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27 avril 2025
Opinions
L’AFRIQUE A BESOIN DE PLUS DE TITULAIRES DE DOCTORAT MAIS LES MOYENS CONSTITUENT UN OBSTACLE POUR LES ETUDIANTS
Au cours des 15 dernières années, il y a eu une demande croissante tant au sein qu’en dehors du secteur de l’enseignement supérieur pour que les pays africains produisent plus de titulaires de doctorat.
Au cours des 15 dernières années, il y a eu une demande croissante tant au sein qu’en dehors du secteur de l’enseignement supérieur pour que les pays africains produisent plus de titulaires de doctorat. Pour ce faire, il est important de savoir ce qui empêche les étudiants de poursuivre ou d’achever leurs études de doctorat. C’est ce qu’ont fait les auteurs d’un nouvel article de synthèse, en se concentrant sur l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Éthiopie, l’Ouganda et le Nigeria. Cinq thèmes se dégagent de leur travail : les profils sociodémographiques des doctorants, l’accès au financement, la disponibilité des ressources et de la formation, les expériences avec les directeurs de thèse et les mécanismes personnels d’adaptation.
Pourquoi est-il important pour les pays africains de produire des diplômés de doctorat ?
Il a été démontré que les programmes de doctorat jouent un rôle crucial dans l’avancement de la recherche, de l’innovation et du progrès économique et scientifique.
En effet, plus un pays dispose de capacités de recherche, plus il sera en mesure de combler les lacunes en matière de soins de santé, de surmonter les obstacles économiques et de lutter contre l’insécurité alimentaire. Ce point a été souligné, entre autres, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Union africaine (UA).
La formation doctorale développe l’expertise académique. Elle stimule la croissance dans de multiples secteurs, tels que la santé, l’éducation et la technologie. Elle favorise également un environnement propice à l’émergence de solutions créatives et pratiques aux défis locaux.
Quels sont les principaux obstacles rencontrés par les doctorants dans les pays que vous avez étudiés ?
Notre étude était une revue exploratoire. Cette méthode de recherche nous a permis de passer en revue les études existantes et d’identifier les concepts clés, les types de preuves et les lacunes en matière de connaissances. L’étude comprenait des articles provenant de différents pays africains, dont l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Éthiopie, l’Ouganda et le Nigeria.
L’un des principaux obstacles que nous avons identifiés pour les doctorants est le manque de ressources. De nombreuses universités du continent sont sous-financées. Elles luttent pour offrir à leur personnel et à leurs étudiants des cadres de recherche adéquats, des bibliothèques et même (un accès à l’internet).
Un autre défi majeur est le manque de supervision doctorale de qualité. Dans de nombreuses universités africaines, le nombre de directeurs de thèse qualifiés est largement insuffisant par rapport au nombre de doctorants. Ce déséquilibre signifie que certains étudiants ne reçoivent que peu d’encadrement, ce qui peut ralentir leur progression.
Le doctorat est, par nature, un travail solitaire. Mais sans le soutien approprié, les étudiants peuvent se sentir déconnectés de la communauté universitaire. Ce sentiment d’isolement peut augmenter le taux d’abandon et entraver l’achèvement des projets de recherche.
Les superviseurs sont souvent submergés par d’autres responsabilités : leurs propres recherches, des tâches administratives ou les cours qu’ils dispensent à de grandes classes de premier cycle. Ils n’ont donc que peu de temps à consacrer à l’encadrement des doctorants. Les étudiants qu’ils sont chargés de superviser peuvent finir par se sentir isolés.
Le financement personnel est également difficile à obtenir. Les bourses sont rares et, lorsqu’elles sont disponibles, elles ne couvrent pas toujours toutes les dépenses de l’étudiant au cours de ses recherches. De nombreux étudiants doivent travailler à temps plein pour subvenir à leurs besoins tout en poursuivant leur doctorat. Cela peut sérieusement affecter leur capacité à consacrer du temps à leurs études.
Même lorsque des financements sont disponibles, ils sont souvent liés à des projets ou des bourses à court terme qui ne permettent pas aux étudiants de terminer leurs recherches sans interruption. Cette situation entraîne des retards importants dans l’obtention des diplômes, ce qui crée un effet de goulot d’étranglement : les étudiants restent bloqués dans le système pendant des années, ce qui engorge le flux de nouveaux chercheurs entrant dans le monde universitaire.
Un autre défi réside dans le fait que les doctorants africains qui réussissent peuvent quitter leur pays d’origine pour de meilleures opportunités à l’étranger. Le phénomène dit de «fuite des cerveaux» a un effet profond sur la capacité de l’Afrique à construire une communauté universitaire forte. Si de nombreux doctorants africains poursuivent des recherches novatrices en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie, leur départ prive leurs institutions et leurs pays d’origine de connaissances et d’expériences précieuses.
La fuite des cerveaux n’est pas seulement une question de meilleurs salaires ou de meilleures conditions de vie. Elle concerne également la disponibilité d’opportunités de recherche de pointe. Une fois à l’étranger, de nombreux étudiants sont en mesure d’accéder à de meilleures ressources et choisissent alors de rester dans des environnements qui leur permettent de s’épanouir professionnellement.
Quel rôle le genre joue-t-il dans la probabilité d’obtenir un doctorat ?
Les femmes qui poursuivent un doctorat sont confrontées à plus de défis que leurs pairs masculins. Nous avons constaté que les doctorantes sont fréquemment confrontées à des préjugés sexistes, tant sur le plan social que professionnel, qui les empêchent d’atteindre leurs objectifs universitaires.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de femmes inscrites en doctorat dans certains pays, comme l’Éthiopie et l’Afrique du Sud, a augmenté.
Cependant, les femmes ont moins de chances que les hommes de terminer leurs études de doctorat, en partie à cause des attentes et des responsabilités culturelles qu’elles assument. Les étudiantes qui sont mariées ou qui ont d’enfants doivent souvent concilier la gestion de leur foyer et de leurs responsabilités avec la poursuite de leurs études.
Dans les régions où la famille est traditionnellement prioritaire par rapport aux aspirations professionnelles, les femmes peuvent ressentir une culpabilité supplémentaire ou une pression sociétale. Ce qui peut réduire le temps qu’elles consacrent à la recherche.
En outre, dans les régions où l’héritage colonial ou de l’apartheid influence encore les structures sociétales, les femmes noires en particulier font état d’obstacles supplémentaires. Elles disent se sentir négligées ou sous-estimées dans les espaces universitaires.
