D’où viennent les frontières des pays africains et pourquoi certaines semblent avoir été tracées à la règle ?
PAR Seydou Ka
UNE GÉNÉRATION EN COLÈRE
De façon globale, la jeunesse du continent est restée à l’écart de cette « rébellion » climatique. Ici, beaucoup de jeunes s’accommoderaient d’une destruction de la planète à condition d’avoir des emplois, un meilleur accès aux services sociaux de base
Tremblez grands dirigeants ! Les jeunes sont en colère. De Melbourne à Paris, en passant par Wellington, Sidney ou Londres, les militants du mouvement Extinction Rebellion (XR) multiplient, depuis le 7 octobre, les rassemblements et les opérations de désobéissance civile à travers la planète visant à dénoncer l’inaction « criminelle » des gouvernements face au changement climatique. A Paris, des centaines de militants écologistes ont occupé, pendant dix-sept heures, le centre commercial de la place d’Italie, un « symbole du capitalisme » situé dans le 13e arrondissement. Excédés par l’inaction des gouvernements, malgré les pétitions, le lobbying et les manifestations alors que « le temps presse », ces militants écologiques, en majorité des jeunes, ont décidé de se « rebeller » pour pousser les dirigeants mondiaux à déclarer une « urgence climatique et écologique » et prennent les mesures qui s’imposent pour sauver la planète. Né en 2018 au Royaume-Uni, XR, l’association à l’origine de cette « rébellion », met en garde contre une imminente « apocalypse » environnementale. Les méthodes utilisées par ces « intégristes » du climat ressemblent à celles des anarchistes, observe le sociologue Michel Fize (sur France 24, le 8 octobre), avec une absence d’un leader unique ou de programme écrit. Ce qu’ils veulent, c’est une nouvelle façon de faire la politique, inventer une nouvelle économie différente du capitalisme pur et dur.
Fin septembre, devant les dirigeants de la planète réunis à New York dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies, la jeune suédoise Greta Thunberg, 16 ans, devenue la figure de proue de cette génération en colère, faisait feu de tout bois : « Nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c’est de l’argent et du conte de fée d’une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? », lance-t-elle aux dirigeants du monde. Avant d’ajouter, sous la forme d’une menace à peine voilée : « Vous nous avez laissés tomber. Mais les jeunes commencent à comprendre votre trahison. Si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis, nous ne vous pardonnerons jamais. Nous ne vous laisserons pas vous en sortir comme ça ». Il y avait quelque chose de terrifiant sur le visage de cette adolescente qui, comme elle le dit, « devrait être à l’école » et non devant cette tribune d’adultes. Les mots choisis, le ton, l’expression de son visage, tout traduisait, si ce n’est de la haine, une profonde colère. Une colère futuriste, si l’on peut dire. Le 8 octobre, à Copenhague (Danemark), c’est une autre adolescente, l’Américaine Jamie Margolin, 17 ans, qui, à l’ouverture de la réunion du C40, un réseau composé de 94 des villes les plus puissantes du monde, qui était venue lancer cette mise en garde : « Soit vous faites ce qui est nécessaire (…), soit vous dégagez. »
De façon générale, l’activisme et les menaces de ces « ados » ne passent visiblement pas auprès des grands dirigeants, suscitant même de l’ironie moqueuse de certains grands dirigeants. « Comment ose-t-elle ? », se demandent certains, détournant ainsi la formule fétiche de la jeune suédoise devant l’assemblée générale de l’Onu. Eh oui, il faut plus pour faire peur à ces grands messieurs habitués à débattre de choses « plus sérieuses » ! Pourquoi tant de haine contre ces « ados » qui, quoique « maladroite » soit leur démarche, appelle quand même à une prise de conscience sur l’urgence climatique. Les réactions dédaigneuses des dirigeants mondiaux ne fait que refléter leur sentiment de culpabilité. Ils sont mécontents qu’on les mettent devant leurs responsabilités. Comme des pères de familles peu responsables, ils n’aiment pas que les enfants viennent fouiner dans leurs « affaires ». En revanche, certains adultes se sont montrés plus réceptifs aux arguments des jeunes. Ainsi, les membres du réseau de villes C40 villes, qui vise à lutter contre le réchauffement, se sont engagés, mardi 8 octobre, à « placer l’action climatique au cœur de toutes les prises de décision ». Ont-ils cédé aux menaces des « ados » ? Allez savoir.
Et l’Afrique dans tout cela ? De façon globale, la jeunesse du continent est restée à l’écart de cette « rébellion » climatique. Mais beaucoup de jeunes africains sont aussi en colère. Pour d’autres raisons, il est vrai. Ici, beaucoup de jeunes s’accommoderaient d’une destruction de la planète à condition d’avoir des emplois, un minimum de revenu décent, un meilleur accès aux services sociaux de base et surtout une meilleure gouvernance de nos Etats. Un jeune confrère de la sous-région, m’expliquait récemment que son pays est « le plus corrompu au monde ». Il dénonçait « la trahison » du gouvernement, alors que son pays doit faire face à un défi sécuritaire qui menace même son existence. « Je me demande ce que nous avons fait au bon Dieu pour mériter cela ? », se demande-t-il, avec tristesse. Mais ça aussi, ce n’est pas une question que doit poser un jeune, diront les adultes.
par Oswald Padonou
OÙ SONT LES INTELLECTUELS AFRICAINS ?
