L’hydraulique, c’est son domaine. Très tôt, Diarra Sow a été guidée par son amour pour la géographie. Pour l’eau également. Une idylle qui n’a souffert d’aucune avarie jusqu’à sa nomination, en mai dernier, à la tête de l’Office des lacs et des cours d’eaux (Olac) ; une structure qu’elle rêve de placer au cœur du dispositif étatique.
Une femme engagée, qui a une vision, très orientée dans ses objectifs et qui croit en ses convictions. C’est ainsi que se définit Diarra Sow. « À l’intérieur, je sais que je suis une femme, comme toutes les femmes. Mais à l’extérieur, je me dis que je suis un homme, surtout du point de vue de mon travail, mais aussi de mes relations professionnelles, parce que je fonctionne comme un homme », avoue-t-elle. « D’une manière générale, je me définis comme une femme forte, engagée, très dynamique et qui sait très bien où elle va », assure la native de Saint-Louis, qui a très tôt compris qu’elle pouvait réussir sans sortir de son cocon natal. Tout son cursus scolaire (ou presque) elle l’a fait à Saint-Louis ; même si à un moment, l’envie de suivre les traces de ses camarades partis poursuivre leurs études à l’étranger lui a traversé l’esprit. Ses parents s’y étaient fermement opposés. « J’ai été couvée par mes parents qui ne voulaient pas que je voyage.
Après le baccalauréat, j’avais, comme la plupart de mes camarades de classe, voulu voyager parce que j’étais une excellente élève et je sais que j’avais des possibilités d’obtention de bourse. Mais quand j’en ai parlé à mon père, il m’a déconseillé de partir. Je suis donc restée parce que j’ai toujours cru que je pouvais rester au Sénégal, réussir et servir mon pays. Et je pense que ça s’est réalisé aujourd’hui », confesse Diarra Sow.
L’hydrologie, un choix complexe
A l’université, Diarra Sow a opté pour la géographie jusqu’au doctorat. Après la maîtrise, vu aussi la situation familiale, elle a choisi d’aller enseigner, tout en poursuivant ses études. « J’ai pu réussir le Dea et le doctorat en étant professeur d’histoire et de géographie. Et c’est à ce titre aussi que j’ai également été recrutée comme vacataire à l’Université Gaston-Berger où je donnais des cours de Travaux dirigés en hydrologie », fait-elle savoir. Diarra Sow s’est encore perfectionnée en faisant un Master 2 en gestion intégrée des ressources en eau à l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement de Burkina Faso. Et elle ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Elle a rejoint la Faculté des sciences et techniques de l’éducation et de la formation (Fastef) où elle a décroché un Certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire (Caes). Jusqu’à sa nomination à la tête de l’Office des lacs et des cours d’eaux (Olac), elle était professeur d’histoire et de géographie au lycée de Rao. Mais pourquoi donc le choix d’un domaine aussi complexe que l’hydrologie ? Pour Diarra Sow, ce sont des circonstances qui l’ont menée sur cette voie.
« Au lycée, j’étais très bien en histoire et en géographie, et surtout en géographie. C’est ce qui a fait qu’après le baccalauréat, pour l’université, j’ai coché la géographie pour mes deux premiers choix. À partir de la licence, on avait un module hydrologie avec le professeur Adrien Coly. C’est ce module-là qui a réveillé ce qui dormait en moi, cet amour pour l’eau et de sa gestion », informe-t-elle. « Quand il s’agissait de choisir un sujet à partir de la maîtrise, je me suis rapprochée du docteur Adrien Coly pour lui dire que je voulais travailler spécifiquement dans l’hydrologie, malgré ma spécialisation en environnement », renseigne-t-elle. Le professeur Adrien Coly et bien d’autres techniciens du ministère, de la direction de l’hydraulique de Saint-Louis, de la Saed ont contribué à sa formation, à cet amour qu’elle nourrissait pour la gestion de l’eau.
« C’est un domaine très masculin parce qu’on voit peu de femmes qui exercent dans le domaine de l’hydrologie. Mais c’est également un challenge, un défi que j’ai toujours et je pense que je vais continuer sur cette lancée », promet Diarra Sow. Sa nomination à la tête de l’Olac peut être considérée comme une consécration politique, mais aussi un choix bien réfléchi par rapport à son profil, commente-t-elle. « Je suis géographe à la base. J’ai fait la géographie jusqu’au doctorat et je m’étais spécialisée, depuis la licence, en environnement et conservation des écosystèmes. Et à partir de la maîtrise, tous mes travaux étaient relatifs à l’hydrologie », explique-t-elle. Diarra Sow a donc travaillé sur des thématiques relatives à l’hydrologie des milieux aménagés dans la moyenne-vallée du fleuve Sénégal, de Podor jusqu’à Bakel. Et plus spécifiquement sur le Doué, un défluent du fleuve Sénégal.
« Vu mon cursus, mon profil, on peut dire, que c’est l’homme qu’il faut, ou bien la femme qu’il faut, à la place qu’il faut. Parce que durant tout mon cursus, toutes mes études, je m’étais spécialisée en géographie, mes travaux c’était dans l’hydrologie, donc je suis dans mon domaine qui est la gestion intégrée des ressources en eau », estime-t-elle.
Femme de terrain
Engagée et dévouée, Diarra Sow est une femme de terrain, qui ne se contente pas de se cloîtrer entre quatre murs. Débordante d’énergie, elle ne rechigne jamais à la tâche et descend régulièrement sur le terrain pour des missions de supervision. « J’ai parcouru tout le Sénégal et je suis allée partout où il y a de l’eau pour mieux m’enquérir de la situation, mais aussi avoir des projections à court et long terme sur les travaux de mobilisation que je compte mettre en œuvre », indique-t-elle.