Des progrès ont été réalisés. Des organisations telles que le Consortium pour la formation avancée en recherche en Afrique (Carta) proposent des programmes qui soutiennent les femmes tout au long de leur parcours universitaire. Toutefois, une approche plus large et plus sensible au genre est nécessaire pour garantir que les femmes aient accès aux ressources, au mentorat et à des systèmes de soutien flexibles qui répondent à ces défis spécifiques.
Accroître le soutien aux femmes dans les programmes de doctorat n’est pas qu’une question de chiffres. Cela signifie que les institutions et la société dans son ensemble doivent s’attaquer aux obstacles structurels et culturels qui freinent les femmes.
Existe-t-il des solutions aux problèmes que vous avez identifiés ?
Les défis auxquels sont confrontés les doctorants en Afrique sont complexes, mais pas impossibles à surmonter.
Avec les investissements adéquats et une volonté de réforme, les universités du continent peuvent devenir des centres d’excellence mondiaux en matière de recherche et de développement. Il est essentiel que les sociétés ne perdent pas de vue l’importance de l’enseignement supérieur. Comme nous l’avons dit, et comme le montre un grand nombre de preuves, de solides programmes de formation doctorale et l’investissement dans la recherche et l’innovation pour relever les défis auxquels le continent africain est confronté sont essentiels pour garantir que la prochaine génération de chercheurs et d’innovateurs puisse ouvrir la voie à la résolution de certains des problèmes les plus urgents du monde.
Les gouvernements, les universités et les organismes de financement peuvent collaborer en offrant des bourses et des subventions de recherche, en créant des politiques d’égalité des sexes et en introduisant des programmes de mentorat ou en améliorant ceux qui existent déjà.
Par Oumar NDIAYE
REDEFINITION DE LA CARTE DU MOYEN-ORIENT
Il est d’usage quand il s’agit de parler du Moyen-Orient de recourir à une citation du Général de Gaulle contenue dans ses Mémoires où il parlait de « voler au-dessus du Levant compliqué avec des idées simples ».
Il est d’usage quand il s’agit de parler du Moyen-Orient de recourir à une citation du Général de Gaulle contenue dans ses Mémoires où il parlait de « voler au-dessus du Levant compliqué avec des idées simples ».
Depuis la qualification de l’ancien chef d’État français, les événements ne lui ont pas donné tort. Ainsi, les crépitements des armes n’ont jamais quitté le Moyen-Orient, surtout dans le conflit israélo-palestinien avec des récits et narratifs qui ont rythmé les journaux télévisés du monde entier pendant plusieurs décennies. Rien n’est donc de nouveau dans cette crise qui valse d’une latence à une permanence de la guerre. Avec l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, quelque chose d’autre s’est passé pour que l’agenda médiatique ou agenda setting ne soit dominé que par cette question, reléguant même au second plan ce qui se passe en Ukraine qui, pendant deux ans, a occupé les opinions publiques des pays occidentaux comme ceux du « Global South ».
Dans la crise israélo-palestinienne, les acteurs et mentors étaient connus. D’un côté Israël avec ses soutiens traditionnels occidentaux et la Palestine avec les rues et palais arabo-musulmans. Mais depuis trois ans, cette zone du Moyen-Orient a connu des bouleversements géopolitiques insoupçonnés et inédits. Les « Accords d’Abraham » signés en 2020 sous l’égide des États-Unis lors du premier mandat de Donald Trump ont permis une normalisation des relations entre Israël et beaucoup de pays arabes comme les Émirats, le Maroc, le Soudan, le Bahreïn. Même le géant et leader du monde arabe, l’Arabie Saoudite, était en pourparlers pour rejoindre ce quatuor donnant ainsi à cette aire géographique l’occasion d’entrer dans une nouvelle ère, avec comme conséquence, la relégation de la question palestinienne.
C’est vrai que les dissensions et contradictions entre palestiniens et surtout l’absence de légitimé et de leadership de ceux qui sont censés porter leurs combats, le Fatah et le Hamas, ont fait que la défense de leur cause s’est détériorée au sein des pays arabes, leurs premiers soutiens. Seul l’Iran, qui n’est pas un pays arabe, est resté le mentor et acteur de premier plan aux côtés des Palestiniens, faisant de leur cause une question nationale et vitale, tant de sa politique intérieure qu’étrangère. Il aura fallu cette action d’éclat du Hamas pour que la cause palestinienne puisse fédérer pour autant les opinions du monde arabe.
Avec ce retour au premier plan de la cause palestinienne, il est à noter que la césure entre l’Occident et le « Global South » se creuse davantage et chaque crise mondiale vient encore renforcer cette cassure entre ces deux parties du monde. La crise palestinienne vient encore montrer que les divergences entre ces deux entités sur fond de différences idéologiques et politiques sont profondes. Comme pour l’Ukraine, le Moyen-Orient est devenu une zone d’exportation des dissensions et différences entre puissances régnantes et d’autres émergentes qui veulent peser davantage sur la gouvernance mondiale.
Introduite dans la zone du Moyen-Orient avec l’accord qu’elle a signé avec l’Iran, la Chine y détient une certaine influence que lui confère sa puissance économique. Les derniers développements avec la chute du régime syrien malgré le soutien affiché et affirmé de la Russie montrent le prolongement de ce qui se passe un peu partout dans le monde avec le jeu d’alliance des puissances. Cette intrusion d’acteurs, nouveaux et anciens, est porteuse d’une nouvelle redéfinition de la carte de cette zone avec l’émergence de deux hommes forts, le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre israélien, qui des deux côtés représentent cette césure qu’il y a dans le monde entre le camp occidental et le « Global South ». Ce qui donnera à cette zone de nouvelles couleurs et une autre ampleur…
PAR MOHAMADOU MANEL FALL
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, ATTENTION À LA THÉORIE DE L’INERTIE STRATÉGIQUE
"Après deux ans dans un poste de direction, j’ai appris à reconnaître les subtilités de notre administration. Ici, on ne combat pas une réforme. On l’absorbe, on l’étudie, et surtout, on la fait disparaître dans les méandres d’un système..."
“L’inertie sociale résulte d’une incapacité à dépasser les pratiques anciennes, même lorsqu’elles sont manifestement obsolètes. ” Miche Crozier
Permettez-moi de vous expliquer. Après deux ans dans un poste de direction, j’ai appris à reconnaître les subtilités de notre administration. Ici, on ne combat pas une réforme. On l’absorbe, on l’étudie, et surtout, on la fait disparaître dans les méandres d’un système qui a ses propres règles.
