est-ce pas ? Voilà maintenant que son œuvre est devenue un objet de réflexion. Kiné, née Fatou Lam est cette voix qui s’élève, cette étoile filante fendant la nuit du Sénégal. Sa musique est un souffle d’Afrique, un chant ancien porté par les vents, glissant sur les rives dorées du temps, où le passé et le présent se rejoignent dans une danse éternelle. Sa voix, douce et puissante à la fois, est un ruisseau sinueux serpentant entre les pierres de la mémoire. Elle chuchote des secrets d’antan, puis hurle des vérités profondes comme des vagues frappant les falaises d’une île lointaine. Elle caresse l’air de sa tendre douceur, avant de s’enflammer, de devenir flamme et brasier, emportant l’auditeur dans un tourbillon d’émotions. Comme un poème, elle déploie ses courbes, ses silences, ses éclats, où chaque mot qu’elle chante devient une étoile scintillante dans le ciel d’un univers inconnu.
Prémices d’une belle carrière
Les instruments qui l’accompagnent sont des complices de son voyage. Les percussions, battements d’âme, comme des coups de cœur, frappent l’air avec une énergie primitive, incantatoire, faisant naître des frissons sur la peau. Le sabar, tel un tambour de guerre, fait vibrer les profondeurs de l’univers, tandis que le xalam, tendu comme un arc, laisse filer des mélodies légères, cristallines comme les gouttes d’une pluie d’été. « Dans ses chansons, son discours électrisant aux tonalités didactiques, épiques, dramatiques, lyriques, satiriques, etc. est enveloppé dans une mélodie rythmique qui frappe le cœur et interpelle la tête. Sa musique est entendue, sentie, écoutée avant d’être comprise », explique Dr Ibrahima Faye, spécialiste des littératures orales et civilisations africaines et chargé de recherche au département de Langues et Civilisation africaines de l’Institut fondamental Afrique noire Cheikh Anta Diop.
Sa voix est un don, sa puissance vocale un talent. Elle est donc naturellement née pour ébranler le monde tout doucement. Kiné Lam Mame Bamba, celle qui allait devenir une diva incontestée de la musique sénégalaise, est née à l’aube de l’indépendance du Sénégal, le 8 novembre 1958, dans le quartier populaire de Grand-Dakar. Issue de Mbaye Lam et de Khady Samb, tous deux de lignée griotte, Kiné fait ses premières humanités à l’école primaire Waagu Niaay 2, avant de poursuivre à Guédiawaye où il a eu son Certificat de Fin d’Études Élémentaires et réussi son examen d’entrée en Sixième, après le déménagement de ses parents. En 1972, elle accède ainsi au Lycée Canada, actuel collège Cheikh Anta Mbacké à Pikine. C’est dans cet établissement que l’art ouvre ses bras à Kiné Lam par le truchement de la troupe théâtrale scolaire. Elle ne chantera pas de prime abord, mais bien après. Dans ce bouillonnement artistique de la banlieue dakaroise, Kiné se découvre peu à peu. Elle commence l’aventure des chants dans les événements de luttes traditionnelles qu’elle animait, moyennant un pécule qu’elle versait à sa mère. Elle obtient alors la bénédiction de sa mère. À cet effet, la musique de Kiné Lam est devenue une rivière, fluide et inaltérable, sculptée par les tempêtes et les calmes. Elle façonne ainsi une signature vocale qui nous transporte au cœur d’un paysage vaste et sacré, sans fin. L’année 1975 sonne le glas d’une carrière d’amateur. L’éternelle amoureuse de son mari Ndongo Thiam, aujourd’hui disparu, signe sa première chanson, « Mame Bamba ». Dans une prestation au stade Iba Mar Diop, elle sera présentée par Abdoulaye Nar Samb, sous le nom Kiné Lam Mame Bamba, l’éternel nom qu’elle portera, nous renseigne Mouhamed Sow dans son podcast « L’envol de Kiné Lam ». Cette chanson est devenue un éclat de lumière dans une nuit étoilée, un éclair qui frappe sans prévenir.