L'Afrique, notamment francophone, manque clairement d’intellectuels engagés. Ceux qui auraient dû s’affirmer en tant qu’intellectuels éclairés restent, hélas, de simples analystes et commentateurs opportunistes de l’actualité
Jeune Afrique |
Oswald Padonou |
Publication 20/10/2019
L'Afrique, notamment francophone, manque clairement d’intellectuels engagés. Ceux qui se prévalent du grand savoir ont du mal à devenir ou à rester des penseurs libres et féconds, et ont particulièrement du mal à influer sur les processus de démocratisation en cours sur le continent.
Ainsi que de nombreuses personnes dans le monde, je lis actuellement l’un des best-sellers du moment : How Democracies Die, coécrit par deux éminents professeurs de Harvard, Steven Levitsky et Daniel Ziblatt. En partant de l’élection de Donald Trump et de sa gouvernance, ils y décrivent l’extinction insidieuse de la démocratie aux États-Unis, mais aussi dans d’autres régions du monde. Levitsky et Ziblatt procèdent par une approche sociohistorique comparée avec l’Amérique latine, l’Europe et, j’ajouterais, par similarité, l’Afrique, où la remise en question de l’indépendance de la justice, de la liberté de la presse, ainsi que la délégitimation des institutions de contre-pouvoir et des autorités administratives indépendantes contribuent à polariser fortement le jeu politique.
Ces actions et omissions démocraticides finissent par transformer des régimes démocratiquement installés en pouvoirs autoritaires. Sans qu’il n’y ait le moindre coup d’État, le moindre coup de feu. Ce que me rappelle cruellement la lecture de ce livre, ce n’est pas tant l’état chancelant de la démocratie en Afrique – nous en sommes à peu près tous conscients –, que la difficulté de trouver, dans la plupart de nos États, suffisamment de Levitsky et de Ziblatt qui aggrave notre sort. Nous manquons clairement d’intellectuels engagés, notamment en Afrique francophone !
Les grands diplômés, les universitaires aux titres ronflants, les experts de tout acabit, nous en avons à foison. Et ce ne sont pas les prétentieux et autres imposteurs qui nous feraient défaut dans le débat public, tant il est vrai que tout le monde, chaque citoyen, « intelligent » ou non, y a sa place. Mais le véritable problème, c’est que ceux qui se prévalent du grand savoir – porté à leur crédit par l’opinion publique – ont du mal à devenir ou à rester des penseurs libres et féconds, des intellectuels usant de la force des idées objectivement élaborées pour influer sur le cours de notre histoire, particulièrement sur les processus de démocratisation en cours sur le continent africain.
Laboratoires
Dans les débats sur nos démocraties, et singulièrement dans les phases de tensions politiques qui sont d’ailleurs chez nous des constances, certains de nos « grands » juristes – pour ne citer que ceux-là – obstruent l’espace de « juridismes » bien souvent calculés en fonction de nombre de pesanteurs et d’intérêts particuliers, plutôt que d’observer finement le jeu politique, de recouper historiquement les situations, de les mettre collectivement en perspective dans des équipes et des laboratoires de recherche afin d’élaborer des théories validées scientifiquement sur la durée et à partir desquelles des alertes fondées sur la légitimité d’un travail rigoureux peuvent être lancées.
Après les expériences du Togo, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Gabon et même du Bénin actuellement – où les juristes s’affrontent sur l’interprétation de dispositions constitutionnelles ou légales visant soit à accompagner soit à bloquer des projets politiques pour ensuite se contredire sur les mêmes sujets –, il faut se résoudre à l’évidence : celles et ceux qui auraient dû s’affirmer en tant qu’intellectuels éclairés et éclairants restent, hélas, de simples analystes et commentateurs opportunistes de l’actualité politique. Fondé sur les suspicions qui entourent leurs opinions personnelles, le discrédit dont souffrent ces « intellectuels » est, en effet, de plus en plus grand.
L’influence des sociétés savantes
Il devient donc urgent qu’ils adossent chacun de leurs raisonnements à des travaux rigoureux et pas seulement à leurs seuls titres et grades. Sans ce réajustement, nous perdrions l’usage d’un véritable pouvoir et contre-pouvoir en démocratie : celui de l’influence des sociétés savantes et, dans une certaine mesure, des think tanks animés par des penseurs et par des intellectuels.
Certes, dans un contexte africain francophone caractérisé par l’absence de financements destinés à la recherche, le manque d’intérêt de la plupart des citoyens pour la lecture ou encore l’incapacité du plus grand nombre à accéder aux résultats de la recherche, on pourrait être tenté d’accorder des circonstances atténuantes à nos universitaires, qui privilégient d’autres espaces d’expression et d’action.
Mais non, nous voulons rester exigeants vis-à-vis d’eux parce qu’ils ont du potentiel et les moyens de produire des ouvrages traduits dans plusieurs langues et vendus à des milliers d’exemplaires en Afrique, et, surtout, parce qu’ils ont des idées utiles à la société. Parce que nous croyons au pouvoir de l’intelligence rationnelle, à la force des idées novatrices et à la nécessité de mobiliser des connaissances même complexes, mais aussi des convictions et des valeurs dans le débat public, il nous faut plus que des experts, mieux que des agrégés, des docteurs, des ingénieurs…
Visions avant-gardistes
D’ailleurs, l’intellectuel n’est pas nécessairement un grand diplômé ou un universitaire. En Afrique et dans d’autres régions du monde, des responsables religieux, des journalistes, des syndicalistes, des artisans… ont été et sont encore de grands intellectuels, en raison, entre autres, de leur capacité à proposer à l’opinion une somme équilibrée de connaissances approfondies, de visions avant-gardistes des mutations de la société, de compréhensions et d’explications de phénomènes complexes, mais aussi et surtout d’engagements fondés sur des valeurs et des convictions qui peuvent même être politiques et partisanes… à la condition de savoir faire la part des choses et d’éviter l’imposture !