Tout commence avec vos idées. Ambitieuses, nécessaires, elles suscitent l’enthousiasme. Mais très vite, elles se retrouvent transformées en documents. D’abord, une note technique. Ensuite, des termes de référence. Puis, un plan d’action détaillé. Mais que deviennent ces documents ? Ah, ils passent de main en main, circulent entre directeurs de cabinet, chefs de cabinet, conseillers techniques, et parfois même atterrissent sur la table de comités ad hoc. Chacun apporte une “amélioration”, une “relecture”, une “clarification”.
Pendant ce temps, vos réformes, elles, se noient dans les colonnes des tableaux Excel. Vous savez, ces tableaux si sophistiqués qu’ils semblent conçus pour qu’on ne puisse jamais en tirer une conclusion claire. Les chiffres s’additionnent, se croisent, mais l’action concrète, elle, reste toujours en suspens.
Et puis viennent les réunions. Une grande tradition administrative où chaque décision doit être débattue, analysée, reformulée. On réunit les uns, puis les autres, toujours avec beaucoup de sérieux. Mais au final, les décisions semblent s’éloigner à chaque rencontre, comme une ligne d’horizon qui recule au fur et à mesure qu’on avance.
Ne vous méprenez pas, Monsieur le Président, tout cela est fait avec un respect impeccable. Ici, personne ne bloque directement. Au contraire, tout le monde semble jouer le jeu. Mais vos ambitions finissent par s’éparpiller dans ce ballet bureaucratique où chaque acteur s’emploie à diluer l’élan dans la routine.
Les notes restent sur les bureaux des directeurs. Les termes de référence deviennent des archives. Les tableaux Excel alimentent des rapports qui ne débouchent sur rien. Et vous, Monsieur le Président, vous continuez d’attendre. Non pas parce qu’il y a opposition, mais parce qu’ici, le mouvement est un artifice. L’apparence d’activité masque une immobilité qui ne dit pas son nom.
C’est cela, Monsieur le Président, la théorie de l’inertie stratégique. Ce n’est pas un complot, c’est un système. Une mécanique huilée où vos idées, aussi brillantes soient-elles, risquent de se perdre dans un labyrinthe où tout semble avancer, mais où rien n’aboutit jamais.
PS: Toute ressemblance avec une personne ou une situation réelle n’est que pure coïncidence.
Par Henriette Niang KANDE
QUAND L’ÉTAT RAME, ÇA MOULINE DANS LE VIDE
Quand un chef d'État avoue n'avoir « aucune marge de manœuvre », on pourrait se demander s’il ne manque pas aussi de marge pour une bouffée d’air. Un cri d’alerte ou l’aveu qu’il aurait mieux fait de rester aux Impôts et Domaines ?
Le chef de l’Etat a présidé, lundi dernier, la première Conférence des Administrateurs et Managers Publics (CAMP). Dans son évaluation de l’Administration sénégalaise, il a déclaré en gros qu’après neuf mois aux commandes, le bilan fait tousser
1. D’abord, un État fauché comme les blés, avec des finances qui font grise mine et des marges de manœuvre aussi vastes qu’une boîte de sardines.
2. Ensuite, une Administration républicaine, certes, mais qui tourne encore sous Windows 95, alors qu’on parle d’intelligence artificielle et de révolution numérique à chaque coin de rue.
3. Puis, un secteur parapublic gonflé comme un ballon de baudruche, qui coûte un bras tout en doublonnant les services centraux, avec des dividendes qui se font désirer comme des vacances en première classe.
4. Enfin. Des services publics aussi simples qu’un casse-tête chinois, avec des coûts qui grimpent plus vite qu’un chat sur un rideau, et une image de l’État qui prend la poussière.
Bref, il faut un bon coup de balai pour dépoussiérer tout ça, moderniser, rapprocher l’administration des citoyens et la rendre plus efficace. C’est justement tout l’enjeu de cette Conférence des Administrateurs et Managers publics (CAMP) : causer stratégie, solutions, et surtout éviter la panne sèche.
Quand un chef d’État annonce qu’il n’y a « aucune marge de manœuvre » pour sortir son pays d’une crise, on pourrait se demander s’il ne manque pas aussi de marge pour prendre une bouffée d’air. Est-ce un cri d’alerte sincère, une manière d’éviter le stress des attentes, ou simplement l’aveu qu’il aurait peut-être mieux fait de rester aux Impôts et Domaines ? Explorons cette déclaration avec un brin d’humour.
Quand on parle de « contraintes systémiques », cela sonne un peu comme une excuse que l’on sort à l’école pour ne pas avoir fait ses devoirs. « Ce n’est pas moi, c’est la crise énergétique, la dette et le pays pillé par nos devanciers », semble-t-on entendre. Certes, les chefs d’État, surtout dans les pays en développement, jonglent souvent avec des problèmes qui semblent taillés pour un super-héros… mais sans le costume.
Reste que dire pudiquement « je ne peux rien faire » ressemble à une stratégie curieuse. S’agit-il de transparence pour préparer la population à de futurs sacrifices ? Ou simplement d’un moyen de baisser les attentes, parce qu’après tout, à quoi bon décevoir si tout le monde est déjà déprimé ?
Évidemment, une telle déclaration ouvre la voie à des critiques. Et si le véritable problème était une incompétence bien dissimulée ? Certains diront qu’un bon leader trouverait toujours une solution, même si elle implique de transformer des citrons en limonade. Mais quand on ne voit que des citrons, le casse-tête est qu’il faut choisir entre ceux qui ont des pépins et ceux qui n’en n’ont pas.
Pourtant, il faut bien admettre que tout ne peut pas être imputé à une seule personne. Quand un pays traîne un boulet depuis plusieurs décennies, le dirigeant actuel ressemble davantage à quelqu’un qui tente de réparer un avion en plein vol. Mais bon, si on a promis des réformes miracles et que l’on finit par lancer un SOS, il faut s’attendre à des critiques.
Si le chef d’État évoque une absence de marge de manœuvre, il y a peut-être une logique derrière. C’est un peu comme quand on dit à ses amis qu’on est fauché juste avant qu’ils ne demandent qu’on paye la prochaine tournée. En mettant en avant les contraintes extérieures, il déplace l’attention : ce n’est pas lui, ce sont les gens d’avant.
Mais attention, cette stratégie peut avoir un effet boomerang. Si la population sent que tout est de la faute des autres, elle pourrait finir par se demander pourquoi elle écoute encore quelqu’un qui n’a visiblement pas les commandes.