Et elle compte bien poursuivre dans cette dynamique pour mieux servir le Sénégal et « concrétiser nos objectifs et la vision que nous avons d’ici 2050 de créer un Sénégal juste, souverain et prospère ». Diarra Sow est aussi engagée politiquement. Elle s’est jetée dans la mare en 2017 pour rejoindre ses camarades de promotion de l’Ugb qui avaient déjà adhéré au parti Pastef. « Je me retrouvais dans la vision de Pastef et je ne regrette pas mon engagement politique, parce que ça m’a permis de contribuer à la naissance d’une nouvelle génération capable d’être à la tête de ce pays », se félicite Diarra Sow qui milite dans la section communale de Pastef Saint-Louis où elle s’active dans l’animation et la massification du parti. Le don de soi toujours en bandoulière, elle invite les femmes à s’engager aussi en politique afin qu’elles puissent apporter leur contribution au développement du Sénégal.
« Avant, les gens faisaient de la politique pour avoir de l’argent, pour changer de statut social ; aujourd’hui, il y a une nouvelle donne. On fait de la politique pour participer à la gestion des affaires publiques. Et pour pouvoir y arriver, il faut faire de la politique, s’imposer, mais aussi occuper des postes de responsabilité », assure-t-elle. À son avis, les femmes doivent se déterminer à s’engager en politique mais aussi à occuper des postes de responsabilité. Aujourd’hui, Diarra Sow ambitionne de repositionner l’Olac en faisant en sorte qu’il soit au cœur du dispositif étatique. Et son rêve le plus grand est qu’il y ait de l’eau partout et pour tous, mais aussi que le Sénégal devienne un pays prospère, qui rayonne en Afrique et un peu partout à travers le monde.
Par Fatou Warkha SAMBE
LE VIOL, UN CRIME TOUJOURS BANALISE
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est cette étrange tendance de la société à accorder plus d’empathie aux bourreaux qu’aux victimes
Le viol est un crime. Un crime violent, dévastateur, qui ne laisse aucune victime indemne. Il détruit le corps, bouleverse l’esprit, érode l’estime de soi, fracture les liens familiaux et sociaux. Il peut engendrer des troubles post-traumatiques, des dépressions chroniques, de l’isolement, voire des pensées suicidaires. Et pourtant, malgré cette gravité, le viol est aujourd’hui traité comme un sujet de débat banalisé. Un fait dont chacun peut se saisir sans en comprendre ni la portée ni la douleur.
La sensibilité du sujet n’impose plus, hélas, une quelconque retenue ou maîtrise avant de s’exprimer. Dès qu’un cas de viol émerge, c’est une course à l’opinion. Comme des vautours, beaucoup se précipitent sur l’affaire, non pas pour comprendre ou compatir, mais pour juger, spéculer, et surtout jeter l’opprobre sur celle qui a osé parler. Le réflexe est trop souvent de protéger l’agresseur présumé et de culpabiliser la victime, comme si son malheur était suspect, comme si sa souffrance devait être justifiée.
La loi n°2020-05 du 10 janvier 2020, qui a renforcé la législation existante en criminalisant explicitement les actes de pédophilie et de viol, a été adoptée dans un contexte d’urgence sociale. Cette avancée législative, bien que salutaire, ne résulte ni d’un éveil soudain des institutions ni d’un simple élan humanitaire. Elle est le fruit de longues luttes menées par les organisations féminines et féministes, mais aussi -et surtout- d’une série de faits divers dramatiques, notamment des cas de viols suivis de meurtres, qui ont profondément choqué l’opinion publique. Le meurtre de Bineta Camara en 2019, tout comme d’autres affaires similaires à Thiès ou Kaolack, a mis à nu l’inaction chronique de l’Etat face à ces violences sexuelles, forçant ainsi l’Exécutif à réagir sous la pression populaire.
Nous étions tous d’accord : le viol et la pédophilie sont des réalités au Sénégal. Cette loi, bien que tardive, était devenue inévitable face à l’horreur répétée de faits divers qui mettaient en lumière notre incapacité à protéger les femmes. Mais si l’on ne prête pas attention au discours qui émerge aujourd’- hui, nous risquons de perdre ces acquis fragiles. Une partie de la population sénégalaise semble frappée d’amnésie collective : on oublie si vite la situation dramatique qui a précédé cette loi, les cris des familles brisées, l’indignation populaire et les mobilisations sans relâche des militantes. Aujourd’hui, ce que nous constatons, c’est une banalisation inquiétante du viol dans les discours publics. La manière dont les gens s’expriment sur ces sujets témoigne soit d’une ignorance totale, soit d’un mépris qui ne dit pas son nom. Cela révèle à quel point une clarification est nécessaire.
Le viol, selon la loi sénégalaise, est défini à l’article 320 du Code pénal comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur une personne par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise». Cependant, un flou persiste autour de cette notion, alimenté par des ambiguïtés juridiques, des résistances sociales et un traitement inadéquat des victimes.
Si l’on se base sur cette définition, il devient évident que la question de la virginité de la victime n’a aucune pertinence. Pourtant, dans les discussions publiques et même parfois dans les procédures, cette question revient comme un critère d’authenticité ou de gravité du viol, ce qui constitue une forme grave de stigmatisation. Cette logique perversement morale continue d’alimenter la stigmatisation des survivantes et empêche une prise en charge objective et juste des cas de violences sexuelles.
De plus, les gens semblent largement ignorer le rôle crucial du certificat médical dans la procédure. Ce document ne sert pas à juger de la moralité ou de l’historique sexuel de la victime, mais à établir des preuves médicales de violences subies : lésions, traumatismes, traces d’Adn, etc. Il est un outil juridique permettant d’appuyer la plainte et de protéger les droits de la victime.
La banalisation actuelle du viol dans l’espace public est aussi le fruit d’une histoire récente qui a profondément marqué le pays. En effet, le viol s’est invité au cœur du débat politique et médiatique national, exposé à travers une affaire très médiatisée impliquant une figure politique influente. Pendant des mois, cette affaire a polarisé l’opinion, éclipsant les enjeux de fond et réduisant les violences sexuelles à un terrain de querelles partisanes. Cette politisation du viol a contribué à brouiller les repères et à affaiblir la gravité perçue de ce crime. En lieu et place d’un débat sur la protection des femmes, nous avons assisté à une lutte d’influence où les paroles des victimes ont été minimisées. Cette séquence a laissé des séquelles durables : aujourd’hui, évoquer un cas de viol dans l’espace public suscite davantage de suspicion que de solidarité.