Il ne reste plus qu’à espérer ne pas avoir à lire ou à écrire prochainement How Intellectualism Dies in Africa !
Oswald Padonou est Docteur en sciences politiques. Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité
LA SAGA NIGERIANE DES BUHARI
La famille présidentielle du Nigeria a été entraînée dans une histoire qui ressemble à l'un des nombreux feuilletons télévisés d'Hollywood du dimanche soir
BBC Afrique |
Nduka Orjinmo et Bruno Sanogo |
Publication 20/10/2019
C'est une histoire selon laquelle le président aurait prétendument marié une deuxième épouse - une femme membre de son gouvernement - alors que la fureur de sa femme laissait entrevoir des problèmes plus profonds dans le couple. Cette histoire a été inventée par les médias sociaux dynamiques au Nigéria et a été répandue par les commentaires énigmatiques de Mme Buhari. Le cadre étant la villa présidentielle du Nigeria, Aso Rock.
En quoi cela parle t-il d'un mariage ?
Le président Muhammadu Buhari et l'une de ses femmes ministres, Sadiya Farouq, sont au centre du récit qui a été largement diffusé sur les médias sociaux.
Ce que nous savons, c'est que le président Muhammadu Buhari est marié à Aisha Buhari et n'a rien dit sur sa volonté de prendre une nouvelle épouse.
Mme Farouq n'a rien dit non plus à propos du prétendu mariage.
Cela aurait facilement pu être consideré comme une fausse nouvelle et resté comme tel, sans un commentaire de Mme Buhari.
Qu'est-ce que Aisha Buhari a t-elle dit ?
Elle était en déplacement depuis deux mois au Royaume-Uni pour une visite médicale. Son retour à Abuja a été pris par ceux qui ont suivi l'histoire comme un signe qu'elle était revenue "pour défendre son territoire".
Même sa réponse à l'aéroport sur ce faux mariage n'a pas suffi à éteindre les rumeurs.
Dans une interview accordée à la BBC en Hausa, la première dame a confirmé, bien que de manière très cryptée, qu'il était effectivement prévu que le président Buhari prenne une deuxième épouse, en faisant référence à une "promesse de mariage". Elle a également dit que la prétendue future épouse était déçue que le mariage ne se soit pas fait.
Mme Buhari a déclaré: "La personne qui a promis son mariage ne savait pas que cela ne se produirait pas. Elle [supposée être Mme Farouq] n'a pas nié le mariage avant la fin de la journée."
Elle a parlé entièrement en haoussa, mesurant ses mots et ne mentionnant aucun nom. Mais il ressort clairement de l'entretien que Mme Buhari était mécontente que Mme Farouq n'ait pas publiquement démenti les rumeurs sur le mariage.
Pour compliquer encore les choses, le compte Twitter de la ministre a nié avoir commenté les rumeurs, réfutant les affirmations d'un faux compte en son nom qui avait en fait nié l'histoire.
Le compte du ministre a tweeté: "Il a été porté à mon attention qu'un faux compte Twitter @Sadiya_farouq_ a été créé en mon nom.
"Je souhaite informer mes partisans et les Nigérians bien intentionnés de ne pas tenir compte du descriptif et de toute information publiée dessus. Mon identifiant Twitter officiel reste @Sadiya_farouq".
Certains disent qu'elle a raté une occasion d'étouffer les rumeurs avec un déni ferme.
Alors, qui est Sadiya Farouq ?
À 45 ans, elle est l'un des plus jeunes ministres du cabinet de M. Buhari et dirige le nouveau ministère des Affaires humanitaires, de la gestion des catastrophes et du développement social.
On savait peu d'elle avant qu'elle ait été nommée par M. Buhari en août pour diriger le ministère nouvellement créé. La création du ministère et sa nomination ont été une surprise pour beaucoup, mais ceux qui la connaissent affirment qu'elle est une fervente partisane du président depuis des décennies.
Elle était à la tête de la Commission nationale des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées dans le pays et était membre du directoire de campagne présidentiel All Progressives Congress (APC), au pouvoir, où elle était chargée de la planification et de la surveillance des élections, des opérations sur le terrain, et collecte de fonds.
Alors y avait-il un mariage ?
Non.
Le mariage était prévu pour se faire le vendredi 11 octobre, mais le compte Twitter de Sadiya Farouq a révélé qu'elle était déjà jeudi à Genève, en Suisse, à la tête de la délégation nigériane lors d'une réunion de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Elle n'est pas retournée au Nigeria avant mardi, sur la base de ce qu'elle a posté sur le même compte.
Mais cela n'a pas dissuadé les utilisateurs des réseaux sociaux nigérians, notamment sur Twitter, de fournir une liste d'invités, un lieu et des divertissements.
Et qu'est-ce que tout cela a t-il à voir avec une querelle de famille ?
Les relations tendues entre les différents membres de la famille Buhari élargie sont un sous-complot de la fausse histoire de mariage.
Nous savons maintenant, grâce à cette interview de BBC Hausa, qu'une vidéo virale qui a circulé sur les médias sociaux d'Aisha Buhari dans un élan de colère était authentique. Elle a confirmé l'authenticité de la vidéo qui, selon elle, a été enregistrée par un membre de la famille du président qui habite à Aso Rock, en 2018.