Les citoyens, eux, oscillent entre l’espoir d’une solution et une envie grandissante d’éclater de rire devant l’absurdité de certaines situations. Entendre qu’il n’y a pas de marge de manœuvre peut sembler honnête, mais cela risque aussi de ressembler à un abandon. Pourtant, l’art du leadership consiste justement à trouver un moyen de transformer une impasse en opportunité. Un peu comme ces gens qui, coincés dans un ascenseur, finissent par inventer un jeu pour passer le temps
Quand un chef d’État affirme qu’il n’y a pas de marge de manœuvre, cela peut être le reflet d’un contexte véritablement difficile, ou une manière astucieuse de réduire les attentes. Mais pour beaucoup de citoyens, cela reste une pirouette rhétorique qui pourrait bien résumer toute la situation : « On est dans le même bateau, mais moi, je ne rame pas. » Au final, la véritable question reste : qui prendra les rames et, surtout, où est-ce qu’on va ?
PAR Ibrahima Dia
PROPOSITION POUR LA FORMALISATION DES CONDUCTEURS DE MOTOS JAKARTA
EXCLUSIF SENEPLUS - Le statut d'entreprenant, pierre angulaire de cette stratégie, permettrait aux conducteurs d'accéder à la formalité sans frais initiaux tout en bénéficiant d'une reconnaissance légale de leur activité
La formalisation des conducteurs de motos taxis et livreurs, communément appelés "Jakarta", est devenue un enjeu crucial et urgent au Sénégal. Les récentes décisions étatiques exigeant une mise en conformité ont exacerbé les tensions dans un secteur qui, bien qu’informel, joue un rôle vital dans l’économie. Ce problème n’est pas nouveau. Déjà sous un précédent régime, des tentatives de régulation avaient provoqué une forte opposition malgré les efforts pour simplifier les démarches et alléger les coûts. Cette situation a permis au phénomène des motos Jakarta de prospérer de manière incontrôlée et les risques de sécurité publique deviennent plus importants.
Ces tensions soulignent l'importance de solutions inclusives et durables pour intégrer ces acteurs dans le cadre légal et économique formel et de traiter cette question structurelles en dehors de toutes considerations politiciennes partisanes. Ce défi s'inscrit dans une dynamique plus large visant à moderniser l'économie et à répondre à la problématique de l'emploi des jeunes, particulièrement marquée par une forte dépendance au secteur informel. En 2016, 97 % des unités économiques étaient informelles, contribuant à 54 % du PIB national, mais affichant une faible productivité et une couverture sociale quasi inexistant
Le succès de ce mode de transport repose sur une forte demande de mobilité rapide, des trajets courts et à bas coût et sur des besoins croissants en livraison, notamment grâce à l’essor du e-commerce. En parallèle, l’offre est alimentée par une main-d’œuvre abondante composée de jeunes sans emploi qui arrivent de plus en plans nombreux sur le marché, d’étudiants et d’autres individus cherchant à accumuler des revenus pour divers objectifs, pour un métier peu exigeant en qualification et avec presque pas de barrières d’entrée. On estime qu’entre 300 000 et 400 000 personnes travaillent dans ce secteur et ce chiffre risque de croitre d’avantage et plus rapidement que prévu.
Défis et enjeux de la formalisation des motos jakarta
Bien que tout le monde s'accorde sur l'importance de réguler l'activité, notamment par l'obtention de documents administratifs et l'immatriculation des motos, plusieurs obstacles majeurs continuent de constituer de fortes barrières si l’on se réfère aux déclarations des acteurs.
Le premier obstacle réside dans le coût élevé des procédures et les contraintes financières qu'elles imposent. Les frais administratifs sont jugés prohibitifs, d'autant plus qu'ils doivent être réglés en une seule fois, ce qui constitue un défi pour des acteurs dont les revenus, souvent modestes et instables, dépendent d'une activité quotidienne.
Ensuite, la complexité des démarches représente un frein significatif. Les étapes à suivre, souvent longues et exigeantes en termes de temps et de ressources, découragent de nombreux individus qui peinent déjà à répondre aux besoins immédiats de leur quotidien.
Enfin, l'achat informel des motos constitue un autre obstacle de taille. Beaucoup de ces véhicules, acquis sans documents officiels, rendent difficile la présentation de preuves de propriété, (avec des soupçons que certains ont fait l’objet de vols), ce qui complique davantage leur intégration dans un cadre formel.
Ces défis appellent des réponses structurelles, intelligentes et pérennes. Des solutions ponctuelles ou conjoncturelles ne suffiront pas à surmonter ces obstacles profondément enracinés. Une approche globale et adaptée est nécessaire pour favoriser une régulation effective et inclusive de ce secteur dans un climat de sérénité.
Une approche structurelle via le statut d’entreprenant
Conceptuellement, les conducteurs de motos Jakarta sont des autoentrepreneurs. Ils travaillent pour leur propre compte, génèrent leurs revenus directement à partir de leur activité et, dans la majorité des cas, possèdent leur outil de travail. Même lorsqu’ils ne sont pas propriétaires, ils ne sont pas des salariés au sens classique, mais partagent les recettes avec les propriétaires des motos. Cette situation les positionne naturellement dans la catégorie des autoentrepreneurs, tels que définis par la loi d’orientation sur les PME et le cadre OHADA.
Le statut d’Entreprenant, introduit par l’Acte Uniforme de l’OHADA et renforcé par le cadre légal national (loi d’orientation n°2020-02 sur les PME et le décret n°2022-1190 du 03 juin 2022 portant statut de l’entreprenant), constitue une opportunité pour formaliser les conducteurs de motos Jakarta. Ce statut, destiné aux entrepreneurs individuels travaillant pour leurs propres comptes, offre une procédure simple et accessible
Caractéristiques du statut d’entreprenant
Le statut d'entreprenant se distingue par sa simplicité et son accessibilité. Toute personne physique majeure peut y prétendre par une simple déclaration, sans frais, à condition de présenter une pièce d’identité et des informations de base sur son activité. Ce statut offre des plafonds de chiffre d’affaires annuels adaptés, variant entre 30 et 60 millions de FCFA selon le type d’activité exercée. Une carte d’Entreprenant est alors délivrée, valable pour une durée de trois ans et renouvelable.
Ce statut garantit également la reconnaissance formelle de l’activité, permettant à ses bénéficiaires de sortir de l’informalité. En parallèle, il ouvre l’accès à des mesures d’accompagnement, incluant des incitations spécifiques, dont la définition est encore en cours.
