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30 avril 2025
International
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LES NOIRS EN FRANCE
Dans son ouvrage "Les Noirs en France" l'historien Macodou Ndiaye revient sur les grands personnages noirs qui ont marqué l'Histoire, et nous livre le fruit de ses recherches sur la présence des Noirs dans le pays
Dans son ouvrage "Les Noirs en France" l'historien Macodou Ndiaye revient sur les grands personnages noirs qui ont marqué l'Histoire, et nous livre le fruit de ses recherches sur la présence des Noirs dans le pays.
par Michel Feltin-Palas
PARIS N'EST PLUS LA PREMIÈRE VILLE FRANCOPHONE DU MONDE
Quelle est la plus grande ville francophone du monde ? Paris ? Vous n'y êtes pas. Montréal ? Bruxelles ? Encore moins. Non, la bonne réponse est Kinshasa, en République démocratique du Congo
L'Express |
Michel Feltin-Palas |
Publication 03/09/2019
C'est le fait majeur de l'histoire récente du français : la France est devenue minoritaire dans la francophonie. Et c'est une bonne nouvelle !
Quelle est la plus grande ville francophone du monde ? Paris ? Vous n'y êtes pas. Montréal ? Bruxelles ? Encore moins. Non, la bonne réponse est Kinshasa, en République démocratique du Congo. La Ville lumière figure désormais à la deuxième place de ce classement, devant Abidjan, Montréal, Casablanca, Yaoundé, Douala, Antananarivo, Dakar et Alger, pour ne citer que les dix premières. "Dans son rapport "Les villes du monde en 2016", l'ONU indique que Kinshasa comptait 12,1 millions d'habitants au 1er juillet 2016, soit davantage que l'agglomération parisienne, estimée à 10,9 millions", précise Ilyes Zouari, le président du Centre d'étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF).
C'est le fait majeur de l'histoire du français de ces dernières années et il est largement passé inaperçu : la France est devenue minoritaire dans le monde francophone. Et le mouvement ne fait que commencer. Dans quelques décennies, 70 % des locuteurs de notre langue vivront en Afrique et moins de 20 % en Europe. Bien sûr, on peut pinailler en contestant la fiabilité des recensements et en se demandant si l'appellation "locuteur du français" doit être réservée à ceux qui pratiquent cette langue au quotidien de manière aisée ou élargie ou toute personne capable de soutenir une conversation simple de temps en temps. Mais cela ne modifie qu'à la marge le constat : les Français n'ont plus le monopole du français.
Faut-il s'en inquiéter ? Sûrement pas ! En fait, ce retournement traduit l'incroyable succès de ce qui n'était au haut Moyen Age qu'une forme de bas latin parmi d'autres et qui, au fil des siècles, a fini par s'étendre sur la planète entière. Cela vaut mieux, beaucoup mieux, que de faire partie des 2 000 langues qui, par les hasards de l'histoire et des rapports de force, risquent d'avoir disparu d'ici à la fin du siècle.
En revanche, il est clair que nous allons devoir abandonner certaines de nos postures traditionnelles. Et ce pour une raison simple : le français n'appartient pas seulement à ses écrivains, à ses enseignants, ni même à ses académiciens, mais à l'ensemble de ses locuteurs. Aussi notre idiome va-t-il nécessairement s'ouvrir davantage au vocabulaire des autres pays de la francophonie. Dans quelque temps, nous utiliserons peut-être le suisse agender (noter un rendez-vous), le québécois divulgâcher ("spoiler"), l'antillais maman-violon (violoncelle), le haïtien bêtiser ou le wallon avant-midi. Et nous puiserons, je l'espère, dans l'exceptionnel lexique venu d'Afrique. Personnellement, j'ai un faible pour le sénégalais camembérer (sentir mauvais des pieds), le tchadien cadeauter (ou cadonner), le camerounais motamoter (réciter mot à mot des phrases de manière mécanique, sans comprendre ce que l'on dit) ou le congolais deuxième bureau (maîtresse).
Il semble acquis en tout cas que l'origine de la norme va se déplacer, quitter les rives de la Seine et s'ouvrir au vaste monde, sachant qu'il s'agit là d'un enrichissement et non d'une perte. Comme le souligne le linguiste Bernard Cerquiglini, "la norme ne doit pas être un corset, mais un creuset. Il faut penser une francophonie de l'élan, non du purisme". Une invitation à la variante, à l'hybridation, à la bigarrure, tous procédés qui, bien pensés, constituent une formidable manière de galvaniser encore un français qui n'a jamais aussi bien porté son nom de langue vivante.
PAR Florent Raoul Couao-Zotti
QUE FAIRE DES CHINOIS D'ARAFAT ?
Ces milliers d'indésirables, parfois de tout petits, sont apparus ces dernières années comme une bourrasque longtemps ignorée, mais qui menace d'emporter toute la société ivoirienne
Ils sont si nombreux et si vifs, avec leur taille si menue qu'on les appelle les "Chinois". Enfants de rue, hères qui n'avaient d'yeux que pour celui à qui ils s'identifiaient - Arafat - ils ont fait de certains quartiers d'Abidjan leurs terrains de chasse quand le Yorobo lui-même manquait de les gratifier de sacs de riz et de vivres. Souvent comparés aux "chégues" de Kinshasa, aux gamins des favelas de Sao Paulo, ils sont les fruits, que dis-je, les conséquences d'une société qui a passé dix ans à s'entredéchirer, à s'escrimer, à s'autodétruire pour une hypothétique course au pouvoir. Car, pendant que les hommes politiques se donnaient le change à travers les intrigues et les armes à feu, pendant que les femmes, leurs enfants accrochés aux flancs, avaient pris la route de l'exil, de milliers de gamins laissés sur place avaient survécu dans une Côte d'Ivoire à la dérive où le sang humain était régulièrement répandu, mêlé aux pratiques magico-religieuses absurdes. Sans éducation formelle, sans famille pour leur transmettre le sens civique, ces enfants sont devenus, après la crise, cette plaie puante que l'on houspille aujourd'hui à coups d'invectives, que l'on combat à coups de raffles et de tirs à balles réelles.