La culture patriarcale profondément ancrée dans la société sénégalaise joue un rôle-clé dans la persistance de ce flou. Les stéréotypes de genre, le manque de sensibilisation et le tabou entourant les violences sexuelles participent à la banalisation du viol. Souvent, la victime est perçue comme responsable, qu’elle ait provoqué l’agression par son comportement, sa tenue vestimentaire ou sa manière d’interagir. C’est une culture du silence qui protège l’agresseur et culpabilise la victime.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est cette étrange tendance de la société à accorder plus d’empathie aux bourreaux qu’aux victimes. On observe de plus en plus fréquemment des familles d’auteurs présumés de viol se présenter devant la presse, non pas pour exprimer leur compassion envers la victime, mais pour dénoncer des complots, accuser d’autres femmes ou chercher à discréditer la parole de celle qui accuse.
Il n’est pas rare de voir émerger des élans de solidarité en faveur de l’accusé : des campagnes de soutien, des collectes de fonds, des hashtags de réhabilitation. Cette inversion morale inquiète. Car, en réalité, il est extrêmement difficile d’inculper une personne de viol si elle n’a rien à se reprocher. Le système judiciaire, déjà lent et lourd, exige des preuves tangibles. Si la procédure aboutit, c’est que des éléments solides ont été retenus.
Par ailleurs, l’un des arguments les plus fréquemment brandis pour discréditer les victimes est celui des fausses accusations. Il faut pourtant rappeler que les fausses accusations de viol représentent une minorité infime des cas. Les études internationales sérieuses, notamment celles de l’Onu ou d’Amnesty International, estiment qu’elles représentent entre 2 et 8% des plaintes. En d’autres termes, plus de 90% des accusations sont fondés.
Les femmes victimes de viol, déjà souvent isolées par la violence qu’elles ont subie, doivent aussi faire face à la stigmatisation sociale. La peur du jugement, de la non-reconnaissance de leur souffrance et le manque de soutien font que de nombreuses victimes choisissent de ne pas porter plainte. Elles se retrouvent dans une situation de vulnérabilité encore plus grande, ce qui perpétue la culture de l’impunité et de la souffrance silencieuse.
Le flou persistant autour de la notion de viol au Sénégal appelle non seulement à une réforme juridique plus rigoureuse, mais surtout à un changement profond des mentalités. Il est urgent d’éduquer sur le consentement, de déconstruire les stéréotypes qui culpabilisent les victimes et de créer des espaces de parole et de protection.
La société tout entière doit se sentir concernée. Cela commence par écouter, croire, accompagner, mais surtout par refuser de banaliser.
Nous devons refuser collectivement ce glissement vers l’indifférence. Il est temps d’agir, chacun à son niveau, pour bâtir une société qui protège les corps, respecte les voix et rend justice aux silences trop longtemps ignorés. Le viol n’est pas une simple question de définition juridique : il est le reflet de résistances sociales, d’un manque de conscience collective et d’une justice souvent inadaptée aux réalités des victimes. Tant que ce flou persistera, les femmes continueront à être les premières victimes de la violence et du silence. Ce flou ne doit plus couvrir nos silences : il est temps de faire la lumière, ensemble.
par Sidy Diop
BEAUTÉ SOUS CAUTION
Le maquillage, ce miracle moderne qui transforme, embellit et parfois méduse. Certaines émissions de téléréalité nous vendent du rêve : elles sont toutes belles, toutes parfaites. Évidemment, à condition de ne pas pleurer sous la pluie
Le maquillage, ce miracle moderne qui transforme, embellit et parfois méduse. Un peu de fond de teint, un trait d’eye-liner, et voilà qu’on redessine les traits comme un peintre retouche son tableau. Certaines émissions de téléréalité nous vendent du rêve : elles sont toutes belles, toutes parfaites. Évidemment, à condition de ne pas pleurer sous la pluie.
Car c’est là le drame : cette beauté-là est sous caution. Un sourire trop large, et le rouge à lèvres migre vers les joues. Une larme mal placée, et les cils s’effondrent en cataclysme. Quant au contouring, cette magie qui sculpte un visage en trois dimensions, il fond à la première goutte de sueur. Tout est illusion, sauf la facture du salon de beauté.
Et pourtant, on persiste. On colore, on rectifie, on poudroie. Comme si la vraie beauté n’était pas celle du matin, sans filtre ni artifices. Celle qui ne s’efface pas avec un simple coton imbibé de démaquillant. Mais qui osera l’assumer ? À croire que le seul fond de teint qui tienne vraiment, c’est la confiance en soi.
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DE L'URGENCE DE REPENSER LE 08 MARS PAR ET POUR TOUTES
Des entreprises qui organisent des réceptions dans des hôtels huppés et distribuent des roses ou des pagnes à leurs employées, des rassemblement festifs à Dakar, Abidjan, Brazzaville ou Yaoundé. Mais est-ce vraiment cela, la philosophie de cette Journée.
Des entreprises qui organisent des réceptions dans des hôtels huppés et distribuent des roses ou des pagnes à leurs employées, des rassemblement festifs à Dakar, Abidjan, Brazzaville ou Yaoundé. Mais est-ce vraiment cela, la philosophie de la Journée du 8 mars ? Où sont les véritables débats sur la promotion et le respect des droits des femmes ? Quid de l’engagement des jeunes générations de femmes appelées à prendre le flambeaux des devancières ?
Dans cette interview exclusive avec l’ancienne première dame du Tchad, Fatimé Raymonne Habré, celle-ci déplore ce qu’est devenue la Journée du 8 mars dans bon nombre de pays africains ou selon toute vraisemblance, on s'écarte de plus en plus de la philosophie de la journée du 08 mars.
Proclamée Journée internationale des droits des femmes par les Nations unies en 1977, l’origine de cette journée remonte à bien plus loin, en 1908, lorsqu’à New York, 1 500 femmes ont défilé pour réclamer la réduction du temps de travail, un meilleur salaire et le droit de vote. (…)
Depuis son officialisation par les Nations Unies, cette journée est devenue populaire à travers le monde et pratiquement tous les pays y ont adhéré. Théoriquement, le 8 mars, et plus largement tout le mois de mars, est un moment privilégié pour le plaidoyer en faveur de la cause des femmes. Mais force est de constater que cette journée semble avoir été dévoyée ces dernières années.