Cependant, ce statut implique certaines obligations. Les bénéficiaires doivent tenir une comptabilité simplifiée et se conformer aux réglementations sectorielles, notamment en matière de licences pour des activités spécifiques comme le transport. Ces exigences visent à assurer la viabilité et la conformité des activités déclarées tout en favorisant leur développement.
Propositions de mesures opérationnelles
Pour lever les blocages actuels et encourager la formalisation des conducteurs de motos, les mesures suivantes sont préconisées :
Encourager l’enregistrement des conducteurs de motos Jakarta au statut d’entreprenant :
Pour encourager les conducteurs de motos à adhérer au statut d’Entreprenant, plusieurs mesures stratégiques peuvent être mises en œuvre :
D’abord, il est essentiel de faciliter la procédure de déclaration. En collaboration avec les greffes du ministère de la Justice, des guichets uniques mobiles pourraient être déployés pour faciliter les inscriptions directement sur le terrain. Cette approche rapprocherait le service des bénéficiaires et réduirait les obstacles logistiques et administratifs.
Ensuite, une campagne de sensibilisation ciblée devrait être menée pour mettre en avant les avantages du statut notamment l’accès au crédit, la protection sociale et des opportunités d’accompagnement entrepreneurial. Ce travail de sensibilisation, réalisé en partenariat avec les associations de conducteurs de motos, permettrait de mieux informer ces derniers sur les bénéfices concrets de la formalisation.
Enfin, la mise en place d’un dispositif spécifique au sein de la Direction de l’Encadrement et de la Transformation des Entreprises Informelles, relevant du Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, serait cruciale. Ce dispositif en intelligence avec le ministère en charge du transport, serait chargé de soutenir et d’encadrer les associations de conducteurs. Il pourrait également faciliter la mise en place d’équipes d’assistance dédiées, aidant les membres à accomplir les démarches nécessaires pour accéder au statut d’Entreprenant. Une telle initiative renforcerait la proximité et l’efficacité des services proposés.
Mise en place de financements adaptés
Pour soutenir les conducteurs de motos dans leur transition vers la formalisation, des actions concertées avec le ministère en charge de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) pourraient être mises en place. Une première initiative consisterait à mobiliser les institutions de microfinance (IMF) pour leur accorder des crédits dédiés, inspirés des nanocrédits de la DER-FJ. Ces financements permettraient de couvrir les frais liés à l’immatriculation, les plaques, les licences, les assurances, et autres démarches administratives nécessaires.
Pour rendre ces crédits accessibles et adaptés aux réalités économiques des bénéficiaires, des modalités de remboursement flexibles seraient proposées. Cela inclurait des échéanciers souples, avec des paiements journaliers ou hebdomadaires, étalés sur une période de 6 à 12 mois. Ces conditions tiendraient compte des habitudes de cotisation déjà pratiquées par les conducteurs dans leurs garages, facilitant ainsi une intégration progressive au processus de formalisation sans alourdir leurs charges financières immédiates. Cette approche inclusive renforcerait leur capacité à s’organiser et à évoluer dans un cadre économique plus stable, plus serein et plus structuré.
Perspectives de développement post-formalisation
La formalisation des conducteurs de motos ouvre la voie à de nouvelles opportunités de développement économique et social, tout en renforçant leur inclusion dans un cadre structuré et sécurisé. Au-delà des étapes initiales d’enregistrement et de mise en conformité, il est crucial d’explorer des mécanismes qui permettent de maximiser les bénéfices de cette transition. C’est le meilleur moyen d’avoir leur adhésion
Les perspectives préconisées visent non seulement à améliorer les conditions de travail des conducteurs, mais aussi à stimuler leur contribution à l’économie locale et à renforcer leur résilience face aux aléas sociaux et économiques.
Pour promouvoir l’inclusion financière et le développement durable des conducteurs de motos, plusieurs mesures stratégiques peuvent être mises en œuvre. D’abord, l’ouverture de comptes bancaires serait encouragée pour une gestion transparente des revenus et une tenue simplifiée de la comptabilité. Cette initiative renforcerait la capacité des conducteurs à gérer efficacement leurs finances tout en facilitant leur accès à des services financiers formels.
En parallèle, des opportunités d’accès au crédit seraient offertes pour financer des investissements essentiels. Ces crédits pourraient couvrir le renouvellement ou l’acquisition de motos, notamment en soutenant la transition vers des modèles électriques, ainsi que l’achat d’équipements divers et la consommation de base. La protection sociale serait également intégrée de manière progressive en liant le paiement des cotisations sociales aux crédits octroyés. Ce mécanisme assurerait une meilleure couverture sociale, incluant l’assurance maladie, pour les conducteurs et leurs familles. Enfin, un appui spécifique serait apporté aux conducteurs pour les aider à créer et à structurer des sociétés coopératives. Ces coopératives seraient en mesure de mettre en place des centrales d’achat pour réduire les coûts liés aux équipements, ainsi que des unités de production de plaques d’immatriculation. Cette perspective renforcerait leur pouvoir économique et leur autonomie.
Gouvernance et suivi pour une formalisation durable
Pour garantir le succès de la formalisation des conducteurs de motos, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de gouvernance solides et inclusifs, ainsi que des outils de suivi et d’évaluation performants pour coordonner les efforts entre les différents acteurs impliqués et de mesurer l’impact économique et social des initiatives engagées.
Une première mesure clé consiste à créer un comité national chargé de la mise en œuvre sur le terrain des mesures préconisées. Ce comité, composé des ministères concernés (en charge de l’Économie Sociale et Solidaire, de la formalisation, des PME et du transport, entre autres), des associations de conducteurs, des collectivités territoriales aurait pour mission de piloter les actions stratégiques, d'assurer leur cohérence et d’évaluer leur pertinence.
Par ailleurs, il est crucial de renforcer le comité existant de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre du statut de l’Entreprenant pour superviser cette initiative et l’inscrire dans sa feuille de route. En collaboration étroite avec les partenaires techniques et financiers, ce comité pourrait intégrer des indicateurs de performance spécifiques et favoriser des retours réguliers sur l’évolution du processus. Cela permettrait d’adapter les stratégies en temps réel et de garantir que les objectifs initiaux, tels que l’inclusion financière, la protection sociale et le développement entrepreneurial, soient effectivement atteints.
