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26 avril 2025
Opinions
PAR PAPE MADE DIOUF
NE REPRODUISEZ PAS LES ERREURS DU PASSÉ
"Les inquiétudes sont nombreuses. Certains perçoivent, à tort ou à raison, une volonté déguisée de déloger Barthélémy Dias avant les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) pour s’approprier la gestion de Dakar."
iGFM - (Dakar) Dans le Sénégal d’aujourd’hui, où les citoyens aspirent à une démocratie exemplaire, les dirigeants doivent impérativement se hisser au-dessus des erreurs et des bassesses qui ont marqué les décennies passées.
Il serait regrettable de voir les pratiques injustes qui ont autrefois terni l’image de notre nation se perpétuer. Le cas de Khalifa Sall, privé de ses droits politiques dans des conditions controversées, demeure une plaie encore vive dans la mémoire collective. Réitérer une telle injustice, cette fois à l’encontre du Maire Barthélémy Dias, ne ferait qu’aggraver la défiance populaire envers nos institutions.
Une Nouvelle Gouvernance pour une Nouvelle Espérance
Aujourd’hui, l’heure est à l’équité et au respect des institutions. Les Sénégalais espèrent que leurs dirigeants incarnent une nouvelle vision politique, libérée des calculs partisans et des velléités de contrôle absolu. Les inquiétudes sont nombreuses. Certains perçoivent, à tort ou à raison, une volonté déguisée de déloger Barthélémy Dias avant les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) pour s’approprier la gestion de Dakar. Il est primordial que ces soupçons soient dissipés par des actes clairs, prouvant que l’intérêt général prime sur les ambitions personnelles.
Gouverner avec Vision, Non avec Envie
Le budget de la mairie de Dakar ne devrait pas être une source de convoitise. Un État fort se distingue par une vision globale, visant à garantir le développement équitable de toutes les régions, et non par une concentration des efforts sur la capitale. Comme le rappelle un sage, « L’envie des envieux n’ajoute rien à votre grandeur. » Une gouvernance éclairée consiste à se concentrer sur ses responsabilités nationales et à laisser les élus locaux assumer pleinement leurs missions.
Tourner la Page des Pratiques Obsolètes
Le Sénégal ne peut plus se permettre de revivre les méthodes du passé, où des postes électifs étaient arbitrairement retirés à des opposants, comme ce fut le cas pour Aïda Mbodj à Bambey sous le régime précédent. Ces pratiques doivent appartenir à un passé révolu, balayé par une jeunesse consciente des enjeux actuels et déterminée à bâtir un avenir différent. L’intérêt général doit l’emporter sur les querelles partisanes, car le Sénégal mérite une classe politique à la hauteur de ses attentes et de ses aspirations.
Une Opportunité de Faire Différence
Ce moment est crucial. Le gouvernement actuel a une occasion en or de démontrer qu’il incarne un nouveau départ, en élevant le débat et en gouvernant avec justice et intégrité. Il est temps de montrer que la démocratie sénégalaise peut briller non pas par ses luttes intestines, mais par sa capacité à respecter les institutions et à promouvoir une véritable unité nationale.
Ainsi, au lieu de reproduire les erreurs du passé, élevez-vous. Gouvernez pour tous, sans exclusive, et montrez que le Sénégal est prêt à écrire un nouveau chapitre de son histoire politique.
Par Kadialy GASSAMA,
POUR UNE TRANSFORMATION STRUCTURELLES URGENTE DU PARTI SOCIALISTE
La question existentielle fondamentale pour le parti historique qu’est le PS, lequel possède un patrimoine immatériel et matériel incommensurables, est relative à ses alliances stratégiques improductives
Les élections législatives anticipées du 17 Novembre 2024 ne sont que l’affirmation de la volonté de changement exprimée par le peuple sénégalais lors de l’élection présidentielle de Mars 2024. Nous remarquerons la courte période de sept mois qui sépare les deux élections, rendant impossible une modification appréciable du comportement de l’électorat, relativement au contexte politique qui avait prévalu à la présidentielle.
Les conditions d’une mauvaise perception sur la gouvernance démocratique économique et social du précédent régime par une bonne partie de l’opinion nationale étaient déjà perceptibles dès les élections locales de Février 2022 et législatives de Juillet 2022.La crise post covid à partir de 2021, l’inflation importée , les effets du changement climatique qui ont négativement impacté sur les conditions de vie et d’existence des populations (inondations), l’imbroglio entretenu sur le 3ème mandat presque pendant tout le quinquennat du président Macky Sall , ont favorisé la survenue d’une troisième alternance dans notre pays en Mars 2024.