Mme Buhari a déclaré que la vidéo avait été filmée par Fatima Daura, fille de Mamman Daura. Il est le neveu de M. Buhari et a été un proche collaborateur du président. Il n'occupe aucun poste officiel au sein du gouvernement, mais on pense généralement qu'il exerce une influence considérable sur le gouvernement.
On lui a même donné un appartement - la Glass House - dans la villa présidentielle qui a été le théâtre de l'explosion de la vidéo.
Selon Mme Buhari: "Ils ont filmé la vidéo devant ma sécurité et tout le monde. Elle [Fatima Daura] était en train de filmer tout cela devant moi et riait et se moquait de moi.
"Ils ont agi de la sorte parce que mon mari les a renvoyés de la maison. Il leur a dit de récupérer tous leurs biens et de quitter la maison pour que mon fils [Yusuf] l'occupe.
Fatima Daura a répondu à l'interview de Mme Buhari en déclarant: "Si on raisonne bien, on comprendra qu'il n'est pas possible de dire que la femme du président se voit refuser l'accès à son appartement."
La présidence nigériane n'a encore rien dit à propos de la vidéo mais mercredi, Mme Buhari a publié des excuses sur Instagram, affirmant: "Je saisis cette occasion pour m'excuser de la gêne que j'aurais pu causer à mes enfants, aux membres de ma famille proche et aux Nigérians bien intentionnés et l'institution que je représente, sur le clip vidéo diffusé ".
Aisha Buhari n'a pas dit qui planifiait le mariage, mais il est clair qu'elle sait qui c'était. Certaines personnes supposent que sa volonté de confirmer l'authenticité d'une vidéo de 2018, dans laquelle elle mentionnait Mamman Daura et sa fille Fatima, était un autre message énigmatique.
Mme Daura nie la planification d'un mariage, affirmant à BBC Hausa que son père et le président sont des "monogames". Il a également déclaré que "le genre de pouvoir et d'influence attribué à mon père est uniquement imputable à Dieu".
Alors, un mariage est-il toujours sur les cartes ?
Cela dépendrait si c'était jamais sur les cartes en premier lieu.
Si les gens le prévoyaient, ils n'auraient peut-être pas complètement abandonné ces plans.
S'il y a quelqu'un qui connaissait les signes d'un nouveau mariage en gestation, c'est bien Mme Buhari. Elle a épousé le président après son divorce de sa première femme en 1988. Le président est connu pour son monogamie, mais en tant que musulman, il est autorisé à prendre jusqu'à quatre femmes.
POURQUOI LE TRANSPORT AÉRIEN AFRICAIN EST SI CHER ?
Entre taxation excessive et barrières protectionnistes des espaces aériens nationaux, décryptage d’une situation aux conséquences désastreuses pour les économies africaines
Agence Ecofin |
Olivier de Souza |
Publication 20/10/2019
Coût des vols très élevés, escales de plusieurs heures et détours par plusieurs pays. Tels sont les maux qui caractérisent le secteur du transport aérien africain, surtout quand il s’agit de vols intracontinentaux. Entre taxation excessive et barrières protectionnistes des espaces aériens nationaux, décryptage d’une situation aux conséquences désastreuses pour les économies africaines.
Un service peu désirable
D’après une étude réalisée par City Lab, le prix de base hors taxes d'un billet KLM entre Freetown, en Sierra Leone, et Londres est d'environ 350 dollars. Mais avec les frais et taxes, le prix du billet peut grimper jusqu’ à 825 dollars.
Une situation qui empire lorsqu’il s’agit de vols intra-continentaux. Un voyageur en provenance de Kinshasa vers Lagos au Nigéria est susceptible de dépenser jusqu’à 1200 dollars avec un voyage qui peut durer plus de 12 heures, en passant par une ou plusieurs escales. Or, la distance qui relie ces deux métropoles est de 3000 km. Une comparaison avec le secteur aérien américain, montre qu’une telle distance correspond à un vol New York à Minneapolis qui coûterait en moyenne 300 dollars et ne prendra par aucune escale.
Il faut par exemple débourser plus de 600 dollars pour un vol entre Kampala et Bujumbura. Les deux villes sont séparées par 725 km et le vol durera en moyenne 10 heures de temps avec des escales au Kenya et au Burundi. Au même moment, avec la distance qui est à peu près la même entre les villes américaines de Boston et Washington DC, un voyageur achètera son billet en moyenne à 120 dollars et durera en moyenne 1h30.
Pour se rendre d'un pays à l'autre sur le continent africain, un voyageur peut devoir parcourir des milliers de kilomètres des fois en passant par le Moyen-Orient ou l'Europe, souligne City Lab.
La problématique de la cherté du transport aérien en Afrique fait que le continent ne compte que pour moins de 3 % du marché mondial du transport aérien avec environ 54 millions de passagers par an. Or, il abrite environ 12 % de la population mondiale et sera responsable de la majeure partie de la croissance démographique mondiale, au cours des trois prochaines décennies.
La taxation : le grand mal du transport aérien africain
L’une des principales causes de la cherté des billets d’avion en Afrique est la taxe imposée par les Etats. Les compagnies aériennes se retrouvent par conséquent, contraintes d’augmenter d’autant les tarifs des billets d’avion.