Transformer une crise en opportunité
La situation des conducteurs de motos Jakarta ne doit pas être perçue uniquement comme une contrainte, une crise, une menace à la paix sociale et la sécurité par les gouvernants, un risque par les travailleurs mais comme une opportunité stratégique. Ce secteur constitue une illustration concrète des mutations de l’emploi au Sénégal et des opportunités qu’offre la transition vers une économie plus inclusive et structurée.
La formalisation des conducteurs de motos Jakarta représente donc une opportunité stratégique pour transformer un secteur informel dynamique mais vulnérable en un moteur de développement économique durable. En intégrant ces travailleurs au cadre du statut d’entreprenant, le Sénégal peut non seulement améliorer la régulation du secteur du transport et la sécurité, mais aussi promouvoir l'inclusion financière, sociale, et économique d’une couche importante de la population. Cette démarche s'inscrit dans une stratégie nationale visant à moderniser l'économie informelle, renforcer la protection sociale et créer des emplois décents pour les jeunes.
Cette démarche peut également servir de modèle pour d’autres initiatives visant à intégrer les travailleurs informels dans le secteur formel, tout en promouvant un cadre favorable au développement de l’entrepreneuriat individuel.
La mise en œuvre de cette proposition ambitieuse nécessite un engagement fort des parties prenantes, une coordination efficace et une volonté de transformer les défis actuels en opportunités durable.
Ibrahima Dia est Sociologue-Environnementaliste, expert en politiques de protection sociale, de développement des PME, et de développement rural.
Par Khady Gadiaga
LE TEMPS DE LA DECONSTRUCTION DE NOS IMPOSTURES SOCIALES.
Il y a beaucoup à apprendre de cette confrontation entre l'ONG Jamra et les féministes sénégalaises tant le déni de la violence faite quotidiennement aux femmes électrise et soulève des vérités crues que personne ne veut endosser ...
Il y a beaucoup à apprendre de cette confrontation entre l'ONG Jamra et les féministes sénégalaises tant le déni de la violence faite quotidiennement aux femmes électrise et soulève des vérités crues que personne ne veut endosser car elles mettent le doigt sur la face hideuse de nos impostures, devenue le reflet de nos âmes. Aujourd’hui, grâce à la scolarisation et à leur entrée sur le marché du travail, les femmes parviennent en de nombreux endroits à secouer le joug. Mais cette aspiration à l’égalité, devenue une manifestation planétaire, ne va pas sans déchaîner en retour la colère ni sans alimenter un désir de représailles.
La lutte pour l’émancipation est âpre. Aucun groupe dirigeant ne renonce à sa position de supériorité sans combattre.
C’est cette résistance acharnée, parfois sanglante, qui se manifeste de manière implacable, d’un bout à l’autre du monde. Régimes politiques masculinistes, djihadisme, fondamentalisme religieux, courants réactionnaires, mouvements d’extrême droite…: son attention se porte sur tous les groupes qui, quand il s’agit des femmes et du féminisme, montrent une parfaite identité de vue.
Tous les torts que subissent les femmes peuvent allègrement alimenter des encyclopédies de la misogynie.
L'ONG Jamra dont la mission est, dixit, de préserver les valeurs, autrement « samm jikko yi » gagnerait à être moins sélective dans ses indignations et à porter le combat des femmes pour une égale dignité des membres de la société. Le prophète de l'islam (psl) dont nos moralisateurs se réclament n'a cessé de son vivant de faire la promotion de la condition féminine. Le prophète Mohammed n’a pas fait qu’aimer les femmes dans un sens idéaliste, il a démontré qu’il les aimait profondément en ébranlant complètement les fondations de la société misogyne de l’époque. Il a tout fait pour leur donner un statut légal de femmes indépendantes et autonomes au sein de la société islamique naissante et ce, malgré les réticences voire les résistances de ses propres compagnons et des plus fidèles d’entre eux qui n’arrivaient pas à concevoir que les femmes puissent avoir des droits !
Il est clair qu’à vouloir refuser la conflictualité sans laquelle aucune vérité ne peut être mise au jour, notre société risque beaucoup plus. Ce qu'on a attendu pendant longtemps de ces soit-disant "directeurs de conscience" n'était plus, ni moins qu'une égale condamnation pour tous les crimes économiques et autres dérives d'ordre politicien qui ont perduré pendant tout le règne libéral et comme me le soulignait un ami, un engagement non feint pour secouer une société en déliquescence dont presque tous les remparts semblaient s'effondrer pour laisser usurpateurs, marchands d'illusions et autres illuminés brouiller les perspectives déjà grandement compromises par une classe d'affairistes et d'opportunistes aux commandes.
De quoi se demander s'il ne faudrait pas, en définitive, protéger les hommes d’un patriarcat qui les met en position de domination mais, ce faisant les oblige à s’inscrire dans une masculinité toxique, dangereuse pour eux comme pour les autres ?
C’est là toute l’importance de la relecture du texte coranique afin de réhabiliter la compréhension des concepts clés fournis par les sources et de revenir ainsi au souffle premier, celui qui a été enterré et enfouie dans les bas fonds d’une compilation savante surannée et exclusivement masculine.
Mais pour cela, il lui faudrait saisir la portée d’une approche véhiculant un projet réaliste et un autre, idéologique, et proposer son adhésion à un contre-discours.
PAR KHADY GADIAGA
LE TEMPS DE LA DÉCONSTRUCTION DE NOS IMPOSTURES SOCIALES
"Il y a beaucoup à apprendre de cette confrontation entre l'ONG Jamra et les féministes sénégalaises tant le déni de la violence faite quotidiennement aux femmes électrise et soulève des vérités crues que personne ne veut endosser..."
Il y a beaucoup à apprendre de cette confrontation entre l'ONG Jamra et les féministes sénégalaises tant le déni de la violence faite quotidiennement aux femmes électrise et soulève des vérités crues que personne ne veut endosser car elles mettent le doigt sur la face hideuse de nos impostures, devenue le reflet de nos âmes.
Aujourd’hui, grâce à la scolarisation et à leur entrée sur le marché du travail, les femmes parviennent en de nombreux endroits à secouer le joug. Mais cette aspiration à l’égalité, devenue une manifestation planétaire, ne va pas sans déchaîner en retour la colère ni sans alimenter un désir de représailles.
La lutte pour l’émancipation est âpre. Aucun groupe dirigeant ne renonce à sa position de supériorité sans combattre.