Et pourtant, de nombreuses problématiques liées aux droits des femmes demeurent : la question du patrimoine des femmes, la gestion de l’argent dans le couple, l’égalité salariale, le code de la famille, qui inclut aussi une meilleure gestion des divorces pour préserver l’équilibre des enfants mineurs.
Malheureusement, cette Journée du 8 mars est, in fine, une occasion gâchée ou presque. Plutôt que de profiter de cette grande visibilité médiatique pour porter leurs revendications auprès des dirigeants, les manifestations organisées s’éloignent souvent de la philosophie qui était à l’origine de cette journée.
Alors que le 08 mars 2025 est désormais derrière nous, nous avons souhaité revenir sur cette journée avec Mme Fatimé Raymonne Habré, qui relève avec regret le glissement de cette célébration avec autre chose qui n'a rien à voir avec l'idée originale.
Ancienne première dame du Tchad, militante des droits des femmes et promotrice de l’espace culturel Le Carré Culturel, elle ne cache pas son incompréhension face à ce que cette journée est devenue ces dernières années. Pour elle, il serait plus judicieux de dynamiser cette journée en choisissant des thèmes qui interpellent davantage les femmes et en remobilisant ainsi qu’en connectant les jeunes générations aux anciennes.
Tout en reconnaissant certaines avancées dans des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, elle se montre très préoccupée et critique quant à la situation de son pays, le Tchad, qui, selon les rapports d’organismes internationaux et d’ONG, recule de manière considérable sur tous les plans. Mais selon elle, c’est avant tout la gouvernance globale qui est en cause.
LA FIN DES PERRUQUES CHEZ MISS CÔTE D'IVOIRE
En Côte d'Ivoire, le comité du célèbre concours de beauté bouleverse les normes en interdisant perruques et extensions capillaires. Une décision sans précédent dans un pays où ces pratiques sont culturellement ancrées
(SenePlus) - Dans un virage aussi audacieux qu'inattendu, le comité national de Miss Côte d'Ivoire a pris une décision révolutionnaire pour son édition 2025 : interdire aux candidates le port de perruques et d'extensions capillaires. Cette mesure, que le journal Le Parisien qualifie de "séisme dans le monde des concours de beauté en Côte d'Ivoire", marque un tournant dans un pays où ces artifices sont considérés comme une norme sociale.
Selon la BBC citée par Le Parisien ce lundi 7 avril, cette nouvelle règle rompt avec une tradition bien établie. Sur les 28 reines de beauté couronnées lors des précédentes éditions, seules deux avaient osé se présenter avec leurs cheveux naturels, dont Marlène Kany Kouassi, élue en 2022. Sa victoire avait d'ailleurs suscité de vives réactions à l'époque.
Victor Yapobi, président du comité Miss Côte d'Ivoire, défend fermement cette position : "Elles peuvent venir nattées, elles peuvent venir avec les cheveux courts, si elles n'ont pas de cheveux, elles peuvent venir rasées", avait-il déclaré en février à RFI, selon Le Parisien. Il a réitéré sa vision auprès de la BBC en marge d'une sélection locale : "La beauté doit être naturelle."
Cette démarche s'inscrit dans une politique plus large du comité qui lutte également contre la chirurgie esthétique et l'utilisation de crèmes éclaircissantes pour la peau. Elle représente une volonté affirmée de promouvoir l'authenticité et la diversité des standards de beauté.
Le ban sur les artifices capillaires s'applique désormais à l'ensemble des élections régionales qui se déroulent ce printemps dans 13 villes ivoiriennes, avant la grande finale prévue le 28 juin à Abidjan. Mais ce n'est pas la seule nouveauté du concours 2025, rapporte Le Parisien.
Le comité a également élargi la tranche d'âge des participantes, désormais fixée de 18 à 28 ans (contre 25 ans auparavant), tout en maintenant une taille minimale de 1,67 m. Autre changement notable : les frais d'inscription ont été réduits, passant de 75 à 45 euros. "Nous avons constaté que ces jeunes femmes dépensaient beaucoup d'argent pour participer et que cela commençait à peser sur leur budget", explique Victor Yapobi.
Cette initiative, première du genre dans la région selon Le Parisien, n'a pas encore été suivie par les pays voisins. Elle a néanmoins suscité de nombreuses réactions depuis son annonce en février.
Parmi les candidates, certaines accueillent ce changement avec enthousiasme. C'est le cas de Laetitia Mouroufie, qui tente sa chance pour la deuxième fois : "L'an dernier, je portais des extensions, parce que je pensais que c'est ce qu'il fallait avoir pour être belle. Cette année, j'ai davantage confiance en moi", confie cette jeune femme de 25 ans.
Le journal conclut que cette décision représente "un premier pas vers une acceptation de plus en plus grande du cheveu naturel dans la société ivoirienne", suggérant que l'impact de cette mesure pourrait dépasser le cadre du concours pour influencer les normes de beauté dans l'ensemble du pays.
AWA SECK, UNE LINGEER DU MOUSSOR
De juriste victime de discrimination en France à créatrice de mode reconnue. Cette Sénégalaise de 46 ans originaire de Diourbel a bâti une marque qui célèbre l'héritage culturel tout en modernisant ce couvre-chef traditionnel
Awa Seck se proclame « l’ambassadrice du moussor ». Originaire de Diourbel, elle s’est fixée comme objectif de faire de ce bout de tissu une tendance, aussi bien au Sénégal qu’à l’international.
Le style vestimentaire d’Awa Seck est simple. Vêtue d’une chemise blanche, d’un jean bleu clair et de sandales, elle ajoute une touche d’authenticité à cette modernité en arborant son fameux « moussor ». C’est son identité. Alliant vacances et travail pour quelques jours, cette Sénégalaise résidant à Bruxelles a pris dans ses bagages ses accessoires indispensables. Les moussors font partie de son quotidien et sont aussi imposants que les boucles d’oreilles qu’elle porte. À 46 ans, elle réalise des tutoriels et des démonstrations chez elle, à Keur Massar. En lin, en coton, en wax ou en chantoum, Awa Seck propose plusieurs matières : « Je fais différents motifs pour chaque occasion, avec des moussors qui ressemblent à mes clientes. » Les tarifs varient entre 10 000 FCFA et 15 000 FCFA. Un business « lucratif » dans lequel elle s’épanouit pleinement.