Mais ils sont désormais insensibles à tout, ces "microbes" et "Chinois". Ils ne peuvent plus et ne veulent plus reculer devant la haine déferlante qu'ils inspirent aux biens pensants. Ils ont profané la tombe de leur idole? Que non, ils voulaient simplement s'assurer que c'était lui, oui, seulement lui que cette cruelle mort a réduit...Ils ont défié l'autorité ? Mais quelle autorité ? Et qui leur a dit que ces gens-là incarnaient une quelconque valeur à leurs yeux? D'ailleurs, c'est quoi une valeur ?
Ces milliers d'indésirables, parfois de tout petits, sont apparus ces dernières années comme une bourrasque longtemps ignorée, mais qui menace d'emporter toute la société ivoirienne. Les autorités qui ont toujours joué à l'autruche, considèrent ce phénomène comme dérisoire et secondaire, préférant s'occuper d'illusoires indices de développement, ces éléments édictés par la Banque Mondiale avec les fameux taux de croissance qui n'ont jamais fait le bonheur d'aucun peuple. Elles ont oublié, ces autorités, que tant qu'une partie de la population croupit dans la crasse et le noir, les statistiques les plus flatteuses ne serviront à rien. Les "Chinois" viennent le leur rappeler brutalement. Ils leur rappellent mieux que leur existence: leur droit de vivre à travers la mort de l'un des leurs, leur champion et le plus illustre d'entre eux. Pour beaucoup, cette situation constitue une chance inouïe à saisir. Pour les autorités, c'est l'occasion de faire d'eux de véritables citoyens.
par Amadou Seck
LE CONCEPT DE RÉPARATION ET LA COMPLEXITÉ DES RELATIONS ENTRE AFRICAINS ET AFRICAINS-AMERICAINS
Plus que simplement matérielle ou financière, la Réparation doit reconnaître que le retard de l’Afrique et des Africains-Américains aux Etats-Unis est principalement causé par un racisme institutionnel qui a survécu des siècles et qui continue encore
Le débat sur la Réparation due aux victimes de la Traite Négrière s’intensifie notamment à la suite de la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres rappelant sur Twitter que « La traite négrière transatlantique a été l’une des manifestations les plus effroyables de la barbarie humaine.» Ce débat qui ne s’est jamais estompé dans les milieux des organisations panafricanistes semble gagner en crédibilité au Congrès des Etats-Unis d’Amérique.
A l’occasion de la récente commémoration de l’abolition de l’esclavage le 19 juin dernier, des parlementaires américains se sont prononcés dans un sens comme dans l’autre, dans l’optique d’impliquer le gouvernement américain sur la question. Déjà en janvier 2017, un projet de loi a été introduit pour la création d’une commission d’étude et de développement des propositions de Réparation pour les Africains-Américains. Cependant, et de toute évidence, les parlementaires américains ne parlent pas le même langage sur la question. Pendant que les avocats de la Réparation divergent sur la nature même du concept, les détracteurs eux, à l’instar du président du Sénat, jugent que l’Amérique contemporaine ne doit rien aux Noirs. De surcroît, le leader républicain M. McConnell dont l’avis est largement partagé dans son parti, estime que l’élection de Barack Obama, un président noir, devrait être considérée comme une forme de réparation et clore le débat.
Cette vision étroite et apparemment mal informée ne fait qu’encourager les initiatives pour qu’enfin justice soit faite aux millions de noirs qui peinent toujours à bénéficier de politiques d’équité et de justice. De l’avis de l’auteur Ta-Nahisi Coates qui dirigent une initiative en direction du congrès américain, pour que les noirs puissent clore le gap et entrer dans une ère d’une Amérique équitable et juste, il est impératif que de nouvelles politiques soient conçues pour cibler les noirs et leur permettre d’avoir accès au pouvoir économique, à un système judiciaire moins raciste, et à plus de respect de leur dignité humaine.
Pour autant que l’intensification du débat aux Etats-Unis sur la Réparation est à saluer, il nous semble prétentieux et réducteur de limiter ce débat à ce côté de l’Atlantique. S’il est vrai que les Etats-Unis ont largement bénéficié des retombées de l’esclave, il n’en demeure pas moins que la dernière étape du commerce triangulaire, l’Europe, a tiré des profits immenses de cette exploitation. Force est de reconnaître que les états européens esclavagistes en particulier et l’Europe en général doivent bien leur sursaut économique du 19e siècle au capital accumulé de la sueur des millions d’hommes et femmes africains victimes du plus grand crime perpétré contre l’humanité.
A cet effet, aucune initiative ou action visant à dédommager les victimes de l’esclavage ne pourront aboutir sans profondément impliquer l’Angleterre, la France, l’Espagne, la Hollande, le Portugal et toute l’Europe, au même titre que les Etats-Unis d’Amérique. Les Noirs américains devront naturellement être pris en compte dans quelle que Réparation qui puisse être digne de ce nom. Cependant, ces derniers ne sont naturellement pas les seules victimes de l’esclavage. Toute l’Afrique Noire et sa Diaspora sont en droit de réclamer des indemnisations. Ainsi donc, toutes les victimes de l’esclavage devront accorder leurs violons pour que toute initiative de Réparation significative soit menée à bon port.