Contrairement, à l’Europe ou à l’Amérique du Nord, il existe, sur le continent africain, une grande disparité entre les taxes prélevées par chaque gouvernement sur le billet d’avion acheté par un voyageur.
Selon le rapport « Over Taxation in Africa » écrit par Nowel Ngala, directeur des opérations commerciales et terrestres du Groupe Asky Airlines, les différentes taxes et redevances imposées par chaque Etat contribuent aux prix élevés des billets, surtout pour les liaisons internes.
En Afrique, chaque Etat perçoit en moyenne 12 redevances et taxes différentes afin de recouvrer les coûts de la fourniture d'installations, de services aéronautiques aux aéroports et à la navigation aérienne, mais aussi pour remplir les caisses publiques.
Selon une classification faite dans le rapport, les Etats d’Afrique Centrale perçoivent en moyenne 100 dollars sur le billet d’avion, ce qui en fait la région où les billets d’avion sont les plus chers en Afrique. L’Afrique de l’Ouest suit dans le classement avec une moyenne de 84 dollars prélevés. S’en suivent l’Afrique de l’Est avec 60 dollars, l’Afrique australe avec 40 dollars et l’Afrique du Nord avec 35 dollars.
Cette situation engendre une baisse des revenus des compagnies aériennes qui par conséquent investissent moins et se retrouvent parfois obligées de dégraisser leurs effectifs, ce qui entraine une hausse du taux de chômage et les problèmes sociaux y afférent. « Ces taxes réduisent le rendement potentiel de l'investissement, de sorte que la compagnie aérienne n'augmente pas sa flotte autant qu'elle l'avait prévu. Elle offre moins de vols, ce qui entraîne des tarifs aériens encore plus élevés et la mise à pied de certains de ses travailleurs. Ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres de la façon dont les impôts se répercutent sur l'économie et ont toutes sortes de conséquences illimitées », déplore le rapport.
Un protectionnisme aérien nocif au transport
Selon un article publié dans le quotidien La Libre Belgique, le coût du kérosène en Afrique est le plus élevé du monde pour les compagnies aériennes. Il y est 21% plus cher que dans le reste du monde. De plus, dans certains pays, les taxes sur les carburants sont plus du double de la moyenne mondiale. Cela justifie aussi l’augmentation des prix des billets par les compagnies.
Selon Qatar Airways, « les Etats africains doivent revoir leur politique de la porte fermée ». En effet, dans le secteur, l’Afrique est la région où on dénote le plus de barrières juridiques protectionnistes, d'obstacles réglementaires et de nationalisme obstiné dans les politiques locales du transport aérien. Les compagnies aériennes qui tentent de lancer une nouvelle liaison entre des pays africains doivent d'abord obtenir l'autorisation des deux pays, une perspective longue et coûteuse qui peut parfois impliquer d'importants pots-de-vin. Partout sur le continent, les pays ont manifesté une tendance protectionniste à limiter l'accès des autres à leur propre espace aérien.
En 1999, 40 pays africains ont signé un accord promettant de promouvoir des marchés concurrentiels et d'éliminer les obstacles réglementaires. Mais à ce jour, rares sont ceux qui ont effectivement mis en œuvre cet accord.
Toutefois, les experts et analystes du secteur n’ont eu de cesse de montrer que ces causes sont à la base de la situation financière délicate de nombreuses compagnies africaines.
Une lumière au bout du tunnel
Depuis quelques années, on peut noter une prise de conscience progressive des décideurs africains pour renverser la tendance afin d’apporter un nouveau souffle au secteur.
En janvier 2018, la Commission de l'UA a lancé le Marché Unique Africain du Transport Aérien. L’objectif est de « créer un marché unique et unifié du transport aérien en Afrique, à libéraliser l'aviation civile sur le continent et à faire avancer le programme d'intégration économique de l'Afrique », a expliqué l’institution dans un communiqué.
La mise en place de ce marché stimulera les opportunités de promotion du commerce, les investissements transfrontaliers dans les industries de production et de services, y compris le tourisme, aboutissant ainsi à la création de 300 000 emplois directs supplémentaires et deux millions d'emplois indirects, une contribution importante à l'intégration et à la croissance socio-économique du continent.
Selon une étude soutenue par l'Association internationale du transport aérien (IATA), l'adoption de politiques de ciel ouvert contribuerait à encourager la concurrence, qui fera doubler le trafic africain et baisser le coût final pour les consommateurs.
Une autre analyse de l'organisation a également révélé que 12 des principaux pays africains pourraient augmenter leur PIB collectif de 1,3 milliard $ et attirer 4,9 millions de nouveaux voyageurs en mettant en œuvre des accords bilatéraux dans ce cadre. Le prix des billets diminuerait ainsi de 35% au profit d’une augmentation des échanges commerciaux.
Ainsi, après l’annonce du lancement du Marché Unique Africain du Transport Aérien, de nombreuses compagnies aériennes africaines se sont lancées dans des projets pour desservir l’ensemble du continent avec des tarifs révisés et plus compétitifs.
D’ici les cinq prochaines années, des compagnies comme Kenya Airways ou encore le leader africain du secteur Ethiopian Airlines devraient sensiblement augmenter leurs vols directs sur le continent, à des tarifs plus abordables. La relecture des tarifs pratiqués par les Etats africains est également vivement attendue.
Un renouveau du secteur grâce au marché unique du transport aérien
Afin de profiter de cette embellie à venir, de nombreux acteurs locaux ont, depuis le lancement du projet de marché unique du transport aérien, annoncé leur intention de démarrer leurs activités à travers tout le continent pour une couverture optimale du marché.
