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5 mai 2025
Opinions
par l'éditorialiste de seneplus, SERIGNE SALIOU GUÈYE
VIOLENCE MARRON ET LAXISME JUDICIAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Depuis que Sonko constitue une alternative sérieuse à Macky Sall, une entreprise politique a été concoctée par le pouvoir en place afin de le liquider politiquement tels Khalifa Sall et Karim Wade
La violence s’est encore invitée dans la campagne électorale. Mais il faut d’emblée souligner que le député-maire de Agnam Civol Farba Ngom a raté son objectif comminatoire qui consistait à réserver un accueil violent à Ousmane Sonko quand il foulerait le sol de Matam. Et en dépit de ces menaces, la tête de liste de Yewwi Askan Wi en compagnie de la conférence des leaders a foulé le sol matamois où une marée humaine l’attendait. De la porte de la ville jusqu’au centre-ville, la foule surexcitée a tenu à accompagner le Yewwiste en chef malgré les menaces de Farba. Mame Mory Diaw, édile de Matam, qui avait lui aussi concocté un plan d’attaque contre Sonko et compagnie a été aux abonnés absents. Finalement Farba a préféré se terrer dans son Agnam avec ses nervis non sans renouveler les menaces contre Sonko s’il foulait le sol de son terroir.
Mais c’est l’étape de Ourossogui où des gangsters stipendiés par Moussa Bocar Thiam, édile de la ville et agent judiciaire de l’État, qui s’en sont pris à la caravane de Yewwi. La présence des forces de l’ordre n’a pas empêché les nervis et leur chef Moussa Bocar de mettre à exécution leur plan de violence. Pourtant la veille de la venue de Yewwi, le maire loufoque de Ourossogui entouré de ses sicaires a clairement déclaré qu’il ne permettrait pas à Sonko et les autres "yewwistes" de fouler le sol de sa commune parce que le titre foncier appartient à son mentor Macky Sall. C’est inadmissible d’entendre de la bouche de l’agent judiciaire de l’État déblatérer des propos répulsifs qui établissent des digues entre citoyens du Sénégal. La Loi fondamentale en son article 5 interdit tout communautarisme ethnique, religieux, confrérique et pourtant le gardien de la Constitution, garant de l’unité nationale, est le premier à planter des cloisons étanches dans une portion du territoire pour en faire sa propriété exclusive. Et c’est fort de cela que des hurluberlus écervelés comme Farba Ngom et Moussa Bocar Thiam embouchent la même trompette pour exercer une violence inouïe sur tous ceux qui ont le toupet de venir dans le Fouta pour le conquérir.
Nonobstant la gravité de tels propos, la gendarmerie présente sur les lieux n’a pas daigné convoquer Moussa Bocar Thiam pour l’interroger sur son projet cynique et mortifère. Qu’est-ce qui explique le laxisme des autorités sécuritaires au point de ne pas mettre la main sur les instigateurs et les exécuteurs de telles violences ? Pourtant quand, à Bakel, des chenapans ont lapidé le convoi de Pape Diop, tête de liste de Bokk Gis Gis/Ligééy, dans les minutes qui suivent ils ont été appréhendés par la gendarmerie. Mais les nervis de Moussa Bocar Thiam s’en sont pris ostensiblement au convoi de Yewwi sans craindre une seule arrestation ou poursuite. C’est la même chose qui est arrivée à Kandiounkou dans le Sédhiou avec Lamine Seydi, militant de l’APR, qui a tiré et blessé impunément deux pastéfiens le 17 juillet passé. Gardé douillettement à la gendarmerie de Bounkiling pour quelques jours pour le mettre à l’abri de représailles de la part des populations en colère, il a été relâché cinq jours plus tard. Conséquence : les jeunes qui étaient aux aguets l’ont poursuivi sur la route qu’il empruntait pour rentrer. Cinq des motos qui lui servaient d’escorte ont été réduites en cendre par la foule surchauffée et le pistolero Seydi a fini par prendre la poudre d’escampette. Ne pouvant pas mettre la main sur lui, les jeunes ont incendié sa maison tout en réclamant justice.
Et l’affaire est loin de finir parce que les jeunes furibards lui ont promis la géhenne. Par conséquent, quand la justice institutionnelle se dérobe de ses devoirs, la justice populaire s’arroge de ses droits et use de sa violence légitime. Il en est ainsi à Kaolack quand la police a fermé l’œil sur les exactions de la Cojer contre le convoi de Yewwi aux premières heures de la campagne électorale. Aucune responsabilité administrative ni judiciaire n’a été située si bien que la famille de Médina Baye, par la voix de MC Niasse, a cloué au pilori les sauvageons de la Cojer auteurs de ces violences. Une chose est constatable : quand la violence est exercée sur Sonko et compagnie, la police et la gendarmerie certainement sous les ordres de leur chef, le procureur de la République, passent outre. Mais quand la violence est située dans les rangs de Yewwi, il faut vaille que vaille procéder à des arrestations. Lorsque le maire de Thiès, Babacar Diop, a porté plainte contre un bodyguard de Sonko pour des faits de caillassage, des "poulets" n’ont pas hésité à stopper la caravane de Yewwi en pleine ville de Tambacounda pour l’arrêter. N’eût été l’imprécision nominative sur le mandat d’arrêt détenu par le commissaire, un des gardes de Sonko aurait été appréhendé et certainement acheminé à Thiès pour être embastillé.
Le 6 octobre 2018, la militante de Pastef, Mariama Sagna, a été victime d’une agression sexuelle mortelle à Keur Massar après être rentrée d’un meeting. Jusqu’à ce jour, justice n’a pas été rendue à la malheureuse Mariama. Dans la nuit du 23 au 24 janvier 2019, le siège du Pastef a été saccagé par des nervis marron-beige clairement identifiés. Là aussi aucune réaction de la police encore moins de la gendarmerie. En dépit de la plainte déposée par le Pastef, aucune enquête n’a été déclenchée. Pendant les violences de mars 2021, aucune enquête n’a été entreprise pour faire la lumière sur ces 14 citoyens qui ont donné leur vie pour sauver leur leader de l’injustice d’une justice dont le seul dessein était de l’écarter du jeu politique. Lors des manifestations du 17 juin, trois jeunes ont perdu la vie. Même pour établir la vérité issue de l’autopsie médico-légale d’Idrissa Goudiaby, le procureur de Ziguinchor s’emberlificote dans ses propres contradictions. Le rapport d’autopsie fait état d'une mort par objet contondant et tranchant. Un objet contondant ne peut pas être tranchant et vice-versa. Ce qui montre tout le manque de sérieux et d’objectivité du médecin qui a livré ce rapport qui devait être remis en cause par le maître des poursuites avant d’être livré au public. La demande d’une troisième autopsie brouille les pistes et met à nu le dessein réel du procureur de ne jamais apporter la lumière sur l’assassinat du jeune Goudiaby.
Je m’abstiendrais de lister les différentes injustices vécues par Sonko depuis sa radiation jusqu’à son arrestation dans l’affaire Adji Sarr.
Il appert que le leader de Pastef, depuis qu’il constitue une alternative sérieuse au président sortant Macky Sall, toute une entreprise de liquidation étatique a été concoctée par le pouvoir en place et leurs suppôts internationaux pour le liquider politiquement à l’instar de Khalifa Sall et de Karim Wade. C’est là tout le sens de l’appel au mortal kombat du leader de Pastef pour échapper à l’enterrement de première classe que Macky réserve à ses opposants les plus coriaces.
Notre tissu démocratique n’a été autant détricoté que sous la présidence de Macky. La stratégie gouvernementale ressemble à celle d’une équipe de foot voulant gagner uniquement par des forfaits, dont elle a créé les conditions
En parcourant How democracies die de Steven Levistky et de Daniel Ziblatt - traduit en français par : La mort des démocraties -, il y a de fortes chances que très peu de gens se révéleront capables de résister à la tentation de comparer certaines pratiques se passant dans leurs pays à quelques-unes sinon toutes les indications jalonnant le chemin menant à l’autoritarisme développées par ces deux professeurs de Science politique à Harvard. Aussi y ai-je cédé sans grandes difficultés en prenant des actes posés par les autorités politiques de notre pays, ces dernières années, pour les mesurer à l’aune de ces indications, afin d’avoir une idée de l’état santé de notre « démocratie ». Si tant est qu’on en ait une. Car le fait d’être un ilot de stabilité dans un archipel bouillant, marqué par différents coups d’État depuis des années, pousse souvent à ériger le Sénégal en modèle démocratique en Afrique en général et en Afrique occidentale en particulier. Ce qui ne résiste pas à l’examen des faits
Avec la fable d’Ésope – The Horse, the Stag, and the Hunter, (Le Cheval, le Cerf et le Chasseur) – placée juste après l’introduction, très probablement pour donner une certaine idée du thème traité dans le livre, ses auteurs semblent vouloir montrer comment, sans en avoir l’intention aucune encore moins le savoir, un peuple peut choisir son bourreau en qui il avait pourtant placé certains espoirs, qu’il avait même pris pour un sauveur. C’est ce qui s’est malheureusement passé et continue de se passer dans beaucoup de pays, où des présidents démocratiquement élus se sont transformés du jour au lendemain en de véritables ennemis de leur peuple en devenant d’impitoyables dictateurs.
Dès les premières pages du livre, Steven Levistky et de Daniel Ziblatt décrivent comment des gouvernements démocratiquement élus se transforment progressivement, insidieusement, et surtout « légalement » en régimes autoritaires: « C'est ainsi que meurent les démocraties de nos jours. La dictature flagrante – de type fasciste, communiste, ou militaire - a quasiment disparu d'une bonne partie du monde. Les coups d'État militaires et autres prises de pouvoir violentes sont devenus rares. Des élections normales ont lieu dans la plupart des pays. Mais les démocraties meurent encore, mais de façons différentes. Depuis la fin de la Guerre froide, la plupart des ruptures démocratiques sont survenues non sous les coups de généraux et de soldats, mais de gouvernements élus (…) Désormais, le recul démocratique commence dans les urnes. Le chemin électoral menant à la rupture démocratique est dangereusement trompeur (…). Avec un coup d’État classique, comme celui de Pinochet au Chili, la mort de la démocratie est immédiate et évidente pour tout le monde. Le palais présidentiel brûle. Le président est assassiné, emprisonné, ou exilé. La constitution est suspendue ou abrogée. Sur le chemin électoral, rien ne passe ainsi. Il n’y a pas de chars dans les rues, la constitution et autres institutions symboliques restent en place. Les gens continuent de voter. Les autocrates élus maintiennent une apparence de démocratie tout en la vidant de sa quintessence (…) Beaucoup d’efforts fournis par les gouvernements pour subvertir la démocratie sont « légaux » en ce sens qu’ils sont approuvés par l’appareil législatif et validés par les tribunaux. Ils peuvent même être décrits comme visant à améliorer la démocratie – renforcement de l’efficacité de la justice, combat contre la corruption, ou assainissement du processus électoral. La presse continue sa publication mais les journaux (journalistes) sont soudoyés ou poussés à l’autocensure à cause de la persécution dont ils font l’objet. Les citoyens continuent de critiquer le gouvernement mais se trouvent confrontés à des problèmes avec la justice ou le fisc. Cela sème la confusion (…) L’érosion démocratique est presque imperceptible pour beaucoup de gens.[1] » (ma traduction).