L’intensification du débat aux USA sur cette question est bien à saluer, encore que la nature de l’indemnisation demeure une équation à plusieurs variables. Non des moindres sera la question de savoir qui des Noirs vivant aux USA bénéficieront de Réparation si le Congrès américain et la Maison Blanche parviennent à voter et à promulguer une Loi à cet effet. En attendant, quel est le rôle que devront jouer les Africains qui vivent aux USA et qui ne sont pas descendants d’esclaves ? Cette question ne peut trouver de réponse sans une analyse profonde de la complexité des relations entre Africains et Africains-Américains
Il va sans dire que l’intégration des Noirs dans la société américaine continue d’être un dilemme. Nous sommes au 21e siècle, plusieurs générations après l’abolition de l’esclavage, les Noirs continuent de souffrir dans un pays auquel ils ont tout donné. Par dessus le marché, la population noire qui représente environ 12% de la population des Etats-Unis, n’est plus la principale minorité, ayant été supplantée par les hispaniques qui, pour la plupart, viennent du Mexique et d’autres pays d’Amérique Latine. En conséquence, plus d’attention semble maintenant réservée à la nouvelle minorité (15%) qui du reste représente un marché électoral plus juteux. A cela s’ajoute la recrudescence du racisme et des mouvements se réclamant de suprématie blanche.
S’il est vrai que l’Amérique Latine continue de booster la nouvelle minorité américaine, les immigrants venant du continent africain ne sont pas suffisamment nombreux pour faire basculer la balance. De surcroît, les immigrants africains sont confrontés à un problème sociologique de tout autre ordre : intégrer harmonieusement la population noire des Etats-Unis.
Il faut d'abord noter que l'histoire des Noirs américains liée à la Traite négrière ne semble pas encore avoir totalement fait la paix avec les Africains restés en Afrique, des Africains souvent accusés par certains Africains-Américains, d’avoir été des collaborateurs du blanc dans la capture des esclaves. Pour certains, ceux qui sont restés sont des traitres.
Par ailleurs, les Africains immigrants aux USA ne semblent pas faire du discours antiraciste leur cheval de bataille. Après les Indépendances, les relations entre Blancs et Noirs en Afrique sont des rapports relativement paisibles, presque dépourvues d'adversité. Bon nombre des Noirs d’Afrique n’a pas souffert directement du racisme sauf pour une minorité d’Africains qui ont émigré ou qui ont voyagé en Europe, aux USA, en Russie et en Chine. Cela n'est point le cas des relations entre Blancs et Africains-Américains aux USA. Les Noirs américains continuent, à tort ou à raison, de nourrir de la rancoeur contre leurs anciens maîtres esclavagistes. Leur situation sociale et économique de « seconde zone » n'aide pas dans la résolution de cette problématique qui semble s’empirer depuis quelques années. Par ailleurs, le mode de vie des Noirs américains, notamment dans la manière dont elle est exprimée à travers la musique, la littérature, la mode, les médias et le mouvement des droits civils, continue d’accentuer le fossé racial. A cela s’ajoute l’échec apparent de la « politique de discrimination positive » dont le but était de soutenir les minorités dans une compétition injuste et défavorable au profit de la population anglo-saxonne.
De plus, les Africains qui vivent aux Etats-Unis, de manière générale, apparaissent assez cultivés, et souvent sans complexe vis-à-vis du Blanc. Cette fierté africaine doublée de compétences intellectuelles et sociales font que l'Africain jouit de plus de faveur et de respect de la part des Blancs. Cela ne peut pas plaire aux Africains-Américains qui auraient préféré, de manière implicite, avoir les Africains comme alliés naturels. Il est évident que tous les Africains n’entrent nécessairement pas dans cette catégorie d’intellectuels affranchis et respectés. Cependant, la plupart des Africains qui ne sont pas catégorisés “scholars” semblent mieux acceptés dans la société américaine que leurs « cousins » Noirs américains car ils apparaissent moins enclins à brandir le sabre de la confrontation devant des situations injustes perpétrées par les anglo-saxons. Ils ont tendance à répudier la culture de la violence et de la confrontation. De manière générale, ils s’évertuent à ne pas avoir maille à partir avec la loi.
Finalement, l’immigrant africain, bien que loin de sa patrie, continue de porter ses valeurs culturelles et familiales en bandoulière. Il n’a pas de crise identitaire. Il sait d’où il vient, et son comportement quotidien reflète sa fierté. Cette fierté peut paraître aux yeux du Noir américain comme une expression arrogante, mais surtout comme une douloureuse réminiscence de cette identité dont le Noir américain semble éternellement être à la recherche.
En définitive, il existe bien des signes de divergences, d’incompréhension et de conflit, malgré une histoire lointaine commune. A mon humble avis, les immigrants africains ont une grande part de responsabilité dans ce phénomène. Un début de solution passerait par l’effort que l’immigrant africain doit consentir pour mieux comprendre les difficultés d’intégration qu’éprouvent les Africains-Américains dans la société américaine. Il faut certainement comprendre qu’ils sont victimes de discrimination institutionnelle, d’exclusion dans un pays qu’ils ont contribué à construire avec leur sang et leur sueur, sans que les dividendes ne soient évalués à leurs justes valeurs. Malheureusement, contrairement à la conviction du président du Sénat américain, l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis n’a pas permis de faire reculer le racisme et l’iniquité, ni même de faire reconnaître la contribution qualitative des Noirs américains à la construction des Etats-Unis. Les immigrants africains ont encore du travail à faire pour se rapprocher et se solidariser avec les Africains-Américains. Peut-être la clé pour remplir le fossé demeure entre les mains des Africains de deuxième génération, ces enfants nés d’immigrants africains vivant aux USA et qui peuvent réclamer l’identité Africaine-Américaine sans être des descendants d’esclaves. Ils pourraient non seulement servir de liens, mais mieux encore, prouver s’il en faut, que toute Réparation conséquente se doit nécessairement de prendre en compte tous les fils et filles d’Afrique Noire nonobstant leurs résidences actuelles. Plus que simplement matérielle ou financière, la Réparation doit reconnaître que le retard de l’Afrique et des Africains-Américains aux Etats-Unis est principalement causé par un racisme institutionnel qui a survécu des siècles et qui continue encore. La notion d’équité devra être la pierre angulaire de toute politique de Réparation digne de ce nom...
PAR FARIDA ZEROUALA
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Y'A-T-IL UN DROIT À L'ANTISÉMITISME ?