L'Éthiopie est l'un des pays africains qui semble le plus désireux d'exploiter cette opportunité. La compagnie aérienne d'État qui est la seule compagnie aérienne africaine rentable et qui possède l'une des meilleures liaisons à travers le continent, envisage d’y développer davantage ses activités. L'Éthiopie investit également massivement dans un nouvel aéroport, ainsi que dans l'agrandissement de l’aéroport actuel à l'extérieur d'Addis-Abeba.
Plusieurs autres compagnies se sont alignées sur cette opportunité. En août dernier, le gouvernement zambien a annoncé qu’il relancera les activités de la Zambia Airways, sa compagnie aérienne nationale qui a suspendu ses activités depuis les années 90. Une enveloppe de 30 millions de dollars sera nécessaire pour réaliser ce projet.
Pour sa part Kenya Airways a annoncé en mars 2018 qu’il prévoit de desservir 20 nouvelles destinations en Afrique, en Europe et en Asie, au cours des cinq prochaines années.
En août dernier, la ministre ghanéenne de l’aviation, Cecilia Dapaah a déclaré que le gouvernement a entamé des négociations avec des partenaires étrangers pour le lancement d’une compagnie aérienne nationale.
Autant d’initiatives qui devraient (enfin) ouvrir le ciel africain aux Africains.
VIDEO
SARKOZY, CORRUPTION, ASSASSINAT ET AFFAIRE D'ÉTAT ?
Sarkozy, Cahuzac, Le Pen, Fillon... Le personnel politique français nage dans le conflit d'intérêts, les financements occultes (Bongo, Khadaffi), les obstructions à la Justice, l'évasion fiscale, les emplois fictifs...
Sarkozy, Cahuzac, Le Pen, Fillon. Le personnel politique français nage dans le conflit d'intérêts, les financements occultes (Bongo, Khadaffi), les obstructions à la Justice, l'évasion fiscale, les emplois fictifs, les élections truquées.
Interview de Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart.
EN FRANCE, LA TOLÉRANCE AUGMENTE MAIS LES PLUS RACISTES SE RADICALISENT
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a rendu public son rapport sur l'état du racisme en France en 2018
Libération |
Kim Hullot-Guiot |
Publication 19/10/2019
Bonne nouvelle : les Français sont de plus en plus tolérants à l’égard des minorités ethniques et religieuses. Mauvaise nouvelle : les Français qui leur sont le plus hostiles semblent davantage capables de commettre des actes racistes, antisémites ou islamophobes. Chaque année, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) se penche sur l’état de l’opinion (1) sur le racisme, sur la façon dont «chacun appréhende autrui, celui qui est différent ou qu’il juge différent», explique Jean-Marie Delarue, le président de la CNCDH, «c’est un baromètre en quelque sorte, qui doit guider acteurs publics et privés. Il permet de mesurer les évolutions sociales, ce qui dicte les comportements». «Comprendre les opinions est essentiel dans une démocratie, cela dit où se situe la norme», abonde Nonna Mayer, chercheuse à Sciences-Po, qui a travaillé sur le rapport.
Davantage de tolérance
Premier constat : la tolérance générale augmente. «Chaque nouvelle cohorte d’âge est plus tolérante que celle qui l’a précédée, c’est encourageant. explique Nonna Mayer. On voit aussi que plus on a fait des études, plus on est sorti de chez soi, plus on est tolérants. On dit aussi beaucoup que la gauche et la droite, ça ne veut plus rien dire aujourd’hui, mais les gens qui se situent à gauche sont plus tolérants que ceux qui se situent à droite.»
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, depuis 2013 la tolérance augmente de façon continue. L’indice longitudinal de tolérance, un outil créé en 2008 par le professeur des universités Vincent Tiberj, était alors à 54 points, c’est-à-dire qu’un peu plus de la moitié des Français se disaient tolérants à l’égard des autres. Il s’établit désormais à 67 points, c’est-à-dire que deux tiers des Français disent accepter autrui.
«Les paroles qui ont été prononcées après les attentats par différents responsables politiques, sociaux et religieux, et le fait qu’une fraction de la communauté maghrébine s’exprime très fortement en faveur des valeurs de la République, cela a favorisé le rapprochement, juge Jean-Marie Delarue. Les événements de ce type font naître l’envie d’union, même si ça ne se concrétise pas forcément ensuite.»
Les Roms très mal acceptés.
Deuxième constat : si la tolérance générale augmente, les Roms restent très mal acceptés. L’indice de tolérance à leur égard ne dépasse pas les 37 points. L’actualité récente l’a rappelé, lorsqu’une rumeur d’enlèvement d’enfants a débouché sur une expédition punitive contre des Roms en Seine-Saint-Denis, et le renvoi de quatre personnes devant le tribunal. Les difficultés des familles roms à scolariser leurs enfants sont aussi pointées.
«Il reste des préjugés très forts, qui relient passé et présent, sur les gens du voyage qui vivraient prétendument de rapine, conjugués à un phénomène de défiance, analyse encore le haut fonctionnaire. Il y a aussi un refus de les intégrer, avec des maires qui emploient tout un tas de procédés pour éviter que les enfants soient scolarisés. Cela augmente leur isolement.»