Opus sur opus
Kiné Lam est une poétesse du son, une magicienne des âmes, une visionnaire qui, à travers son art, fait naître des mondes. Avec le morceau « Mame Bamba », Kiné Lam parvient à nouer un duo conjoncturel avec Ndiaga Mbaye, puis en 1977 elle connaîtra une formation de courte durée avec l’Orchestre national du Sénégal. Son talent se déploie ainsi, largement. Elle tape dans l’œil du directeur du Théâtre national Daniel Sorano de l’époque, neveu du président Senghor de surcroît, Maurice Sonar Senghor. Ce dernier exige qu’elle soit auditionnée. Cette audition sera soldée par une réussite totale devant Annette Mbaye d’Erneville, Samba Diabaré Samb et d’autres illustres figures culturelles de cette époque. Elle devient membre à part entière de l’Ensemble lyrique traditionnel de Sorano en 1978. C’est en 1982 qu’elle enregistre sa première cassette, avec le Super Etoile de Dakar, à son nom. Dans la foulée, elle continue son cheminement artistique avec l’Ensemble lyrique traditionnel. L’année 1989 sera marquée par la sortie de son deuxième album « Cheikh Anta Mbacké », produit par Ibrahima Sylla au studio Jbz à Abidjan avec des musiciens comme Boncana Maïga et Abdou Mbacké du Super Jamono qui a assuré les arrangements. Dans cet album, le titre « Dogo », consacré à son mari Ndongo Thiam, avec qui elle s’est mariée à l’âge de 19 ans, devient un hymne de l’amour qui traverse le temps et devient, si on peut dire, l’œuvre de sa vie. Portée au pinacle par la réussite de son album, elle met en place son propre groupe musical : Kaggu (la bibliothèque en wolof). Une première pour une femme au Sénégal. Elle fait ainsi appel à Cheikh Tidiane Tall pour chapeauter l’orchestre avec Yahya Fall à la guitare, Ibrahima Dieng Itou à la basse, Iba Ndiaye au clavier et le duo Sibérou Mboup « Chuck Berry » et Ndiaye Samba Mboup, etc. Le Kaggu sort l’album « Balla Aïssa Boury » qui a comporté en à plus douter à la lévitation de la carrière de Kiné Lam. Ayant une notoriété indiscutable, le Kaggu renchérit avec un autre volume en 1991, « Gallass ». Dans cette production, c’est le morceau « Sëy » qui sort du lot à travers la puissance des mots et le message qu’il porte. En ce sens, Kiné Lam, à travers sa musique, est une déesse du vent, une messagère entre les mondes, une voix qui touche l’âme avec la douceur d’un souffle et la force d’un orage. Elle emporte avec elle celui qui l’écoute, le transporte au-delà du tangible, vers un univers où chaque vibration fait écho à une émotion profonde, un souvenir enfoui, un rêve partagé. Kiné et le Kaggu tourne en Europe et en Amérique. Ce cycle infernal de tournée et de concerts fait tache d’huile sur la relation entre la diva et Cheikh Tidiane Tall, nous renseigne Mouhamed Sow. Néanmoins, le groupe continue son chemin et enregistre deux autres albums dont « Touba Belel » et « Leer Gi ». Dans ce rythme harassant et la soif de produire, les deniers albums sont moins appréciés par le public, du fait de leur rapprochement avec les deux albums précédents. Le Kaggu prend alors la décision d’observer un temps de mûrissement de leur production avant de s’en attaquer à d’autres. Ils restèrent un peu plus de deux années sans sortie. Ce temps de transition leur a réussi. Ils reviennent avec un album plus abouti. L’album de 6 titres, « Noreyni » est enregistré au studio Harison à Paris.