Toutefois, pour ne pas laisser les peuples désarmés face à certains dirigeants ou prétendants au pouvoir, Steven Levistky et Daniel Ziblatt, s’inspirant des travaux de l’éminent professeur Juan Linz – auteur entre autres de Totalitarism and Authotaritarian regimes et The breakdown of Democratic Regimes – ont mis au point ce qu’ils appellent « un Litmus test » (épreuve décisive, test de vérité). Celui-ci permet d’identifier les politiciens potentiellement antidémocratiques ou antidémocratiques. Ce qui est un travail d’autant moins aisé, comme le reconnaissent les auteurs du livre, que nombre de candidats sont capables de cacher tout leur jeu avant d’arriver au pouvoir alors que d’autres qui avaient un comportement très exemplaire avant d’être élus se transforment radicalement au cours de son exercice. Ce test est composé de 4 critères : le rejet ou la faible adhésion aux règles du jeu démocratique ; la contestation de la légitimité des opposants politiques ; la tolérance ou l’encouragement de la violence ; la propension à restreindre les libertés de l’opposition ou des médias. Il est plus efficace de faire passer ce test en amont pour déceler le comportement antidémocratique d’un potentiel candidat afin de lui barrer la route menant au pouvoir, mais il peut être appliquer à un gouvernement ou des hommes dans l’exercice de leur fonction pour éviter ou arrêter une dérive autoritaire.
Dans notre cas, quelques petits exemples suffiront pour mesurer notre « démocratie » à l’aune des indicateurs clés d’un comportement autoritaire.
Le rejet ou la faible adhésion aux règles du jeu démocratique
Il n’y a pas de véritable jeu démocratique au Sénégal, car il y a trop d’anti-jeu pour parler comme Joseph Ki-Zerbo[2]. Cela a commencé entre autres avec le parrainage, qui pourtant a été désapprouvé par la Cour de justice de la CEDEAO dans un arrêt rendu le 28 avril 2018. Mieux, celle-ci avait même donné à l’État sénégalais un délai de 6 mois pour qu’il le supprime. Mais ce dernier s’est bouché les oreilles parce que cette décision ne sonnait pas bien, quoique les arrêts de cette cour de justice aient est une force obligatoire à l’égard des États membres de l’organisation, des institutions et des personnes physiques et morales (Article : 15.4 du Traité révisé). Récemment, le Conseil constitutionnel a rendu une décision pour le moins ubuesque sur les listes d’investiture pour les législatives de 2022. Sous la constante emprise de l’exécutif, il est resté fidèle à lui-même en se rangeant toujours du côté du pouvoir. Ce qu’il a toujours fait sous les différents présidents qui se sont succédé depuis l’accession officielle du pays à l’indépendance. Le président Macky Sall a refusé une proposition de la CEDEAO portant sur la limitation des mandats. Ce qui est très en phase avec le (faux) suspense qu’il essaie d’entretenir quant à une troisième candidature, qui est pourtant interdite en des termes clairs par la Constitution. Ces quelques exemples parmi tant d’autres prouvent le rejet ou la faible adhésion faible de notre gouvernement au jeu démocratique.
La contestation de la légitimité des opposants politiques
L’attitude du pouvoir en place envers certains opposants est pour le moins antidémocratique. Après avoir écarté Karim Wade du champ politique national en l’exilant nuitamment, à sa sortie de prison, à la suite d’un deal dont on ignore toujours les tenants et aboutissants, disqualifié Khalifa Sall après un sprint judiciaire inhabituel, au mépris de nombre de règles de droit, le pouvoir ne semble plus se donner de limites pour éliminer Ousmane Sonko, le plus redoutable de ses opposants. Mais grâce au fort soutien dont ce dernier bénéficie auprès d’une bonne partie de la population et à l’amateurisme dont fait montre le régime, le leader de Pastef a jusque-là échappé aux différentes manœuvres visant à l’éloigner du champ politique par tous les moyens. La néophyte – Queen Biz - ne semble pas avoir eu cette chance. À coup sûr, elle gardera des souvenirs amers de sa décision de se jeter dans l’arène politique. En effet, quelques jours après l’annonce de cette décision accompagnée de vives critiques sur la gestion du pays par le régime en place, un redressement fiscal de 41 millions lui a été envoyé. Coïncidence ou coup bien calculé. Rien n’est moins sûr. Ce qui l’est par contre, c’est que : « Trop de coïncidences nuisent au hasard[3],» comme le disait Yasmina Khadra. Pourtant, pendant ce temps, d’autres artistes, certainement beaucoup plus riches qu’elle, bénéficient des largesses du pouvoir. Mais ceux-ci ont une qualité qui semble payer plus que n’importe quelle autre compétence : ils sont du côté du pouvoir. La stratégie de l’équipe gouvernementale en place ressemble beaucoup à celle d’une équipe de football qui veut gagner un championnat en remportant tous ses matchs par des forfaits, dont elle a créé les conditions en mettant en œuvre tous les moyens, y compris les plus illégaux. On est bien loin du fair-play démocratique
La propension à restreindre les libertés de l’opposition ou des médias.
L’interdiction quasi systématique des marches de l’opposition – un droit pourtant garanti par la Constitution – à elle seule peut montrer comment les libertés publiques sont restreintes dans le pays sous le régime du président Macky Sall. D’aucuns diront qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Certes, ils n’ont pas tort, mais le comble semble avoir été atteint ces derniers temps avec la séquestration d’Ousmane Sonko, privé de toute liberté de mouvement pendant des heures, et la violation de l’immunité parlementaire avec les arrestations et emprisonnements de trois députés de l’opposition sous le prétexte fallacieux d’une menace à l’ordre public. De plus, avec l’adoption, le 25 juin 2021, par l’Assemblée nationale, de deux projets portant modification du code pénal et du code des procédures pénales visant à renforcer la lutte contre le terrorisme – terme flou aux contours très mal définis -, les libertés publiques vont être rognées davantage, et des menaces d’emprisonnement planeront au-dessus des têtes de nombreux citoyens, qui voudront, même pacifiquement, manifester leur mécontentement sur la gestion du pays par le pouvoir en place. Les médias ne sont pas non plus à l’abri des foudres du pouvoir en place, bien au contraire. Surtout s’ils sont soupçonnés de travailler pour l’opposition. Les suspensions de Walf TV et Sen TV pour 72 H pendant les événements de mars 2021 peuvent entre autres l’attester.
La tolérance ou l’encouragement de la violence
La mort récente de François Mancabou en garde à vue est un énième acte de violence mortel exercé impunément par les services de l’ordre sur des citoyens sénégalais. L’État a pour le moment fermé les yeux. Ce qui est loin d’être une posture nouvelle : la mort de quatorze manifestants lors des événements de mars 2021 n’a toujours pas été élucidée. Et il ne fait même pas semblant de s’y intéresser. La présence de nervis aux côtés des forces de l’ordre régulières tout au long de ces événements montre à quel point la violence est tolérée, voire encouragée par le régime en place. Si bien que les appels au meurtre d’Ousmane Sonko et les invitations à la violence ethnique restent impunis. Ils n’ont même pas suscité d’indignation, sinon très peu, du côté du pouvoir. Pourtant, pour moins que cela, des personnes soupçonnées d’appartenir à l’opposition ont été arrêtées et jetées en prison. Ce qui n’est pas étonnant : le régime semble vouloir terroriser les opposants tout en donnant carte blanche à ses partisans.
Au final, le pouvoir actuel remplit tous les critères du Litmus Test. Ce qui est d’autant moins surprenant que notre léger tissu démocratique n’a été autant détricoté que sous la présidence de Macky Sall. Bien que - reprenant les analyses de Nancy Bermeo, une politologue américaine -, Steven Levitsky et Daniel Ziblatt ait donné cinq manières d’écarter les candidats potentiellement autoritaires, il est beaucoup plus difficile de les appliquer à ceux ont pu échapper à la vigilance des électeurs. Au Sénégal, il est actuellement nécessaire sinon vital de se pencher sur nombre d’institutions, comme l’avaient préconisé les Assises nationales il y a quelques années. La toute-puissance du président, la faiblesse de la justice qui lui est assujettie, la méconnaissance du rôle de l’Assemblée nationale pour la plupart des députés semblent être à l’origine de toutes les dérives même si les responsabilités des dirigeants ne sont pas à excuser. L’espoir n’est cependant pas perdu : le pouvoir reste encore dans les mains du peuple. Il doit toutefois être plus intransigeant envers tous les candidats en exigeant certaines garanties et doit surtout apprendre à bien choisir plutôt qu’à éliminer. L’occasion lui sera donnée dans quelques jours avec les législatives. Le Litmus test peut éclairer le choix.
Nous comprenons l’attitude de beaucoup de nos camarades qui fulminent de colère en voyant x ou y jouir plus qu’eux des faveurs du pouvoir, mais qu’ils se rappellent toujours qu’une œuvre historique aura toujours ses hauts et ses bas pour aboutir
J’adresse cette missive fraternelle à tous les camarades désabusés qui, pour une raison quelconque ont éprouvé le ressentiment eu égard à la reconfiguration politique de notre organisation politique ; une situation qui est la conséquence normale de l’ouverture et l’élargissement de nos rangs.
Ils sont nombreux ceux qui vivent mal le retour en force aux affaires de certains des acteurs qui, hier nous combattaient de la manière la plus farouche, y rajoutant de la violence par les abus de langage et actions qui jurent avec la décence humaine. Cela ne leur plairait pas que l’on soulève le passé car c’est ainsi dans notre pays, une évaluation des parcours dérange toujours. Habitués aux jeux et arcanes du pouvoir, ils connaissent les codes de la connivence et les espiègleries au point qu’il apparaît que notre parti est aujourd’hui noyauté par ces compatriotes qui nous ont rejoint, soit par intérêt personnel ou par conviction sincère.