«Forme indirecte» de racisme
Troisième constat : les minorités les mieux acceptées globalement, les Noirs et les Juifs, sont aussi celles qui souffrent des préjugés les plus crus à leur égard, et d’actes pénalement répréhensibles – agressions verbales, physiques, profanation de cimetières, de lieux de culte… Il y a une polarisation entre une majorité plus tolérante et une minorité plus intolérante. «C’est un raidissement de la minorité très inquiétant»,estime Jean-Marie Delarue. Les actes antisémites ont ainsi fortement augmenté, passant de 311 à 541 entre 2017 et 2018 selon les chiffres du Service central de renseignement territorial, alors qu’ils avaient baissé les années précédentes. De la même façon, les Noirs restent discriminées dans leur accès à l’emploi, à un logement, à un stage… et se voient associés à des clichés «animalisants», comme ce supporteur poursuivi pour s’être livré à des cris de singe à l’endroit d’un joueur noir lors du match de foot Dijon-Amiens, mi-avril.
«Le racisme et les préjugés évoluent sans cesse à travers le temps. Ce n’est pas une réalité figée. L’antiracisme est devenu la norme dans nos sociétés, donc le racisme s’exprime plutôt sous une forme indirecte, atténuée, analyse Nonna Mayer. Dans les années 50, un tiers des gens pensaient qu’il y avait des "races inférieures", ça ne concerne plus que 8% des gens. Ça ne veut pas dire qu’on n’est plus racistes, mais qu’on l’exprime différemment : on ne dit pas "ils sont inférieurs" mais "ils sont trop différents".»
Actes antimusulmans
Quatrième constat : si les musulmans sont moins bien-aimés que les Juifs et les Noirs, la tolérance à leur égard, comme à celle des Maghrébins en général, augmente (+ 2 points par rapport à 2017). Les actes antimusulmans sont aussi en baisse (100 actes en 2018, soit 18% de moins qu’en 2017). Et en même temps, les pratiques d’une partie des musulmans (port du voile, non-consommation d’alcool…), sont davantage qu’auparavant jugées comme non compatibles avec la société française.
Résultat, pour les femmes qui portent le voile il est plus compliqué que pour les autres d’avoir accès à une pratique sportive par exemple, comme l’a récemment rappelé la polémique autour du foulard de running retirédes rayons par Décathlon. «Ceux qui ont une aversion à l’égard d’un certain nombre de pratiques de l’islam, contrairement à ce qu’ils disent, ce n’est pas au nom de la défense des femmes, des gays, de la laïcité, c’est exactement l’inverse : plus on est hostile à l’islam, plus on est hostile aux femmes, aux gays, etc.», estime Nonna Mayer.
Sous-déclaration des agressions
Enfin, dernier constat et non des moindres : tout ce qu’on a écrit dans cet article sur les actes racistes est sans doute bien en deçà de la réalité. Le phénomène de sous-déclaration des agressions racistes, qu’il s’agisse d’une insulte ou d’une attaque physique, reste extrêmement important, déplore la CNCDH. Il y a certes, pour la troisième année consécutive, une baisse des contentieux liés à la couleur de peau, l’origine ou la religion, réelles ou supposées. «Il y a un abîme considérable qui sépare les 1 100 000 personnes qui disent victimes de racisme, et les chiffres des poursuites engagées par le parquet (6 122 en 2017) et les 561 condamnations», remarque Jean-Marie Delarue. Pour redonner confiance aux justiciables envers les institutions, la CNCDH recommande notamment aux pouvoirs publics l’interdiction des mains courantes concernant les affaires de racisme et la formation des agents qui recueillent les plaintes.
(1) Le travail de la CNCDH repose notamment sur une enquête de victimation menée par l’Insee et l’Observatoire de la délinquance et un sondage de l’Ipsos sur l’état de l’opinion, réalisé cette année entre le 6 et le 14 novembre 2018 sur un échantillon représentatif de 1 007 personnes. Des chercheurs ont ensuite analysé les résultats.
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LE RÊVE AFRICAIN DE LA RUSSIE
Des diamants aux armes, du nucléaire au pétrole, la Russie a de vraies ambitions économiques en Afrique, mais doit surmonter un retard de trente ans sur un terrain occupé par les Occidentaux et la Chine
Des diamants aux armes, du nucléaire au pétrole, la Russie a de vraies ambitions économiques en Afrique, mais doit surmonter un retard de trente ans sur un terrain occupé par les Occidentaux et la Chine. Après le long coup d'arrêt dû à la chute de l'URSS, le Kremlin, qui organise les 23-24 octobre son premier «sommet Russie-Afrique» doublé d'un grand forum économique, croit venue l'heure de son retour. La conjoncture s'y prête. Après cinq ans de sanctions économiques occidentales, la Russie cherche de nouveaux partenaires et des débouchés pour conjurer sa croissance atone.
Encore qualifiée de «nain» économique en Afrique, elle y a pourtant une présence économique comparable à celle de la Turquie, un autre acteur en pleine expansion. Les échanges avec le continent s'élevaient en 2018 à 20 milliards de dollars, soit moins que la moitié de la France et dix fois moins que la Chine, mais la dynamique est positive. Ainsi les exportations russes vers l'Afrique ont doublé en trois ans, et comptent désormais pour 4% de l'ensemble de ses exportations, contre 1% il y a cinq ans.
«La Russie a un avantage compétitif»
Pour une fois, les premiers produits russes exportés ne sont pas des hydrocarbures ou des minerais, mais des céréales et, sans surprise, des armes, l'Afrique représentant 15% des ventes militaires du deuxième exportateur mondial d'armement. Mais elle se fait aussi une place dans le pétrole au Ghana ou au Nigeria, s'est bien installée dans le secteur du diamant en Angola et avance ses pions dans le nickel ailleurs.