Rien ne prédestinait Awa Seck à devenir « l’ambassadrice du moussor ». Après des études de droit à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, elle poursuit son cursus à Bordeaux auprès de sa sœur. « J’y suis allée avec beaucoup d’enthousiasme, mais j’ai vite déchanté car j’ai dû faire face au racisme », se souvient-elle avec émotion. Encouragée par son aînée, Awa obtient un master en droit du travail en 2004. Toutefois, son insertion professionnelle est difficile : « J’avais du mal à trouver du travail dans mon domaine. Il fallait un carnet d’adresses bien fourni, sans compter la discrimination », dit-elle avec amertume. Elle décide alors d’entreprendre un second master en ressources humaines à Paris tout en enchaînant de petits boulots dans la restauration. « Il m’a fallu du temps avant de travailler dans mon domaine », confie-t-elle. Coiffure, onglerie… Awa Seck touche à tout. »J’ai appris à me battre, à travailler dur et à m’intégrer afin que ma présence ait un impact positif sur la vie des gens. », estime-t-elle. Un véritable sacerdoce.
En 2005, elle s’installe à Bruxelles auprès de son mari. Là-bas, elle apprend le néerlandais et le flamand, qu’elle parle couramment aujourd’hui. Elle travaille d’abord dans le service à la clientèle, puis dans une chaîne de fitness. Après quelques années et deux enfants, elle décide de tout quitter pour rentrer au Sénégal. « J’ai été victime d’une agression raciste dans un bus en 2011. Cela a précipité mon retour », avoue-t-elle peinée. Afin de préparer sa reconversion, elle entame un troisième master en marketing et communication.
De retour au Sénégal en septembre 2012 avec ses enfants, elle trouve rapidement un emploi dans le département des ressources humaines d’un opérateur mobile. Son expérience professionnelle y est bien différente de celle vécue à Bordeaux.
Les débuts de « Moussorma »
Le destin de cette « Baol-Baol » est étroitement lié au moussor. Ce petit bout de tissu qu’elle portait au travail devient, à sa grande surprise, un élément phare de son identité. « C’était ma petite touche traditionnelle dans une tenue moderne. Mes collègues étaient admiratifs, et c’est ainsi que j’ai commencé à leur montrer comment bien attacher le moussor », explique-t-elle. En 2016, elle lance ses premiers tutoriels. « À l’époque, cela suscitait beaucoup d’intérêt », dit-elle avec un sourire.
En juillet 2017, elle organise son premier atelier payant, proposant des cours à 5 000 FCFA par personne. Le succès est immédiat. Elle commence alors à consacrer une partie de son temps à cette activité, tout en travaillant dans une maison de production comme directrice commerciale et marketing. « C’était une activité indépendante qui me permettait de développer mon projet », confie-t-elle. Ainsi naissent les « Moussors d’Awa ». « Je voulais cette connexion avec mon pays, d’où le nom ‘Les Moussors d’Awa’ », affirme-t-elle. Son objectif : inciter les jeunes Sénégalaises à porter le moussor avec fierté, notamment dans le cadre professionnel. « Elles étaient complexées à l’idée de le porter en rendez-vous d’affaires », explique-t-elle.
En juillet 2017, pour des raisons familiales, elle retourne à Bruxelles tout en poursuivant son activité. Afin de perfectionner son art, elle suit des formations en couture et en chapellerie en 2018. « J’ai appris à créer moi-même les moussors », précise-t-elle. Elle enchaîne également les ateliers de coaching sur l’estime de soi, notamment pour les femmes sous chimiothérapie et les enfants. D’ailleurs, elle devient ambassadrice de la Ligue Sénégalaise Contre le Cancer (Lisca), pour laquelle elle organise la première collecte #200millionschallenge #Pourlesmaladesducancer.
Avec quelques économies, elle ouvre sa boutique quelques mois plus tard. » Je vends aussi bien au Sénégal qu’en Belgique des « moussors » prêts-à-porter, appelés « Moussormas’ », renseigne-t-elle fièrement. En collaboration avec des boutiques sénégalaises, Awa Seck assure la distribution et développe aussi la vente en ligne. L’entrepreneure confectionne une vingtaine de foulards toutes les deux semaines et assure la livraison.
En décembre 2018, Awa élargit sa marque en lançant une ligne de vêtements pour hommes, femmes, enfants et articles pour la maison sous le nom AWA B.AOL. Elle valorise la broderie traditionnelle de sa région, le SOR, qui devient sa signature. Une manière de rendre hommage à sa mère, une brodeuse renommée décédée lorsqu’elle avait huit ans. Elle collabore avec des artisanes locales pour préserver ce savoir-faire et les aider à acquérir une indépendance financière.
Altruiste et engagée
Awa Seck ne se contente pas de lutter pour la valorisation du « moussor ». Elle mène également un autre combat : la défense des droits des femmes. « Beaucoup s’opposent au mot féminisme, mais moi, je l’assume pleinement. Je me considère même comme radicale lorsqu’il s’agit des droits et de la protection des femmes. Il n’y a pas de demi-mesure », affirme-t-elle d’un ton catégorique.
Son amie de longue date, Ndieme Amy Varore, la décrit comme « une voix pour les sans-voix, une femme prête à se battre comme une lionne pour un changement positif ». Elle témoigne de sa générosité et de son engagement sans faille.
Moustapha Ndiaye, un autre proche, la qualifie de « femme africaine, et plus précisément sénégalaise, décomplexée, qui, après avoir réussi à l’étranger, met ses compétences au service de sa communauté ».
Aujourd’hui, Awa Seck est devenue une véritable ambassadrice du Sénégal. Elle emmène son « moussor » aux quatre coins du monde, participant à des missions économiques dirigées par la princesse Astrid de Belgique, qui porte fièrement ses créations.