Est-ce qu’aujourd’hui en France lorsqu'on dispose d’un réseau, on a le droit de tenir des propos antisémites abjects en se dédouanant sous couvert de sa jeunesse et en affichant un air contrit, les larmes aux yeux et s’en sortir sans conséquences ?
Le Blog de Mediapart |
FARIDA ZEROUALA |
Publication 02/09/2019
Après plusieurs dénis et mensonges, Yann Moix a finalement avoué être l’auteur des articles du journal Ushoaia, un journal étudiant antisémite. Outre l’affaire en elle-même, ce qui frappe surtout c’est le nombre de soutiens et de tribunes qui lui ont été apportés par certains médias et quelques journalistes et personnalités.
Après plusieurs dénis et mensonges, Yann Moix a finalement avoué être l’auteur des articles du journal Ushoaia, un journal étudiant antisémite. Outre l’affaire en elle-même, ce qui frappe surtout c’est le nombre de soutiens et de tribunes qui lui ont été apportés par certains médias et quelques journalistes et personnalités comme on a pu le voir lors de l'émission On n'est pas couchés, ou avec les prises de position de Bernard Henri-Lévy ou Eric Naulleau.
Il serait aussi facile de comparer ce traitement bienveillant à celui réservé à d’autres personnalités comme l'auteur Mehdi Meklat ou la chanteuse Mennel obligée de quitter le télécrochet The Voice après avoir vu une poignée de tweets complotantes exhumés sur les réseaux sociaux mais ce n’est pas notre propos ici.
Entendons-nous bien, le racisme, l’antisémitisme ou encore l’islamophobie doivent être combattus à chaque occasion et ce, quelle que soit la personne qui tient des propos de cette nature.
La notion de pardon est louable, l’opinion ou plutôt le monde médiatique a décidé que cette offense était non avenue et de ne pas en tenir rigueur au coupable Yann Moix.
Ce qui interroge dans cette histoire est l'identité de celui qui a tenu ces propos antisémites. Sans tomber dans les cliché, il est difficile de ne pas remarquer qu'il s'agit d'un homme blanc, cultivé, célèbre et que de fait il bénéficie d'un passe-droit. On note qu’on lui a laissé une tribune pour s’expliquer mais pas n’importe laquelle, une tribune dans l'émission dont il a été salarié et produite par la même personne que l'émission qu'il anime sur Paris première. On n'est pas couchés est aussi une émission dont il connaît tous les rouages car il en a été l’acteur principal des années et durant, au cours desquelles il n’a pas hésité à mettre à mort plusieurs invités pour des faits nettement moins répréhensibles.
Nous n’avons pas vu d’appels à boycotter son livre lui-même en proie à une polémique familiale d’un autre genre.
Est-ce qu’aujourd’hui en France lorsqu'on dispose d’un réseau, on a le droit de tenir des propos antisémites abjects en se dédouanant sous couvert de sa jeunesse et en affichant un air contrit, les larmes aux yeux et s’en sortir sans conséquences?
La réponse est oui si l’on en croit BHL qui se pose comme toujours en roi Salomon et qui a tranché en le soutenant, qualifiant son repentir de sincère. À ses yeux, le jeune antisémite a réussi à combattre ses démons en empruntant un long cheminement intellectuel.
Il convient donc de lui tendre la main. Mais alors pour tous ces autres antisémites, a-t-on essayé de les comprendre, de faire évoluer leur pensée par la lecture d’ouvrages par exemple ?
L’égalité des chances, comme dans le système éducatif, ne semble pas tout à fait être être une réalité pour tous. Soit vous êtes soutenus par les bonnes personnes et tout vous sera pardonné, soit vous ne l’êtes pas et la moindre incartade, fut-ce quand vous étiez mineur, sera condamnée par la morale sur le champ. Sans espoir de pardon.
CES PRÉSIDENTS AFRCAINS QUI PRÉFÈRENT SE FAIRE SOIGNER À L'ÉTRANGER
Cette propension à confier sa santé à un autre Etat peut devenir une redoutable arme géopolitique au service du pays hôte, surtout quand celui-ci est une ancienne puissance coloniale
La teneur du bulletin de santé d’un chef de l’Etat est une information sensible. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui refusent de la partager avec leurs concitoyens. Manifestants et journalistes ont été arrêtés au Gabon quand ils ont abordé la question après l'accident vasculaire dont a été victime le président Ali Bongo Ondimba en Arabie Saoudite.
C'est seulement après des mois de spéculations et sous la pression de la rue que le président algérien Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, revenu quelques heures plus tôt de Suisse, où il était hospitalisé, reconnaîtra le 11 mars 2019 que son état de santé ne lui permet pas de briguer un cinquième mandat.
Une information dont disposait certainement ses différents médecins suisses ou français. Le chef de l'Etat algérien ayant été également traité dans l'Hexagone.
Depuis les indépendances, la santé de nombreux dirigeants africains n'est jamais restée une affaire domestique parce qu'ils se sont souvent fait soigner à l'extérieur de leur pays. Certains ont même trouvé la mort dans l'avion qui les évacuait. A l'instar de l'ancien président togolais, le général Gnassingbé Eyadéma, "frappé par une crise cardiaque qui lui aurait été fatale lors de 'son évacuation vers l’Europe', précise un communiqué lu à la radio nationale et qui situe le décès dans la matinée du samedi 5 février 2005", rapportait RFI.
La démarche s'est tellement systématisée que même en cas d'urgence, il semble qu'il n'y ait pas d'autre choix que d'organiser une évacuation sanitaire. Ainsi, après avoir été blessé par balle, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est opéré, puis évacué en France en 2012. Son homologue zambien, Levy Mwanawasa, est décédé le 19 août 2008 à l’hôpital Percy de Clamart (Hauts-de-Seine), où il avait été transféré après avoir fait une attaque cérébrale en Egypte durant le sommet de l’Union africaine.