Il s’y ajoute que la défaite de la coalition BBY en Mars 2024 a provoqué son émiettement et la dislocation de celle-ci, favorisant d’avantage le parti PASTEF privilégié par un système électoral majoritaire aux législatives. C’est pourquoi, nous avons assisté à un raz de marée du parti PASTEF à ces dîtes élections législatives par rapport aux scores obtenus à la présidentielle précédente.
De plus, l’imbroglio et l’opacité entretenu dans le processus décisionnel aboutissant à des investitures décriées par les camarades du PS , ainsi que le manque de cohésion, d’engouement, de dynamisme et de performance de la coalition Jaam ak Niarin, ont indubitablement contribué à une contre-performance remarquable de cette coalition au cours des législatives.
En vertu de ces considérations le PS ne devrait pas s’attarder sur une quelconque évaluation, mais, devrait plutôt se projeter sur l’avenir, pour apporter les transformations nécessaires et urgentes à cette formation politique historique afin de constituer l’alternative crédible et le rempart contre le régime populiste en place qui finira inéluctablement de décevoir la communauté nationale, toutes choses restant égales par ailleurs .Pour ce faire, il est impérieux de mettre en place un comité politique stratégique transitoire chargé de proposer des réformes structurelles pour un parti rénové, susceptible de catalyser et de prendre en charge les aspirations des populations sénégalaises.
La question existentielle fondamentale pour le parti historique qu’est le PS, lequel possède un patrimoine immatériel et matériel incommensurables, est relative à ses alliances stratégiques improductives.
Ayant perdu le pouvoir en 2000 et étant le socle sur lequel l’opposition a renversé le pouvoir du président Abdoulaye Wade en 2012, le PS a commencé à connaitre sa déliquescence structurelle (ainsi que les autres formations de gauche) à partir de son immersion dans BBY, jusqu’à la troisième alternance dans notre pays en 2024. La question des alliances est une question existentielle fondamentale à laquelle les erreurs politiques sont dévastatrices.
Le moment est venu pour le PS de rependre son autonomie, de revenir à l’appropriation au développement de sa propre personnalité, de réctiver le flambeau socialiste vers des mutations et transformations de ses structures afin de constituer l’alternative crédible susceptible d’améliorer tangiblement les conditions de vie et d’existence des populations.
par Abdoul Aziz Diop
MULTIPLE PHOTOS
QUAND LA VAR ÉCLAIRE LA SCIENCE POLITIQUE ET LE DROIT
La géométrie du pouvoir est implacable : hier, Sonko s'opposait à la radiation de Barth, estimant que 'le peuple l'a choisi, assassin ou pas'. Aujourd'hui, la même Constitution dessine une ligne droite entre son élection et sa destitution
« La politique n’est pas une morale appliquée ; elle est la morale elle-même. » - Hegel (1770-1831)
La politique a précédé la religion. Les religions, l’islam compris, n’ont pas modifié ce qui, dans la politique, est conforme au « Bien » et à l’intérêt général ou universel. La science politique permet, elle, de conquérir les faits politiques sur les préjugés, de les constater et de les construire par la pensée. La science politique éclaire le droit quand l’interprétation de celui-ci divise la communauté scientifique.
Bon nombre de théories politiques tirent leurs ressources des sciences exactes comme les mathématiques. C’est notamment le cas en analyse de contenu du discours politique dont les principales caractéristiques sont énoncées en s’appuyant sur les propriétés mathématiques des relations comme la réflexivité, l’antisymétrie et la transitivité.
Le pouvoir, objet de toutes les convoitises, renvoie à une relation dont les éléments constitutifs sont le Détenteur du pouvoir - le président à titre d’exemple -, le Destinataire du pouvoir - le peuple sur lequel s’exerce l’acte de pouvoir détenu par le président -, et surtout le Domaine du pouvoir, la Constitution dont le respect des dispositions rend acceptable l’exercice du pouvoir.
Une des propriétés mathématiques du Domaine du pouvoir est d’être un ensemble convexe. Autrement dit, « chaque fois qu'on y prend deux points X et Y, le segment [X, Y] qui les joint y est entièrement contenu. » (Voir figure en illustration du texte).