Par Fatou Warkha SAMBE
NOUS NE DEMANDONS PAS DEUX ANS DE CONGÉ MATERNITÉ
L’idée que l’émancipation des femmes consiste à arrêter l’allaitement maternel n’a jamais fait partie des revendications féministes, ni au Sénégal ni ailleurs. Cette affirmation est dangereusement manipulatrice
Lorsque nous avons découvert une vidéo du député Amadou Bâ revenant sur la volonté qu’ils avaient exprimée dans leur programme, d’accorder deux ans de congé maternité aux femmes, ses propos ont immédiatement suscité notre inquiétude. Cette réaction est d’autant plus légitime que ce même député est à l’origine de la loi interprétative sur l’amnistie, votée récemment au Sénégal. Il est donc légitime de s’interroger sur la cohérence de ses prises de position et de rappeler que la précision dans les termes est indispensable, surtout lorsqu’on aborde des enjeux aussi cruciaux que les droits des femmes. Lorsqu’une même personne, investie d’un tel pouvoir législatif, utilise des termes confus et idéologiquement chargés sur des sujets aussi sensibles que les droits des femmes, il devient plus qu’important d’être précis sur les mots et les concepts. Selon lui, ce programme serait contesté par des «groupuscules» opposés à ce que les femmes retournent au foyer. Pour se défendre, il affirme que cette proposition était soutenue par des statistiques de l’Unicef qui montreraient une hausse de la mortalité infantile entre 1 et 2 ans. Sans achever sa phrase, il déclare ensuite : «Au début, elles avaient dit que l’émancipation de la femme, c’était d’arrêter l’allaitement maternel.» Toujours dans ses propos, il ajoute : «Mais après des années, ils se sont rendu compte que cela a causé beaucoup de malheurs, surtout concernant la santé de la mère et de l’enfant.» Sans transition, il poursuit : «C’est pour cela qu’elles ont recommencé l’allaitement.» Ainsi, il évoque l’exemple d’une députée européenne qui allaite en plein Hémicycle.
Et il conclut : «Ce que cela renseigne, c’est que si on n’est pas solide, surtout vous les femmes, il y a un groupuscule qui veut nous empêcher de faire ce que nous voulons au nom des normes de l’Occident, alors que nous n’avons pas les mêmes civilisations.» Ces propos sont extraits de son intervention lors d’une conférence religieuse organisée pendant le Ramadan à Thiès, sur le thème des droits des femmes. Inutile de préciser que la salle était remplie de femmes. Comme toujours, lorsqu’il s’agit de gagner l’empathie des femmes, on assiste à une mise en scène stratégique qui repose sur la division : diviser pour mieux briller. Opposer les féministes à «la femme ordinaire», flatter certaines pour mieux discréditer d’autres, instrumentaliser la maternité pour mieux contrôler. Cette stratégie, vieille comme le monde, ne vise pas l’émancipation des femmes, mais leur encadrement silencieux. Comment ne pas réagir face à de tels propos ? D’autant plus qu’ils viennent d’un représentant de la République qui prétend agir pour le bien-être des enfants tout en invisibilisant les réalités des femmes. Avant de critiquer la posture de ce qu’il nomme «groupuscule», il aurait dû se documenter sérieusement. Car la question du congé maternité est une préoccupation majeure bien plus qu’il ne semble le percevoir, lui, l’honorable député.
Derrière le mot «maternité», ce n’est pas le bienêtre des femmes qu’on protège, mais un modèle familial figé, assigné et profondément déséquilibré. Bâ semble mélanger deux concepts essentiels : le congé maternité et l’allaitement exclusif. Il évoque la question de l’allaitement dans le même souffle que celle du congé maternité, sans faire de distinction entre ces deux pratiques qui, bien que liées, n’ont pas les mêmes implications. Le congé maternité est une période de repos accordée à la mère pour qu’elle puisse récupérer après l’accouchement et s’occuper de son enfant. Il est important de souligner que l’allaitement exclusif ne dépend pas uniquement du congé maternité, mais plutôt du choix de la mère en fonction de ses capacités, de sa situation personnelle et professionnelle. L’allaitement exclusif, recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), consiste à nourrir un bébé uniquement avec du lait maternel pendant les six premiers mois de sa vie. Il ne faut pas confondre le droit à l’allaitement et le droit au congé maternité, qui sont deux aspects différents des droits des femmes.
L’idée que l’émancipation des femmes consiste à arrêter l’allaitement maternel n’a jamais fait partie des revendications féministes, ni au Sénégal ni ailleurs. Cette affirmation est dangereusement manipulatrice. Elle déforme délibérément les luttes féministes, qui ont toujours porté la reconnaissance des besoins des femmes. A aucun moment, les féministes n’ont prôné l’arrêt de l’allaitement comme moyen d’émancipation. Ce que nous défendons, c’est le droit de chaque femme à choisir en toute liberté et conscience. Des propos de ce genre détournent l’attention des véritables enjeux : l’absence de politiques sociales cohérentes, le manque de structures d’accueil pour la petite enfance, l’isolement des mères, l’absence de congé paternité adapté et le refus d’associer les hommes aux responsabilités parentales. Les féministes ne sont pas opposées à l’allaitement : elles sont opposées aux injonctions, et cela fait toute la différence.
Il avance que l’arrêt de l’allaitement a été une erreur commise dans le passé, en se référant à des exemples dans les pays occidentaux. Il est pourtant important de rappeler que si une campagne de promotion de l’allaitement exclusif a vu le jour dans plusieurs pays, y compris au Sénégal, ce n’est pas pour corriger une prétendue «erreur féministe», mais pour répondre à des enjeux de santé publique. Dans les années 1970 à 1990, la baisse de l’allaitement maternel dans certains pays, notamment sous l’influence du marketing agressif des laits artificiels, a conduit à une augmentation de la mortalité infantile. L’Unicef et l’Oms ont alors lancé l’Initiative hôpitaux amis des bébés (Ihab) pour promouvoir l’allaitement exclusif comme mesure de santé publique, et non comme choix idéologique imposé.
Il est intéressant de noter que, dans l’exemple qu’il donne, Amadou Bâ semble prôner des pratiques occidentales tout en critiquant l’influence de l’Occident. Cette incohérence traduit une vision sélective et utilitariste de la culture, selon ce qui arrange son discours. L’allaitement en public, qu’il cite comme exemple, est en réalité une pratique défendue par les mouvements féministes pour garantir le droit des femmes à nourrir leur enfant sans stigmatisation.