Faiblesse géopolitique
Cette propension à confier sa santé à un autre Etat peut devenir une redoutable arme géopolitique au service du pays hôte, surtout quand celui-ci est une ancienne puissance coloniale. Dans leur film diffusé sur France 3 en 2018, Le Val-de-Grâce, l'hôpital de la République, les documentaristes Caroline Fontaine et Nicolas Glimois démontrent ainsi comment Jacques Foccart, éternel "Monsieur Afrique" de Charles de Gaulle à Jacques Chirac, va installer "un ami" de la France à la tête du Gabon à la fin des années 60.
Le premier président gabonais, Léon Mba, est malade. Il souffre d'un cancer de la prostate et se fait soigner à Paris. L'Elysée va profiter de son hospitalisation pour lui conseiller d'amender la Constitution gabonaise qui va désormais prévoir un poste de vice-président. Ce dernier étant le successeur naturel du président élu. Paris s'assure ainsi que si la maladie l'emporte, ce sera toujours un homme proche de la France qui dirigera ce pays, où le groupe français Elf exploite le pétrole. Le choix se porte sur Albert Bongo, qui deviendra Omar Bongo après sa conversion à l'islam.
En novembre 1967, à la mort de Léon Mba, le vice-président accède à la magistrature suprême. "La diplomatie médicale théorisée par Foccart permettra à la France du général de Gaulle, puis de tous ses successeurs, de se sentir au Gabon comme chez elle pour les quarante ans à venir", résume-t-on dans le documentaire.
Omar Bongo, lui, ne voudra pas se faire soigner en France. Dans un article du Monde publié en 2009,Robert Bourgi, "dauphin" de Jacques Foccart, affirmait que le président gabonais ne souhaitait pas être traité en France, parce qu'il fuyait la presse française. "Je suis malheureux depuis la mort de 'maman Edith' (l'épouse d'Omar Bongo, décédée le 14 mars 2009)", avait-il confié à Robert Bourgi, selon le quotidien français. "Mais ce qui me fait le plus de mal, c'est que je n'ai même plus envie d'aller en France, qui est pourtant mon deuxième pays, à cause de tous vos médias qui me harcèlent avec ces histoires (affaire des biens mal acquis, NDLR) que l'on me fait."
C'est en Espagne, à Barcelone, qu'Omar Bongo sera soigné pour un cancer des intestins en phase terminale. Il y décèdera à l'âge de 73 ans en juin 2009.
Une affaire de gros sous
Se faire soigner à l'extérieur de son pays ne relève pas que de la géopolitique. C'est aussi une question économique notamment quand on est considéré comme un pays pauvre. En 2017, le président nigérian Muhammadu Buhari s’était rendu deux fois à Londres, en Grande-Bretagne, pour des soins médicaux. L’un de ses séjours avait duré trois mois. Au grand dam des Nigérians, qui s'étaient interrogés sur le coût des soins de leur chef d'Etat pour le contribuable.
("Ekabo (bienvenue en yorouba)! Montrez-vous donc présidentiel, dites-nous combien il nous a coûté de vous garder à Londres plus de 100 jours. Continuerez-vous à percevoir salaires et défraiements ?")
"Par exemple, le coût du stationnement de l’avion de Buhari pendant son séjour de trois mois à Londres est estimé à 360 000 livres sterling (environ 420 000 euros)", expliquait alors l'universitaire Tahiru Azaaviele Liedong dans un articlé publié par The Conversation. "Ce qui équivaut à environ 0,07% du budget alloué à la santé au Nigeria qui est de 304 milliards de nairas cette année (en 2017, soit plus de 742 millions d'euros, NDLR). Et il aurait eu beaucoup d'autres frais plus lourds engagés pendant son séjour."
Infrastructures hospitalières en mauvais état
L'avocat nigérian Femi Falana, dont les propos ont été repris par le journal nigérian The Daily Post en mai 2018, est sur la même longueur d'ondes. "Il y a quelques années, j'ai été obligé de saisir les tribunaux afin d'empêcher que les personnes qui ont une fonction publique partent à l'étranger pour se faire soigner sur les deniers publics. Même si le tribunal a déclaré que je n'avais pas de locus standi (la capacité de porter l'affaire devant les tribunaux), l'affaire est en appel. Nous devons parvenir à obtenir que si vous occupez une fonction publique au Nigeria, vous ne pouvez pas aller à l'étranger pour suivre un traitement médical (et) vous ne pouvez pas éduquer vos enfants à l'étranger. Si nous n'y parvenons pas, nous ne occuperons (jamais) de nos hôpitaux, ni de nos écoles." D'autant que les populations doivent, elles, se contenter d'infrastructures en piteux état.
Selon les dernières statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Nigeria comptait cinq lits pour 10 000 habitants en 2004. Plus largement, en Afrique subsaharienne, toujours selon l'OMS, "on enregistre en moyenne seulement deux médecins et 15,5 lits d’hôpital pour 10 000 personnes".
Contrairement au Nigeria, l'Ouganda compte interdire à ses ministres et députés d'aller à l'étranger pour des procédures médicales dès l'ouverture au public d'un hôpital de pointe en Ouganda. Sa livraison est annoncée en 2020. En attendant, rapporte RFI, le président ougandais Yoweri Museveni "multiplie (...) les visites-surprises" dans les établissements hospitaliers pour vérifier qu'ils sont fonctionnels.
Pour l'avocat Femi Falana, être en mesure de soigner ses ressortissants est une question de fierté nationale. "J'estime que ces séjours médicaux du chef de l'Etat et des plus nantis exposent notre pays au ridicule. Nous ne pouvons pas justifier qu'un pays comme le nôtre, qui dispose d'énormes ressources, ne puisse pas se doter de quelques hôpitaux qui permettent à tous d'être soignés au Nigeria."