Kine Lam et le « tradi-moderne »
Ce qui rend la musique de Kiné Lam encore plus captivante, c’est sa capacité à fusionner les sonorités traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest avec des influences modernes. Dans chaque morceau, elle joue des lignes mélodiques qui évoquent les rythmes ancestraux, mais elle y insuffle également un souffle moderne, électrique, en phase avec les tendances musicales contemporaines. Sur la conception de Cheikh Tidiane Tall, celle que Souleymane Faye appelle « la reine du Mbalax » adopte un autre style musical qu’est le tradi-moderne. Sur ce terrain, elle sait comment ancrer sa musique dans la tradition tout en la rendant totalement contemporaine, abordable, universelle. Le mbalax, genre musical emblématique du Sénégal, est l’un des axes principaux de sa musique, mais elle l’embrasse avec une telle liberté qu’il en devient presque méconnaissable, ouvert à de multiples influences. L’album qui découle de ce concept est « Sunu Cosaan ». À ces sons organiques se mêlent parfois des basses électroniques, des synthétiseurs, des cordes électriques, créant ainsi un enchevêtrement de sons où le traditionnel se fond dans le moderne. Hélas, le métronome de ce nouveau style musical et la cantatrice se séparent. Il sera remplacé à brûle-pourpoint par Adama Faye, compositeur. Très vite, ils sortent l’album « Borom Taïf ». De l’album « Praise » qui s’en suit, en passant par « Le retour », « Cey géer », «Makkarimal Akhla », avec tous les soubresauts que sa carrière a connus, la diva n’a jamais cessé d’émouvoir le public. Le dernier album qu’elle avait commencé en 2016 avec Habib Faye est toujours suspendu dans l’attente, avec un public en déréliction qui n’attend que d’être comblé.
LE GEEP ET L'AMBASSADE DES PAYS-BAS SIGNENT UN PARTENARIAT
Le ministère de l'Éducation nationale, en partenariat avec l'Ambassade des Pays-Bas et le Groupe d'Études et d’Enseignements pour la Population (GEEP) s'attèlent à lutter efficacement contre les mariages et les grossesses précoces des filles à l'école
Le ministère de l'Éducation nationale, en partenariat avec l'Ambassade des Pays-Bas et le Groupe d'Études et d’Enseignements pour la Population (GEEP) s'attèlent à lutter efficacement contre les mariages et les grossesses précoces des filles dans le milieu scolaires. Le projet a été lancé hier, jeudi 27 février 2025, au lycée de Ngane Saer, en présence des autorités administratives, académiques, des enseignants, élèves et une forte mobilisation des associations de parents d'élèves. Financé à hauteur de 12 millions de FCFA pour une phase pilote, ce projet a pour objectif d'accompagner les jeunes adolescents et adolescentes sur la santé à la reproduction.
Tout est parti d'un constat selon lequel il existe une forte croissance de la sexualité dans les écoles, mais aussi des mariages et beaucoup de grossesse précoces. Ce qui, du coup, constituent des obstacles majeurs au développement et à la scolarisation des filles. Déjà en 2024, au moins 1264 cas de grossesses ont été enregistrés dans les établissements scolaires du pays. Et, selon les statistiques, Kaolack, Ziguinchor et Fatick enregistrent les plus forts taux.
D'ailleurs, c'est pour cette raison que le partenariat entre le GEEP et les Pays-Bas a préféré mettre plus l'accent dans ces régions dont Kaolack qui vient d'abriter le lancement du projet. Ainsi, dans cette trajectoire, le projet sera exécuté dans deux (2) départements de chacune de ces régions. Du côté du GEEP et son partenaire, l'espoir est permis, car lors de la cérémonie de lancement, ce sont les élèves eux-mêmes qui ont confectionné leurs propres poèmes, sketchs et «slams», pour sensibiliser leurs camarades et leurs propres parents sur les mariages et grossesses précoces qui constituent une entrave à leurs carrières scolaires et le développement du potentiel pour les filles.