C’est cette résistance acharnée, parfois sanglante, qui se manifeste de manière implacable, d’un bout à l’autre du monde. Régimes politiques masculinistes, djihadisme, fondamentalisme religieux, courants réactionnaires, mouvements d’extrême droite… : son attention se porte sur tous les groupes qui, quand il s’agit des femmes et du féminisme, montrent une parfaite identité de vue.
Tous les torts que subissent les femmes peuvent allègrement alimenter des encyclopédies de la misogynie.
L' ONG Jamra dont la mission est dixit de préserver les valeurs, autrement "samm jikku yi" gagnerait à être moins sélective dans ses indignations et à porter le combat des femmes pour une égale dignité des membres de la société. Le prophète de l'islam dont nos moralisateurs se réclament n'a cessé de son vivant à faire la promotion de la condition féminine. Le prophète Mohammed n’a pas fait qu’aimer les femmes dans un sens idéaliste, il a démontré qu’il les aimait profondément en ébranlant complètement les fondations de la société misogyne de l’époque. Il a tout fait pour leur donner un statut légal de femmes indépendantes et autonomes au sein de la société islamique naissante et ce malgré les réticences voire les résistances de ses propres compagnons et des plus fidèles d’entre eux qui n’arrivaient pas à concevoir que les femmes puissent avoir des droits !
Il est clair quà vouloir refuser la conflictualité sans laquelle aucune vérité ne peut être mise au jour, notre société risque beaucoup plus. Ce qu'on a attendu pendant longtemps de ces soit-disant "directeurs de conscience" n'était plus, ni moins qu'une égale condamnation pour tous les crimes économiques et autres dérives d'ordre politicien qui ont perduré pendant tout le règne libéral et comme me le soulignait un ami, un engagement non feint pour secouer une société en déliquescence dont presque tous les remparts semblaient s'effondrer pour laisser usurpateurs, marchands d'illusions et autres illuminés brouiller les perspectives déjà grandement compromises par une classe d'affairistes et d'opportunistes aux commandes.
De quoi se demander s'il ne faudrait pas en définitive protéger les hommes d’un patriarcat qui les met en position de domination mais, ce faisant les oblige à s’inscrire dans une masculinité toxique, dangereuse pour eux comme pour les autres ?
C’est là toute l’importance de la relecture du texte coranique afin de réhabiliter la compréhension des concepts clés fournis par les sources et de revenir ainsi au souffle premier, celui qui a été enterré et enfouie dans les bas fonds d’une compilation savante surannée et exclusivement masculine.
Mais pour cela, il lui faudrait saisir la portée d’une approche véhiculant un projet réaliste et un autre idéologique et proposer son adhésion à un contre-discours.
PAR ATOUMANE TRAORÉ
TIKTOK, LE SYMBOLE D’UN NUMÉRIQUE QUI CHANGE LES RÈGLES DU JEU POLITIQUE
"En exigeant que les États-Unis détiennent 50 % de TikTok dans une coentreprise, Trump affirme un principe fondamental : aucune technologie étrangère ne doit prospérer sur le territoire américain sans un contrôle direct ou indirect des États-Unis."
Donald Trump ne parle jamais sans stratégie. Derrière sa déclaration sur TikTok se cache une ambition claire : préserver la souveraineté des États-Unis dans un monde numérique de plus en plus compétitif. Cette publication ne concerne pas seulement une application de divertissement. Elle symbolise une bataille pour le contrôle des données, des marchés et, par extension, du pouvoir mondial.
En exigeant que les États-Unis détiennent 50 % de TikTok dans une coentreprise, Trump affirme un principe fondamental : aucune technologie étrangère ne doit prospérer sur le territoire américain sans un contrôle direct ou indirect des États-Unis. Cela va au-delà de la sécurité nationale. C’est une question de domination économique.
TikTok, avec ses milliards d’utilisateurs, génère une immense quantité de données. Ces informations, lorsqu’elles sont centralisées et analysées, deviennent une ressource stratégique. Dans un contexte où l’intelligence économique est au cœur des rivalités entre grandes puissances, permettre à une entité étrangère (notamment chinoise) de collecter ces données est vu comme une menace majeure.
Trump agit ici comme un entrepreneur stratégique. Il identifie un actif stratégique – TikTok – et l’intègre dans un cadre économique nationaliste. Il ne propose pas seulement de protéger, mais aussi de monétiser ce contrôle. Les États-Unis, en détenant une part significative de l’entreprise, garantiraient des revenus massifs pour l’économie nationale tout en renforçant leur position stratégique.
Ce type d’approche s’inscrit dans une logique d’éclatement des chaînes de valeur mondiales. Trump veut montrer que les États-Unis sont capables de briser les monopoles technologiques étrangers et de les restructurer à leur avantage. C’est un message clair aux entreprises et aux États étrangers : opérer sur le marché américain implique des conditions strictes.
Enfin, cette déclaration envoie un message politique fort. Elle rappelle que les données, les plateformes technologiques et les infrastructures numériques sont désormais des armes économiques.
Les États-Unis, en s'imposant comme le régulateur ultime de TikTok, montrent qu'ils n’hésiteront pas à utiliser leur pouvoir pour protéger leurs intérêts stratégiques.
Le Président Trump ne cherche pas simplement à sauver TikTok. Il veut redéfinir les règles du jeu numérique mondial. Un mélange de protectionnisme, de stratégie économique et de diplomatie agressive. La souveraineté numérique devient ici une arme de puissance.
Au Sénégal, nos dirigeants perçoivent-ils que le numérique s’affirme comme une nouvelle force stratégique, redéfinissant les réalités et les équilibres géopolitiques à l’échelle mondiale ?
PAR MAGAYE GAYE
ENJEUX ET IMPLICATIONS DU SECOND MANDAT DE TRUMP POUR L'AFRIQUE
Fidèle à sa doctrine, Trump pourrait s'attaquer à des leviers tels que l'AGOA et l’aide publique au développement. Cela pourrait ouvrir la voie à des programmes moins avantageux pour les pays africains...
Le premier mandat de Donald Trump a démontré une doctrine pragmatique centrée sur le principe de "America First".
La poursuite de ce positionnement pourrait constituer une menace majeure pour les relations traditionnelles entre les États-Unis et l'Afrique, en raison d’un désintérêt possible pour le continent.
Fidèle à sa doctrine, Trump pourrait s'attaquer à des leviers tels que l'AGOA et l’aide publique au développement. Cela pourrait ouvrir la voie à des programmes moins avantageux pour les pays africains, dans un contexte de rivalité croissante avec la Chine.