La loi fondamentale - la Constitution de la République - est un ensemble convexe. Il n’est pas possible de la parcourir du préambule qui en fait bien partie au dernier article sans emprunter un chemin dont tous les points, c’est-à-dire toutes les dispositions, sont dans le texte fondamental ou totalement conforme au texte dans sa lettre et son esprit.
De la radiation du député élu Barthélémy Dias
En vertu du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution, « le membre “de l’Assemblée nationale” qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du Ministre de la Justice. »
De l’élection du maire de Dakar (point A) à sa radiation (point B), aucun des points du segment [A,B] ne déroge à la loi fondamentale, lui conférant sa convexité par l’exemple. Il ne fait néanmoins aucun doute que la « demande du ministre de la Justice » n’est pas impérative, ce qui veut dire que « le membre “de l’Assemblée nationale” qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive [n’est] radié de la liste des parlementaires [que] sur demande du ministre de la Justice.» Cette reformulation, équivalente à celle de l’article 61, n’affecte pas non la convexité de la Constitution. Elle ne rend pas non plus impérative la « demande du ministre de la Justice.» En faisant une lumineuse incursion dans les Mathématiques, la science politique éclaire le droit, et non l’inverse, par ses ressources additionnelles.
Une ressource additionnelle est la ressource tirée par le politicologue du fait politique majeur qu’est l’arbitrage vidéo - Video Assistant Referee (VAR) - qui permet d’exhumer les dires enfouis pour éclairer le présent. Écoutons alors Ousmane Sonko du temps où il s’opposait sans merci à son ennemi politique, l’ancien président Macky Sall. Nous citons Sonko :
« Je prends à témoin tous les Sénégalais en leur disant que Macky Sall est sur le point d’enlever à Barthélémy Dias ses mandats, chose à laquelle nous nous opposerons. Il (Macky) est déterminé, par l’instrumentalisation de la Justice, de mettre fin aux fonctions de maire de Dakar et de député à l’Assemblée nationale de Barthélémy Dias. C’est bien le peuple qui a choisi Barthélémy Dias, assassin ou pas, parmi plusieurs autres candidats comme maire de Dakar et député à l’Assemblée nationale. Personne, je dis bien personne, ne doit penser à lui enlever ses mandats. C’est une des violences que Macky Sall s’apprête à perpétrer. Mais à bon entendeur salut. » - Fin de citation -
Ces paroles, oubliées ou foulées aux pieds par Ousmane Sonko, ont-elles dissuadé l’ancien président Sall ? La réponse est non dès lors que le silence de l’ancien président et celui de son ministre de la Justice étaient fondés en droit du fait du caractère non impératif du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution.
On voit bien ici que l’idée que la politique serait autre chose qu’une morale temporelle ou spirituelle et serait antinomique à la science est une conséquence désastreuse de l’anti-intellectualisme des patrons et des militants et sympathisants des partis politiques sénégalais et du contrôle au Sénégal des canaux médiatiques, dont les réseaux sociaux, par des émetteurs profanes de paroles, d’images et de vidéos.
Contre toute attente, l’arbitrage vidéo - la fameuse VAR - est tout ce dont dispose aujourd’hui la science politique pour éclairer le droit dont les pires ennemis d’hier découvrent les vertus et s’en servent sans modération.
La géométrie du pouvoir est implacable : hier, Sonko s'opposait à la radiation de Barth, estimant que 'le peuple l'a choisi, assassin ou pas'. Aujourd'hui, la même Constitution dessine une ligne droite entre son élection et sa destitution
Par Momar Dieng
L’IMMENSE DEFI DE LA COMMUNICATION SCIENTIFIQUE DANS LES MEDIAS
Le 16 août 2024, le Sénégal a inauguré le lancement de son premier satellite dans l’espace, Gaïndé Sat-1. Le petit appareil qui pèse à peine 1 kg a été projeté à 500 km de la Terre par la fusée SpaceX à partir de son site de Californie.
Le 16 août 2024, le Sénégal a inauguré le lancement de son premier satellite dans l’espace, Gaïndé Sat-1. Le petit appareil qui pèse à peine 1 kg a été projeté à 500 km de la Terre par la fusée SpaceX à partir de son site de Californie. Une première scientifique que la presse locale a salué avec déférence en multipliant les interviews avec des responsables du programme. La communication scientifique, définie ici comme le traitement de l’information à caractère scientifique par les journalistes, a été à l’honneur dans les médias durant plusieurs jours.