En plus des apprenants et les personnels d'encadrement, la sensibilisation contre ces mariages et grossesses précoces sera portée par les équipes de santé, les structures des organisations non gouvernementales (ONG) et partenaires telles que la Coopération Belge avec ENABEL, Plan International, l'Association pour la promotion de la femme sénégalaise (APROFES) et autres acteurs qui vont accompagner les enseignants pour leurs formations et celles de leurs protégés. Mais également dans les mobilisations communautaires afin d’amener les communautés à prendre conscience des risques que constituent ces maux de l'école.
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AFRICA FIRST, SENEGAL FIRST : NOUS D'ABORD
EXCLUSIF SENEPLUS : La géopolitique des grandes puissances ne doit en aucun cas dicter les choix des dirigeants africains, qui doivent défendre leur peuple. C’est l’avis d'Aminata Touré.
La souveraineté du Sénégal et de l’Afrique doit être défendue sous tous ses aspects par les Sénégalais et les Africains, face à n'importe quel pays. Aucun impérialisme ne doit plus avoir droit de cité chez nous. C’est pour cela que l’unité de l’Afrique est pertinente, afin de défendre sa sécurité, régler ses problèmes collectivement, selon Aminata Touré, pour qui la politique des partenaires étrangers devrait être secondaire pour les Africains.
«C’est notre posture personnelle qui est importante. Ce que d’autres présidents vont faire doit être secondaire pour nous, pays africains. Le plus important, c’est quelles politiques vont servir nos propres intérêts que nous voulons mettre en place. C’est ça la démarche. Donald Trump ou pas, les Africains, ce qui devrait les intéresser, c’est comment gérer souverainement et ensemble leurs pays, industrialiser leur agriculture, former leurs jeunes et soutenir les femmes… »
Dans cette perspective, que la France perde de son influence en Afrique ne doit être le souci d’aucun Africain, selon le Haut Représentant du Président de la République, Aminata Touré, qui a trouvé « malheureuse » la sortie d’Emmanuel Macron face à ses ambassadeurs, où il accusait les Africains d’être ingrats et prétendait que la France n’est pas congédiée du Sahel mais partie de son propre chef.
En tout cas, les bases militaires étrangères en plein 21e siècle dans nos pays ne sont pas tolérables, d’après l’ancienne Garde des Sceaux. Aminata Touré est sans concession, qu’il s’agisse de la France, de la Russie, de la Chine ou de tout autre pays, cela « c’est terminé », a martelé Aminata Touré.
« La question d’avoir des bases dans les pays des autres est une question dépassée, c’est un anachronisme, ça n’existe nulle part. Au nom de quoi vous voulez avoir des bases dans les pays de quelqu’un d’autre ? C’est fini, c’est terminé », estime Aminata Touré.
Dans la même veine, que les États-Unis choisissent de renvoyer des étrangers de leur sol reste une décision souveraine, voire même légitime. Pour Aminata Touré, ce qui compte, c’est le Sénégal, c’est l’Afrique d’abord. Puisque de l’autre côté, Donald Trump professe à la ville et au monde l’Amérique d’abord, les Africains devraient aussi assumer de dire, d’assumer et de faire tout pour l’Afrique d’abord.
En revanche, dans le processus d’expulsion, les États-Unis devraient se comporter comme le pays civilisé qu’ils prétendent être, en respectant strictement les droits des émigrés. C’est le moment d’en donner la preuve. Parce qu’être émigré ne rime pas avec criminel.
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POUR UNE ÉCONOMIE DE LA DIGNITÉ
Alors que le Sénégal traverse une crise des finances, Felwine Sarr insiste : les infrastructures et la croissance économique ne sont pas des fins en soi. Il suggère la production 'd'une fabrique de l'humain', au-delà des seuls indicateurs de performance
Dans un entretien accordé ce dimanche 16 février 2025 à l'émission "Objection" de Sud FM, l'économiste et enseignant-chercheur à Duke University, Felwine Sarr, a livré une analyse percutante sur la nécessité de repenser fondamentalement la théorie économique depuis une perspective africaine. Alors que le Sénégal traverse une crise financière majeure, avec une dette publique avoisinant les 100% du PIB, le penseur sénégalais appelle à une refondation complète de la pensée économique africaine.