Au plan diplomatique et commercial, une politique d’écrémage sélective pourrait être privilégiée au lieu d’une politique de pénétration massive en Afrique.Trump pourrait opter pour une approche ciblée, en privilégiant des pays comme le Ghana, le Nigeria, l’Éthiopie, le Kenya, le Maroc et l’Afrique du Sud. Pourquoi pas le Sénégal, au nom de son alternance démocratique et de sa position géopolitique stratégique
La rivalité sino-américaine et le retrait des bases françaises pourraient pousser Trump à conclure des accords bilatéraux de libre-échange avec ces nations clés.
Au plan commercial, Trump pourrait maintenir une approche axée sur la convoitise des matières premières
La rivalité États-Unis/Chine
Il est évident que le Président Trump ne ménagera aucun effort pour contrer la Chine sur l'échiquier africain.
La Chine, premier partenaire commercial du continent africain, exporte une grande partie de ses produits et biens d'équipement vers l'Afrique.
Évidemment, au nom de cette guerre commerciale contre la Chine, le nouveau locataire de la Maison Blanche cherchera inévitablement à casser ce cercle commercial sino-africain.
Je crains qu'il n'accentue certaines pressions sur les gouvernements africains.
Cette rivalité pourrait aussi se traduire par une dénonciation des conditions non transparentes entourant les stratégies d'endettement de l'Afrique.
L'Afrique, exportatrice de matières premières pourrait être affectée par une telle rivalité, notamment par une baisse de la demande chinoise et des cours des matières premières plus volatiles si la rivalité commerciale ralentit l'économie mondiale.
Cependant, une telle rivalité pourrait également faire naître de nouvelles opportunités de négociation pour les pays africains.
Sur la question migratoire, le deuxième mandat de Trump pourrait durcir les conditions d’accès aux États-Unis
Une lecture alternative : Un Trump transformé
Un Trump conscient des enjeux mondiaux après quatre ans hors du pouvoir pourrait adopter une posture plus constructive face aux défis mondiaux tels que la guerre russo-ukrainienne, les conflits au Proche-Orient et le sous-développement persistant de l’Afrique.
En tant qu'homme de défis, il pourrait vouloir initier un véritable "Plan Marshall" pour l’Afrique afin de faire du continent un partenaire stratégique privilégié.
PAR SAMBOUDIAN KAMARA
LES INGÉNIEURS DU STATU QUO
"Il est vrai qu’une « grande dépression » attend les (nombreux) « ingénieurs du statu quo », ceux-là qui voudraient que l’Administration reste en format « print » (idéal pour maintenir des étapes dans les procédures administratives..."
Trois sujets ont bipé sur le tableau de bord ces derniers jours, dont le dernier, il y a seulement quelques heures. Le président de la République a annoncé, lundi 20 janvier, à Diamniadio, le lancement d’un « new deal » technologique censé bâtir « un service public moderne, agile et tourné vers l’avenir », via la transformation numérique de l’Administration, la dématérialisation de ses formalités et leur accessibilité simplifiée. New deal ? Initié aux Usa par le président Roosevelt entre 1933 et 1938, c’était un vaste programme de relance économique visant à contrer les effets de « la Grande dépression » causée par le krach boursier de 1929.
Il comprenait des réformes financières, des programmes d’assistance sociale et des grands travaux publics pour réduire le chômage et revitaliser l’économie américaine. Un « new deal » serait effectivement le bienvenu dans le service aux usagers de l’administration sénégalaise. Passons sur l’accueil (le ton acrimonieux ou débonnaire, le mâchage du chewing-gum, le téléphone portable, le dédain), les postes de travail inoccupés, le manque d’orientation et tout le reste, et faisons focus sur l’idée fondatrice du service public : le principe de l’intérêt général.
Cela signifie que les services publics sont conçus pour répondre aux besoins de la société dans son ensemble, plutôt qu’à ceux d’individus ou de groupes spécifiques. L’objectif est de garantir l’égalité d’accès aux services essentiels, tels que l’éducation, la santé, la sécurité et les infrastructures, afin de promouvoir le bien-être collectif et de renforcer la cohésion sociale. Cela renforce le sentiment d’appartenance à la collectivité ; et le Sénégalais, quel que soit son rang social, se sent moins seul après la satisfaction de sa requête auprès de l’Administration.
Il est vrai qu’une « grande dépression » attend les (nombreux) « ingénieurs du statu quo », ceux-là qui voudraient que l’Administration reste en format « print » (idéal pour maintenir des étapes dans les procédures administratives comme autant d’occasions de « fiscaliser » en dehors des impôts), car le changement est inéluctable à ce niveau. L’informatique lève les barrières, supprime les goulots d’étranglement, assure la traçabilité, fait économiser de l’argent et, surtout, raccourcit le temps entre la demande de l’usager et sa satisfaction. Il ne s’agit plus de savoir si on doit le faire ou pas. Mais combien nous coûte chaque jour de retard…. – « Vous avez un superbe ministère ! » C’est un ancien président de groupe parlementaire du Ps qui encourageait ainsi dans les années 90 un ministre chahuté dans l’hémicycle par l’opposition (alors le Pds). Motif ?
Abdou Diouf venait de le nommer ministre de… la Ville et des députés ont estimé que sa présence au conseil des ministres ne s’expliquait que par « le dosage régional », vous savez cette ancienne pratique consistant à faire en sorte que chaque région ait au moins un représentant au gouvernement, une ancienne règle qui n’a pas engagé Ousmane Sonko lors de la formation de son gouvernement. Autre temps, autres mœurs. Cette évocation mémorielle fait écho à la création du Secrétaire d’État aux Coopératives et à l’Encadrement paysan. « Un superbe secrétariat d’État » serait-on tenté de répéter !
Je pense que les coopératives agricoles pourraient être pertinentes dans la conduite d’une politique de souveraineté alimentaire pour un pays comme le Sénégal. Un Dac (Domaine agricole communautaire) dans chaque département, combien de tonnes de maïs ? Moins de céréales importées, et le poulet coûterait moins cher… – Comme prévu, l’Afrique est en rade dans le débat sur les nouveaux maîtres du monde ici-bas : les industriels du numérique. Donald Trump a finalement décidé que Tik-Tok ne sera pas interdit aux Usa. Et nous alors ? Une loi dans ce monde régi par des algorithmes : quand c’est gratuit, c’est toi la marchandise. Ces gens-là, Zuckerberg, Bezos et Musk, c’est même pipe, même tabac, la religion du fric. En 2050, l’Afrique sera l’une des puissances démographiques mondiales. Avec quel réseau social ?