"Nous devons en avoir honte"
Une opinion partagée par le ministre de la Santé sud-africain, Aaron Motsoaledi, connu également pour ses sorties xénophobes. "Je l'ai déjà dit et je le répète : nous sommes le seul continent dont les dirigeants recourent à des services médicaux hors du continent, hors de notre territoire", a-t-il déclaré, cité par le journal zimbabwéen NewsDay en août 2017. "Nous devons en avoir honte. C'est ce qu'on appelle du tourisme sanitaire", a-t-il lancé lors d'une rencontre régionale sur la santé organisée par l'OMS au Zimbabwe.
Le responsable sud-africain peut se permettre de faire la leçon aux dirigeants africains. A l'instar de l'ancien roi du Maroc, Hassan II qui avait néanmoins un médecin français - le Dr François Cleret -, l'ancien président Nelson Mandela s'est toujours fait soigner dans son pays. L'Afrique du Sud est réputée pour la qualité de son infrastructure médicale : 28 lits d'hôpitaux pour 10 000 habitants en 2005 contre 75 pour la France la même année.
Et ses voisins en profitent. C'est le cas du président zambien Edgard Lungu qui s'y est fait soigner en mars 2015 après s'être évanoui à Lusaka, la capitale de son pays.
Les chefs d'Etat ne se soignent effectivement pas qu'en Occident. Ils se tournent également vers des pays africains comme le Maroc, où l'actuel président gabonais Ali Bongo se repose. Une situation qui plonge aujourd'hui le Gabon dans une crise politique.
LES AFRICAINS EMBARRASSÉS PAR UNE PRÉSENCE CHINOISE DEVENUE ÉTOUFFANTE
La montée en puissance de la Chine en matière économique sur le continent africain ne fait pas que des heureux. Loin de là. La colère gronde dans plusieurs pays où l’image de Pékin s’est considérablement dégradée
francetvinfo |
Martin Mateso |
Publication 02/09/2019
Il y a une vingtaine d’années, l’irruption de la Chine sur la scène africaine avait été applaudie. Elle avait suscité beaucoup d’espoir aux quatre coins du continent. Aujourd’hui, l’enthousiasme s’est progressivement dissipé pour céder la place à la désillusion, explique à franceinfo Afrique Emmanuel Véron, enseignant-chercheur à l’Ecole navale et spécialiste de la Chine.
"Je pense que l’image de la Chine se dévoile de plus en plus dans les faits auprès des populations africaines qui n’y trouvent pas leur compte. Elles se trouvent parfois dépossédées de leurs terres, de leurs moyens économiques, voire de leurs emplois, du fait de la montée en puissance de la Chine en matière économique sur le continent africain", explique Emmanuel Véron.
"Des groupes criminels et mafieux bien structurés"
Les scandales se sont multipliés à travers le continent impliquant des Chinois dans des opérations irrégulières, voire mafieuses. Pour la première fois, un pays africain, le Kenya, vient d’ordonner l’expulsion de 200 citoyens chinois. Ils menaient des activités commerciales illégales et ne disposaient d’aucun permis de séjour valide.
Une autre affaire défraye la chronique depuis le mois de mars 2019, à Libreville au Gabon, après la découverte de 5000 mètres cube de bois précieux dans deux sites d’entreposage appartenant à des sociétés chinoises. La justice gabonaise a mis en cause un influent entrepreneur originaire de l'Empire du Milieu et accusé d’être le cerveau de ce trafic.
Désormais, les entreprises chinoises, bien présentes sur le terrain, font comme tout le monde pour se remplir les poches. Braconnage des espèces menacées, prédations sur les ressources minières, trafic de bois précieux... Tous les coups sont permis.
"Des groupes criminels et mafieux chinois très structurés et liés à des diasporas font des affaires juteuses, en exploitant ces ressources pour le marché chinois. Les contrebandiers se régalent." - Emmanuel Véron, enseignant-chercheur, spécialiste de la Chine à franceinfo Afrique.
Une filière chinoise d’immigration clandestine très active
Des Chinois sans permis de séjour valides, sans registres de commerce: ils sont de plus en plus nombreux à s’installer de façon clandestine en Afrique. Pas facile d’évaluer leur nombre, mais Emmanuel Véron observe une courbe croissante de la démographie chinoise tous azimuts en Afrique.
"Du diplomate de très haut niveau jusqu’aux paysans débauchés des campagnes chinoises pour travailler dans une exploitation agricole ou d’élevage au Mozambique, au Cameroun, en RDC, en Tanzanie ou ailleurs. On a un maillon très large de la démographie chinoise présente sur le continent et de manière croissante. On a, de ce fait, une mise en concurrence, à une échelle sociale de base, entre des éleveurs, des agriculteurs africains et chinois, entre des artisans africains et des commerçants chinois des villes et des faubourgs des grandes villes africaines", explique-t-il.
Des Chinois qui profitent des chaînes d’approvisionnement en provenance de leur pays pour imposer une concurrence très forte qui gêne énormément les capacités de production des populations africaines.
"Pour la Chine, le continent africain est une place éminemment stratégique pour les 25 prochaines années, pour des raisons démographiques, de ressources et de marché." - Emmanuel Véron, enseignant-chercheur, spécialiste de la Chine, à franceinfo Afrique.
Le partenariat gagnant-gagnant, un marché de dupes
Les Africains ont fini par réaliser que "le partenariat gagnant-gagnant", tant vanté par la Chine, n’était qu’un marché de dupes. Ils doivent désormais composer avec une nouvelle puissance qui n’a plus ni pudeur, ni complexe pour s’imposer sur la scène internationale.
"Gagnant-gagnant, c’était une formule issue de l’administration Clinton des années 90. La Chine l’a reprise à son compte et finalement, c’est elle qui gagne. Dans ce cas de figure, c’est de la posture diplomatique. Avec tout le décalage qu’il peut y avoir entre le discours et sa mise en application", observe Emmanuel Véron.