L'universitaire développe une critique fondamentale du modèle économique actuel, plaidant pour l'émergence d'une "économie politique de la dignité". Cette approche, explique-t-il, doit dépasser la simple poursuite de biens matériels et ce qu'il qualifie de "modernité de seconde zone". "Le développement devrait être un espace où on construit les humains à tous les étages de l'être", affirme-t-il, appelant à repenser les finalités mêmes de l'activité économique.
L'invité de Baye Omar Guèye dénonce ce qu'il considère comme une crise profonde de la vision du développement en Afrique. Pour lui, les infrastructures et la croissance économique ne sont pas des fins en soi, mais doivent servir à "construire l'humanité" et "produire une fabrique de l'humain". Cette approche implique une redéfinition radicale des priorités et de l'allocation des ressources.
L'investissement dans le capital humain constitue, selon Felwine Sarr, la priorité absolue pour les pays africains. Il rappelle l'exemple historique du Sénégal sous Senghor, où 30% du budget était alloué à l'éducation - un choix critiqué à l'époque mais dont la pertinence s'est révélée avec le temps. Pour l'économiste, la jeunesse représente "la ressource la plus importante" et nécessite une "grande ambition de formation".
Cette vision implique une répartition équitable des opportunités sur l'ensemble du territoire. L'auteur d'Afrotopia insiste sur l'importance des "facteurs de conversion" - infrastructures, accès à l'éducation, à la santé - permettant aux individus de développer leurs "capabilités", selon la théorie d'Amartya Sen. Il dénonce les disparités actuelles qui créent des "problématiques de déliaison sociale" et un sentiment d'abandon dans certaines régions.
L'analyste pointe plusieurs faiblesses structurelles dans les politiques publiques africaines. Il critique notamment l'absence d'autonomie dans la conception des politiques économiques depuis les indépendances, appelant à "sortir du mimétisme" et à "prendre le destin économique en main".
Sur la question des ressources naturelles, il plaide pour une approche stratégique de long terme, suggérant même que les pays devraient parfois différer l'exploitation de leurs ressources jusqu'à ce qu'ils puissent en tirer le meilleur profit. Il souligne l'urgence de développer une autonomie dans les secteurs stratégiques, citant l'exemple révélateur de la dépendance pharmaceutique révélée pendant la pandémie.
Pour Felwine Sarr, les intellectuels africains ont une responsabilité particulière dans ce processus de transformation. Il les appelle à "créer des idées, des doctrines, des visions du monde" adaptées aux réalités africaines. "C'est à partir de l'Afrique qu'on doit repenser l'économie africaine, mais surtout l'économie du monde", affirme-t-il, positionnant le continent comme un possible laboratoire de solutions innovantes.
Cette mission intellectuelle implique de "reconnecter la recherche" avec les réalités locales et de développer une véritable autonomie de pensée. Sarr insiste sur le fait que cette autonomie intellectuelle ne signifie pas un repli sur soi, mais plutôt la capacité à "produire des réponses adaptées à nos situations".
Par Fatou Warkha SAMBE
POUR LE CODE DE LA FAMILLE, UN COMPROMIS ANTI-FÉMINISTE OU UNE RÉFORME ?
La députée Marème Mbacké interroge l'article 277 qui prive les mères de l'autorité parentale, mais choisit étrangement de se distancer du féminisme, ignorant ainsi une discrimination qui affecte toutes les Sénégalaises
La question de l’autorité parentale, soulevée par la députée Marème Mbacké dans une question écrite adressée au ministre de la Justice, remet en lumière un débat central pour les organisations féminines et féministes : les inégalités structurelles du Code de la famille.