Des alliés et ralliés, placés dans des postures de pouvoir n’hésitent pas à soumettre nos militants de la première heure à l’ostracisme sur le plan administratif pour provoquer leur isolement politique et les pousser au départ. Une situation qui frustre à bien des égards de vaillants militants. La compréhension que nous pouvons avoir à l’endroit de ces camarades ostracisés n’a rien à voir avec les cadres qui ont largement bénéficié de la confiance du chef de l’Etat en occupant des responsabilités, qui désertent sans autre raison que l’intérêt personnel.
Nous avons tous été en phase avec notre leader, le président Macky Sall sur la pertinence d’une démarche de partage avec les forces vives, dans la gestion de notre cher pays. La poursuite de cette ligne inclusive peut se faire sans rien sacrifier de nos racines. Et si un tel phénomène s’est produit, c’est à cause du déficit de solidarité entre nous et surtout de l’absence d’une formation coordonnée qui aboutissent à la réactivité militante rationnelle.
L’école du parti a failli, peut-être à cause de la faiblesse des moyens et du fait qu’une primauté est accordée à la massification. Elle ne joue pas pleinement son rôle dans la formation et d’encadrement. Mais retenons qu’un militantisme politique durable ne peut se faire sans une relative formation idéologique, gage de cohésion et résilience aux échecs et succès inhérents à la démocratie républicaine.
Nous voulons et souhaitons que l’Alliance pour la République qui est une prouesse humaine adossée à la clairvoyance de son leader survive au-delà de l’avènement du Sénégal émergent. Pour cela, revenir à l’élan porteur de nos joies et peines est à maintenir et consolider.
Nous comprenons l’attitude de beaucoup de nos camarades qui fulminent de colère en voyant x ou y jouir plus qu’eux des faveurs du pouvoir, mais qu’ils se rappellent toujours qu’une œuvre historique aura toujours ses hauts et ses bas pour aboutir.
Il s’y ajoute, l’antériorité dans une lutte offre une légitimité qui gêne énormément ceux qui voudraient effacer le pan le plus exaltant dans la trajectoire historique. Vivre un tel revirement de situation, aussi frustrant que cela soit,ne doit point conduire à des comportements liquidateurs, anti parti. S’abstenir de voter ou au pire sanctionner une liste porteuse de tout notre idéal de combat, nos objectifs, devient une attitude inconsidérée de bas calculs politiques.
Lorsqu’un militant décide de voter contre une liste de son parti, il est beaucoup plus honnête pour lui d’en démissionner. Il y a évidemment une grande différence entre une critique positive et l’action de destruction de sa majorité politique.
Le scrutin du 31 juillet 2022, est d’enjeu pour convaincre l’ensemble des amis du Sénégal que notre démocratie est solide, notre option d’alliance Benno est hautement patriotique et stratégique au regard de la stabilité du continent.
L’opposition populiste et radicale a perdu la bataille de l’éthique et la morale aux yeux de l’électorat mature. Elle a déjà échoué dans ses tentatives de sabotage pour empêcher le scrutin de se tenir à bonne date. Elle a échoué dans une entreprise sordide de la division du peuple sénégalais par le style allusif et criminel de celui qui personnifie son leadership provocateur.
À tous les militants d’administrer la raclée finale qui consiste à donner une plus large majorité au président Macky Sall, pour la poursuite des politiques économiques et sociales,aujourd’hui visibles et palpables.
Notre modèle de développement en parfaite adéquation avec nos traditions séculaires de tolérance et dialogue repose sur des valeurs démocratiques et demeure la meilleure voie vers l’épanouissement de nos populations.
Cela nous a porté bonheur de rester toujours ensemble en gagnant tous les scrutins de 2012 à nos jours.
Le Sénégal réel qui n’a rien à voir avec le Sénégal activiste et agitateur fait confiance à ce leadership incarné par le Président Sall.
Dures que soient les difficultés au niveau individuel,restons soudés pour triompher et poursuivre la grandiose entreprise de la renaissance du Sénégal et l’Afrique.
texte collectif
LA TRAHISON DE LA DÉMOCRATIE OU CHRONIQUE D'UN DÉSORDRE ANNONCÉ
Nous convions l’ensemble des forces vives de la nation à s’engager dans la tâche de refondation de la démocratie et de l’État de droit. La rupture, dans la manière de gouverner notre cher Sénégal, est d’une brûlante urgence
La campagne électorale pour les élections législatives se déroule pour l’heure sans trop de heurts. Avons-nous pour autant définitivement éloigné le péril sur la paix civile, dernièrement redouté, avec les événements qui ont plongé le Sénégal dans la peur du chaos ? A notre sens, le péril subsistera tant qu'exhalera le souffle pernicieux qui entretient le brasier : la répétition de la trahison de la démocratie une fois qu’elle a ouvert les portes du Palais. Certes, l’idée de réduire la démocratie, et subséquemment la citoyenneté, à ses exclusifs moments électoraux est un désastre. Néanmoins, la compétition électorale est un rouage important de la démocratie et les personnels en charge des institutions de la République portent une responsabilité première dans sa défense contre les pulsions autocrates. La trahison de cette responsabilité ne peut avoir pour effet que d’engendrer, en dépit de l’intensité des répressions, une résistance qui se paie au prix fort. Voilà pourquoi des interdictions d’exercice de droits constitutionnels ont été récemment contestées au prix du sang. Voilà pourquoi des partis-pris si incroyablement inélégants et préjudiciables de la part de la Justice, de l’Administration centrale et de ses démembrements, ont fini d’échapper au seul Souverain qu’est le peuple et de le plonger dans l’émoi. Et pour cause ! A l’absence de séparation des pouvoirs et à l’absence de neutralité de la Justice et de l’Administration sempiternellement dénoncées, sont venues s’ajouter des entorses inédites et surréalistes liées à l’égalité de traitement des coalitions politiques dans le cadre d’une même compétition électorale. Les regards, ici, peuvent-ils manquer de se diriger vers le président de la République ? En tant que clef de voûte des institutions, n’est-ce pas à lui qu’il appartient de veiller au respect de la Constitution, à la séparation des pouvoirs, au respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, au respect de l’égalité stricte des citoyens devant la loi ? C’est pourquoi, nous ne pouvons pas comprendre l’honneur, ou plutôt le déshonneur, que son camp a mis à défendre avec hargne l’indéfendable (une joute supposée démocratique avec la présence de « demi-listes »), ou encore les voix qui s’élèvent pour baliser la quête d’un « troisième mandat », et qu’au même moment le laxisme soit la caractéristique première des positionnements de ce même camp sur les flagrants délits d’enrichissement illicite, sur la prédation foncière, sur le bradage des ressources naturelles, sur les régimes de privilèges accordés à des « citoyens (pas) comme les autres », ainsi qu’à de hauts fonctionnaires d’un État qui jusqu’ici a peu mérité les sacrifices quotidiens de millions de Sénégalais des campagnes, des villes et de la diaspora.
A présent que le sort en est jeté et que l’on est dans la dernière ligne droite d’une campagne électorale décisive pour l’avenir de notre pays, est-ce trop demander, à la classe politique, de faire de cette compétition, une joute des idées ? Quelques exemples. Au vu des brûlantes obligations sécuritaires auxquelles font face les pays de la sous-région, des propositions concrètes sont attendues d’elle sur les moyens de conservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité de notre pays. Au vu de l’inflation galopante et des pénuries qui menacent tous les pays du fait de la guerre en Europe, il serait souhaitable de l’entendre sur la manière de régler les urgences sociales et économiques qui paupérisent nos populations et portent atteinte gravement à leur dignité. Face au péril de l’émigration clandestine, par la mer et le désert, qui constitue le lot d’une jeunesse désespérée, il serait opportun d’apprendre comment elle entend lui restituer les raisons d’espérer un emploi, en fonction exclusivement de ses compétences, mais aussi les raisons de croire de nouveau au mérite et à la récompense de l’effort consenti. Face aux stratégies de reprise en main, par l’ex-puissance coloniale, de ce qu’elle considère être son pré-carré, nous aimerions être édifiés sur la manière dont tous les acteurs comptent s’engager à la tâche de re-conquête de la souveraineté pleine et entière de notre pays.
Au demeurant, parce que le Collectif de signataires de cette tribune entend, en toute humilité, jouer son rôle d’intellectuel en « se mêlant » de ce qui ne va pas dans le corps social et politique, nous voudrions, pendant que cette campagne électorale bat son plein, mettre en garde tous les citoyens sénégalais contre l’instrumentalisation des appartenances. Nous voudrions interpeler les autorités religieuses et coutumières pour les inviter au refus de la manipulation politicienne.
Nous voudrions inviter les forces de défense et de sécurité au respect consciencieux de la dignité et de l’intégrité des citoyens sénégalais et particulièrement au bannissement des traitements inhumains ou cruels des détenus. Pour finir, nous convions l’ensemble des forces vives de la Nation à s’engager urgemment dans la tâche de refondation de la démocratie et de l’État de droit. La rupture, dans la manière de gouverner notre cher Sénégal, est plus que jamais d’une brûlante urgence !