Quelle leçon pour le continent ? Comment l’Afrique peut-t-elle sortir des griffes du géant chinois ? Emmanuel Véron ne voit qu’une solution : diversifier les partenaires du continent. "La Chine est en train de définir son agenda en tant que puissance mondiale. Elle réoriente ses schémas économiques, et notamment vis-à-vis de l’Afrique. Le continent a besoin de diversifier ses partenaires en se tournant vers l’Europe, mais aussi vers l’Amérique latine, l’Asie du Sud, notamment l’Inde et le Japon, et pourquoi pas vers les pays du Moyen Orient", plaide-t-il.
Pour lui, la dimension multilatérale doit prendre tout son sens. Il est plus simple de négocier à plusieurs, quand on est face à "un mastodonte" comme la Chine, estime-t-il.
LA FIÈVRE XÉNOPHOBE SÈME LE CHAOS À JOHANNESBOURG
En Afrique du Sud, ces dernières heures ont été marquées par la violence contre les ressortissants étrangers (Africains) - Depuis dimanche 1er septembre, des centaines de magasins ont été vandalisés et on compte trois morts selon autorités
En Afrique du Sud, ces dernières heures ont été marquées par la violence contre les ressortissants étrangers (Africains). Depuis dimanche 1er septembre, des centaines de magasins ont été vandalisés et on compte trois morts selon autorités à Johannesburg. Ce lundi, la journée de mobilisation de certains Sud-africains, qui veulent se débarrasser des étrangers, continue. Ce mouvement de contestation a été lancé par les chauffeurs routiers, qui arrêtent depuis plusieurs semaines les conducteurs étrangers et brûlent leurs cargaisons. Le mouvement s'était amplifié la semaine dernière dans le centre de la capitale Pretoria, avec le pillage de nombreux magasins tenus par des migrants.
C’est un mouvement national lancé par plusieurs corporations. Deux en particulier : les chauffeurs de poids lourds ainsi que les associations de taxis. Comme la semaine dernière à Pretoria, ce sont les chauffeurs de taxis de la ville de Johannesburg qui sont allés brûler des dizaines de magasins appartenant à des étrangers.
Ces violences ne sont pas récentes. Depuis un an, les conducteurs étrangers, Zimbabwéens, Congolais ou Zambiens sont persécutés sur les routes car accusés de voler le travail des locaux. 200 sont morts dans ces violences depuis un an.
Aujourd’hui, c’est donc l’heure d’en découdre, selon les conducteurs sud-africains, qui ont installé des barrages informels sur de nombreuses routes du pays. Mais en réalité le gros des violences se concentrent jusque-là dans au moins sept quartiers de Johannesburg depuis dimanche soir, où de simples citoyens viennent détruire piller et brûler.
Aucun magasin sud-africain n’a été vandalisé
Dans le sud de Johannesburg, dans le quartier de Turffontein, plus de 500 habitants s’en sont pris à une dizaine de magasins, pillant tout sur leur passage. Il est très clair que les établissements visés appartiennent à des étrangers, des Pakistanais, Somaliens ou Nigérians. Aucun magasin sud-africain n’a été vandalisé. C’est le cas du magasin de Sebastian qui lui, est sud-africain.
« Ils ont décidé de cibler les magasins des migrants, des Congolais et des Pakistanais. Ils n’ont pas touché aux Sud-Africains. C’est injuste car ces gens travaillent dur. Regardez, si vous jetez un œil, c’est vide maintenant », constate-t-il.
Sivuyile Nama est porte-parole de la communauté, responsable des pillages. Il explique l’action des criminels et le ras le bol de ses concitoyens. « L’Afrique du Sud accueille un nombre impressionnant de migrants. Peut-être même le plus de réfugiés dans le monde ! Donc qui est supposé s’occuper d’eux ? », interroge-t-il avant de pointer du doigt le gouvernement. « Les gens veulent du travail et le gouvernement ne nous donne aucune solution. Et on a besoin d’une sortie de crise très rapidement dans ce pays », ajoute-t-il.
Est-ce alors une nouvelle vague d’attaques xénophobes ? Du côté des autorités, on calme le jeu. Le ministre de la Police, Bheki Cele, préfère parler de criminalité.
« Pour moi, c’est de la simple criminalité. Les gens volent mais pour le moment, il n’y a rien qui me fasse dire qu’il y a un conflit entre Sud-Africains et les étrangers. On parle de criminalité, pas de xénophobie », dit-il.
Pourtant, le motif des manifestants était clair. Leur communiqué disait. « Trop c’est trop. Les étrangers dehors ! ».
Les étrangers, des boucs émissaires
La situation est extrêmement tendue dans le reste de la métropole. Les boutiques du centre-ville sont fermées pour la plupart. Les policiers sont accusés d’inaction par la société civile. En fait, ils sont complétement dépassés par ces rassemblements spontanés. Ils n’ont pas pu empêcher la mort de trois personnes la nuit dernière. Trois personnes brûlées dans leur magasin, juste après avoir vu des dizaines de Sud-Africains casser la vitrine et voler leurs produits.
Cette léthargie n’étonne pas Johan Burger, un spécialiste des questions policières, à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria. « On affirme parfois que la police est sur place mais qu’elle reste les bras croisés. Dans le passé, la police a déjà répondu à cette accusation, expliquant qu’elle ne peut pas se permettre de prendre en chasse chacun des pilleurs parce que les policiers risqueraient d’être entraînés dans des quartiers difficiles où ils pourraient d’être agressés et même tués par des bandes criminelles. Je rappelle que peu de pays au monde sont plus dangereux pour un policier que l'Afrique du Sud. La police est sous pression, mais force est de constater qu'elle n’est pas à la hauteur. Les policiers ne sont pas assez nombreux et n’ont pas assez de moyens pour apporter une riposte, disons professionnelle, à ces incidents. Mais il faut garder à l’esprit que la violence xénophobe n’est qu’un des multiples visages de la violence en Afrique du Sud. »
Joint par RFI, Sheikh Amir, président d’une association de Somaliens d’Afrique du Sud, considère que les étrangers servent actuellement de boucs émissaires.