Depuis des décennies, ces organisations dénoncent un cadre juridique qui institutionnalise la domination masculine et limite drastiquement les droits des femmes, notamment en matière de parentalité.
Dans le Code de la famille sénégalais, c’est l’article 277 qui traite précisément la problématique soulevée par Mme Mbacké. Cet article reconnaît l’autorité parentale aux deux parents, mais en confie l’exercice exclusif au père, tant que le mariage subsiste. En posant un regard restrictif sur cette question, uniquement comme une préoccupation des femmes de la diaspora, la députée semble ignorer que ce problème touche toutes les Sénégalaises.
Curieusement, l’honorable précise que sa requête «ne s’inscrit pas dans une perspective féministe». Pourquoi cette mise à distance d’un combat qui, par essence, concerne les droits fondamentaux des femmes ? Pourquoi cette prudence sémantique qui évite soigneusement de nommer l’inégalité flagrante inscrite dans la loi ? Une réforme qui se contente d’amender un article sans toucher aux fondements mêmes du Code de la famille risque de ne produire qu’un effet cosmétique.
Ce choix politique interroge : s’agit-il d’une stratégie pour éviter d’affronter une résistance conservatrice ou d’une véritable conviction que la réforme doit se limiter à des ajustements mineurs ? Or, cette posture fragilise toute tentative de transformation réelle du cadre juridique. Il est essentiel de comprendre que l’autorité parentale ne peut être dissociée des autres injustices systémiques présentes dans le Code de la famille. L’inégalité dans la gestion des biens, l’obligation de résidence imposée aux femmes et la marginalisation juridique des mères divorcées ne sont pas des anomalies isolées : elles reflètent une vision dépassée de la famille, où la subordination des femmes est normalisée. Réformer uniquement l’autorité parentale, sans s’attaquer à ces injustices structurelles, reviendrait à ignorer la réalité des discriminations vécues au quotidien.
La réforme risque d’être un simple pansement sur une blessure profonde plutôt qu’une refonte structurelle qui garantirait une égalité réelle entre les parents. Pourtant, il faut reconnaître à Mme Mbacké le mérite d’avoir soulevé cette problématique et de l’avoir portée sur la scène politique. Remettre en question l’article 277 est une étape essentielle, mais elle ne saurait suffire si elle ne s’accompagne pas d’une remise en cause plus large des mécanismes discriminatoires qui sous-tendent le Code de la famille.
Loin d’être une menace, une approche féministe renforcerait cette réforme en lui donnant une cohérence et une portée véritablement transformative. A moins de vouloir préserver des inégalités systémiques, pourquoi craindre un cadre féministe qui ne fait que revendiquer l’égalité des droits pour tous ? Il est essentiel de rappeler que cette demande, quelle que soit la perspective dans laquelle elle s’inscrit, ne peut pas faire l’impasse sur les principes fondamentaux de justice et d’inclusion. Elle vise à rétablir une justice, non à favoriser un camp contre un autre. La refonte du Code de la famille doit être pensée de manière globale et structurelle, au-delà des considérations politiques et des résistances idéologiques. Il ne suffit pas d’interpeller sur un article en particulier sans questionner les fondements mêmes de l’organisation familiale telle que définie par la loi. C’est tout le cadre normatif qui doit être repensé pour sortir d’un modèle où l’autorité et la responsabilité parentales sont encore largement dictées par des présupposés sexistes et dépassés.
L’article 277 s’inscrit dans une architecture juridique plus vaste qui repose sur la puissance maritale consacrée par l’article 152 : «Le mari est le chef de la famille.» Une affirmation qui n’a rien d’anodin, puisqu’elle justifie à elle seule l’ensemble des dispositions légales discriminatoires à l’égard des femmes.
• Article 153, alinéa 2 : Le mari choisit le domicile conjugal sans que la femme puisse s’y opposer.