Signataires
1. Alpha Oumarou BA, Enseignant-chercheur en Littérature orale, UFR LASHu/ UASZ
2. Idrissa BA, Enseignant Chercheur en Histoire médiévale, FLSH / UCAD
3. Mame Penda BA, Enseignante-chercheure en Sciences politiques, UFR SJP / UGB
4. Tapsirou BA, Enseignant-chercheur en droit, UFR SJP / UGB
5. Oumar BARRY, Enseignant Chercheur en Psychologie, FLSH / UCAD
6. Pape Chérif Bertrand BASSENE, Enseignant Chercheur en Histoire moderne et contemporaine, UCAD / FLSH
7. Lamine BODIAN, Enseignant Chercheur en Linguistique, UCAD / FLSH
8. Mohamadou BOYE, Enseignant-chercheur, juriste fiscaliste, UGB/ SJP
9. Joseph CABRAL, Enseignant-chercheur en Économie, FASEG
10. El hadj Alioune CAMARA, Économiste, Université Iba Der Thiam de Thiès
11. El Hadji Malick SY CAMARA, Enseignant chercheur, Socio-anthropologue, UCAD/FLSH
12. Mame Thierno CISSÉ, Enseignant chercheur, Linguistique, UCAD
13. Jean-Louis CORREA, Enseignant Chercheur en Droit, UVS/ Pôle Sciences Juridiques
14. Amadou Hamath DIA, Enseignant Chercheur en Sociologie UASZ/ SES
15. Mouhamadou Mansour DIA, Enseignant Chercheur en Sociologie, UVS/ Pôle Sciences Humaines
16. Oumar DIA, Enseignant-chercheur en Philosophie, FLSH / UCAD
17. Alioune DIAW, Enseignant Chercheur en Littérature Africaine, UCAD/FLSH
18. Mor DIAW, Enseignant Chercheur, FMPO/ UCAD
19. Moussa DIAW, Enseignant-chercheur en Sciences Politiques, UGB
20. Paul DIEDHIOU, Enseignant-chercheur en Anthropologie, UASZ/SES
21. Ibrahima DIEME, Enseignant-Chercheur en Littérature, LSH/UCAD
22. Adrien DIOKH, Enseignant-chercheur en droit, UGB
23. Ibrahima Demba DIONE, Enseignant Chercheur en Sociologie, UASZ/ SES
24. Boubacar DIOP dit Buuba, Enseignant Chercheur d’histoire et de langues classiques, UCAD / FLSH
25. Dame DIOP, Enseignant Chercheur en Etudes Hispaniques, UASZ/ LASHU
26. Abdoul Aziz DIOUF, Enseignant Chercheur en droit, FSJP/UCAD
27. Samba DIOUF, Enseignant-chercheur en Sociologie, FLSH / UCAD
28. Mansour DRAME, Enseignant-chercheur, Université de Paris IV Sorbonne, France
29. Aziz salmone FALL, Politologue
30. Alioune GUEYE, Chargé de cours en droit public à l’Université de Montréal, Expert auprès du FNRS, Belgique
31. Thiamba GUEYE, Avocat au barreau des Hauts de Seine
32. Souleymane GOMIS, Enseignant Chercheur en Sociologie de l'Éducation, UCAD/ FLSH
33. Jean Alain GOUDIABY, Enseignant Chercheur en Sociologie, UASZ/ SES
34. Fatoumata HANE, Enseignante Chercheure en Socio-Anthropologie, UASZ/ SES
35. Amadou KAH, Enseignant-chercheur de droit, UGB
36. Assa KAMARA, Enseignante Chercheure, USSEIN/ Pôle Sciences Humaines
37. Abdoulaye KEITA, Chercheur en Littérature orale et africaine UCAD / IFAN
38. Mohamed Moro KEITA, Enseignant-chercheur en Gestion, UCAD / ESP
39. Mouhamed Abdallah LY, Sciences du langage, UCAD / IFAN
40. Alla MANGA, Géographe, UCAD / IFAN
41. Abdoulaye MBAYE, Enseignant-chercheur en Génie électrique, ESP / UCAD
42. Pierre MENDY, Enseignant-chercheur, FASEG / UCAD
43. Ibou NDAO, Enseignant-chercheur en Tourisme, UASZ/SES
44. Maurice NDEYE, Directeur de recherche en Physique, UCAD / IFAN
45. Aliou NDIAYE, Enseignant Chercheur en biotechnologies végétales, UCAD/FST
46. Alioune NDIAYE, inspecteur de l’éducation, historien de formation
47. Amadou Fadilou NDIAYE, Professeur des Universités, Retraité de l’UCAD
48. Amsata NDIAYE, Enseignant Chercheur en Physique, UGB/SAT
49. El Hadji Samba NDIAYE, Enseignant Chercheur en droit, FSJP / UCAD
50. Sara NDIAYE, Enseignant Chercheur en Sociologie, UGB/ LSH
51. Serigne NDIAYE, Docteur en littérature comparée, Directeur Work & Study in Africa
52. Seydi Ababacar NDIAYE, Enseignant Chercheur, Physico-chimiste, ESP/UCAD
53. Sidy Alpha NDIAYE, Enseignant Chercheur en Droit, UCAD / FSJP
54. Daouda NGOM, Enseignant Chercheur en Biologie végétale, FST/ UCAD
55. Saliou NGOM, Socio-politiste, UCAD / IFAN
56. Babacar NIANG, Enseignant Chercheur en droit, FSJP / UCAD
57. Cheikh El Hadji Abdoulaye NIANG, Anthropologue, UCAD / IFAN
58. Mohamed Bachir NIANG, Enseignant Chercheur, FSJP / UCAD
59. Yaya NIANG, Enseignant Chercheur, UGB/SJP
60. Baye Massaer PAYE, Enseignant Chercheur en anglais, UASZ/ LASHU
61. Ibra POUYE, Journaliste et chroniqueur
62. Moussa SAMB, Enseignant Chercheur en droit, FSJP / UCAD
63. Yamar SAMB, Enseignant Chercheur de Droit, UGB / UFR SJP
64. Abdourahmane SECK, Enseignant chercheur, UGB/CRAC
65. Moussa SENE Absa, cinéaste, peintre, écrivain, compositeur
66. Yankhoba SEYDI, Enseignant Chercheur en Civilisation britannique, UCAD/ FLSH
67. Serigne SEYE, Enseignant Chercheur en littérature africaine, UCAD / FLSH
68. Ibrahima SILLA, Enseignant Chercheur en Sciences politiques, UFR SJP / UGB
69. Boubacar SOLLY, Géographie, UASZ/FST
70. Adama SOUMARE, Enseignant Chercheur en langues et civilisations romanes, UCAD / FLSH
71. Fatou SOW, Sociologue, CNRS/ UCAD
72. Oumar SY, Enseignant Chercheur en géographie, UASZ/FST
73. Mamadou Jean Charles TALL, Architecte
74. Ousseynou TALL, Enseignant-Chercheur en Lingustique Russe, FLSH/UCAD
75. Serigne Mansour TALL, Urbaniste géographe
76. El Hadji Omar THIAM, Enseignant Chercheur de Langues et civilisations romanes, UCAD / FLSH
77. Ibrahima THIAW, Enseignant Chercheur en Archéologie, UCAD/IFAN
78. Thierno THIOUNE, Enseignant Chercheur, FASEG/ UCAD
79. Cheikh Bamba THIOYE, Business Analyst
80. Moulaye TOURÉ, Contrôleur des finances publiques,
81. Marie-Pierre SARR - TRAORÉ, Enseignant Chercheur en droit, FSJP / UCAD
82. Moulaye TOURE, Contrôleur des Finances publiques, France
83. Amadou Tidiane WONE, Ancien ministre
Par Assane SAADA
LA FIN DU DÉPUTÉ-VOYOU
La grandeur d’un représentant du peuple continuant de voisiner avec le ridicule. Peut-être qu’ils crèvent d’envie de conjurer cette fatalité et de se sauver de l’abîme.
Le 31 juillet, sous un ciel couvert d’illusion, des populations iront voter. Une fois élus, des députés pourraient entrer dans la légende et risquer de devenir mirage. Enivrés de leur statut, dans la griserie de leur mandat, jouir de l’affaissement du parlementaire. La grandeur d’un représentant du peuple continuant de voisiner avec le ridicule. Peut-être qu’ils crèvent d’envie de conjurer cette fatalité et de se sauver de l’abîme. Les faits divers marquants de la crise du politique ne leur ayant pas flanqué des inhibitions. En effet, quand des élus s’illustrent plus dans la délinquance que dans leur rôle de législateur, c’est l’effondrement. La comédie politique qui ne laisse plus indemne.
La législature à venir serait merveilleuse qui détruirait la cité maudite. Pour qu’aucune légalisation du faux monnayage, aucune codification du trafic de passeport diplomatique, n’advienne. Plus un ancien président de l’Assemblée nationale pour évoquer des mariages blancs de députés contre espèces sonnantes et trébuchantes. Demain, personne ne serait couvert d’opprobre. Ceux qui devraient légiférer, au nom du peuple, ne seraient plus mêlés à des délits destructeurs de leur honorabilité. L’attitude morale et sociale de l’élu resplendissante de toute la splendeur de son mandat. Une Assemblée nationale imprégnée d’éthique.
De la lucidité cependant. « Le vrai est le délire bachique dont il n’y a pas un membre qui ne soit ivre ». Des « alcôves » s’exhalent des souffles de beuveries politiciennes. Et, « chacun des membres, en se distinguant des autres, se dissout aussi bien immédiatement ». Des moments de transe, accrus par une imminente distribution de rôles par voie électorale. Tout s’acquérant dans la condition commune. Un banquet de brutes au génie inculte devenues porteurs de voix, réputées pour leur témérité à défaire le fagot. Qui valsent entre révérence et inconvenance, duplicité et effronterie. Parce que les mœurs piétinent. Le mal ronge une société engouffrée dans la banalisation. Personne n’est plus responsable de rien. Un désir d’être l’emporte. Une idiotie survit à travers un paraître. L’insolence, l’outrecuidance et la démesure qui portent au pinacle, mettent aux nues. Mais, on ne meurt jamais en politique. Un ballot impétueux rebondit en ondulant sur des appartenances partisanes.
Quels discours, quels actes de campagne électorale dessinent une rupture ? Certainement que de brillants aventuriers, la manœuvre habile, fascinent davantage. Ils devraient prospérer malgré la croissante volonté de transparence des populations. Cette exigence de la société qui ramène l’élu à une dimension simple. Plus aucun mystère, encore moins une sacralisation. Aussi, une image valorisante, hier construite, s’est perdue de plus en plus sous une ère de surmédiatisation. Pour autant, les feuilletons politico-médiatiques ne devraient pas se poursuivre. Impératif est-il de restaurer une dignité du député, un élu soumis à une échelle de valeur. Des femmes et des hommes incarnant des repères politiques forts, bâtisseurs d’un avenir éthique et responsable. La posture de représentant du peuple devant primer sur sa propre personne, sa sphère privée. L’expérience, les affaires politico-judiciaires, ayant montré que l’amalgame n’a jamais été mené à bien.
Les investitures sont déjà faites. L’envie d’avoir une Assemblée nationale où l’ensemble des députés valorise le beau ne semble pas partagée. Une auguste institution forte de son pouvoir incarné dans toute sa plénitude et sa positivité reste un mythe. Néanmoins, toutes les digues ne devraient pas céder et couler sous les flots de l’indifférence et de l’agacement. D’ailleurs, même quand tout périclite, une Assemblée nationale ne saurait être une institution où on stimule des imaginaires menteurs. Un nid pour députés-fripouillards écumant des populations miséreuses. Cependant, la bascule, qui ne devait jamais se produire, est aujourd’hui une histoire qui hante le pouvoir législatif. Quand sonnera l’heure d’en sortir ?