Au Sénégal, le congé maternité est actuellement de 14 semaines dont 8 après l’accouchement. Cette durée est insuffisante, tant pour le bien-être de l’enfant que pour celui de la mère. Elle ne permet pas de concilier efficacement travail et maternité, surtout dans un contexte où peu d’entreprises disposent de crèches ou de dispositifs de soutien adaptés. Nous ne demandons pas deux ans de congé maternité. Ce que nous réclamons, ce sont six mois, en cohérence avec les recommandations de l’Oms, et l’intégration de crèches dans les espaces professionnels. Deux ans de congé, tel que proposé, pourrait au contraire nuire aux femmes : recul professionnel, stigmatisation, mise à l’écart dans les promotions. Ce n’est pas protéger les femmes que de les éloigner de l’espace public. C’est renforcer l’idée qu’elles ne peuvent pas être à la fois mères et professionnelles. Dans le monde, très peu de pays proposent un congé maternité de deux ans. Et lorsque c’est le cas, il s’agit souvent de congés parentaux partagés, étalés sur une longue période, parfois faiblement indemnisés et rarement réservés exclusivement aux femmes. Par exemple, en Estonie ou en Bulgarie, les politiques permettent aux parents de rester à la maison jusqu’aux deux ans de l’enfant, mais dans une logique de flexibilité et de partage des responsabilités parentales entre les deux parents. Ces dispositifs sont accompagnés d’un système de crèches, de congés paternité renforcés et de mesures pour garantir le retour à l’emploi. Dans aucun de ces contextes, il n’est question d’exclure les femmes durablement du monde professionnel au nom de la maternité.
Proposer deux ans de congé exclusivement pour les femmes, sans réforme globale du système de protection sociale et sans implication des pères, revient à renforcer leur assignation domestique et à ralentir leur avancement professionnel. C’est une régression, pas une avancée. S’il s’agissait réellement de donner des droits aux femmes, comme le prétend le député, il aurait commencé par garantir ce qui est déjà recommandé par les instances de santé internationale et adopté par d’autres pays africains comme la Côte d’Ivoire : six mois de congé maternité. Ce choix serait bien plus cohérent avec les besoins des femmes, avec les exigences de l’allaitement exclusif et avec une vision progressiste du travail des femmes. Cela demanderait aussi de repenser l’organisation du travail autour des réalités de la parentalité, plutôt que de maintenir les femmes dans des rôles figés au nom d’un prétendu bien-être de l’enfant. Défendre les droits des femmes, ce n’est pas les éloigner de l’espace public sous prétexte de maternité. C’est leur garantir des choix, du temps, du soutien et de la reconnaissance. Ce que nous demandons, ce ne sont pas des faveurs, mais des droits. Clairs. Effectifs. Respectés.
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LA VIE CONJUGALE APPAUVRIT LES FEMMES
Pour l’ex-première dame du Tchad, il serait utile de former les femmes sur les choix qu’elles font en matière de gestion de l’argent dans le couple, car après des années de travail, elles se retrouvent souvent sans patrimoine, contrairement aux hommes.
La gestion de l’argent dans le couple est une question cruciale que les femmes pourraient mettre au cœur des manifestations organisées à l’occasion du 8 mars. Selon l’ancienne première dame du Tchad, Fatimé Raymonne Habré, il s’agit là d’un véritable enjeu qui pèse lourdement sur les épaules des femmes.
Dans la plupart des couples, quelle que soit la formule adoptée par les conjoints, la femme finit souvent par contribuer davantage que l’homme. Résultat : après de nombreuses années de travail, beaucoup de femmes se retrouvent sans patrimoine, tandis que leur conjoint, lui, a pu épargner et réaliser des investissements.
Pour Madame Fatimé Raymonne Habré, il est urgent de former les femmes sur cette problématique, afin qu’elles puissent prendre de meilleures décisions concernant la gestion de leur argent et leur contribution dans le foyer.
CHIMAMANDA, L'ÉCRITURE RETROUVÉE
Après dix ans d'absence dans le domaine romanesque, la célèbre écrivaine féministe nigériano-américaine revient avec "L'Inventaire des rêves". Un roman qui explore la sororité entre quatre femmes africaines et revisite l'affaire Strauss-Kahn-Diallo
(SenePlus) - La célèbre écrivaine nigériano-américaine Chimamanda Ngozi Adichie, figure de proue du féminisme contemporain, est de passage à Paris pour présenter son nouveau roman très attendu, « L'Inventaire des rêves ». Lors d'un entretien accordé au journal Le Monde, l'autrice aborde avec franchise le blocage créatif qui l'a paralysée pendant une décennie, la genèse de son nouveau livre inspiré de l'affaire Strauss-Kahn, et livre son analyse sans concession sur la situation politique américaine.
Dix ans après le succès international d'« Americanah », Chimamanda Ngozi Adichie renoue avec la fiction qu'elle qualifie, selon Le Monde, comme « l'amour de sa vie, sa raison d'être, sa 'joie' ». Cette longue absence dans le domaine romanesque n'était pas volontaire, mais le résultat d'un blocage créatif profond. « J'étais bloquée, répond-elle, c'est aussi simple que cela », confie-t-elle au quotidien français.
L'écrivaine, née au Nigeria en 1977 et récemment naturalisée américaine, évoque avec une rare transparence les tourments liés à cette incapacité d'écrire : « Je me sentais totalement misérable, séparée de mon vrai moi », avoue-t-elle, ajoutant qu'elle « passait beaucoup temps à cacher aux autres qu'elle n'écrivait pas ».
C'est après avoir perdu successivement ses deux parents que la romancière a retrouvé le chemin de la création littéraire. Elle explique au Monde ce phénomène par une forme de connexion spirituelle : « C'est comme si ma mère m'avait ouvert une porte... » Un événement qu'elle ne cherche pas à rationaliser, mais dont elle revendique l'« intuition profonde ».