Pour Charles Robertson, économiste principal de Renaissance Capital, «la Russie a un avantage compétitif, ses compétences dans les armes, dans les hydrocarbures, sont meilleures que celles de la Chine». Et selon lui, Moscou n'arrive pas trop tard : «L'Afrique va continuer à croître, la croissance y sera la plus rapide du monde d'ici à 2030. Le gâteau grandit». Pour le moment, les échanges sont très inégalement répartis, 80% étant destinés à l'Afrique du Nord, Algérie et Égypte en tête.
SORO, L'EX-CHEF REBELLE QUI VISE LA PRÉSIDENCE
Ancien chef de la rébellion ivoirienne, Guillaume Soro, qui a déclaré vendredi sur les ondes sa candidature à l'élection présidentielle de 2020, se veut désormais un homme politique responsable et moderne
"Je suis très heureux de ne pas avoir d'armes, d'être dans l'arène politique et de me battre en tant qu'homme politique", a affirmé M. Soro, lors d'un entretien à la radio RFI et la chaîne France 24.
"J'ai 47 ans, j'ai décidé de prendre mon destin en main", a lancé ce chrétien natif de Ferkessedougou (nord).
Par le passé, son destin a été lié aux armes.Ancien leader charismatique du bouillant syndicat étudiant Fesci (Fedération estudiantine et scolaire de Côte d'ivoire), "GKS", qui garde de cette époque une rhétorique de gauche, a montré sa capacité à faire parler la poudre.
Il a dirigé la rébellion des Forces nouvelles qui contrôlaient le Nord ivoirien après l'échec du coup d'Etat contre le président d'alors, Laurent Gbagbo en 2002.
Homme d'action très populaire à cette époque, on l'accuse d'être à l'origine de la mort de son rival, Ibrahim Coulibaly, dit "IB", en 2011.Accusation qu'il a toujours niée.
- GPS et Premier Gaou -
Leader de la rébellion, Soro est devenu Premier ministre de Gbagbo en 2007 grâce aux accords de paix.Mais c'est le même Soro, soutien d'Alassane Ouattara lors de la présidentielle de 2010, qui avec ses Forces républicaines (FRCI, ex-FN), mettra fin à la crise post-électorale (3.000 morts) en portant le dernier coup à Laurent Gbagbo qui s'accrochait au pouvoir.
Premier ministre de M. Ouattara jusqu'en 2012, il devient ensuite président de l'Assemblée nationale, poste qu'il ne quittera qu'en janvier 2019 en claquant la porte du parti au pouvoir."Je rends le tabouret pour aller chercher le fauteuil", avait-il lancé dans une métaphore limpide.
"Aucun homme de sa génération dans toute l'Afrique ne peut se prévaloir d'un parcours comparable", écrit Franklin Nyamsi dans sa biographie en forme d'hagiographie, "Phénoménal Guillaume Soro".
Pendant son passage à l'Assemblée, M. Soro, qui a dû surfer entre plusieurs écueils judiciaires (mandat d'arrêt burkinabè pour une possible implication dans le putsch de 2015, découverte d'une cache d’armes chez son chef de protocole) s'est attaché à changer son image: de guerrier à celle d'homme politique responsable.
En même temps, il s'est construit un carnet d'adresses au plan diplomatique et s'est assuré de soutiens financiers.Selon des proches, il a assez de soutiens pour faire campagne.
Sans doute dans l'optique de la présidentielle, ces derniers mois, il fait son chemin de Canossa en demandant pardon à son ancien ennemi, Laurent Gbagbo, et en rencontrant longuement l'ex-président Henri Konan Bédié, qu'il a longtemps honni.
Il est aujourd'hui l'homme politique ivoirien le plus présent sur les réseaux sociaux avec deux millions d'abonnés sur Facebook (réseau le plus utilisé en Côte d'Ivoire) ou 700.000 followers sur Twitter, 200.000 de plus que Ouattara.
Des chiffres "gonflés", selon certains observateurs, qui notent que Soro s'est entouré d'une équipe d'informaticiens.
Son nouveau mouvement politique GPS (Générations et peuples solidaires) prétend avoir enregistré 7.000 adhésions en ligne en quelques jours à peine.
Sa manière de faire campagne est originale avec ses "crush party", réunions de militants calquées sur les fêtes dans les universités américaines.
Mais, M. Soro a gardé la verve et l'assurance en public de ses années de la Fesci, pouvant monter au pied levé sur scène à l'invitation du groupe Magic System pour chanter le tube "Premier Gaou" devant des milliers de spectateurs.
"C'est vrai, il plaît beaucoup aux jeunes qui sont la majorité de la population, mais la plupart ne votent pas.En plus, une partie des gens du Sud ne lui pardonneront jamais la rébellion du Nord.Et pour couronner le tout, il n'a pas de parti.En Côte d'Ivoire, les gens votent selon les indications du chef de village, par ethnie...Sans l'appui d'un des trois grands partis, il ne pourra pas transformer sa popularité en voix.Il n'a aucune chance", analyse un observateur avisé de la politique.
"Quand (Emmanuel) Macron lançait +En marche+, toute la classe politique était unanime (pour dire) qu'il ne serait jamais président", répond Guillaume Soro, disant ne pas vouloir être "le Macron ivoirien" mais "le Guillaume Soro de Côte d'Ivoire, élu président".