Un vent d’espérance devrait encore souffler sur la politique pour que la fin de la décadence soit envisagée. Le plaisir de décevoir être révoqué, extirpé du logiciel politicien. Aux électeurs de voter pour se réconcilier avec leurs élus qui leur renvoient une belle image d’eux-mêmes. Un monde où vivre sans se méfier d’un politicien ou de tout homme politique avenant. Parce que, des mots comme ceux de Jacques Chirac (premier ministre sortant) à son ancien camarade de Sciences Pô Michel Rocard (premier ministre entrant), lors de leur passation de service de 1988, cesseront de tourmenter encore plus dans le champ politicien. « Méfie-toi de M…, c’est quand il te sourit qu’il a le poignard le plus près de ton dos… (…) Méfie-toi, il faut savoir décrypter. Il n’y a jamais moyen de savoir ce qu’il veut... », disait-il. Aussi, que celui que l’on surnommait Tonton ne puisse continuer, d’outre tombe, d’inspirer certains qui seraient tenter de reprendre sa fameuse phrase : « Dites-leur que je ne suis pas le diable. »
PAR Madiambal Diagne
MON GRAND BONHEUR À LA TÊTE DE L'UPF
Gratitude, satisfaction, espoir et confiance sont les sentiments qui m’animent en quittant la présidence internationale de l’UPF. Je quitte une belle expérience professionnelle et humaine dont je chérirai les leçons plus d’une vie
L’Union internationale de la presse francophone (Upf) vient d’élire Mme Anne Cécile Robert (France), au poste de présidente internationale. Elle me remplace ainsi à cette fonction que j’occupais depuis 2014. Anne Cécile Robert est une brillante journaliste, talentueuse et admirée à travers le monde. Elle occupe les fonctions de Directrice des rédactions du magazine français Le Monde Diplomatique. Anne Cécile est aussi une universitaire bien réputée pour ses travaux. Je ne peux qu’être heureux d’une telle succession, surtout que Anne Cécile Robert m’avait fait la délicatesse de ne présenter sa candidature que si elle obtenait ma bénédiction.
Le leadership féminin consacré à l’Upf
Notre organisation était restée pendant trop longtemps misogyne. Ce n’était sans doute pas une politique délibérée mais la place faite aux femmes au sein des instances dirigeantes de l’Upf était assez faible. En effet, au sortir de nos Assises de 2014, une seule femme, Mme Khadija Ridouane (Maroc), était cooptée comme membre du Bureau international au poste de Secrétaire générale adjointe. Notre amie, Mme Margareta Stroot (Moldavie), m’interpella à la fin de nos travaux, pour dire au nouveau président international, que je venais de devenir, que la seule demande qu’elle lui faisait était de renforcer la présence des femmes au Bureau international et au Comité international. Je promis à Mme Stroot que je travaillerai pour faire instaurer la parité homme/femme au sein du Bureau international, dès le renouvellement suivant de l’instance. Je peux vous dire qu’elle ne croyait pas trop à la promesse !
En 2015, prenant prétexte du thème de nos Assises à Lomé (Togo) portant sur «le rôle et la place des femmes dans les médias», j’annonçais le projet d’instaurer la parité. Le Comité international souscrivit à cette décision et la rendit effective au renouvellement du Bureau international en 2016 à Antsirabe (Madagascar).
Aussi, encouragions-nous les différentes sections nationales à faire leur ce principe. Pour sa part, le Bureau international a systématiquement respecté le principe de la parité à ses différents renouvellements, et de nombreuses consœurs ont pu prendre, avec bonheur, les rênes de sections nationales de l’Upf. Plus de la moitié des sections nationales de l’Upf sont dirigées par des femmes. Les différentes femmes qui ont intégré ces instances ont fait montre de compétence, de sérieux, d’abnégation et ont participé efficacement à la réalisation des objectifs que notre organisation s’est assignés, toutes ces dernières années. Si, au moment de passer le flambeau, j’avais une leçon à transmettre, ce serait que «plus les femmes prendront des responsabilités à l’Upf, plus notre organisation s’en portera mieux !».
C’est donc comme un signe du destin que nos Assises-2022 s’ouvrent ce matin, au Maroc, sur le thème du «leadership des femmes» et un autre signe du destin est donc que l’Upf se voit dirigée par une femme !
Un bilan dont on peut être satisfait
Gratitude, satisfaction, espoir et confiance sont les sentiments qui m’animent en quittant la présidence internationale de l’Upf. Gratitude à l’égard de tous les membres de cette association pour son dynamisme, son caractère inclusif et sa démarche de promouvoir l’essor d’un journalisme libre et responsable, partout dans le monde et en particulier dans les espaces francophones. Vous m’avez investi de votre confiance depuis 2014, régulièrement renouvelée pendant huit bonnes années, pour diriger notre belle et grande organisation qui vient de célébrer ses 72 ans.
Satisfaction de missions accomplies, avec différentes équipes motivées et engagées tant au niveau du Bureau international qu’au niveau du Comité international. Des avancées majeures dans la vie et le fonctionnement de notre organisation et surtout quant à son rayonnement, peuvent être mesurées. L’élan du renouveau a pu être impulsé avec succès. L’Upf s’est ainsi révélée une bonne école de vie, de management et de convivialité. Nous avons appris tous, les uns des autres !
J’ai espoir que l’Upf est une organisation qui compte et qui aidera à accompagner les changements dynamiques que connaîtra le journalisme, afin de consolider du mieux les démocraties. Dans un monde en proie à diverses crises, l’Upf, en synergie avec les autres organisations faîtières des médias, sait se montrer résiliente et capable de défendre les droits et libertés des journalistes. Notre rôle est plus qu’essentiel dans toute démocratie, aujourd’hui plus que jamais. Notre sacerdoce est de continuer à œuvrer pour la promotion de la paix et l’engagement pour les valeurs de démocratie, de liberté de presse et d’opinion. Notre organisation grandit, jour après jour. Ce n’est pas en si bon chemin que nous nous arrêterons.
Je quitte une belle expérience professionnelle et humaine dont je chérirai les leçons plus d’une vie. Si j’ai réussi ma mission à la tête de l’Upf, je dois dire que je le dois beaucoup aux conseils d’un regretté aîné, Jacques Diouf, ancien Directeur général de la Fao. Jacques, qui avait dirigé avec efficacité la plus grande organisation du système des Nations unies, m’avait en estime et en amitié et avait tenu à me prodiguer ses conseils pour me fixer des bornes. Je m’étais évertué à m’y tenir !
J’ai foi que l’organisation ne cessera de toiser les sommets. C’est aussi ce sentiment de confiance qui me remplit d’aise. Nous comptons en notre sein des compétences avérées et des talents de femmes et d’hommes qui sauront faire franchir à l’Upf de nouveaux caps ; des défis qui n’ont pas eu raison de notre volonté et de nos capacités, mais aussi des défis nouveaux dans un monde en mutation. La nouvelle équipe qui est mise en place, à l’issue de notre Assemblée générale du 24 juillet 2022 au Maroc, saura compter sur tout mon soutien.
Notre groupe s’est encore élargi cette année. Nous accueillons de nouveaux membres représentant l’Italie, la Macédoine du Nord et la Géorgie. Depuis 2014 à Dakar, notre organisation a fait de la transparence son credo. Transparence dans la gestion, dans l’organisation et dans la communication. Les dirigeants au Bureau international de l’Upf, travaillent sans répit au rétablissement de la confiance auprès de nos partenaires. Leurs efforts avaient été rendus difficiles sinon vains par l’image souvent négative que certains de ces partenaires avaient pu se faire de notre organisation. Or, rétablir la confiance des partenaires demandait de rompre avec certaines habitudes et d’exiger le même niveau de rigueur de toutes nos sections nationales.
L’heure est à la rationalisation de notre gestion
Notre association n’a pas d’activités génératrices de revenus. Elle vit avant tout des subventions de partenaires qui se montrent exigeants quant à l’attribution de ressources financières. Seule une organisation forte de son action, du nombre et de la qualité de ses membres est attractive à leurs yeux. Notre responsabilité est de travailler à hisser l’Upf à un niveau d’exigence et de qualité qui la rende crédible et fréquentable. L’objectif est que tous se mettent au diapason et produisent des idées et de l’action. L’avenir exige de nous plus de compétitivité si nous voulons continuer d’exister.
L’Upf internationale a connu des périodes de faste et des périodes de vaches maigres. Lorsque nous avons été élus en 2014, l’Upf était au plus mal. Notre équipe a travaillé à lui insuffler une nouvelle dynamique et nous avons inscrit les exigences de rigueur, de transparence et de démocratie dans son Adn. Dans son fonctionnement, l’Upf a instauré le vote au bulletin secret pour le choix de ses dirigeants. Nous avons pu, grâce à un travail collectif et volontaire, l’installer sur une voie dont elle ne devrait plus dérailler. Il faut dire les choses, en arrivant à la tête de l’Upf, nous avions trouvé une organisation exsangue qui accumulait les dettes et des arriérés de salaires de son personnel. Grâce à un travail collectif et des initiatives heureuses, la confiance restaurée a permis d’engranger des ressources pour éponger toutes nos ardoises et même constituer un matelas financier, jusqu’à procéder à des placements financiers. Cette embellie nous a permis de traverser la période de pandémie mondiale du Covid-19. Je pars en laissant l’Upf avec des ressources lui permettant de vivre sur fonds propres pendant au moins un exercice.
Les deux années de pandémie que nous venons de vivre, ont freiné l’élan qui avait été donné. Un travail fructueux a abouti à l’installation d’une collaboration soutenue avec l’Unesco. Après la production d’un guide sur la couverture médiatique des sujets de migration, l’Unesco a financé des formations sur le même thème au profit des membres de quatre de nos sections nationales (Maroc, Tunisie, Niger et Liban). Il est important de souligner que ces formations se sont déroulées en pleine période de pandémie et que les équipes des 4 sections ont été totalement impliquées dans la conduite des projets.
D’autres projets sont dans les tuyaux et la collaboration avec l’Unesco, nous l’espérons bien, est ainsi inscrite dans la durée. Un travail de plaidoyer et de négociation suivie a également été entretenu avec le ministère français de l’Europe et des affaires étrangères, qui a fini par donner ses fruits puisque la France compte parmi les sponsors de la présente édition de nos Assises. Pour rappel, le ministère français des Affaires étrangères fait partie des partenaires historiques de l’Upf, mais ce partenariat avait été suspendu depuis plusieurs années. Le même travail de négociation patiente et persuasive est entrepris avec l’Organisation internationale de la Francophonie qui vient d’accréditer officiellement l’Upf parmi ses associations partenaires.
Depuis novembre 2019, date de nos dernières Assises, trois années se sont écoulées, durant lesquelles l’Upf a relevé le défi de se régénérer dans l’adversité. De nouveaux membres nous ont rejoints et des sections nouvelles ont été créées avec entrain. La nouvelle section en Italie, travaillera en étroite collaboration avec la section valdôtaine, son aînée de plusieurs années, à organiser un symposium dans la ville de Bari. Avec le soutien du Secrétariat général de l’Upf, qui travaille comme facilitateur, des partenariats sont conclus pour réussir ce rendez-vous au mois d’octobre prochain.