« L'Inventaire des rêves », ouvrage de plus de 600 pages décrit par Le Monde comme « un texte tonique et plein de sève », entrelace les destins de quatre amies africaines. « Cela faisait longtemps que je voulais mettre en scène des vies de femmes contemporaines », explique l'autrice qui souhaitait « montrer l'amitié qui les lie, la façon dont elles se comprennent, se soutiennent, explorer la 'sisterhood' [la sororité] ».
Le journal détaille les profils de ces protagonistes : Chiamaka (« Chia »), une Nigériane installée aux États-Unis qui a abandonné son emploi pour se consacrer à l'écriture de voyage ; Zikora, avocate tourmentée par un désir de maternité ; Omelogor, femme d'affaires aux opinions tranchées ; et enfin Kadiatou, femme de ménage guinéenne dont le parcours est inspiré de celui de Nafissatou Diallo.
Comme le rapporte Le Monde, le roman commence durant la pandémie de Covid-19, période durant laquelle les trois premières protagonistes s'interrogent sur leurs aspirations : « Les rêves des femmes sont-ils vraiment les leurs ? » La romancière confronte ses personnages aux injonctions contradictoires qui pèsent sur les femmes, créant une œuvre à la fois critique et engageante.
Le personnage de Kadiatou, d'après Le Monde, est librement inspiré de Nafissatou Diallo, la femme qui avait porté plainte contre Dominique Strauss-Kahn en 2011. Dans le roman, son rêve américain se brise lorsque « dans une chambre, 'un Blanc tout nu, un client VIP', s'est rué sur elle et l'a laissée 'la bouche pleine d'asticots' ».
Chimamanda Ngozi Adichie explique au journal son indignation face à l'abandon des poursuites contre DSK : « Quand j'ai su que les poursuites avaient été abandonnées sous prétexte que Nafissatou Diallo avait menti au moment de sa demande d'asile, j'ai trouvé cela injuste et immoral. C'était une façon de dire aux femmes : si vous êtes agressées sexuellement, il faut, pour espérer obtenir réparation, que vous soyez parfaites en tout point. Or, qui est parfait dans la vraie vie ? »
Pour l'écrivaine, ce livre revient sur « une affaire trop importante pour être classée sans suite » et démontre comment « là où le droit ne s'exerce pas, la littérature peut rendre justice », en « redressant par l'écriture 'l'équilibre des récits' ».
Interrogée sur la situation politique américaine actuelle et le retour de Donald Trump, Chimamanda Ngozi Adichie livre une analyse sans détour : « Je pense qu'on a trop couvert la folie [de Trump]. Parce qu'elle est divertissante, d'un certain point de vue, la télévision l'a beaucoup trop relayée, imprudemment. C'est cela qui a fait Trump. Si ça n'avait pas été le cas, il n'aurait pas gagné le premier mandat. »
L'écrivaine déplore, selon Le Monde, l'obsession pour le divertissement qui caractérise la politique trumpienne, citant en exemple une récente humiliation du président ukrainien Zelensky : « Regardez, quand Trump humilie Zelensky à l'écran, ce qu'il dit à la fin c'est : 'Ça va faire un bon moment de télévision !' »
Face à cette situation, Adichie affirme avoir pris ses distances avec l'actualité : « Je ne veux pas qu'elle contrôle ma vie ». Ayant grandi « dans une dictature, au Nigeria », elle assure que la situation actuelle ne « changera rien » à sa créativité : « Je ne me laisserai certainement pas aller au désespoir. »
« L'Inventaire des rêves » de Chimamanda Ngozi Adichie, traduit de l'anglais par Blandine Longre, est publié aux éditions Gallimard dans la collection « Du monde entier » (656 pages, 26 euros).
KEN BUGUL, UNE LEÇON DE SPIRITUALITÉ ET DE RÉSILIENCE
Honorée d'un doctorat Honoris Causa, l'écrivaine sénégalaise partage sa vision d'une société où l'indifférence gagne du terrain. "Je mourrai debout", affirme celle qui a fait de la résistance à la fatalité son credo
L'écrivaine sénégalaise Ken Bugul était l'invitée de l'émission "BL" animée par Pape Alioune Sarr, ce jeudi 19 mars 2025. Dans cet entretien profond et touchant, l'auteure du "Baobab fou" a livré une véritable leçon de spiritualité et partagé sa vision de la société contemporaine.
Récemment honorée d'un doctorat Honoris Causa par l'Université de La Laguna pour l'ensemble de son œuvre, Ken Bugul est revenue sur cette distinction qu'elle considère comme "un grand honneur". Cette reconnaissance internationale témoigne de l'impact de ses écrits sur plusieurs générations de lecteurs.
"Je mourrai debout", affirme celle qui a fait de la résilience sa philosophie de vie. L'écrivaine établit une distinction claire entre destin et fatalité : "Le destin, c'est le kit avec lequel on naît, tandis que la fatalité est une démission rapide face aux difficultés temporaires." Cette approche lui a permis de surmonter les nombreuses épreuves jalonnant son parcours.
La spiritualité occupe une place centrale dans la vie de Ken Bugul. Pour elle, il s'agit d'une quête permanente qui transcende le simple cadre religieux : "Du dogme à la connaissance, il faut toujours être dans la quête de Dieu. Plus on pense l'avoir trouvé, plus il nous dépasse."
L'auteure s'est également inquiétée de l'indifférence grandissante dans la société, particulièrement envers les jeunes. Évoquant le suicide récent de l'étudiant Matar Diagne, elle dénonce l'absence de "garde-fous" pour récupérer ceux qui souffrent : "Personne n'a le temps de personne. Les gens ne se parlent plus, ne s'écoutent plus, ne se regardent plus."
Ken Bugul a également tenu à rappeler le rôle fondamental mais souvent occulté des femmes dans les traditions spirituelles : "Sans les femmes, il n'y aurait pas eu de religion." Elle illustre son propos par des exemples tirés des trois religions monothéistes, où les femmes ont joué un rôle déterminant bien que rarement mis en lumière.
Son œuvre littéraire, initialement conçue comme une démarche personnelle de guérison, s'est révélée thérapeutique pour de nombreux lecteurs. "L'écriture qui répare", comme l'a qualifiée un professeur camerounais, trouve aujourd'hui un écho renouvelé auprès d'une jeune génération qui redécouvre ses livres.