• Article 196 : Interdiction de la recherche de paternité pour les enfants nés hors mariage, les privant ainsi de droits fondamentaux.
• Article 381 : Les biens du foyer sont présumés appartenir au mari, renforçant une inégalité économique et successorale.
Toutes ces dispositions sont imbriquées : elles ne relèvent pas d’une anomalie isolée, mais bien d’un système de domination ancré dans la législation. Revoir l’article 277 sans questionner les autres textes qui en découlent, revient à rafistoler une structure dont le fondement même est inégalitaire.
Cette situation n’a pourtant rien de nouveau, et n’a pas toujours été portée uniquement par la volonté de la Société civile. En 2016, par arrêté du Garde des sceaux, un comité technique de révision des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes a été mis en place. Ce comité, appuyé par le Pasneeg, était composé de représentants des ministères de la Santé, de la Femme et de la Justice. Cependant, au sein de ce comité, seule l’Ajs a été incluse pour représenter la Société civile. Malgré ce travail minutieux et des propositions claires et applicables, le document soumis est resté enfoui dans les tiroirs du bureau du président de la République, Macky Sall à l’époque, et depuis sans suite, démontrant ainsi une volonté manifeste d’éviter toute réforme profonde qui remettrait en question les privilèges masculins ancrés dans la législation.
Le Code de la famille, conçu dans les années 1960 comme un compromis entre droits coutumier, religieux et napoléonien, est aujourd’hui dépassé. Il ne reflète ni les réalités actuelles ni les engagements du Sénégal en matière de droits humains et d’égalité des sexes. Cette inaction illustre-t-elle un refus d’émanciper véritablement les femmes de l’emprise légale des hommes ?
Ces propositions ne se limitent pas à une simple modification de l’article 277, mais visent une refonte en profondeur du Code de la famille :
• Aligner l’âge légal du mariage à 18 ans pour tous, sans exception.
• Abolir la puissance maritale et garantir une co-responsabilité parentale effective.
• Permettre l’établissement de la filiation paternelle par différents moyens de preuve, y compris l’Adn.
• Garantir une protection juridique et financière équitable aux femmes dans le mariage et en cas de divorce.
La précision de Mme Mbacké sur l’absence d’une approche féministe dans sa démarche en dit long. Si cette interpellation parlementaire avait véritablement pour but d’améliorer la situation des mères et des enfants, elle aurait nécessairement impliqué une critique globale et structurelle du Code de la famille.
Ce que nous demandons, ce n’est pas une mesure isolée, mais une transformation structurelle qui garantisse enfin aux femmes une place égale dans la famille et dans la société. Il est temps de poser des actions concrètes qui mettent fin à l’injustice, pour le bénéfice des femmes, des enfants et de l’ensemble de la société. Que la réforme soit perçue ou non comme féministe, elle demeure essentielle pour instaurer une véritable égalité juridique.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
MARIAMA BÂ, L’ŒUVRE MAJEURE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers son récit, c’est l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre caste et liberté, cet entre-deux monde de la culture nègre
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le récit de Mariama Bâ, Une si longue lettre, appartient assurément au patrimoine culturel africain, comme une œuvre intemporelle et universelle qui résonne au panthéon de la littérature avec précision et émotion. C’est que cette longue confession épistolaire d’une femme, Ramatoulaye, qui relate à sa meilleure amie les étapes de sa vie avec ses joies et ses douleurs, contient une vérité puissante, à la fois de manière littéraire et de manière profondément humaine.
Mariama Bâ, à travers des problématiques qui semblent au départ très personnelles, ouvre le débat sur les contradictions de la société sénégalaise contemporaine. Elle y évoque tour à tour le mariage, la mort, la maternité, la polygamie, l’hypocrisie qui entoure les rituels sociaux, la pauvreté des esprits parfois et la cruauté éblouissante de la vie.