De nombreux sénégalais ont sans doute entendu et lu beaucoup de choses nouvelles concernant le satellite, sa conception et sa fabrication, son lancement, son utilité pour les chercheurs et ce que les gens peuvent en espérer pour améliorer leur vie quotidienne. Des beaux jours vécus avec la science au plus près ! Mais depuis, la norme a repris sa place: la communication de type scientifique est un parent pauvre de la presse sénégalaise.
Avec 50 journaux existants dont une majorité de quotidiens (un bon nombre d’entre eux ont une existence minimale que sur les réseaux sociaux), le Sénégal connait un vrai dynamisme médiatique en phase avec la culture démocratique qui s’est installée depuis plusieurs décennies. Il compte également 150 sites d’informations enregistrés, 300 radios privées et commerciales et des 35 chaînes de télévision. Ces statistiques ont été publiées par le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique le 16 août 2024.
Le maillage du territoire national est donc une réalité du point de vue de l’accès du public à l’information. La couverture de l’actualité politique prédomine devant les autres centres d’intérêt : faits divers, crimes, affaires judiciaires, sports, économie, culture, etc. La science ? Cette rubrique est quasi absente des préoccupations des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs sénégalais. Ce qui fait de la communication scientifique une sorte de passager clandestin dans les médias. Mais pour certains observateurs, l’espoir subsiste.
« Au Sénégal, le terrain du journalisme scientifique est loin d’être vierge. L’on observe un certain nombre d’initiatives prises par des journalistes qui sont parvenus à asseoir les bases de cette spécialité dans leurs rédactions respectives. Mais il semble que le public pour ce genre de production se fait désirer ou, plus simplement, n’est pas forcément disponible », souligne Khady Gadiaga.
Cette trilingue diplômée en Marketing stratégique et Communication organisationnelle de Liverpool Polytechnic Business School (United Kingdom) connait parfaitement la presse sénégalaise. Elle est également titulaire d’un Master 2 en Gestion de projet obtenu à Kassel Hochschule (Germany) et d’une Licence en langues étrangères appliquée (anglais-allemand). Pour elle, c’est la structuration des maisons de presse qui est en cause.
« La plupart des entreprises de presse au Sénégal ont un caractère événementiel. Elles ont choisi de rester généralistes car elles pensent avoir plus de marge en termes de vente, contrairement aux organes spécialisés qui semblent s’adressent à un public spécifique et ciblé », explique Mme Gadiaga.
Elle déplore ainsi l’absence quasi généralisée de rédactions « disposant de rubriques spécialisées avec des journalistes ayant reçu une formation spécifique mais solide sur des sujets touchant à l’économie, à la science ou la recherche et l’éducation ». Dans cette dynamique, elle regrette que les productions des centres de recherche, structures universitaires et laboratoires de recherche scientifique ne soient pas mieux exploitées et mises en valeur par les médias sénégalais.
Yacine Ndiaye est la responsable de la communication de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Cet organisme public français présent au Sénégal depuis un demi siècle travaille en partenariat avec des institutions locales pour developper des activités de recherche, de formation et d’innovation dans le domaine scientifique. Pour elle, également, le problème reste d’ordre structurel.
« Au sein des rédactions sénégalaises, le journalisme scientifique n’occupe pas une position prépondérante. La primeur est souvent accordée à l’actualité politique. Le desk « sciences » s’exprime rarement en premier lors des réunions de rédaction », souligne Mme Ndiaye.
En outre, « les exigences des rédactions en termes de contenu en rapport avec l’actualité chaude, en plus du turnover des journalistes qui changent souvent de desk, ne vont pas spécialement vers l’épanouissement d’un journalisme spécialisé », ajoute celle qui est aussi en charge de la valorisation de la recherche de l’IRD.
Après les constats implacables de ces deux observatrices de la scène médiatique sénégalaise, comment sortir de cette ornière qui brime la circulation normale de l’information scientifique ?
« Il y a une corrélation entre la spécialisation en journalisme scientifique et le cursus scolaire et universitaire des journalistes. La plupart des journalistes scientifiques ont préalablement fait quelques années dans une faculté de sciences et techniques : d’autres ont poursuivi leurs études dans des domaines comme l’environnement, la biologie, etc. », indique Khady Gadiaga. Ce sont là des facteurs « qui justifient l’orientation des professionnels des médias vers la presse scientifique ».