Feuille de route
L’Upf internationale a réussi, malgré la situation difficile en 2020 et 2021, et grâce à la ténacité de ses équipes, à obtenir l’organisation de ses 49es Assises au Maroc. C’est également au Maroc, en 2010, sous la conduite de notre ami Abdelmouneim Dilami, que l’Upf a pu amorcer un travail de refondation qui a ouvert la voie au renouveau signé à Dakar en 2014. Est-ce un autre signe du destin ?
La voie est ainsi tracée. L’Upf internationale n’a d’autre choix que de se rénover pour repartir d’un nouvel élan. Si notre organisation a entrepris un travail de restructuration et d’assainissement dans sa propre gestion, ce travail doit s’élargir à toutes ses sections nationales. C’est par ailleurs une Upf inventive qui pourrait réussir à se développer dans un contexte où les subventions institutionnelles se raréfient. L’Upf doit délimiter avec précision son champ d’action pour se démarquer. Je laisse le soin à la nouvelle équipe de choisir sa propre feuille de route.
par l'éditorialiste de seneplus, jean-claude djéréké
CAMEROUN : MACRON PARLERA-T-IL DES MASSACRES DE SON PAYS ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Les Camerounais et les Africains en général doivent exiger des excuses et des réparations pour les nombreux crimes de la France sur le continent
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 25/07/2022
Du 25 au 27 juillet 2022, Emmanuel Macron visitera le Cameroun, le pays de Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié, Ernest Ouandié, Osendé Afana, tous assassinés par la France pour avoir voulu un Cameroun libre et souverain.
Les historiens les plus sérieux soutiennent que la répression des nationalistes camerounais par l'armée française fit, entre 1955 et 1964, des dizaines de milliers de morts, membres de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et civils confondus (cf. Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, ‘La Guerre du Cameroun. L’invention de la Françafrique’, Paris, La Découverte, 2016).
Et pourtant, Ruben Um Nyobè était contre la violence et la lutte armée. C’était un combattant modéré et non extrémiste mais “il ne reste souvent à l’opprimé d’autre recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur”. Et Nelson Mandela d’ajouter : “Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime defense.” (cf. ‘Un long chemin vers la liberté’, Paris, Fayard, 1995)
En mai 2009, en visite officielle à Yaoundé, François Fillon, Premier ministre du voyou et inculte Sarkozy, se permit d’affirmer ceci : “Je dénie absolument que des forces françaises aient participé en quoi que ce soit à des assassinats au Cameroun. Tout cela, c’est de la pure invention !” C’est ce qu’on appelle ajouter l’arrogance et le mépris à la barbarie. Achille Mbembe, qui a contribué à faire connaître le juste combat de Ruben Um Nyobè, a souhaité au sommet Afrique-France de Montpellier (8 octobre 2021) que les Africains soient moins hargneux et plus indulgents vis-à-vis de la France parce que les lignes, d’après lui, bougeraient positivement dans la relation entre Paris et ses ex-colonies. Feu Marcel Amondji pensait, quant à lui, que la colonisation française ne sait pas s’arrêter. Est donc fausse l’idée selon laquelle la France a abandonné les coups tordus, l’immixtion dans nos affaires internes, le pillage de nos matières premières, le bashing et l’assassinat des Africains qui lui tiennent tête. Il faut être naïf ou de mauvaise foi pour croire que cette France s’est convertie au droit, à la justice, à la vérité et à l’humilité. Voilà pourquoi il serait imprudent de se fier aux paroles mielleuses que prononcera le jeune Macron au Cameroun. Les Camerounais et les Africains en général doivent exiger des excuses et des réparations pour les nombreux crimes de la France sur le continent.
par Thierno M. Sow
SÉNÉGAL, UNE CONSTITUTION CLAIREMENT OBSCURE
Il n’existe au Senegal qu’un système de rotation qui repose essentiellement sur le caractère consécutif et non une limitation du mandat présidentiel. Le pays gagnerait à inventer son propre système politique plus cohérent et plus solide
Tout dans la trajectoire du Sénégal depuis 1960 à nos jours avec la découverte dugazet du pétrole et la question de la limitation du mandat présidentiel prouve le génieque fut Ousmane Sembène. En effet, dans son film Le Mandat (1968 - Prix de lacritique internationale à la Mostra de Venise), l’inimitable Makhouredia Gueye yinterprète le rôle de Ibrahima Dieng à qui son neveu, qui trime pour joindre les deuxbouts en France, a envoyé un mandat. Tout le film est rythmé par cette voix suave et hypnotique qui chante : “sunu mandabi yaye, bou nieuwé nekh…” (ce mandat n’est-il pas la promesse de lendemains meilleurs). Comme dans toutes les grandes histoires, rien ne se passe comme prévu. Ainsi, le parallélisme nous semble-t-il pertinent. Eneffet, quand d’aucuns nous promettent monts et merveilles avec une croissance àdeux chiffres dès 2023, alors que les recettes (ou roussites en wollof) escomptées du “mandat” du pétrole ne peuvent même pas atteindre mille milliards de FCFA (1,5 milliard d’euro) par an, d’autres font une fixation morbide sur le énième “mandat” et les échéances électorales de 2024. Tout ceci ne serait donc finalement que la promessed’un mandat providentiel qui changerait le cours de l’histoire. Voilà, la raisonpour laquelle nous allons emprunter au cinema d’Alfred Hitchcock la technique du Dolly Zoom ou Travelling compensé, pour mieux faire ressortir l’environnement immédiat de notre sujet, sans en altérer les traits caractéristiques. Dans tous les cas, OusmaneSembène nous aurait prévenus.
La question de la limitation des mandats occupe une place incongrue dans le débat politique au Sénégal, après plus de soixante-deux (+62) années d’indépendance, aupoint de servir de Cheval de Troie à des intérêts étrangers pour y exporter leur obsession monomaniaque d’une guerre civile (RAHOWA = Racial Holly War). Pendant +17 ans, même si nous n’étions pas venus en Afrique durant toute cettepériode, nous avions privilégié des échanges discrets avec les plus hautes autorités et nous avions décliné, avec beaucoup de courtoisie, toutes les demandes d’interview. Néanmoins, nous avions toujours partagé nos analyses (OFF) avec les journalistes dumonde entier qui en faisaient la demande, gracieusement et sans contrepartie. Or, le 5 juillet dernier, un journaliste du New York Times m’a transmis la requête d’uncertain Nick Roll. Par courtoisie, j’ai accepté de lui accorder trente (30) minutes d’entretien téléphonique. A la suite de quoi, je lui ai notifié de m’envoyer d’abordledraft de son papier, comme condition nécessaire à mon final cut. Il publia malgrétout son papier le 16 juillet sur Al Jazeera et j’y découvre la distorsion entre sa requêteoriginelle et sa démarche cauteleuse. Ainsi, avec l’arrogance caractéristique de cegenre d’individus, pour qui le journalisme n’est qu’une couverture, il a abusé d’undélit bien connu des juristes, la citation par omission, pour me faire dire l’exact contraire de ma thèse. Nous sommes manifestement, dans le cas d’espèce, face à unabus de confiance caractérisé. Pour un tel acte, selon l’expression consacrée au moyenâge “nous l’aurions éclairé de plus près” (le bûcher). Je remercie tous les vrais journalistes du monde entier qui m’ont envoyé des messages d’amitié pour condamner ces méthodes de barbouze. In fine, c’est l’obligation de rétablir la véritéqui est la seule justification de cette tribune, que nous voulons courte, claire et précise. Si elle contribue à élever avec humilité le débat politique au Sénégal, nous enserons heureux, ultra petita.
De la Constitution et de la limitation des mandats
La première Constitution reconnue comme telle en Afrique est celle de la Charte duMandén proclamée entre 1222 et 1236 à Kouroukan Fouga par le Roi Soundiata Keïta(1190-1255). Du point de vue du Droit, le caractère oral de la Charte n’altére enrienson authenticité et sa légalité. En effet, la codification du droit ne peut être assujettieau seul critère de l’écriture, l’Angleterre en est au demeurant une belle illustration. Ceci, pour dire que les africains n’ont pas besoin d’aller chercher des modèles ailleurs qui ne sont, comme le disait l’immense Cheikh Anta Diop, “que les images brouillées et renversées des civilisations africaines”. En Europe, c’est Marinus, un modestetailleur de pierres, qui comprit l’importance du rôle de la Constitution dans le respect des droits et des libertés individuels, en dotant la Sérénissime République de Saint- Marin du premier texte reconnu comme tel, entre l’an 301 et 366. Atravers ses derniers mots: “Relinquo vos liberos ab utroque homine.” (Je vous fais libres parmi les hommes), il apparaît clairement pour Marinus que la quintessence d’uneConstitution est de libérer un peuple.
Auparavant, concernant la limitation des mandats et l’alternance qui en découle, l'historien Garrett Fagan nous renseigne (L'histoire de la Rome antique - DVD) que, pour lutter contre la corruption et pour favoriser le mérite au sein de l’élite, le dictateur romain Lucius Cornelius Sulla avait opéré des réformes constitutionnelles (entre 82 et 80 avant JC) en instituant un cursus honorum qui interdisait à tout haut fonctionnaire d’exercer un mandat plus d’un an. Aussi, fallait-il attendre dix (10) ans pour être reconduit dans les mêmes fonctions.
Si nous devons le principe de la séparation des pouvoirs, dans son acceptationactuelle, à John Locke qui l’a théorisée dans son second Traité du gouvernement civil (1690) en revanche, l’innovation majeure viendra des USA lors de la conventiondePhiladelphie de 1787. En effet, les Founding Fathers (les délégués des 13 anciennes colonies anglaises) ont codifié lors de cette convention la Constitution américainedans une clarté presque messianique qui en fait encore de nos jours l’une des Constitutions les plus rigides au monde. En effet, approuvée le 17 septembre 1787et entrée en vigueur le 4 mars 1789, elle n’a été modifiée que par vingt-sept (27) amendements, en deux cent trente-trois (+233) ans. D’ailleurs, c’est le XXIIeamendement de la Constitution des États-Unis qui fixe à deux la limite du nombre demandats que peut exercer le président des États-Unis, qu'ils soient consécutifs ounon. Introduit par Earl Cory Michener, l'amendement est adopté par le Congrès le 21 mars 1947 et entre en vigueur le 27 février 1951. Ce qu’il faut donc retenir, c’est quel’innovation de la convention de Philadelphie ne réside pas tant dans la Constitutiones qualité de “loi suprême” mais dans la création inédite du poste de président.
Nous remarquons de suite que de 1789 qui marque l’entrée en vigueur de laConstitution américaine à 1951 celle du vingt-deuxième amendement, soit 162 ans, il y a eu pas moins de 31 présidents qui se sont succédés à la Maison Blanche, sans aucune disposition constitutionnelle limitant le renouvellement de leur mandat. Eneffet, c’est le premier président des États-Unis George Washington qui, en déclinant vigoureusement un troisième mandat, établit de fait une jurisprudence non écrite. Lecas du troisième mandat de Franklin D. Roosevelt n’a aucune portée du point de vuede la doctrine, pour la simple raison qu’il a été institué durant la seconde guerremondiale et que Roosevelt est décédé avant son terme. Voilà comment le systèmepolitique aux États-Unis de “Check and Balance”, entre le président, d’une part, et leCongrès (Chambre des représentants plus le Sénat), d’autre part, participe en parfaiteintelligence de la bonne rotation de la vie démocratique américaine, sans que l’unpuisse dominer ou dissoudre l’autre. A l’exception de la procédure d’Impeachment et du Veto présidentiel, il n’existe aucune réciprocité d’action entre ces deux pouvoirs sans l’intervention expresse du pouvoir judiciaire.
De la limitation des mandats au Sénégal
Depuis son “indépendance” en 1960, le Sénégal a connu quatre (04) Constitutions (c- 1959, c-1960, c-1963, c-2001), dont trois (03) en quatre (04) ans seulement. C’est larévision constitutionnelle du 20 mars 2016 instituant le quinquennat qui nous intéresse dans le cadre de cet article. Or, ce débat ne devrait pas être une prioritépolitique notamment au vu de l’actualité et à moins de deux ans des prochaines élections présidentielles. C’est à croire que la volonté du législateur sénégalais, passémaître dans l’art du Chiaroscuro, n’était pas de trancher, à la finesse du rasoir d’Ockham, cette question de manière définitive. Au demeurant, l’article 27 de laConstitution du Sénégal dispose que “la durée du mandat du président de laRépublique est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.” cedernier alinéa est en réalité un ersatz, ou pour le dire de manière triviale, une pâlecopie de la révision constitutionnelle adoptée en 2008 en France qui elle même stipule textuellement que ”nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs”.
Notre thèse est que la constitution du Sénégal ne dispose d’aucune limitationdemandat mais plutôt d’un simple dispositif de rotation. C’est ce que nous allons démontrer, au-delà du principe élémentaire de la non rétroactivité de la loi.
Démonstration
“les français préfèrent un mensonge bien dit à une vérité mal formulée.” - Cioran
Dès la Section-1, le vingt-deuxième amendement de la Constitution des USAclôt ledébat. En effet, le texte énumère les trois conditions rédhibitoires et perpétuelles qui encadrent la durée d’un mandat (iii), le nombre de mandats (ii) ainsi que sapériodicité (i). En Finance, on parlerait de Cross-collatéralisation. En effet, que les mandats soient consécutifs ou non: c’est la périodicité. Ensuite, tout américain éligible n’a droit qu’à deux mandats présidentiels dans sa vie: c’est le nombre. Enfin, on en arrive à la disposition la plus subtile et la plus importante, celle de la durée, qui dispose qu’un mandat ne peut excéder quatre (04) ans mais surtout, qu’il est décompté dès que son titulaire a bouclé deux (02) ans à la Maison Blanche. C’est précisément l’absence de cette disposition de covalence dans la révisionconstitutionnelle du Sénégal de 2016 qui est la preuve absolue qu’il n’existe pas delimitation de mandat.
En effet :
1 -:- si le président démissionne avant la fin de son quinquennat ou qu’il y a unevacance temporaire du pouvoir de +24 heures, ce mandat ne peut lui être retiré deson décompte. Ainsi, pourra-t-il indéfiniment rejouer à ce jeu cauteleux, tant qu’unedisposition de covalence ne vienne y mettre un terme. Même le commun des mortels sait que l’abandon de poste avant l’échéance ne donne pas droit à une mensualité complète.
2 -:- en cas de vacance du pouvoir ou si le président en exercice démissionne, tout ancien président peut candidater pour deux nouveaux mandats consécutifs ou autant de fois qu’il voudra de manière non consécutive. C’est ce que les “Say-Say” appellent en Wolof le “Bara Yeggo”, qui consiste à roquer avec le dauphin de son choix, commece fut le cas entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev.
3 -:- Enfin, sur la non rétroactivité de la loi, il y a la jurisprudence Truman. En effet, la ratification du vingt-deuxième amendement a eu lieu durant la présidence de HarryS. Truman et tous les juristes étaient d’accord sur le fait qu’elle ne s’appliquait pas à lui. Or, le président Truman a eu l’élégance de ne pas briguer un troisième mandat.
Donc, il n’existe au Senegal qu’un système de rotation qui repose essentiellement sur le caractère consécutif et non une limitation du mandat présidentiel.
Fin de la démonstration
Pour qu’il existe une limitation des mandats dans une Constitution, il faut lacovalence d’un bloc de trois critères concentriques: la durée (i); la périodicité nonconsécutive (ii) et le glissement non rétractable, qui précise au bout de combien de temps un mandat est consommé de manière irréversible (iii); en aucun cas ce délai nepeut excéder la moitié d’un mandat.
Pour que nul n’en ignore, nous faisons partie des premiers à avoir informé qui dedroit, qu’en 2012 le président élu sera dans l’impossibilité de ramener son premier septennat à cinq (05) ans, à moins d’organiser des élections anticipées, malgré lapromesse électoraliste faite à l’époque. Notre argumentation a été confirmée par leConseil Constitutionnel. Ensuite, nous avons publié un article, (Harvard, janvier 2019), pour démontrer en quoi la loi sur le parrainage constituait une violationdusecret du vote. Deux ans plus tard, la Haute Cour de justice de la CEDEAOnous anon seulement donné raison, mais elle a repris textuellement notre argumentation. Pour ce qui est de notre choix de la discrétion, nous méditons sur les paroles del’Archevêque de Genève: “le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas du bien”.
Conclusion
Les débats contradictoires entre juristes sont la preuve de la vitalité de cette noblediscipline. Il en est de même partout où la manifestation de la vérité contribue aurayonnement de la science. En effet, tous les jours un haut magistrat cassel’ordonnance d’un juge du fond comme, par ailleurs, il arrive qu’un médecindémontre l’efficience et l’innocuité d’un traitement, là où d’autres spécialistes plaidaient pour une amputation. Ces deux disciplines n’ont pas le monopole del’erreur, d’ailleurs pour Confucius: “gouverner, c’est rectifier”. En revanche, le Sénégal gagnerait à inventer son propre système politique plus cohérent et plus solide pour les siècles à venir. Ces réformes nécessitent des discussions avec toutes les parties prenantes. Tous les spécialistes vous diront que le syncrétisme du système politiquesénégalais est un ovni inclassable avec une Constitution, aussi poreuse qu’un gruyère, qui tantôt relève d’un régime présidentiel, tantôt d’un régime semi-parlementaire, mais où le seul dénominateur commun est que tous les pouvoirs sont réunis entre les mains d’un seul homme. Si vous rajoutez à cette peste, le choléra des pseudo-experts et toutologues qui commentent les matchs de la veille avec des lapalissades pour alimenter le bruit et la fureur médiatique, il est à craindre que tous ces docteurs imaginaires ne fassent de la peine à ce pauvre Molière et son “malade imaginaire”. Nous nous acheminons dans moins de deux semaines vers les élections législatives or, l’assemblée nationale du Sénégal a perdu son lustre du temps de notre ami le brillant Abdourahim Agne. Elle nous rappelle cette épisode en Grande Bretagne duParlement croupion - Rump Parliament- (1648-1653) que Cromwell a fini par dissoudre. Un anglais très inspiré grava au frontispice: “Chambre à louer, nonmeublée”.
Enfin, dans notre entretien téléphonique avec ce Nick Roll (un anagramme del’agence KROLL, qui sait?), nous lui avons clairement démontré que le Sénégal nesombrera pas dans le chaos en 2024 et que toutes les élections intermédiaires sedérouleront dans le calme. En revanche, les images de la tentative de coup d’État du06 janvier 2021, orchestrée semble-t-il par Donald T-Rump et ses amis de l’extrême droite, resteront à jamais gravées dans les mémoires. Même un Sénégalais de 10ans peut vous expliquer qui est le candidat du Qatar et d’Al Jazeera aux prochaines élections présidentielles. Nous restons convaincus, qu’il est venu le temps irréversiblede l’indépendance et, comme le disait Bob Dylan “The Times They Are A-Changin”.
-:- Références -:- [1] -:- Constitution du Sénégal. Lien Internet [2] -:- Sow Thierno M., Sénégal, vers une élection présidentielle à deux second-tours. The Africa Policy Journal (APJ) at the John F. Kennedy School of Government at Harvard University. APJ 2018-2019 Edition (Volume XIV). Forthcoming 2019. Lien Internet
[3] -:- Sow Thierno M., Les sources d’instabilité au 21èm siècle. Sciences Po Paris / Commissariat à l’Énergie Atomique. Paris 2006-2007. Lien Internet
[4] Thierno M. Sow. Riemann Shatters The Gordian Knot. Paris-Geneva 2018. Lien Internet
[5] -:- Thierno M. Sow. The Soft Power. Sciences Po Paris 2008. Archives UNESCO.
[6] -:- Johnny H. Killian et George A. Costello (Congressional Research Service), The Constitution of the United States of America : Analysis and Interpretation, SenateDocument no 103-6, Washington, D.C., 1996.
[7] -:- John Locke :Traité du gouvernement civil, édition française, C. Vollandéd., Paris, 1802.
[8] -:- Abbott, Frank Frost (1901). A History and Description of Roman Political Institutions. Ginn and Company. p. 105.
DÉBAT REFUSÉ AVEC SONKO, MAIS QUE CRAINDRAIT DONC AMINATA TOURÉ ?
En exigeant d’Ousmane Sonko qu’il boucle lui-même un dossier politico-judiciaire qui traîne entre les mains d’un juge d’instruction depuis 17 mois, Aminata Touré trahit sa propre incapacité à soutenir un débat public avec son adversaire politique
A raison, beaucoup d’observateurs (et même des acteurs) de la vie politique ont mis le doigt sur la pauvreté du débat politique de fond qui devrait entourer les élections législatives du 31 juillet 2022. Les propositions visant à transformer l’Assemblée nationale en une institution forte, respectée et surtout utile ne sont pas réellement mises en évidence et en contradiction les unes par rapport aux autres à travers des affrontements entre candidats à la députation. La faute sans doute à mille et une lourdeurs qui maintiennent la démocratie de débats dans des postures plus personnelles que d’ordre programmatique.