Célébrant la force des femmes, leur courage, leur abnégation, Mariama Bâ, par cette longue lettre, dénonce toutes les injustices dont elles sont trop souvent victimes. Ces vies brisées sont le résultat de la société des hommes qui ne regarde pas assez l’incroyable créativité et l’intelligence féconde des femmes.
Femme de tête et appartenant à l’élite sénégalaise, Ramatoulaye traverse une période douloureuse, celle de la retraite traditionnelle liée à son veuvage, réclusion amère qui devient le récit du livre, celui de sa vie qui, si elle fut lumineuse en certains aspects, contient aussi des ombres indissociables qui alourdissent son regard.
À travers ce récit, c’est aussi l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre tradition et modernité, entre caste et liberté, entre chien et loup, cet entre-deux monde de la culture nègre et celle dévastatrice et imposante de l’univers occidental qui brouille les cartes et chasse les identités profondes tout en révélant un malaise culturel, héritage de la colonisation et de l’autonomie des Indépendances à reconquérir. Formidable époque d’espérance toutefois où l’unité est clamée comme une évidence. Quelques lignes du livre servent aussi à dénoncer déjà le gaspillage républicain, la corruption vermine prête à se lever pour tout dévaster.
L’importance de l’éducation et du savoir est également une des pierres angulaires du livre, le sacerdoce de Mariama Bâ qui se pose comme une auteure engagée, une philosophe inspirée d’une esthétique littéraire marquée par le bouleversement, par la réflexion faite de lumières, par la compréhension humaine et par l’efficacité.
Femme de lettres, intellectuelle et ayant reçu une éducation traditionnelle et religieuse, Mariama Bâ était aussi une militante de la cause des femmes, dénonçant ardemment la polygamie et le cloisonnement des castes. En deux livres seulement, elle a su dire, de manière sensible et talentueuse, l’essentiel des controverses de notre société. Comment ne pas voir, de façon assez troublante d’ailleurs, à travers les traits de Ramatoulaye, au moyen de sa voix, le combat de Mariama Bâ. En dévoilant ses sentiments intimes, pourtant jamais déplacés, Mariama Bâ touche tous les cœurs et engage une réflexion profonde de la condition des femmes, tout en dessinant la dureté de certains hommes veules.
Il y a aussi dans ce livre des fulgurances poétiques, des métaphores savamment construites qui expliquent sans lourdeur les complexités humaines. La plume de Mariama Bâ est à la fois assurée, pleine et fragile, comme la mère soucieuse qu’incarne Ramatoulaye : « On est mère pour illuminer les ténèbres. On est mère pour couver, quand les éclairs zèbrent la nuit, quand le tonnerre viole la terre, quand la boue enlise. On est mère pour aimer, sans commencement ni fin. » Veuve et refusant une nouvelle union, elle doit assumer toute la charge de son foyer. Ou encore quand elle installe une réflexion ample et vaste de la condition des hommes, de tous les êtres : « Les mêmes remèdes soignent les mêmes maux sous tous les cieux, que l’individu soit noir ou blanc : tout unit les hommes. »
Cette si longue lettre est aussi une parole qui vibre puissamment à travers un verbe immensément beau : « j’aurai autour de moi l’iode et le bleu de la mer. Seront miens l’étoile et le nuage blanc. Le souffle du vent rafraîchira encore mon front. Je m’étendrai, je me retournerai, je vibrerai. »
Voyant approcher la dernière page en refermant le livre, on a un sentiment de tristesse car on a partagé ce destin littéraire et Ramatoulaye est devenue une alliée, comme une sorte de confidente. Ainsi les femmes, toutes les femmes, à travers le regard de Mariama Bâ, incarnent le discernement, la tendresse, la grandeur et portent en elles une lumière incandescente, immortelle qui nous berce comme un chant sacré.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Un chant écarlate, Les Nouvelles éditions Africaines, Dakar, 1981
Une si longue lettre, éditions Le Serpent à Plumes, collection Motifs, Paris, 2001