« J’ai vu des magasins incendiés et pillés. L’intimidation, les insultes et le harcèlement, nous, les migrants, nous avons l’habitude. Mais en ce moment, il s’agit de crimes. Des bandes circulent en minibus. Elles pillent des magasins et les incendient. On ne parle pas d’intimidation. Des policiers sont sur place, mais ils ne font pas grand-chose. Nous sommes même portés à croire que la police et les autorités sont les instigateurs de cette violence. Dès que l’économie commence à ralentir, les migrants servent toujours de boucs émissaires. Le sentiment anti-migrant qui est très fort, est propagé, depuis un mois, de la base au sommet de la classe politique », souligne-t-il.
Pour un premier bilan, ce lundi 2 septembre, on compte une cinquantaine de magasins vandalisés, plus de soixante arrestations et donc trois morts pour le moment. Un policier confiait à RFI que le bilan devrait rapidement monter compte tenu du chaos qui règne dans les rues de Johannesburg.
PAR l'éditorialiste de seneplus, ALYMANA BATHILY
ANGÉLA !
EXCLUSIF SENEPLUS - Angéla c’est le symbole de cet âge des ténèbres pendant lequel l’Afrique s’est effondrée et les Africains dénués de leur humanité - Les fils d’esclaves ont apporté une contribution décisive à la civilisation humaine - L'HUMEUR DU DOYEN
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 01/09/2019
Elle est arrivée « vers la fin Octobre » 1619 sur les côtes du Nouveau Monde dans la première cargaison d’Africains, hommes, femmes et enfants, vendus comme « esclaves », victimes de trafics entre potentats locaux et Européens. Elle était originaire du Royaume du Congo qui couvrait à cette époque-là, les territoires des Etats actuels des deux Congo et de l’Angola.
La « traite arabe » sévissait déjà dès le 7eme siècle et envoyait, à travers le Sahara et l’Océan Indien, des Africains mis en esclavage vers tout le monde arabe, de la Mecque, à Constantinople, à Cordoue jusqu’en Inde.
Angéla est le symbole du commerce triangulaire, « la traite Atlantique » qui aboutira d’une part à l’effondrement de la civilisation africaine et d’autre part au développement extraordinaire de l’Europe et des Etats d’Amérique.
Le journaliste et historien britannique Basile Davidson a montré dans l’Afrique avant les Blancs comment la civilisation qui s’était développée dans toute l’Afrique, de la Nubie, aux régions occidentales, orientales et méridionales du continent, autour d’Etats commerçants, structurés, maitrisant déjà l’industrie du fer, est tombée en décadence très rapidement dès le 16eme siècle à la suite de l’introduction de la traite atlantique.
L’historien guyannais (de Guyana) Walter Rodney démontre dans son ouvrage Et l’Europe sous développa l’Afrique que c’est à partir de la traite Atlantique, avec la destruction des Etats, la ponction humaine des forces vives de l’Afrique, (qu’il estime à entre 10 et 10 millions), l’imposition de la guerre permanente, la réorientation du commerce puis la colonisation et la néo-colonisation que l’Afrique a été dépossédée de son destin historique et a été ainsi « sous développée ».
L’écrivain et homme politique français André Malraux disait qu’avec les deux guerres mondiales, l’Europe a compris que « les civilisations sont mortelles ». Les Africains eux, ont éprouvé dans leur chair et leur sang la tentative de tuer leur civilisation.
Car c’est à un véritable génocide, culturel et physique, que les Africains ont fait face de la traite négrière, à la partition du continent, comme une dépouille, aux guerres coloniales, au colonialisme puis au néocolonialisme qui sévit encore aujourd’hui.
Angéla c’est donc le symbole de cet âge des ténèbres, pendant lequel l’Afrique s’est effondrée et les Africains dénués de leur humanité partout dans le monde.
Mais Angéla c’est aussi la formidable résistance des Africains qui ont survécu aux génocides et participé aux premiers rangs des bâtisseurs de l’humanité de ce siècle.
Au plus fort de la ségrégation, entre les deux guerres, face aux lynchages, l’un des hérauts de la Harlem Renaissance, Claude McKay écrivait ainsi : « Si nous devons mourir, mourons donc noblement / Que notre sang précieux ne soit pas versé/En vain, alors même les monstres que nous défions/Serons contraints de nous honorer même morts ».
Les fils et petits fils d’esclaves ont non seulement survécu mais ils ont apporté une contribution décisive à la civilisation humaine.
Que serait en effet la civilisation industrielle sans le génie des hommes et des femmes qui ont brisé leurs chaines et tels Prométhée se sont emparé de la science et ont apporté à l’humanité leur contribution impérissable ? La liste longue de Lewis Howard Latimer qui a inventé l’ampoule électrique, à Sarah Boone (le fer à repasser électrique), à Dr Charles R. Drew (la banque de sang), à Benjamin Banneker qui conçu et réalisé la planification urbaine de la capitale des Etats-Unis d’Amérique (et crée la première horloge du pays).
Que serait aujourd’hui l’art et la culture de l’humanité si l’Afrique et ses descendants du Nouveau Monde n’y avaient contribué ?
La peinture et la sculpture classique de l’Europe aurait-elle pu engendrer le cubisme (Marc Jacob, George Braque, Picasso) ? Imagine t-on la musique contemporaine sans les apports du blues et du jazz ?
Un monde qui n’aura enfanté ni Louis Amstrong, ni Ella Fitzgerald, ni Celia Cruz, ni Gilberto Gil, ni Charlie Parker n’aurait certainement pas ressemblé à celui dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Attention, il ne s’agit pas ici d’une quelconque glorification du génie nègre. Cette époque est révolue.
Il s’agit aujourd’hui et maintenant de parachever la libération de l’Afrique dans sa globalité, y compris ses diasporas, pour qu’elle prenne sa juste place dans le concert des Nations.
Pour cela, il convient de se souvenir et de célébrer. C’est pourquoi il est indiqué de célébrer Angéla tout en marquant cette année le 400eme anniversaire de l’effondrement de l’Afrique.
Retrouvez chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily