Depuis trois ans, les marchés financiers ont montré des visages très différents. En effet, après une brutale chute entre mars et mai 2020, les cours ont rebondi fortement avant de repartir à la baisse depuis février 2022. Par exemple, le CAC 40, entre le 24 janvier 2020, date de la déclaration du premier cas de coronavirus en France, et le 23 février 2022, veille de l’invasion russe en Ukraine, a augmenté de plus de 1 000 points en franchissant au passage son niveau historique du 04 septembre 2000, au-delà du seuil symbolique des 7 000 points.
Mais l’année 2022 a aussi été marquée par des corrections récurrentes sur la plupart des bourses européennes et américaines.
L’indice S&P 500 a ainsi significativement baissé en février dernier. De son côté, le CAC 40 a perdu 15 % de sa valeur, passant d’un niveau de 7100 le 10 février à 6000 le 13 juillet dernier.
COURS DU CAC 40 DEPUIS FEVRIER 2020
Certains facteurs intrinsèques au monde de la finance peuvent notamment expliquer l’alternance de ces dynamiques haussières et baissières. Au début de la pandémie, en 2020, les investisseurs avaient anticipé une baisse des profits, conséquence de l’arrêt d’une partie de l’activité économique.
En conséquence, ils ont réduit leurs investissements ce qui a provoqué des ventes massives de titres et la baisse de leurs prix. La tendance s’est inversée une fois la première vague du Covid19 passée car les investisseurs ont été rassurés par les déclarations et interventions des banques centrales, ce qui a impacté leurs primes de risque et par conséquent leur demande de titres. Dès 2021, certaines entreprises ont réactivé leurs politiques de distribution des dividendes augmentant d’autant plus l’appétit des investisseurs pour les actifs boursiers.
« CRISE PERMANENTE »
S’ajoutent à ces facteurs financiers la « nouvelle » perception des investisseurs de cette crise sanitaire et un effet d’apprentissage difficile à cerner. Apprenant à vivre avec la pandémie, plus les investisseurs intègrent la notion de « crise permanente », moins ils ont tendance à paniquer et plus ils actent et renforcent les dynamiques de marché. On en veut pour preuve l’examen du VIX, indice de volatilité du S&P500 aussi appelé « indice de la peur ».
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En effet, lors de la première vague du Covid-19, le VIX a augmenté de plus de 45 %, révélant un état de nervosité et de panique des investisseurs à même d’expliquer en partie la brutalité de la chute des marchés en mars 2020. Néanmoins, au fur et à mesure que la pandémie semblait s’installer dans la durée et que les investisseurs commençaient à s’y familiariser (port du masque, télétravail, distanciation sociale, etc.), les variations du VIX, et donc du niveau de peur, se sont atténuées. Les investisseurs ont ensuite repris confiance avec comme conséquence et le retour des investissements sur le marché. Si le VIX n’est pas reparti à la hausse ces derniers mois, il n’en demeure pas moins qu’il existe désormais une forme d’inquiétude sur les marchés qui expliquent les récentes corrections. En effet, la période post-Covid-19 a marqué le retour de l’inflation aux États-Unis et en Europe, incitant les banques centrales à réduire leurs programmes d’achat des actifs financiers et à augmenter leurs taux.
LE RETOUR DE LA VOLATILITÉ
Ce virage opéré par la Réserve fédérale américaine (Fed) comme, peu après, par la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que l’assouplissement progressif des mesures économiques de soutien de la crise Covid-19 ne semblent pas rassurer les investisseurs. Ces derniers craignent désormais une baisse de la liquidité et une augmentation du coût des crédits. Des facteurs extrafinanciers, dont en premier lieu la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe du 24 février dernier, et le choc sans précédent sur le marché des matières premières, pèsent en outre sur le cours des marchés. [Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui] Cependant, ceux-ci ne se sont pas effondrés. Depuis cette date funeste, l’évolution des grands indices se caractérise davantage par des hausses et et des baisses successives très importantes. Même si la volatilité ne bat pas les records de début 2020, elle atteint à nouveau des niveaux significatifs. Par exemple, sur le front des valeurs technologiques, le Nasdaq a connu une baisse remarquable en juin, et des fintechs comme PayPal ou Square ont été fortement affectées par les corrections dans ces secteurs (les investissements des Américains sur des valeurs à la mode pendant la période du confinement laissaient sans doute augurer des phénomènes de réajustements assez violents). Plusieurs analyses concourent pour expliquer l’imprévisibilité de ces dynamiques boursières : D’abord, les arbitrages des investisseurs eux-mêmes. Ces derniers, considérant parfois injustifiée les baisses significatives de certaines valeurs, se ruent sur les actions dont ils estiment la valorisation sous-estimée, ce qui provoque des ruées importantes sur certains titres. Pourtant, dans ce cas, les mouvements de hausses n’ont souvent rien de durables ; il s’agit en général d’ajustements temporaires.
RECUL DU PIB AMÉRICAIN
Deuxième explication, plus monétaire : plusieurs acteurs du marché semblent indiquer que le « pic de la Fed » aurait été atteint, ce qui signifie que la banque centrale américaine ne pourrait pas se risquer à une remontée plus brutale de ses taux. La perspective de cette modération pourrait avoir un effet incitatif sur les investisseurs. Une troisième explication, plus structurelle, tient aux cycles économiques et au marché lui-même. Aux États-Unis, il y a un fort lien de dépendance entre les marchés boursiers et le niveau d’activité à court terme. En période d’expansion, les actions des valeurs américaines ont tendance à se valoriser, alors qu’après le retournement du cycle, des ajustements importants sont souvent constatés. Le recul surprise du PIB de 1,4 % en rythme annuel au premier semestre aux Étas-Unis a donc de quoi inquiéter les marchés. Il apparaît clair désormais que l’inflation (voire la possible stagflation) et la politique des banques centrales ont pris le pas sur l’incertitude liée au Covid-19. Les anticipations des grandes institutions sont, semaine après semaine, toujours plus sombres ce qui pourrait inciter nombre d’investisseurs à se reporter sur des actifs potentiellement plus sûrs. Ce sont désormais ces facteurs qui, semble-t-il, préoccupent aujourd’hui vraiment les investisseurs.
par l'éditorialiste de seneplus, jean-claude djéréké
AMILCAR CABRAL, LE POÈTE ET LE COMBATTANT POLITIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - À la fois théoricien et homme de terrain, il se distingue par une maîtrise des réalités africaines. Il croyait que la culture africaine a survécu à toutes les tempêtes, réfugiée dans l’esprit des générations victimes du colonialisme
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 19/07/2022
Ses parents étaient de nationalité cap-verdienne et avaient émigré en Guinée-Bissau qui, à l’époque, était une colonie portugaise. En 1945, Amílcar Cabral, âgé de 21 ans, débarque à Lisbonne (Portugal). Bien qu’aimant les lettres, il choisit d’étudier l’agronomie. Dans la capitale portugaise, il côtoie d’autres étudiants africains qui sont contre le colonialisme. Il s’agit, entre autres, des Angolais Agostinho Neto et Mário Pinto de Andrade, des Mozambicains Eduardo Mondlane et Marcelino dos Santos. Ensemble, ils fondent en catimini le Centro de Estudos Africanos dont le but est la promotion de la culture des peuples noirs colonisés. Grâce au Parti communiste portugais, ils reçoivent des ouvrages interdits par le régime de Salazar.
Cabral rentre au pays en 1952. Chargé du recensement agricole, il est obligé de parcourir la Guinée-Bissau pendant deux ans. En 1954, il pense qu’une organisation politique nationaliste pourrait lui permettre d’améliorer les conditions de vie des populations et de débarrasser le pays du colonialisme portugais mais sa tentative de créer cette organisation échoue. Cabral est expulsé de Guinée. De 1954 à 1958, il travaille pour plusieurs compagnies agricoles en Angola. Parallèlement, il s’intéresse à la Négritude de Senghor, Césaire et Gontran Damas et au marxisme. En 1956, il est autorisé à retourner en Guinée. La même année, avec son demi-frère Luis Cabral, Aristide Pereira, Abílio Duarte et Elisée Turpin, il fonde le PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et des îles du Cap-vert). En 1961, il participe, au Caire, à la troisième conférence des peuples africains. Lors de sa prise de parole, il attire l’attention des participants sur la nécessité de l'analyse concrète de chaque situation concrète pour combattre le colonialisme. Le PAIGC à la tête duquel il a été porté commence à organiser et à former politiquement la société. C’est à partir de 1963 que Cabral et ses compagnons embrassent la lutte armée.
Pourquoi prennent-ils les armes ? L'armée portugaise avait massacré des dockers de Pidjiguiti qui s'étaient mis en grève en août 1959. Cabral comprit alors que les Portugais ne voulaient pas lâcher du lest et qu’il était illusoire de croire que la négociation pourrait les amener à changer d’avis. La lutte est menée à partir des pays voisins (la Guinée-Conakry et la Casamance, une province du Sénégal). Progressivement, le mouvement gagne du terrain en dépit d’importants moyens militaires déployés par le Portugal, en dépit des bombes au napalm que les colons lâchent sur les populations. Il contrôle 50 % du territoire en 1966, puis 70% en 1968. Il installe des structures politico-administratives dans ces régions.
Comme Frantz Fanon, dont il est idéologiquement proche, Amilcar Cabral prône, dans ses textes, la résistance culturelle tout en fustigeant la colonisation. Ces textes seront publiés en 1975 sous la direction de Mário de Andrade, aux éditions Maspero, sous le titre : ‘L’arme de la théorie’. Il y affirme, par exemple, qu’il est nécessaire d’avoir conscience de la lutte à chaque moment, que lui et ses camarades ne sont pas des militaires mais des militants armés, que la vraie démocratie suppose que le peuple soit impliqué dans toutes les décisions le concernant, que les colonialistes ne nous ont pas fait entrer dans l’Histoire mais qu’ils nous ont fait sortir de l’Histoire, de notre propre Histoire pour les suivre dans leur train, à la dernière place. Les écrits de Cabral parlaient aussi de la lutte contre nos propres faiblesses, lutte dont il reconnaissait qu’elle était la plus difficile.
Mais Amilcar ne se contente pas d’écrire. Il est aussi présent sur le front diplomatique. Il voyage et rencontre des dirigeants dans le but de faire connaître son mouvement et de rallier à la cause de son pays le maximum de sympathies. Il est reçu par le pape Paul VI et par les dirigeants soviétiques, bénéficie du soutien de Fidel Castro et de Sékou Touré. En janvier 1960, il prend part à la seconde conférence des peuples africains à Tunis, puis va à Conakry en mai. En juin, il participe à une conférence internationale à Londres. C’est au cours de cette conférence qu’il dénonce pour la première fois le colonialisme portugais. Sa déclaration sera publiée en Angleterre sous le pseudonyme d’Abel Djassi. Si Cabral ne se montre guère tendre avec le colonialisme, il affirme toutefois qu'il se bat contre le système colonial instauré par le Portugal, et non contre le peuple portugais.
En octobre 1972, des élections sont organisées sur les territoires contrôlés par le PAIGC. À la suite de ces élections, une Assemblée nationale est mise en place, ce qui pousse l’ONU à reconnaître le PAIGC comme “le véritable et légitime représentant des peuples de la Guinée et du Cap-Vert”. Malheureusement, Amílcar Cabral est assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry par des membres de la branche militaire du parti, avec le soutien de la police secrète portugaise. Il disparaît, six mois seulement avant l’indépendance de la Guinée-Bissau proclamée le 10 septembre 1974.
Triste fin pour un homme qui aimait son pays et combattit farouchement pour lui. Il est mort comme Patrice-Emery Lumumba, c’est-à-dire trahi par ses propres frères qui certainement voulaient s’enrichir rapidement et vivre dans le luxe. Sékou Touré attribue l’assassinat d’Amílcar Cabral à Innocente Camil, commandant de la marine du PAIGC, qui avait établi son quartier général dans une ville proche de la frontière avec la Guinée-Conakry. Mais Amílcar n’a pas été oublié par les gens pour qui il s’est battu car le peuple se souvient toujours de ceux qui défendent son honneur et sa dignité et qui se sacrifient pour lui. Que ce soit en Guinée-Bissau ou dans d’autres pays africains, ce peuple lui a exprimé sa reconnaissance en donnant son nom à une compétition de football, à des lycées à Ségou (Mali), à Ouagadougou (Burkina Faso), à Brazzaville (Congo), à Ziguinchor (Sénégal), à Macenta (Guinée) et à Assomada (Cap-Vert). Non seulement l’aéroport de Sal (Cap-Vert) mais plusieurs voies et boulevards portent son nom en Martinique, au Sénégal, en Algérie et en France.
Cabral, qui croyait que “la culture africaine a survécu à toutes les tempêtes, réfugiée dans les villages, dans les forêts et dans l’esprit des générations victimes du colonialisme”, a laissé d’importantes études politiques dont ‘Pratique révolutionnaire. L'arme de la théorie’ (1966) et ‘Culture et libération nationale’ (1970).
Inutile de dire qu’il est entré dans l'Histoire par la grande porte. Il n’est pas seulement un de nos illustres héros. C’est aussi un digne fils de l'Afrique et un grand révolutionnaire. À la fois théoricien et homme de terrain, il se distingue par une maîtrise de la culture et des réalités africaines. Il était en phase avec les attentes des populations. Pour lui, le pouvoir est au service du peuple et le peuple compte plus que tout. Il estimait donc que tout devrait être fait pour l’épanouissement du peuple.
En Afrique, pendant les campagnes électorales, il n’est pas rare d’entendre certaines personnes dire qu’elles briguent tel ou tel poste pour changer la vie des populations mais, une fois parvenues au pouvoir, la seule chose qu’elles réussisent à faire, c’est de s’enrichir outrageusement sur le dos de ces populations, d’accumuler terrains, villas et voitures pendant que le peuple croupit dans la misère. La vision et le vécu de Cabral étaient tout autres comme on peut le voir dans la déclaration suivante :“Nous ne luttons pas simplement pour mettre un drapeau dans notre pays et pour avoir un hymne mais pour que plus jamais nos peuples ne soient exploités, pas seulement par les impérialistes, pas seulement par les Européens, pas seulement par les gens de peau blanche, parce que nous ne confondons pas l’exploitation ou les facteurs d’exploitation avec la couleur de peau des hommes ; nous ne voulons plus d’exploitation chez nous, même pas par des Noirs.”
Après l'émotion suscitée par la bouderie de Sonko, il est venu le temps pour nous Rtsiens de nous arrêter et de nous interroger sur la notion même de service public
C'est en ma qualité de membre de la grande famille de la RTS que je me permets d'intervenir sur le débat soulevé par le rejet du micro de la RTS par Ousmane Sonko, leader de YAW. Un acte diversement apprécié et différemment condamné par les confrères et consoeurs.
Après l'émotion suscitée par la bouderie de Sonko, il est venu le temps pour nous Rtsiens de nous arrêter et de nous interroger sur la notion même de service public. Le concept peut être appréhendé sous plusieurs angles et suivant le lieu où on se situe. De toutes les approches émises en France, aux EtatsUnis ou en Afrique subsaharienne, la définition de Jay Blumler et ses collègues me semble la plus apte à cerner le sens de la controverse. Ils définissent le service public de l'audiovisuel comme « répondant à des principes tels que l'universalité géographique (le signal doit atteindre toute la population), l'éthique d'une offre complète, des mandats généraux, la diversité, le pluralisme et la variété (satisfaction d'un large éventail d'opinions et de goûts), la dimension non commerciale, et le rôle politique de la médiatisation des débats contradictoires au sein de la sphère politique ».
A la lumière de ces caractéristiques qui fondent le service public, chacun d'entre nous peut se faire en observation des pratiques à la RTS sa propre opinion du respect ou non des missions du service public par les dirigeants de l'institution. La pratique partisane dans le service public de l'audiovisuel est congénitale à la création même de la structure sous les auspices du président poète dans un contexte de monopole. Les autorités ont toujours considéré la radiodiffusion télévision comme un instrument de pouvoir et y ont imposé d'autant plus facilement un monopole. Un régime de propriété publique qui garantit à l'Etat le contrôle exclusif de l'activité de la chaîne de télévision. La télévision est ainsi un instrument du pouvoir lui permettant d'étaler sa mainmise sur toutes les structures avec un contrôle étroit des personnels et un usage exclusif du média comme moyen d'information et d'orientation.
Donc un monopole de fait accentué par l'étroite dépendance financière, le choix des responsables proches des dirigeants politiques et qui se traduit par une intervention quasi permanente de la classe dirigeante, à la fois sous forme de propagande pour les idées et les personnes du pouvoir politique, et de censure pour tout ce qui pouvait s'opposer à elles ou leur déplaire. Par nécessité de cohérence vous me permettrez de revenir sur les caractéristiques du service public en son dernier point : « le rôle politique de la médiatisation des débats contradictoires au sein de la sphère politique » pour décrypter si besoin en est le comportement de Sonko qui à mon avis n'est pas un signe de désaveu de l'équipe de la télévision nationale mais plutôt un signe de dépit et de dédain envers ses dirigeants.
En ce sens d'ailleurs j'adhère totalement à la réflexion d'Abdoul Ba dans son livre (Télévisions, paraboles et démocratie en Afrique, Harmattan, p.56), à propos du pouvoir exercé en Afrique dans un espace délimité par ses détenteurs et non par des lois. Il dit: « c'est ainsi que la télévision africaine en est toujours à faire état de la ''pensée du jour du chef de l'Etat, à évoquer par le détail, la plus insignifiante de ses audiences, le plus menu de ses déplacements. Le rôle de la télévision en Afrique a toujours été de faire écho de cette ''vérité décrétée d'en haut'' ».
La Radiodiffusion Télévision, faut-il le rappeler, doit être nationale. Elle doit oeuvrer à satisfaire tous les publics. L'argent qui y est injecté n'est pas l'argent d'un homme politique fut-il le président de la République ni d'un parti politique fût-il le parti au pouvoir. C'est l'argent du contribuable sénégalais qui finance l'audiovisuel public, qui paye ses employés et ses missions. La RTS et ses agents ne sont redevables qu'au peuple sénégalais et non à aucune autre personne ou entité. Nous ne pouvons plus fonctionner en ce 21e siècle comme il y'a plus de 40 ans.
Les ruptures sont devenues nécessaires. Ne pas les faire, c'est simplement ne pas comprendre les enjeux actuels de la communication. A l'heure du numérique et des plateformes digitales, à l'heure où les penseurs et les experts emettent la thèse de l'avenir même de la télévision traditionnelle pour ne pas dire sa disparition, au moment où youtube et Netflix offrent des possibilités immenses de création de chaînes de télévision, la télévision traditionnelle est obligée de s'adapter ou elle disparaitra. Les téléspectateurs, pour s'informer n'ont plus besoin d'attendre le 20h. Le web tend à remplacer les chaînes de télévision. Il propose un choix infini de contenus, il a fragmenté l'audience, éclaté les usages et a basculé vers une distribution généralisée.
En dépit des frustrations nées du comportement de Sonko, il nous faut être lucide et repenser le service public de l'audiovisuel si nous ne voulons être laissés à quai par le train de l'histoire. Il y a certaines pratiques à bannir. Depuis presque 10 ans, aucun parti politique de l'opposition n'est invitée à la télévision nationale. Même les partis de la mouvance présidentielle excepté l'APR ne voient presque pas leurs activités politiques couvertes par la télévision nationale qui appartient à tous les sénégalais.
LA RTS EST ABSENTE SUR TOUS LES DÉBATS QUI INTÉRESSENT LE PEUPLE :
- même pas de off pour les manifestations des syndicats, contre la vie chère, contre l'agenda LGBT de samm jikoyi. Rien
- aucun débat contradictoire sur l'exploitation de nos ressources pétrolières, gazières , minières et halieutiques. Rien
-aucun débat contradictoire sur les réformes institutionnelles et politiques.
Les rares émissions politiques sont orientées et animées par des présentateurs acquis à la cause des hommes politiques au pouvoir. Dans ce cas comment voulez-vous que la RTS soit en phase avec les téléspectateurs? Nous ne sommes plus au temps de la pensée unique. Si la RTS en tant que service public ne joue pas son rôle, les réseaux sociaux sont là. je vous invite à nous regarder en face et de nous dire la vérité. La RTS a de grands professionnels pétris de talents, mais qui n'émergent jamais. Pourquoi?
Je vais conclure par cette digression. J'ai entendu quelque part Sonko être traité de nul en communication. Ce n'est pas mon avis même si politiquement je ne suis pas avec lui. Je pense qu'en tant qu'inspecteur des impôts de formation, il est bon en communication. La communication repose sur deux leviers : une cible et la stratégie pour l'atteindre. Je crois qu'il a réussi les deux sinon pourquoi cette levée de boucliers?
Par Serigne Saliou GUEYE
FAUT-IL BRÛLER LA RTS ?
Voilà une télévision censée être au service des Sénégalais malheureusement transformée en instrument de propagande pour les différents présidents du pays. Le culte du chef y a atteint son paroxysme
Lors de l’étape de Tivaouane de sa tournée de campagne électorale, le 16 juillet dernier, la tête de liste nationale de Yewwi Askan Wi a, à l’entame de son propos, dit aux militants surchauffés ceci : « Je voudrais avant d’aborder le vif du sujet, qu’on me retire ce micro (ndlr : micro RTS). Et savez-vous pourquoi j’ai dit cela ? Après que Macky Sall et ses suppôts du Conseil constitutionnel ont manœuvré pour invalider illégalement notre liste titulaire proportionnelle, je me demande pourquoi la RTS nous filme parce qu’elle ne le diffusera jamais. La RTS est financée avec nos impôts. Chaque année, on lui alloue des milliards. Et pourtant, elle ne couvre les activités de l’opposition que pendant des élections. Vous trouvez cela normal ? Chaque jour, ce sont les activités de Macky Sall qui sont diffusées alors qu’il est dit dans nos textes que la RTS doit animer des émissions plurielles où l’opposition doit avoir accès. Macky a nommé à la tête de la RTS un politicien qui est à son service.
A chaque élection, la RTS s’empresse de venir nous filmer. C’est pourquoi, j’ai dit au départ de me retirer ce micro et de le jeter là-bas ». Et dès l’instant que cette déclaration a été faite à l’endroit de la RTS, les indignations et les condamnations ont fusé du côté du pouvoir. Mais la réponse la plus violente émane du directeur général de la RTS, Racine Talla : « Ousmane Sonko ne fait partie d’aucune liste, il a voulu parasiter la tête de liste pour sortir à la Télé. Le micro de la RTS est destiné à la tête de liste, s’il veut maintenant profiter de son temps de parole pour demander d’enlever le micro de la RTS, c’est parce qu’il cherche du buzz. Il ne cherche que ça…
Ils cherchent à faire des actions d’éclat pour que cela soit relayé par la presse. La RTS est une institution publique et qu’à cet effet, on lui doit respect. Ce sont des Sénégalais qui y travaillent et qui sont en mission pour le Sénégal. S’il cherche du buzz qu’il aille le chercher ailleurs, mais pas à la RTS. Sonko est nul en communication, ils sont nuls en communication, ils sont nuls en politique. En politique pour eux, c’est la violence, en communication, ils pensent que ce sont des insultes, des insanités, des manques de correction à l’égard de fils du pays et serviteurs du pays comme les agents de la RTS. Nous demandons à l’État et au CNRA de prendre toutes leurs responsabilités face à ces comportements incorrects. Nous ne pouvons pas laisser la presse à la merci de ces aventuriers. Ils profitent des tribunes publiques pour humilier les gens, mais jamais ils ne réussiront à humilier la RTS. »
Et voilà que, à la suite des propos de son directeur général, la RTS est sortie de ses gonds pour flétrir à travers un communiqué le geste de Ousmane Sonko à travers lequel se reconnaissent plusieurs journalistes de la RTS et au-delà des millions de Sénégalais.
La carence intellectuelle du patron de la RTS
Une telle réponse témoigne de la carence intellectuelle du patron de la RTS. A moins qu’il ne cherche à faire de l’amalgame. Car tout le monde — les observateurs de bonne foi tout au moins — sait que la mise à l’écart du micro de la RTS ne visait pas le journaliste de la RTS préposé à la couverture du meeting de l’inter-coalition Yewwi/Wallu. Tout le monde reconnait que le journaliste Ousmane Mbengue exerce le métier avec professionnalisme. Ceux qui écoutent la radio nationale, qui est de loin meilleure que la télé nationale, savent que le jeune Ousmane dirige avec brio ses émissions où toutes les franges sont invitées. C’est pourquoi vouloir déceler une velléité d’humiliation d’un confrère relève d’une mauvaise et d’une tentative d’absoudre les nombreux manquements de la RTS dans le traitement déséquilibré de l’information. La quasi-totalité des Sénégalais se reconnaissent dans le geste de Sonko. L’appellation Rien Tous les Soirs pou désigner la RTS est pleine de signification à cet égard. Et tout le monde est convaincu que la RTS a besoin de profondes réformes quant à son mode de fonctionnement, de financement et management. Il ne sert à rien de mettre des milliards dans une structure à laquelle beaucoup de Sénégalais ont tourné le dos.
RTS : on se soumet ou on est démis
Voilà une télévision qui devait être au service des Sénégalais et qui est malheureusement transformée en instrument de propagande pour les différents présidents du Sénégal et ce de Senghor jusqu’à Macky Sall en passant par Diouf et Wade. Les médias d’Etat n’ont jamais été au service du public comme le définit leur statut, mais au service du Prince et de sa famille politique. La RTS, dans son fonctionnement actuel, est un médium de service privé à capitaux publics ! Il est regrettable de le constater mais, sous l’ère des « libéraux » Wade et Macky Sall, la RTS, avec plus de moyens logistiques et humains, a fait un grand bond en arrière. Plutôt que de libéraliser ce médium, ces deux présidents l’ont plus encore étatisé battant même sur ce plan les socialistes ! C’est dire…
Les émissions du temps de Diouf qui donnaient à l’opposition un temps d’antenne ont été supprimées. Wade avait fini par avoir son équipe télé à la présidence. Macky l’a densifié. Pendant ses voyages, seule la RTS l’accompagnait. Les rares organes qui, de temps à autres, été invités par ses soins y envoient leurs journalistes, sont ceux étiquetés proches du pouvoir. Depuis 2012, le journaliste Racine Talla dirige d’une main de fer la RTS. Et met en œuvre une propagande digne des heures les plis noires du défunt régime soviétique. Ce n’est pas pour rien que, dans les colonnes de ce journal, nous l’avons surnommé Brejnev Talla ! Les journalistes hommes qui refusent de se soumettre à son autorité sont mis au placard. Quand aux journalistes femmes…
Avec lui, on se soumet ou on est démis. Les syndicalistes qui luttent pour une meilleure gestion et pour la transparence sont farouchement combattus. Ses obligés dont la plupart ne sont même pas journalistes jouissent de salaires faramineux. Et ce sont ces travailleurs, valets de Racine Talla, que l’on n’a jamais entendu poser une revendication ou mener un combat dans le sens d’un véritable pluralisme de la RTS, qui n’ont pas tardé à pondre un communiqué lamentable pour emboucher la même trompette que leur chef.
En voici la teneur : « Ce samedi 16 juillet 2022, dans le cadre de la couverture officielle de la campagne électorale des Législatives du 31 juillet prochain, l’équipe de la RTS mise à la disposition de la coalition YEWWI ASKAN WI a fait l’objet de propos discourtois et inélégants de la part de Monsieur Ousmane Sonko pourtant non candidat à ces joutes électorales. Monsieur Sonko a, sans ménagement, écarté le micro de la RTS, provoquant dans la foulée des huées de ses partisans.
La RTS condamne avec fermeté cette attitude et exige du « respect vis-à-vis de son équipe qui ne fait qu’accomplir sa mission de service public. Pour le reste, la RTS compte prendre toutes ses dispositions pour ne plus faire l’objet d’attaques indignes de quelque responsable politique que ce soit. »
Pourtant, ce communiqué laborieusement écrit et lamentablement estampillé RTS est dénoncé par certains journalistes qui ne se reconnaissent pas dans cette fausse indignation. Un brillant présentateur, en l’occurrence le journaliste Cheikh Traoré, tire la conclusion la plus rationnelle du geste de rebut de Sonko. Pour lui, la RTS doit changer de comportement. Cette position, plusieurs confrères et consœurs dont la plupart végètent dans des cagibis qui leur servent de bureau la partagent avec le pétillant présentateur de la RTS. Cela veut dire que la RTS doit s’affranchir du joug de l’exécutif et livrer au public une information plurielle, de qualité avec un équilibre sans faille. Et non de la vulgaire propagande ! A la RTS, l’information est strictement contrôlée comme à Pyongyang. Demba Ndiaye, qui a été journaliste à la RTS radio de novembre 1983 à novembre 1987, avait déclaré en janvier 2009, dans le cadre des « quinzaines » de la librairie Clairafrique, que « toutes les informations à la RTS sont contrôlées, aseptisées avant diffusion »par le ministère de l’Information (aujourd’hui de la Communication) qui joue un rôle « d’organe de contrôle des consciences ».
Lui qui a fait de l’indépendance et la liberté un credo avait été victime de ceux-là qui ont voulu contrôler sa conscience. Aujourd’hui ce contrôle des consciences est plus qu’actif. Des journalistes qui militent au Synpics se sont vu opposer un autre syndicat qui n’existe que dans les papiers de Racine. Il s’agit du Syndicat des professionnels de l’audiovisuel public (SYNPAP), béni financièrement par le Brejnev Tallavitch et créée uniquement pour contrer les empêcheurs de tourner en rond.
Aujourd’hui des journalistes chevronnés telles que Awa Cissé, chef station régionale de Kaffrine, Elisabeth Agnès Sarr, chef de la station de Kaolack, Véronique Diouf, chef de la station de Fatick, ont été déchargées responsabilité. Les deux dernières ont été semi-réhabilitées avec l’attribution de nouvelles responsabilités. Les grands professionnels tels qu’Oscar Tendeng, Benoit Badiane, Pape Malick Ndao, Abibatou Mbaye, Issa Thioro Guèye, Abass Sow, Cheikh Birahim Ndiaye, Moustapha Cissé, Alé Ngone Niang et Bassirou Sylla ont subi l’acuité du sabre de Racine Talla. Et la conséquence, tous ceux-là subissent des ponctions salariales à cause de la disparition des indemnités liées à leurs responsabilités. Même les chauffeurs qui ne partagent pas ses positions du Dg retraité depuis Mathusalem ont été affectés dans les régions en guise de punition. Au même moment, ses caudataires, la plupart des mécaniciens occupent les postes les plus juteux à la RTS.
Le comble est atteint avec Bamba Guèye, mécanicien de profession qui est nommé chef du protocole de Racine de classe 7, chef de département avec véhicule avec tous les passe-droits financiers afférents. A la RTS, les mécaniciens et autres valets de service sont mieux rémunérés que les têtes de turc qui refuse le diktat racinien. La RTS, c’est aussi la mauvaise gestion. Les matériels audiovisuels et autres cars de diffusion achetés chez les Belges, il y a de cela quatre ans, sont tous à l’arrêt.
La RTS, la KCTV version tropicale
Aujourd’hui Macky et Racine ont transformé la RTS en média de propagande qui ne relaie que les activités du président, du chef de Bennoo et celles de la Fondation de Madame la présidente. En matière de culte du chef, la télé nationale, dont la mission est de parler obséquieusement de Macky, est en forte concurrence avec la télé centrale nord-coréenne KCTV qui passe, elle aussi, l’essentiel de son temps à parler du chef suprême du pays Kim Jong-Un. Lors du référendum de 2016, Sidy Lamine Niasse avait dénoncé le comportement propagandiste de la RTS. « Par ces temps de pré-campagne pour le référendum du 20 mars prochain, les services de Racine Talla couvrent systématiquement tous les meetings des responsables de l’Apr et de la Coalition Bennoo Bokk Yaakaar et diffusent les éléments au cours des principales éditions du Journal télévisé.
Une véritable propagande politique de la télévision nationale qui fonctionne pourtant avec l’argent du contribuable sénégalais qui n’est forcément pas un militant de l’Apr », dixit le patron de Walf accusé à l’époque de faire la propagande du « non ». Il est regrettable de constater que, de la main rebutante de Sonko, Racine n’en retient qu’un politicien qui veut faire du buzz ou de la communication politicienne. Comme si lui-même n’était pas un membre éminent du parti présidentiel qui bat campagne pour les législatives à Guédiawaye et dont toutes les activités sont diffusées par sa télévision !
Et comme pour montrer au leader de Pastef que les opposants sont exclus de la RTS, le DG politicien retraité depuis septembre 2018 mais maintenu au poste pour mieux servir sa Majesté ou son Excellence (passez-moi la formule idoine) nous crache que la non-diffusion des activités de l’opposition est une option tandis que la diffusion de celles du pouvoir, c’est une obligation. L’émission dominicale animée par Oumar Gning n’a jamais eu l’honneur d’accueillir des opposants. On n'y déroule le tapis rouge qu’à la valetaille présidentielle. En France, les chaines de télé publique peuvent rester longtemps sans parler de Macron. Au Sénégal, depuis avril 2012, il n’y a pas eu un seul jour où le nom de Macky Sall n’est pas prononcé à travers la télévision nationale.
Le culte du chef a atteint son paroxysme. L’actuel directeur de Radio Sénégal, Michel Diouf, a sorti une note enjoignant à tout agent de la RTS de toujours ouvrir le journal avec toute information relative au président et cela quelle que soit l’importance — ou l’absence d’importance ! — de l’information. Et tout journaliste rétif qui rechignera à exécuter les injonctions de seigneur Racine et de son homme-lige Michel en fera les frais comme cela est déjà arrivé avec tous ces journalistes qui ne cessent de se battre pour que l’opposition trouve équitablement sa place au sein de la RTS qui est un patrimoine du peuple et non de la famille Faye-Sall. Et comme le ridicule ne tue pas, le président de la République est en train de faire construire une tour de 23 milliards de francs pour servir de siège à la RTS. Afin qu’elle puisse mieux encore faire de la propagande en son illustre gloire !
Décidément, la KCTV a une sacrée concurrente ici en Afrique… Bien évidemment, ceci au « Témoin », nous refusons de condamner le geste posé à Tivaouane par Ousmane Sonko à l’encontre de la RTS et nous nous y reconnaissons pleinement même…
Par Landing GOUDIABY
LES LIMITES DU « TOUT JEUNISME »
Le “tout jeunisme” prônait depuis un certains temps est une utopie et un véritable danger qui nous guette. On doit privilégier le mixte générationnel, le brassage des masses et le partage d’expérience.
Le “tout jeunisme” prônait depuis un certains temps est une utopie et un véritable danger qui nous guette. On doit privilégier le mixte générationnel, le brassage des masses et le partage d’expérience.
En érigeant les jeunes contre une certaine frange de la population est de la pure démagogie et sans aucun doute une façon d’avouer sa méconnaissance de la société sénégalaise qui accorde une place de choix à l’âge symbole de sagesse et de maturité. On peut avoir toutes sortes de considération mais on est toujours le fils ou la fille de ses parents tant qu’ils sont toujours en vie et parfois même on vit sous leurs protections et sous leurs toits.
De plus beaucoup de jeunes sont insouciants et ne se prennent pas vraiment au sérieux se disant que l’avenir est devant eux et qu’ils auront le temps de se rattraper.
Egalement les pouvoirs publics ont mis en place des politiques de prise en charge, d’insertion et d’émancipation des jeunes dans des sphères économiques, d’entreprenariat et de développement qui n’ont jamais abouti ou produit les effets escomptés tellement qu’ils ne sont pas assez outillés pour mener à bien la barque car ayant moins d’expérience professionnelle et/ou managériale.
Le conflit générationnel est une éternelle revendication et chaque génération s’en est pris avec celle qui la précède. Toutefois elles gagneraient plus à se côtoyer, à se comprendre et à être dans une relation donnant donnant rythmée par la générosité.
Oui nous devons nous employer à promouvoir les jeunes en Afrique et plus particulièrement ici au Sénégal, faudrait-il qu’ils soient de jeunes conscients de ce qu’ils sont et comprennent les enjeux du futur.
Landing GOUDIABY
Juriste/Consultant en Risques D’investissement
Songhai Advisory Llp
Par DIAGNE Fodé
ETHNICISATION FASCISANTE DE LA POLITIQUE PAR MACKY/
Le décès en détention de François Mancabou a été précédé de propos et de pratiques politiques et répressifs criminels de plus en plus ethnicisés visant nos frères et sœurs de la Casamance.
Le décès en détention de François Mancabou a été précédé de propos et de pratiques politiques et répressifs criminels de plus en plus ethnicisés visant nos frères et sœurs de la Casamance. Ce constat objectif est étayé par des témoignages des arrêtés lors de la résistance de mars 2021 auxquels des policiers demandaient leurs origines casamançaises ou non avant de les libérer ou de les garder. Des agressions verbales publiques et insultes ethnicistes sont devenues courantes de la part de hautes autorités gouvernementales, de députés de la majorité présidentielle et de voyous stipendiés se réclamant ouvertement du pouvoir de Macky/Apr/Bby.
Les protestations pacifiques du Peuple contre l’autoritarisme liberticide du pouvoir libéral néocolonial sont amalgamées avec la «rébellion casamançaise» prétexte à l’utilisation de nervis et des Forces de l’ordre et de sécurité pour les mâter illégalement et faire diversion en les judiciarisant. Des tirs à balles réelles contre des manifestants pacifiques viennent se surajouter à la sale guerre de Macky/Apr/Bby en Casamance. Les faits sont nombreux. Le néocolonialisme est l’association de la bourgeoisie bureaucratique civile et/ou militaire, de la féodalité, bref des classes exploiteuses locales à l’oppression nationale impérialiste sur le pays colonisé.
L’accaparement du pouvoir d’Etat néocolonial par ces classes autochtones locales est le principal moyen par lequel celles-ci accumulent par le vol des deniers publics le capital d’Etat pour le privatiser dans leur rôle de sous-traitants associés aux grands monopoles impérialistes de l’agrobusiness, des services, industriels et bancaires.
La bourgeoisie d’Etat néocoloniale est ainsi un appendice local au service de la domination impérialiste qui a capitulé sur la souveraineté nationale pour se mettre au service du maître impérialiste en lieu et place de sa mainmise sur l’économie nationale à son profit en tant que classe sociale.
Au Mali avec la «transition» actuelle, on assiste à un début d’inversion de cette tendance servile qui caractérise le «pré-carré» françafricain depuis 1960 à l’exception de la Guinée de Sékou Touré, du Mali de Modibo Keïta, du Togo de Sylvanus Olympio, du Burkina de Thomas Sankara, de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo. Ici au Sénégal, Macky/Apr/Bby, ces prédateurs des richesses nationales pour le seul bénéfice des Multinationales impérialistes, de leur famille et leur clan s’embourgeoisent en milliards et jouent sur la peur de «perdre le grenier du Sénégal qu’est la Casamance» pour diviser et régner sur et contre le Peuple dans sa totalité.
Le Président parjure, s’approprie l’argent du pays alors que la Constitution dit que seul le Peuple est propriétaire des richesses nationales. La question Casamançaise est ethniquement instrumentalisée par Macky/Apr/Bby pour masquer et faire diversion sur son funeste projet anticonstitutionnel de troisième candidature illégale.
Au «tout sauf Macky» du Peuple, la voyoucratie de l’Apr/Bby met en branle l’ethnofascisme du «tout sauf Sonko» pour juguler et diviser la montée en puissance du patriotisme d’une jeunesse qui en a marre d’être condamnée à alimenter les cimetières à ciel ouvert que sont le désert du Sahara, la Méditerranée, l’Atlantique, la Libye post Khadafi et Ceuta ou Melilla, ces possessions coloniales espagnoles du Maroc. 1982-2022, cela fait 40 ans que le Mfdc a repris sa revendication indépendantiste à laquelle la seule réponse de notre Etat néocolonial a été une succession de guerres et d’accalmies relatives faites de «ni paix ni guerres» sans véritables négociations, mais ponctuées de flots d’argent pour corrompre, soudoyer et diviser.
40 ans aussi de silence global des forces démocratiques, panafricaines de notre pays alors que les principaux leaders et militants du Mfdc continuent de subir des arrestations, la torture, la prison arbitraire à l’instar du journaliste René Capain et des mandats d’arrêt. Il faut lever tous les mandats d’arrêt et cesser toute persécution arbitraire contre le Mfdc.
L’option fraternelle réaliste est et doit être un règlement démocratique pacifique de la question Casamançaise sur la base du principe énoncé dans les années 30 par Tiémokho Garang Kouyaté : l’union libre des peuples libres dans une optique d’unité panafricaine des peuples. Une telle politique progressiste permet d’envisager comme étape vers l’unité africaine, un processus d’union démocratique pacifique avec la Gambie et la Guinée-Bissau puis Conakry et de retrouver la défunte Fédération du Mali avant de l’élargir à la Cedeao. Et voilà qu’apparaît sur la scène politique nationale, Sonko leader du parti Pastef, de la coalition Yewwi et de l’opposition, originaire de la Casamance par son père et du Nord du Sénégal par sa mère.
Depuis 2014, naissance de son parti, l’hégémonie culturelle du libéralisme néocolonial apatride qui a emporté les directions des partis et la majorité des leaders de la gauche historique est en cours d’être battue par le nouvel «arôme culturel hégémonique» (Gramsci) salutaire du patriotisme. Sonko symbolise le patriotisme panafricain de cette jeunesse en quête d’une gouvernance débarrassée de la corruption, respectueuse de l’Etat de droit et du patriotisme économique au service du Peuple. Au lieu d’un combat politique loyal qui respecte l’Etat de droit, on assiste à un banditisme politique d’un régime néocolonial aux abois tenté par l’ethnofascisme pour se pérenniser au pouvoir en infraction totale avec la Constitution afin de poursuivre le pillage des richesses et l’enrichissement illicite d’une caste bourgeoise, féodale et clanique.
Dans un tel contexte, il est fondamental que les bouches des non Casamançais s’ouvrent pour condamner avec la dernière énergie, ces dérives ethnicistes fascisantes jusqu’ici inconnues au Sénégal. Le silence s’apparente objectivement à une complicité non assumée que le pays va payer tôt ou tard. Partout en Afrique à l’instar de l’ethnicisme ivoiritaire de Bédié ou de l’ethnofascisme du Hutu Power au Rwanda, le mouvement démocratique s’est laissé museler par la peur de l’autre au point de subir la catastrophe d’une guerre civile ethnicisée exploitée par des «élites» bourgeoisies toujours inféodées à l’impérialisme. C’est seulement ensuite que les uns et les autres subissent à leur tour la terreur tyrannique de la dictature dont l’autre nationalité a été victime alors qu’ils étaient vautrés dans une passivité que le Pasteur Niemöller dénonçait ainsi : «Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.» Il est encore temps de dire stop !
Alors parlons, levons nous vent debout pour sauver notre beau pays du fléau ethniciste hérité du système colonial qui l’a toujours utilisé pour diviser et soumettre l’Afrique.
Par Hamidou ANNE
UN HOMME EST MORT
On torture au Sénégal. Des compatriotes subissent des sévices corporels ou moraux dans l’indifférence quasi générale. On ne peut accepter de banaliser des choses aussi graves
J’ignore les circonstances du drame que constitue le décès de François Mancabou. S’est-il donné volontairement la mort ? A-t-il été la victime d’une bavure policière ? Le débat est hystérique, entre mensonges, manipulations, indécence et banalisation de la mort d’un homme. La position digne est celle de la décence et de l’exigence d’une enquête sérieuse aux fins de situer les responsabilités. Et c’est là que se situe mon inquiétude. Je ne crois pas à l’éclatement de la vérité, par expérience. Il y a eu trop de morts dans des circonstances troubles sans qu’on eût situé les responsabilités. Comme si la vie humaine sous nos cieux était désacralisée. Malgré quelques bravades ponctuelles, dans l’ensemble, notre société banalise la mort sous prétexte de fatalité, voire d’impuissance face à la volonté divine.
Pour les morts de 2012, comme pour ceux de mars 2021, jusque-là personne n’a été attrait devant un juge. A la douleur de la perte qui frappe les familles s’ajoute celle de l’incompréhension. Un jour, une maman reçoit un coup de fil lui annonçant la mort de son fils. Et c’est tout. Silence. Rideau. Jusqu’au prochain drame. Une société qui banalise la mort de ses fils, notamment les plus jeunes, est malade et porte en elle les germes d’une irresponsabilité collective. Qui s’en soucie une fois que les caméras et les micros ont été remisés ? Les politiciens, chantres de l’irresponsabilité et de l’égoïsme, vaquent à leurs occupations électorales. L’Etat enterre les dossiers sitôt que les familles ont enterré leurs morts. Il est dit dans le livre d’Esaïe : «La paix sera l’œuvre de la justice, et le fruit de la justice sera le repos, et la sécurité à jamais.»
Les Ong ont raison de réclamer justice dans l’affaire François Mancabou. Mais je doute de leur sincérité : les droits de l’Homme et les libertés publiques ne sont qu’un mince vernis de ces visages qui incarnent l’opportunisme, les postures et les attitudes partisanes au détriment du combat pour le droit et la dignité humaine. Ces Ong, qui ont juré de défendre les personnes vulnérables, ont pris fait et cause dans d’autres dossiers graves pour le camp des puissants. Nous avons besoin d’une Société civile forte face aux agissements de l’Etat visant à réduire les libertés des citoyens. Au lieu de se perdre en conjectures politiciennes et en querelles picrocholines relevant de la matière électorale, elle devrait davantage permettre l’émergence d’une conscience citoyenne forte, qui fera face aux dérives de l’Etat.
Et pour s’enfoncer jusqu’au bout dans la comédie tragique, Jamra, officine à l’opportunisme indécent, demande l’instauration d’un jury d’honneur qui va consulter la vidéo mentionnée par le procureur de la République. Qu’est devenu ce pays dans lequel ces gens auront encore une once de crédit après avoir sorti de telles énormités ?
De l’autre côté, sur la Tfm, un ancien maire, cadre de la majorité, léger et sans empathie pour la victime, défend la primauté de la sécurité sur les droits de l’Homme. Sur cette question, ma conviction rejoint celle de l’avocat et académicien François Sureau qui rappelle que poser l’hypothèse du choix entre sécurité et liberté, c’est renoncer à un idéal républicain. La République, c’est la liberté, la dignité humaine et la préservation du principe sacré des droits de l’Homme. Je suis convaincu que dans leur majorité, les fonctionnaires de police sont des professionnels compétents et honnêtes. La police est une institution républicaine, prise dans son essence, mais partout subsistent des gens sans humanité, qui n’ont rien à faire ni dans la police ni dans la justice. Aux Etats-Unis, il y a une tradition dans les familles afro-américaines, dites du «Talk».
C’est une conversation rituelle que les parents noirs ont avec leurs enfants pour leur signifier que leurs corps noirs sont fragiles face à la violence raciste de la police américaine. Les situations ne sont certes pas similaires, mais nos concitoyens tremblent devant la police censée les protéger et les rassurer. Des Sénégalais sont terrifiés rien qu’à l’idée d’aller faire légaliser un document dans un commissariat. Personnellement je me sens vulnérable devant un agent de police car je suis chargé de décennies d’humiliation et de vulnérabilisation de la part des forces de sécurité. Et je ne suis pas le seul, nous sommes des millions à nous sentir en danger devant un homme en uniforme.
On torture au Sénégal. Des compatriotes subissent des sévices corporels ou moraux dans l’indifférence quasi générale. Josette Marceline Lopez Ndiaye, ancien Observateur national des lieux de privation de liberté, disait ceci en 2018 : «Au cours des dix dernières années, 20 personnes au moins sont décédées en détention dans les Mac, Brigades de gendarmerie et Commissariats de police du fait de la torture et des mauvais traitements. Un nombre indéterminé de personnes ont été torturées et beaucoup d’entre elles en ont gardé, soit un handicap, soit un traumatisme physique ou psychologique qui nécessite des soins médicaux spécialisés.» On ne peut accepter de banaliser des choses aussi graves. Un homme est mort. Et toute mort est de trop.
Par Philippe GRANDCOLAS
PLUS D’UN TIERS DE L’HUMANITÉ DÉPEND DES ESPÈCES SAUVAGES POUR VIVRE
Dix ans après sa création, l’IPBES – la plate-forme intergouvermentale sur la biodiversité et les services écosystémiques – a dévoilé en ce début juillet 2022 deux nouveaux rapports portant sur l’utilisation durable des espèces sauvages
Dix ans après sa création, l’IPBES – la plate-forme intergouvermentale sur la biodiversité et les services écosystémiques – a dévoilé en ce début juillet 2022 deux nouveaux rapports portant sur l’utilisation durable des espèces sauvages et les valeurs attribuées à la biodiversité. Ces travaux auront mobilisé plus de 80 scientifiques de différents pays pendant quatre années.
Souvent présentée comme le GIEC de la biodiversité, l’IPBES évalue les connaissances scientifiques et appuie l’évolution des politiques et des actions publiques et privées, en réalisant des expertises collégiales à l’échelle mondiale. es dernières années, l’IPBES a gagné en notoriété grâce à son évaluation publiée en 2019 à Paris, qui a mis en évidence la sixième crise d’extinction de la biodiversité, ses causes et le changement transformatif à initier pour sortir de cette crise. Il n’en reste pas moins que la biodiversité et l’IPBES restent des sujets trop peu discutés dans la sphère publique, en comparaison avec le climat notamment.
PRELEVEMENTS DURABLES
Ces nouveaux rapports nous permettent de prendre conscience d’une situation que nous oublions ou que nous ignorons trop souvent : sur Terre, trois milliards d’êtres humains dépendent directement des prélèvements d’espèces sauvages pour leur subsistance. « Enfermés » dans nos sociétés développées, nos modes de vie urbains ou péri-urbains, nous n’avons bien souvent pas conscience que 45 % des humains sur la planète sont ainsi liés aux espèces sauvages de manière essentielle. Il ne s’agit pas ici d’agriculture ou d’élevage traditionnels, basés sur des espèces domestiques et que nous aurions tendance à considérer comme l’idéal d’une reconnexion à la nature. Je m’étonne fréquemment de cette méconnaissance : ces derniers jours, sur les réseaux sociaux, certaines personnes se sont ainsi émues du titre de l’une de ces nouvelles évaluations de l’IPBES – « Utilisation des espèces sauvages » –, pensant qu’elle encouragerait des prélèvements de type industriel !
RIZ SAUVAGE, LAINE DE VIGOGNE, ORTIES DE L’HIMALAYA
Il faut souligner la richesse culturelle et naturelle extraordinaire dont témoigne cette situation : les populations locales ou autochtones détiennent en effet les connaissances pour se nourrir, se soigner ou utiliser quotidiennement en tant que matériaux, tissus ou bois de chauffage des dizaines d’espèces sauvages. Au total, 50000 espèces vivantes sauvages sont ainsi concernées dans une multitude d’utilisations cruciales pour ces populations. Ces utilisations sont importantes non seulement en nombres d’espèces, mais aussi en quantité de biomasse extraite : par exemple, le bois récolté par des populations locales pour faire du feu représente la moitié du bois extrait des forêts dans le monde. Bien évidemment, il ne s’agit pas là d’abattage industriel ou de coupe rase sur des hectares… même si l’impact local de telles pratiques peut se révéler important dans des contextes environnementaux déjà tendus. [Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd'hui].
Le rapport cite des exemples d’utilisations très variées : il peut s’agir du riz sauvage récolté dans la région des Grands Lacs en Amérique du Nord, de la laine de vigogne collectée par les populations andines, de la chair de grands poissons amazoniens ou encore des fibres textiles issues de l’ortie de l’Himalaya au Népal. Très souvent, les règles d’utilisation par les populations locales favorisent la protection de ces espèces sauvages et le partage équitable des ressources qu’elles représentent au sein des communautés, garantissant la durabilité de ces utilisations.
UNE EMPRISE TOUJOURS PLUS IMPORTANTE SUR L’ENVIRONNEMENT
Le rapport sur l’utilisation durable des espèces sauvages souligne une autre réalité essentielle : deux tiers des personnes les plus pauvres dans le monde dépendent directement des espèces sauvages. Ces personnes sont donc particulièrement vulnérables et dépendantes de la disponibilité de ces ressources. Or, cette disponibilité est souvent mise à mal par la crise de l’environnement.
La déforestation industrielle impacte par exemple l’usage des espèces de forêts, le changement et les aléas climatiques sont délétères pour de nombreuses espèces, la croissance des populations humaines augmente fortement la demande en poissons ou en bois de chauffe. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) et une évaluation basée sur l’étude d’une dizaine de milliers de ces espèces, les deux tiers de ces espèces sauvages prélevées dans le milieu naturel par les populations locales sont en déclin ; 172 sont même en danger d’extinction. Certaines de ces utilisations montrent bien les enjeux et les conflits d’usages qui peuvent advenir quand ces espèces sont également concernées par des utilisations commerciales qui vont limiter ou être antagonistes des utilisations locales de subsistance.
Ainsi, la laine de vigogne sauvage est récoltée par des communautés andines, mais l’industrie textile du luxe achète cette laine à bas prix auprès de ces communautés pour la revendre à prix d’or. On peut citer aussi le poisson d’eau douce géant pirarucu en Amazonie – pesant jusqu’à 300 kg – , qui est consommé par les communautés locales, mais dont la chair appréciée attire également des pêcheries locales commerciales, ce qui a pu conduire à un déclin – aujourd’hui heureusement maîtrisé – de ses populations.
Devant les difficultés rencontrées dans l’utilisation d’espèces sauvages devenant moins disponibles, des populations locales peuvent se tourner vers des productions liées à des espèces domestiques en culture ou en élevage. La conséquence de cette tendance est inévitablement le développement d’une emprise plus importante sur l’environnement. Toute culture ou élevage mobilise en effet une surface importante d’intervention qui sera prise sur le contingent d’espaces encore peu anthropisés ; elle comporte également des risques d’introduction d’espèces exotiques ou d’émergence de maladies en favorisant la promiscuité entre espèces sauvages et domestiques.
COMMUNAUTES LOCALES VERSUS COMMERCE MONDIAL
L’utilisation des espèces sauvages est aussi malheureusement le fait de procédés industriels que nous connaissons bien. Par exemple, extraction de bois et pêche industrielles constituent des activités dont nous savons qu’elles sont le plus souvent non durables.
L’évaluation de l’IPBES rend compte de toutes les études qui quantifient et diagnostiquent ces situations. Globalement, deux chiffres nous montrent l’ampleur de ces problèmes : 34 % de stocks de poissons sont en surpêche et un peu plus d’une espèce d’arbre sur dix est en voie d’extinction, tandis que la surface des couverts forestiers diminue de manière critique dans bien des régions, à raison de presque 10 millions d’hectares chaque année. De manière caractéristique, l’usage des espèces sauvages dans le commerce international peine à être régulé. Les trafics représentent une source de revenus illégaux aux côtés de ceux tirés de la drogue ou de la prostitution et du même ordre de magnitude.
Peu de pays ou d’instances s’accordent sur les indicateurs de déforestation et certaines agences internationales confondent même forêts naturelles (dans lesquelles l’impact de l’homme est modéré) et plantations d’arbres. Il en est de même dans le domaine de la pêche où les méthodes industrielle provoquent des dégâts considérables à plusieurs égards : prises, tristement appelées « accessoires », provoquent le déclin d’espèces non recherchées (par exemple, les requins ou les dauphins) ou méthodes de pêche qui endommagent gravement l’environnement (chaluts de fond).
QUEL FUTUR POUR LA NATURE ?
Pour inverser ces tendances mortifères, il nous faut faire alliance avec la biodiversité. Ce sujet a fait l’objet de la seconde évaluation présentée au cours de la session plénière de l’IPBES à Bonn en ce mois de juillet 2022 : « Les valeurs de la nature ». Là encore, le mot « valeur » est trompeur dans la culture occidentale, car il véhicule un sens instrumental et marchand. En réalité, les experts – anthropologues, écologues, sociologues et philosophes – de l’IPBES ont évalué les manières dont les différentes sociétés humaines considèrent la nature, en se positionnant comme consommateur de la nature, ou bien vivant dans ou avec la nature ou encore vivant en tant que nature pour les peuples totémistes ou animistes, par exemple. Ces dernières conceptions amènent à accepter sa valeur intrinsèque, indépendante de nous autres, humains, et à vivre de manière fusionnelle avec elle.
Analyser ces conceptions permet de s’en inspirer, pour le meilleur ; de manière très pragmatique, cela permet aussi de garantir la durabilité des espaces naturels dans les 38 millions de kilomètres carrés dans 87 pays gérés par les peuples autochtones et les communautés locales, grâce à la considération et l’inclusion de ces dernières.
À défaut de nous ouvrir à ces autres conceptions, nous continuerons à creuser les déclins actuels qui amèneront inexorablement à la disparition de la moitié de la biodiversité d’ici quelques décennies… et à celle de tous les services que nous offrent les écosystèmes.
Philippe GRANDCOLAS
DIRECTEUR DE RECHERCHE CNRS, SYSTÉMATICIEN, DIRECTEUR DE L’INSTITUT DE SYSTÉMATIQUE, ÉVOLUTION, BIODIVERSITÉ (ISYEB), CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
par Aboubakr Tandia
JEUNES POLITISÉS, DÉMOCRATIE ET PENSÉE DE LA LIBÉRATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Sénégal n’aurait-il pas perdu sa prétendue mémoire démocratique (de « réputation internationale » et grâce à deux alternances seulement, avec un taux de participation jamais supérieur à 40%) à force de crises préélectorales ?
Pendant que la plupart des futurs « pères de l’indépendance » s’activaient à réclamer celle-ci sans en avoir une idée claire et en mesurer la portée stratégique, Cheikh Anta Diop avait anticipé dès le début des années 50, avec une justesse intellectuelle et une profondeur stratégique jusqu’ici inégalées, la seule signification de l’indépendance, c’est-à-dire la « renaissance historique de l’Afrique » par :
- la reconquête de l’initiative historique, c’est-à-dire la capacité des peuples africains à produire les conditions matérielles et immatérielles de leur existence ;
- le regroupementpolitique dans un État fédéral d’Afrique seul capable de prémunir contre le néocolonialisme et l’impérialisme qui allaient marquer le système international post-guerre.
Les conditions géopolitiques de l’indépendance véritable étaient la solidarité et l’unité dans le cadre d’un État fédéral ! Tandis qu’une des conditions politiques était la démocratie pour inclure et réunifier les peuples qu’avaient exclus et divisés le système colonial.
La situation de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, géant économique et puissance mondiale africaine, menacée par les velléités sécessionnistes de la minorité blanche du Cap, et celle de l’Éthiopie dont le fédéralisme chancelle sous les coups de boutoirs d’un développementalisme néolibéral foncièrement inéquitable, sont les ultimes preuves que l’indépendance dans l’émiettement, même avec une relative santé économique, fut un piège dans lequel se sont laissé entraîner les « pères de l’indépendance ».
Les fils et petits-fils « spirituels » de ces « pères » sans vision et sans audace, les générations de dirigeants politiques qui leur ont succédé jusqu’à aujourd’hui, continuent eux de « se tromper » en connaissance de cause. C’est un des facteurs qui expliquent le recours parmi la jeune génération d’opposants et d’activistes politiques à la pensée radicale des penseurs de l’indépendance stratégique : Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah, Amilcar Cabral. Sans toutefois que l’on puisse affirmer que cette pensée est assimilée et mise en pratique. Faut-il s’étonner alors qu’ils voient les premiers dirigeants et « pères de l’indépendance » de nos « États » comme des « traitres » jaloux de leurs contemporains les « pères de la libération », qu’ils réclament l’enseignement officiel de la « pensée de la libération » et jettent aux charognes la « pensée de la construction nationale » ?
Cependant, il reste à savoir s’il n’est pas trop tard pour cette jeune génération de parvenir à remettre en branle l’agenda de la libération, et si elle est assez outillée et déterminée pour recourir à l’action radicale qu’appelle, à un moment ou à un autre, la pensée de la libération.
La démocratie ne libère pas, c’est la « reconquête de l’initiative historique » qui libère, puisque c’est elle qui permet de démocratiser véritablement. Une société sous domination ne peut pas logiquement être démocratique, encore moins se démocratiser. La notion de « résistance à la démocratie » en est une illustration ; en ce sens qu’elle rend compte d’une logique d’usure, d’une « contrefaçon de la modernité »[1] démocratique. Les dominés poussent en vain pour des droits et libertés démocratiques, tandis que les dominants (puissances et corporations impérialistes et leurs obligés locaux) « résistent », soit en octroyant à compte-goutte des libertésnocives (liberté d’expression, libre orientation sexuelle, genre, parité, droit à l’avortement, droits culturels, etc.), soit en limitant ou en refusant l’accès aux libertés utiles, véritables libertés démocratiques (droit de choisir ses dirigeants sans contrainte, droit de contrôler les dirigeants, indépendance de la justice, droits économiques et sociaux) que seul permet l’instauration de l’État de droit (limitation et contrôle du pouvoir politique dans le temps et dans l’espace). Sociologiquement, l’accès à ces libertés résulte d’une inclusion sélective et conditionnelle à la classe moyenne, ce qui explique l’incapacité de celle-ci à contester la classe dirigeante d’une part, et à inclure les classes inférieures, les masses : l’assimilation politique par l’inclusion sociale et économique contrôlée s’accompagne de l’impotence révolutionnaire de la classe moyenne (à laquelle appartient en général la plupart des forces politiques mobilisées). D’où l’absence d’issue et le caractère illusoire de la démocratisation, son absence d’horizon libérationniste.
C’est ce qui explique pourquoi chez nous, puisque le débat a surgi, le droit et la loi soient des « technologies de domination » plutôt que des instruments de libération (autodétermination, liberté politique) et de progrès (souveraineté économique, justice sociale). On s’est demandé si le Sénégal n’aurait pas perdu sa prétendue mémoire démocratique[2] (que lui vaudraient une « réputation internationale » et deux alternances politiques seulement, avec un taux de participation ne dépassant jamais 40% de la population inscrite, une infime minorité de la population nationale) pour n’être jamais parvenu à échapper aux crises préélectorales. Mais, ce n’est pas d’une question de « croissance politique » ou de « développement démocratique » qu’il s’agit ; même si le chauvinisme peut se nourrir du mythe de l’« exceptionnalité démocratique » sénégalaise. Ainsi posée, avec ses présupposés anhistoriques, cette question bute contre une réalité historique et géopolitique implacable : une société dominée et dépossédée ne peut pas être démocratique ! Historiquement, la démocratie a plutôt été un moyen de la liberté et un processus de libération. D’un point de vue géopolitique, la démocratie ne peut pas être « la chose la mieux partagée » tant qu’elle s’oppose à l’impérialisme, à la domination d’une société sur une autre.
Ainsi on comprend pourquoi la démocratisation (une politique d’ajustement libéral à l’échelle globale) continue de prendre le dessus sur la démocratie (un régime atemporel de libération). Tant qu’ils sont en mesure de s’ajuster, les pouvoirs en place, autocratiques qu’ils demeurent, peuvent rationner et ponctionner les libertés, d’une part et étouffer toute tentative de contestation de l’ordre autocratique. Si bien que les « conférences nationales » et les « transitions démocratiques » ont tourné en des règlements de compte par-ci, une « caricature de la démocratie » par-là : l’arbitraire et le clientélisme sont restés les piliers et les méthodes de régimes politiques autocratiques se prévalant ingénieusement du pouvoir magico-religieux des urnes. Ainsi la routine de la démocratie électorale et clientéliste, en quoi a consisté la « démocratisation » génère en permanence l’illusion de la liberté, des changements de rupture. Si bien que l’on est davantage rassuré par cette routine électorale que par les promesses et les possibilités de libération. D’où la frayeur que suscitent dans les esprits, y compris chez les plus « savants », les « nouvelles idées » qu’agitent les « jeunes politisés », furent-elles déjà là depuis les années 40 et 50 !
Les ONGs et les innombrables officines intergouvernementales impliquées dans l’ajustement démocratique participent ainsi d’une géopolitique de l’ajustement impérialiste, plutôt que d’une géopolitique de la libération. Ces légions d’assistants à la démocratisation se contentent de cet ordre des choses, le « désordre politique » instrumental, parce qu’il est le fondement de leur existence. L’affairement démocratiste, l’« interventionnisme libéral », constitue donc une industrie impérialiste qui nourrit son monde, mais reste fondamentalement un mirage, une voie illusoire de la libération.
Cheikh Anta Diop et Kwame Nkrumah n’avaient pas seulement vu juste. Ils avaient surtout jeté les jalons d’une pensée stratégique africaine, d’une géopolitique de la libération. C’est ce que les partis et de mouvements citoyens africains qui se « radicalisent » aujourd’hui semblent avoir compris. Dans une dynamique de « retour intellectuel » aux sources, de reconquête plutôt de la « mémoire de la libération », ils s’inspirent des rares dirigeants qui ont tenté d’actualiser les idées de Cheikh Anta Diop, Kwame Nkrumah et Amilcar Cabral dans leurs programmes : Samora Machel, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Mouammar Kadhafi, et récemment, sans être « fédéralistes » au sens de la géopolitique de la libération des « pères de la libération », Paul Kagame et John Joseph Pombe Magufuli de la Tanzanie. D’ailleurs ce dernier a subitement disparu en 2020, emporté se dit-il par la pandémie de Covid-19, tandis que le premier subit les foudres (pour le moment mesurées) des puissances impérialistes ?
Il faut souhaiter que la fortune s’associe à cette jeune génération dont il faut saluer le réalisme si l’on en croit la sagesse Wolof : Ku xam-ul foo jëm dellul fa nga joge-ón[3]. Après le retour intellectuel amorcé depuis deux décennies, le retour paradigmatique suivra-t-il, par le recours à l’action de libération des « pères de la libération » qui ont été injustement enterrés par les « pères de l’indépendance » et leurs fils spirituels ? À ce sujet, une autre question ne manque pas de tarauder l’esprit d’un observateur averti de la politique africaine : comment expliquer l’usage du discours de la démocratie et de la démocratisation (élections libres et transparentes, droit de manifester, séparation des pouvoirs, etc.) chez ces jeunes militants si leur agenda est inscrit dans la pensée et la géopolitique de la libération ? Le discours démocratiste est-il seulement un prétexte sous lequel ils dissimulent la rationalité de leur combat, en s’accommodant avec l’ordre discursif impérialiste ? Ou bien s’agit-il d’une adhésion tactique à la démocratisation visant à rectifier le canon de la pratique démocratique dans le sens de la libération ? Quoi qu’il en soit, l’ambiguïté demeure, tant au point de vue des prises de marque idéologique qu’à celui de l’action de la jeune génération. Or Cheikh Anta Diop avait mis en garde contre « l’absence de grandes idées directrices » pour irriguer l’activisme de libération en Afrique.
Pourtant, si tant est que Cheikh Anta Diop attire leur attention, les jeunes politisés ne peuvent avoir manqué son invite à recouvrer le « passé démocratique » de l’Afrique dans lequel ils trouveront une conception de la démocratie qui est à la fois libérale (c’est-à-dire « ayant comme fin la « liberté ») lorsqu’elle est préalablement épurée et entièrement exercée, et africaine (c’est-à-dire ayant comme cible et sujet le citoyen de l’Afrique) lorsqu’elle est ancrée dans l’histoire et ses sédimentations géopolitiques. Cheikh Anta Diop a indiqué la voie pour « démocratiser », non pas suivant la géopolitique de l’ajustement libéral impérialiste, mais selon le cours perdu, et à retrouver, de la culture politique africaine précoloniale : fondement constitutionnel du pouvoir politique, bicaméralisme, effectivité et indépendance des mécanismes de contre-pouvoirs, etc. Le Professeur Pathé Diagne en a reconstitué la substance dans son ouvrage Pouvoir politique traditionnel en Afrique occidentale (Présence Africaine, 1967). Autrement dit, il y a suffisamment dans la pensée de la libération, de Cheikh Anta Diop à Alpha Oumar Konare, de quoi sceller le puits des démons qui président au rituel de la démocratisation impérialiste : l’élasticité du mandat présidentiel et la « coalition des pouvoirs » contre la liberté et le progrès dont témoignent la « légalité injuste »[4], le « relativisme constitutionnel »[5] et la cabalistique judiciaire[6], etc.,
[1] Nous empruntons l’expression aux anthropologues américains les Comarroff, Jean et John depuis leur introduction à l’ouvrage qu’ils ont édité : Law and disorder in the postcolony. Chicago : University of Chicago Press, 2006.
[3] Littéralement : « Si tu ne sais pas où tu vas, retournes d’où tu viens ! ».
[4] L’expression est du philosophe américain James Marsch qui délie la confusion faite entre la légalité et la justice dans la tradition positiviste de la philosophie du droit politique. Voir son ouvrage: Unjust legality: a critique of Habermas’s philosophy of law. Boulder and New York: Rowman and Littlefield, 2001.
[5] Cette expression décrit le rapport malsain et très permissif à la loi et aux juridictions du pouvoir d’Abdoulaye Wade (2000-2012) et comment cette culture politique présidentialiste a saccagé les prémisses fragiles de l’État de droit au Sénégal. Voir : Thiam, Assane, « « Une Constitution, ça se révise ! » : relativisme constitutionnel et État de droit au Sénégal », Politique africaine, 2007, No 108, pp. 145-153.
[6] Nous entendons par cette expression les usages magico-religieux, fétichistes, et incantatoires qu’ont fini par asseoir les autorités administratives, législatives et judiciaires, dans le domaine de la compétition politique et de la gouvernance publique. Les lois sont utilisées comme des « amulettes » et des « formules magiques » travaillées pour des complots (des cabales) et des manœuvres politiques doctement « judiciarisées ».
par Mohamed TAMEGA
LE VOL NOIR DES CORBEAUX SUR NOS PLAINES
En feuilletant la presse sénégalaise en ligne, nous y avons lu, affligés, des bavardages complotistes de l’écrivain Boubacar Boris Diop
En feuilletant la presse sénégalaise en ligne, nous y avons lu, affligés, des bavardages complotistes de l’écrivain Boubacar Boris Diop.
Variante nord-américaine d’un des boucs-émissaires des milieux d’extrême droite européenne, notamment française, réchauffée il y a environ trois ans par l’entourage idéologique de Donald Trump aux Etats-Unis, l’abjecte notion «The Deep State», de «l’Etat profond», apparaît sous la plume de Boubacar Boris Diop, qui prend congé de toute rationalité. Le cadre de la Théorie, qu’impose l’analyse de la séquence politique actuelle du Sénégal, ne semble pas sourire à notre écrivain-romancier, la rigueur de ses contraintes lui faisant perdre tout sens de la réalité.
Parlant de Macky Sall, B. B. Diop énonce une éblouissante lumière, perle bien prisée dans la galaxie conspirationniste : «des forces obscures» seraient à la manœuvre au palais»». En première intention, en guise de réaction, nous aurions volontiers invité Diop à reprendre un verre, si notre sens du respect dû aux aînés ne nous retenait. «D’obscures forces», feraient l’Histoire au Sénégal, à la place des institutions et structures, sociale, politique, économique, à la place des normes, des lois, des règles, des arrêtés, des conflits de sensibilités politiques, culturelles, des luttes d’intérêts, de classe, les ambitions collectives et individuelles, des convictions déterminant les positions sociales de pouvoir, des antagonismes politiques manifestes, des entités réelles et dynamiques en tension, des citoyens engagés d’un côté et d’un autre de l’échiquier politique, rien n’est vrai, rien ne touche l’Histoire, sauf ceci : «des forces obscures» ! Alors, «on vous ment» ! Courez retirer vos enfants de l’école, jetez à la poubelle vos ouvrages : aucune trace de l’Histoire, il n’y a, nulle part ailleurs que dans les «forces obscures». On vous ment !
Depuis la récente inflation des théories conspirationnistes, des recherches menées au sujet de ces fausses informations contribuant à la désorientation des masses, sur les rapports des subjectivités engagées à ces théories, montrent qu’elles ont quelque chose à voir avec la crise actuelle de confiance dans la politique, dans les acteurs qui l’incarnent, mais aussi avec la crise de confiance dans la rationalité, qui, depuis d’horribles expériences historiques contemporaines, revendiquant sa tutelle, fait l’objet de suspicions aussi tenaces que folles dans certains secteurs de l’opinion. Notre affliction est immense de voir B.B. Diop dans la fange de ces idées, niveau zéro de la polémique politique, néant absolu de la pensée subversive.
Qu’un citoyen quelconque donne prise à ce trait d’esprit obscurantiste, dans sa représentation des mécanismes de l’Histoire ou de la vie politique, me paraît pour ainsi dire insignifiant. Mais que B.B. Diop en reprenne une ficelle à son compte, dans un élan de soutien à Ousmane Sonko, cela confirme bel et bien nos soupçons quant à la véritable nature de la chose politique qui convoite les suffrages des Sénégalais du côté de Pastef : une combinaison complexe d’identités, de revendications et de méthodes qui, mises bout à bout, signifient exactement ce que l’essayiste-écrivain de gauche Hamidou Anne, dans son impitoyable lucidité, a appelé, le «fascisme sénégalais».
Il s’agit d’un univers essentiellement constitué de phénomènes divers communiant tous dans une sorte de rapport de négation à tout, de rejet de ci, de refus de ça, sans qu’aucune affirmation soutenue et claire d’une «idée politique» ne le porte.
En outre, une périlleuse ignorance le sous-tend des évidences qui configurent notre lot commun : les idéologies, les sensibilités politiques, leurs clivages, les oppositions de classes sociales, leur réalité criante dans un contexte de disparités sociales chaque jour plus grandes, le réel empirique des structures économiques, culturelles et politiques. Ousmane Sonko et son mouvement nient tout cela. A les entendre, il n’y a que néo-impérialisme, l’identité nationale, valeurs morales, les «travers moraux» de la «gestion économique» du régime en place que Sonko passe son temps à pointer, en consultant qu’il est lui-même en optimisation fiscale, dernière station avant l’évasion fiscale. Il n’y aurait pour lui que nos spécificités socio-culturelles, par lesquelles le Sénégal est une île politique.
Comment croire que Boubacar Boris Diop ne pas sait ceci : qu’il n’y a que l’extrême droite pour faire son miel de chimères identitaires ? Quand les épigones de Ousmane Sonko pérorent que la seule chose qui compte est l’intérêt des Sénégalais, Diop pense-t-il vraiment que les Sénégalais sont une entité sociale homogène ? Comment ne se pose-t-on pas, dès lors, la question du principe de la décision politique qui tranche l’opposition substantielle inhérente à ces intérêts. C’est à empêcher de faire penser, dire et entendre l’absence de vision répondant à cette question chez Sonko, que s’emploient les épigones de ses épigones sur les réseaux sociaux. La violence de ses soutiens, notamment contre ceux qui tiennent encore à la fusion de la politique et de la pensée et tentent de voir de plus près ce dont retournent leurs affaires, cherche à dissuader de dénoncer leur supercherie et leur mascarade fascistoïdes. Rien de politiquement utile et progressiste ne les porte. Ce n’est qu’un mouvement de pure réaction totale.
Nous le savons, nier les identités sociales de classes, les abandonner aux identités ethniques portées en étendard, ce que font Ousmane Sonko et son parti, réduire les causes réelles du dénuement des populations à ses obsessions et fantasmes, c’est là une invariante absolue d’extrême droite et de droite extrême.
La matrice identitaire et de négation des convictions du gourou de Pastef opère également dans sa vision des relations du Sénégal avec le reste du monde, des questions internationales, de grandes idées comme le panafricanisme, qu’il désosse et transforme en enjeu sociétal ou identitaire. Son conservatisme rejoint partout son nationalisme, dévoyant tout ce qu’il touche.
Le monstre sans-cœur, sévissant dans la quasi-totalité des pays africains et la majorité des pays du monde, lui non plus n’existerait pas selon Pastef ; or il a un bras politique, libéralisme, tenant qu’il n’y a que des individus, des droits et des intérêts livrés à une concurrence sans borne, prétendument régulée par une mystérieuse main invisible du marché ; il a également une manière de gouverner l’économie, facteur décisif des souffrances de nos populations, le capitalisme.
Quand de jeunes activistes sénégalais font de l’anti-France identitaire égaré, cela nous navre, d’autant que c’est contraire à nos convictions. Les levées populaires de ces cinq dernières années au Sénégal, autour de grandes causes, ont toutes fini par se vider de leur sens politique et de leur puissance d’action, à cause du ferment identitaire que Sonko y a insufflé.
A y regarder de très près d’ailleurs, ces manifestations, qui ont lieu contre ce qu’on appelle le néo-impérialisme français, dont la réalité est évidemment criante et inacceptable, ou contre celui qu’on considère comme le gardien intraitable de la mainmise économique de la France au Sénégal, Macky Sall, ne sont populaires que du point de vue du nombre de manifestants, mais nullement elle le sont par la qualité politique des motivations, des orientations et des perspectives qui s’y dessinent.
Si Ousmane Sonko polarise autant l’adversité du jeu politique sur la figure de Macky Sall et de son personnel gouvernemental, c’est bien parce qu’il n’a rien contre la doctrine, ni l’idéologie politique du régime libéral de ce dernier. C’est celui de sa pratique politique, à laquelle il faut son exécrable et palpable inclination fascisante.
Il ne ferait pas grand mal au capitalisme-libéral, s’il était élu, ce qu’a Dieu ne plaise, comptant bien se contenter d’attribuer, il l’a dit, les secteurs-clés de l’économie aux capitaux privés locaux. Comme si les ravages du capital étaient liés à l’identité, la nationalité, la culture et la religion de son homme.
Vous chercheriez en vain dans les propositions de Sonko la moindre esquisse d’un dispositif destiné à faire face au capitalisme, lequel oppose toujours et partout une résistance féroce à quiconque tente de toucher un morceau du périmètre de sa mainmise.
En quoi nous tenons que le projet dit «patriotique» de Sonko est politiquement stérile, inutile et inefficace aussi bien au plan social qu’économique, malgré les tableaux enflammés du paradis qu’il fait miroiter aux Sénégalais. Comment peut-il en être autrement, dès lors que le substrat de ses convictions, telles qu’elles se donnent à voir dans ses expressions publiques, est vigoureusement une conception ethno-différentialiste de la politique et du capitalisme-libéral.
Ce qu’on ne dit pas assez, mais qu’il faut bien répéter autour de soi, est que le rapport de la frange la plus importante des couches diplômées, que mobilise Sonko, à la politique, lieu d’où peut surgir un universel commun, est sinon inexistant, du moins individualiste. Les cadres qui composent cette couche diplômée de sa «secte électoraliste» ont pour la plupart fait leurs études dans des universités sénégalaises, à une période où le militantisme salafiste avait déjà fortement écrasé la prégnance du syndicalisme étudiant dans les campus sociaux, jadis creuset de transmission de conscience citoyenne et de grands classiques de la compréhension politique des choses. Ce n’est pas un hasard si ses soutiens, en proie à la dépolitisation ambiante que Sonko exacerbe par son discours d’évitement politique pour que jamais on ne s’aperçoive de ses labyrinthes autoritaires et désertiques, tiennent pour horizon indépassable le funambulisme illusoire de l’auto-entreprenariat, le modèle économique et la démocratie de caserne du Rwanda.
Ne portant aucun projet collectif tranchant avec le régime de «l’arrogance friquée» de Macky Sall, sinon d’en entretenir la structure politique et économique libérale, mais seulement avec scrupule et ajustement à la marge, Ousmane Sonko et son parti incarnent plutôt une alternative de nuances et de petites différences. Et en pire : son fascisme à lui.
Les contestations mal-nommées populaires autour de Sonko sont portées par un fond d’individualisme populaire, quant à leurs franges diplômées, et largement au-delà. Des cadres du parti de l’hydre-caméléon et d’autres Sénégalais diplômés dans des secteurs de métiers aux carnets de commandes dépendants beaucoup des marchés publics, expliquent souvent qu’il est temps que «les mêmes qui dirigent le pays et en partagent le gâteau depuis plusieurs décennies» s’en aillent, cèdent la place, sans doute à une nouvelle génération de figures individualistes.
L’artiste ivoirien, Alpha Blondy, la vérité de son art l’emportant sur son jugement politique, dénonce à juste titre dans son nouvel album Eternity, ce type de programme politique de l’individualisme populaire en cours, celui de Pastef et de Sonko, une immense et audacieuse ambition que leur programme : «C’est notre tour de manger !» On en est là ! Il faut bien le rappeler, comme on dit, «Tout ce qui bouge n’est pas rouge» !
Aussi avons-nous été étonnés, même si nous constatons et comprenons la portée limitée de leurs communiqués au peuple sénégalais et à sa souveraineté, de voir des dirigeants de forces de gauche françaises exprimer de manière vague et confuse leurs soutiens respectifs aux manifestations de mars 2021 et du mois dernier.
Ancien cadre de l’association des étudiants musulmans du Sénégal, espace idéologique et très effervescent du militantisme politique du salafisme local, Ousmane Sonko attire et agrège autour de lui les forces les plus réactionnaires du Sénégal, pour lesquelles les droits humains sont une menace pour l’identité et les «très fortes valeurs religieuses sénégalaises», les termes sont de lui.
Cet ethno-différentialisme, entrave à l’universalisme, qui travaille le fond de sa conception de la politique et du peuple sénégalais trouve sa parfaite illustration, toutes proportions gardées, dans la bluette, mais pas si légère que cela, de Ryan Coogler : Black Panther. Dans le film, le peuple du Wakanda reste confiné dans ses tribus, ses traditions, ses coutumes, ses valeurs et son identité, qui demeurent immuables, contre le bon sens le plus élémentaire du déterminisme matérialiste, malgré la puissance de détermination intrinsèque de l’abondance des conditions matérielles et technologiques de pointe qui soutiennent leur existence collective.