Faut-il le rappeler, alors que les alternances s’enchainent dans notre pays depuis 2000, il n’y a jamais eu de débat présidentiel d’entre deux tours. Les présidents sortants qui se croient assez solides et jaloux de leurs positions ne prennent aucun risque qui les mettrait en danger face à leurs challengers d’opposition. L’opposant Abdoulaye Wade a en vain remué ciel et terre pour en découdre avec Abdou Diouf. Devenu Président, il a récidivé en 2012 – toujours sans succès - pour croiser le fer avec un Macky Sall qui était en ballotage plus que favorable pour le second tour. C’est à croire que seuls les perdants présumés auraient intérêt à débattre…
C’est à peu près dans cette même configuration qu’aurait dû se situer l’appel au débat lancé par Ousmane Sonko, chef de file de l’opposition mais non candidat aux législatives du 31 juillet, à Aminata Touré, tête de liste nationale de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar (BBY). Loin de la dimension affective et individuelle des joutes présidentielles, ces élections parlementaires n’en restent pas moins les plus dramatiques de ces dernières années en termes d’enjeux eu égard à la puissance des adversités entre le camp présidentiel et l’opposition de la mouvance Yewwi.
Violence contre violence
Pour accepter le débat avec Ousmane Sonko, Aminata Touré lui a opposé de nombreux « préalables » : le renoncement à la violence, la condamnation du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), un « soutien sans faille à l’Armée nationale », sa reconnaissance « du caractère multiethnique de la Casamance comme partie intégrante et inséparable du Sénégal », son engagement « à respecter les institutions qu’il attaque régulièrement », et enfin « que Ousmane Sonko se lave de toutes les accusations graves dans le dossier pendant en justice car elle (Aminata Touré) milite depuis de longues années pour la protection morale et physique des femmes vulnérables. »
Cette liste de « préalables » non négociables dressée par l’ancienne première ministre suffit à elle seule pour valider une fuite en avant on assumée. Comment exiger d’un adversaire politique qu’il « renonce publiquement à la violence » alors qu’il accuse - justement ou injustement - votre camp d’être la source et le vecteur des dites violences ? Aminata Touré a-t-elle une seule fois condamné les dérapages ethnicistes et les appels à la violence de ses propres amis politiques – Aliou Dembourou Sow et ses machettes, Lat Diop et Hamath Suzanne Camara et leur apologie du meurtre contre Ousmane Sonko ?
Si le thème de la violence est opportunément érigé en poncif politicien par le camp présidentiel pour faire écran sur des faiblesses intrinsèques de taille, les autres « préalables » relèvent davantage d’une démarche populiste dont le but ultime est de fermer la porte à tout débat. Par exemple, comment exiger d’un simple justiciable sénégalais qu’il hâte lui-même son procès éventuel (où son non-lieu) dans une affaire dont l’avancée dépend de la volonté du juge d’instruction qui en a la charge ?
Le bilan du président Sall, un boulet
La qualité boiteuse des conditionnalités dressées en barrage par l’ancienne ministre de la Justice pour sa protection et celle de son camp ne peut masquer les motivations derrière une fuite en avant mâtinée de prétextes en phase avec l’air du temps chez une partie de l’opinion publique. Mais leurs limites ne peuvent échapper à la critique et aux observateurs de bonne foi.
Le bilan du président Macky Sall ne peut certes être ravalé à un zéro pointé, mais dix ans après son arrivée au pouvoir, défendre publiquement ledit bilan – qui plus est dans un débat radiotélévisé qui se prolongerait sur les réseaux sociaux et intéresserait de près la presse étrangère – à quelques jours de scrutins législatifs cruciaux ne serait pas loin du suicide politique prémédité. Ne serait-ce pas là la raison cachée de cette multiplication effrénée de barrières ?
Au fond, Aminata Touré – auteure jusqu’ici d’une campagne électorale dynamique - avait une seule bonne raison de «sécher» la confrontation médiatique avec Ousmane Sonko. Elle aurait consisté à dire : « je suis candidate, vous ne l’êtes pas, donc pas de débat possible entre nous. » Et le débat serait clos ! Et elle aurait été inattaquable.
par Momar Dieng
COHABITATION, L'EFFRAYANTE PERSPECTIVE QUI TOURMENTE MACKY SALL ET MOTIVE SES OPPOSANTS
Quelle mouche a bien pu piquer le ministre de la Pêche Alioune Ndoye pour déclarer : « si les députés (de l’opposition) veulent bloquer le gouvernement, le président va dissoudre l’Assemblée nationale. C’est la Constitution qui le permet » ?
Quelle mouche a bien pu piquer le ministre de la Pêche Alioune Ndoye qui déclare : « si les députés (de l’opposition) veulent bloquer le gouvernement, le président (de la République) va dissoudre l’Assemblée nationale. C’est la Constitution qui le permet.»
Ce que la tête de liste départementale de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY) oublie de préciser, c’est que l’article 87 de cette même Constitution ne permet la dissolution d’une Assemblée nationale nouvellement élue qu’après deux années de législature. En d’autres termes, cela ne serait possible qu’en juin ou juillet 2024, soit plus de trois après l’élection présidentielle de cette année-là...
En réalité, les propos du candidat socialiste pro-BBY dans la capitale cachent mal l’effrayante perspective que constituerait pour le président Macky Sall une cohabitation politique au sommet du pouvoir avec une majorité parlementaire d’opposition. Qui sortira vainqueur des élections législatives du 31 juillet 2022 ? Personne ne le sait ici et maintenant. Mais Aminata Touré, tête de liste nationale de la coalition présidentielle, a le mérite et l’honnêteté d’éclairer la lanterne d’une certaine opinion publique.
« Gouvernement et législatif contrôlés par l’opposition »
Avant et surtout depuis le début de la campagne électorale, les principaux responsables de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi et leurs alliés de Wallu théorisent une potentielle victoire qui réduirait drastiquement les pouvoirs et la marge de manœuvre du Président de la République. Cela s’appellerait « cohabitation ». Un scénario qui n’a jamais pratiquement existé au Sénégal et que le constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda Mboup explique en ces termes sur sa page Facebook :
« En période de cohabitation, le gouvernement et lelLégislatif seront contrôlés par l’opposition. Le président de la république va devenir, selon la maxime de Gambetta, un monarque qui règne mais ne gouverne pas…»
Et pour confirmer les mots d’Aminata Touré, le juriste Ngouda Mboup va plus loin en ce qui concerne l’état de prisonnier dans lequel est pris le chef de l’Etat en exercice s’il ne parvient pas à conserver et consolider sa majorité parlementaire, et donc si la nouvelle majorité appartient à ses adversaires (articles 55 et 86 de la Constitution).
« L’Assemblée nationale peut renverser le Gouvernement si le Président refuse de nommer un premier ministre issu de l’opposition », souligne le juriste.
En parlant du « monarque qui règne mais ne gouverne pas», Ngouda Mboup pensait peut-être, entre divers exemples, à l’une ou aux deux cohabitations survenues en France.
D’abord quand le socialiste François Mitterrand, arrivé au pouvoir en mai 1981 après plus de vingt ans d’opposition, est contraint de nommer premier ministre le libéral gaulliste et conservateur Jacques Chirac dont le parti (Rassemblement pour la république, RPR) arrive premier aux législatives de mars 1986. Cette cohabitation durera jusqu’en mai 1988.
Ensuite lorsque le même Mitterrand, pourtant réélu pour un second septennat 1988-1995, doit vivre une deuxième cohabitation avec un autre premier ministre de droite, Edouard Balladur, aux termes des législatives de 1993. L’élection victorieuse de Jacques Chirac en 1995 contre…Edouard Balladur, la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans à partir de 2002, et le placement des législatives dans la foulée de la présidentielle ont favorisé depuis une concordance des majorités présidentielle et parlementaire.
Malgré sa victoire présidentielle du 19 avril 2022 contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron s’est retrouvé avec une courte majorité parlementaire aux législatives de juin. Une assemblée nationale fortement renouvelée avec deux fortes minorités d’opposition a émergé : le Rassemblement national (RN) d’extrême droite (89 députés) et la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), une alliance de gauche suscitée par Jean-Luc Mélenchon (137 députés).
« Inenvisageable ». C’est le qualificatif utilisé par un membre de la majorité présidentielle sénégalaise pour récuser toute perspective d’un partage quelconque des pouvoirs entre le chef de l’Etat et ses opposants aux termes des législatives du 31 juillet prochain. Ce synopsis politique n’est pas loin d’équivaloir à une fin de monde pour Macky Sall lequel ne s’en cache pas d’ailleurs.
« L’opposition veut une cohabitation ? Vous savez très bien que, même dans les pays développés, c’est rarement une réussite. Je ne peux imaginer un tel scénario au Sénégal. Nous sommes sous un régime présidentiel : on élit un président et on lui donne, dans la foulée, une majorité pour gouverner. Le passage du septennat au quinquennat a modifié l’ordre des choses, mais ne change rien sur le fond : le sénégal, comme l’Afrique, a besoin de stabilité. » (in « Jeune Afrique » juin 2022)
La stabilité du Sénégal et de ses institutions dépend néanmoins des comportements des électeurs lors des scrutins, d’autant plus que les législatives ne sont plus « dans la foulée » de l’élection présidentielle. Principal chef de l’opposition sénégalaise et de la coalition Yewwi Askan Wi, Ousmane Sonko a donné à ces législatives un double sens : imposer la cohabitation politique à Macky Sall en obtenant une majorité de députés, et lui enlever toute envie de postuler à une troisième candidature présidentielle en 2024.
Selon des sources médiatiques, le président Sall a mis un paquet financier important dans ces élections parlementaires dont l’issue transformerait sa trajectoire politique, en bien ou en mal. Une défaite de ses troupes serait d’autant moins supportable que, note le juriste Ngouda Mboup, deux leviers constitutionnels seraient alors entre les mains de la majorité parlementaire imposée par les urnes.
D’une part, sur la base de l’article 100 de la Constitution, le parlement va élire les nouveaux membres de la Haute Cour de Justice. Et d’autre part, avec l’article 101, « la majorité parlementaire peut mettre en accusation le premier ministre, les ministres et le président de la République » lui-même.
Eu égard aux rancœurs nées de l’adversité violente qui oppose Macky Sall à certains de ses opposants dont le moindre n’est pas Ousmane Sonko, il est effectivement plus sage pour le chef de l’Etat et ses partisans de considérer une cohabitation comme perspective politique inenvisageable au soir des élections du 31 juillet. Cela, ce sont les électeurs sénégalais qui en décideront. A moins que le candidat Alioune Ndoye révèle ce que sont « les moyens » du président Sall pour « contourner (le) plan » de ses opposants au niveau de l’hémicycle.