Plus que jamais, Khady Gadiaga est persuadée que « les missions du journaliste scientifique ne peuvent être menées à bien que suite à une formation de haut niveau académique et pratique spécialisée. »
Dans cet environnement peu propice à une vulgarisation efficace des événements et découvertes scientifiques, elle suggère un soutien réel aux initiatives entreprises par certains professionnels ayant pris l’option et le risque de se spécialiser sur les questions scientifiques. Dans ce cadre, « il serait intéressant de réfléchir à une sorte de Recherche collaborative basée sur la co-construction, la production de connaissances, le rapprochement entre communautés de recherche et médias ».
A coté de la formation continue des journalistes dans leurs propres médias ou ailleurs, Yacine Ndiaye de l’IRD prône un co-développement de cursus ‘’science’’ au sein des écoles de formation au journalisme et la mise en place dans les instituts de recherche partenaires des médias « d’un volet ‘’culture scientifique’’ ». Ce volet serait exécuté « sous forme de bourses aux médias pour financer des sujets de recherche scientifique ».
Ce serait peut-être un début de commencement pour que la couverture de l’actualité scientifique ne soit plus tributaire d’un événement exceptionnel comme le lancement d’un satellite.
PAR KHADY GADIAGA
L'HUMOUR, LA DERNIERE DES TRISTESSES..
J'entends souvent que les femmes ont moins d’humour que les hommes. Si cela est vrai, c’est qu’elles seraient moins portées à se consoler de ce qu’elles sont, d’autant qu’elles peuvent sortir d’elles-mêmes plus facilement.
J'entends souvent que les femmes ont moins d’humour que les hommes. Si cela est vrai, c’est qu’elles seraient moins portées à se consoler de ce qu’elles sont, d’autant qu’elles peuvent sortir d’elles-mêmes plus facilement.
L’humour, c’est mon pouvoir de me consoler, d’en être là où j’en suis, et ce, avec une feinte particulière (mais quel rire est sans feinte ?), une feinte qui consiste à valoriser ma misère pour éviter qu’on me plaigne, peut-être aussi pour détourner le mauvais sort, pour le dissuader. Me prendre en dérision me permet de me reprendre, de rebondir encore et toujours. On dit précisément d’un rire qu’il est «communicatif », et comme le dit fort justement Pagnol, « rire exige une société, du moins un dialogue ».
Rire de soi permet de faire taire les meurtrissures de l'ego et d'amorcer le dialogue avec soi, de l’empêcher d’agir et de neutraliser ses effets en nous, en particulier son insatiable avidité aussi mauvaise pour nous que pour les autres et son impatience à posséder ou à rejeter. Elle nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas l’ego, mais que nous le produisons, et que nous pouvons donc nous libérer de son emprise.
Et le fait de savoir rire de tout, de soi et des autres permet, que l'on soit dans une posture assez ambiguë ou dédoublée du fait qu'on est dans la misère, de se consoler (comme on console un autre), on se hisse à la place de celui qui s’en est sorti et qui en parle supérieurement. On est les deux. Ça fait sourire comme si l’on jouait un petit tour au destin.
Alors, l'humour est vital. Il nous permet, comme tout sourire le fait, d'exprimer nos humeurs. Il y a un lien profond entre l'humain, l'humeur et l'humour. L'expression de l'humeur se traduit sur nos visages par des sourires, mais ce sourire peut être cruel lui aussi comme rire. L'humour est plutôt la manière de jouer avec le négatif, d'une manière délibérément positive et tendre. Il n'y a pas d'humour sans tendresse et il n'y a pas de tendresse sans humour.
Il n'y a pas de tendresse sans sourire, la tendresse qui nous a constitué au début de nos vies, qui continue à nous accompagner pour le meilleur, et toujours contre le pire. Cette tendresse se manifeste toujours par la face positive du sourire et de l'humour que l'on dit à juste titre partagé.
Pour essayer néanmoins quelques angles d’attaque de l’humour, soumettons-le au pianocktail de Boris Vian (1963). En fond de base, il y a l’humour comme construit inhérent aux sociétés humaines, ajoutons-y un rapport particulier au réel (décalé, supérieur, analytique), des formes multiples (théâtral ou ordinaire, comique ou grinçant, résigné ou conquérant), puis des effets (affectifs, cognitifs, motivationnels ou comportementaux), et l’on obtient le précipité d’un élément constitutif des rapports sociaux, une dimension des communications plutôt positive dans son ensemble. Dans ses contours collectifs, lorsqu’il est partagé ou reconnu de tous, l’humour est institution ou profession, thérapie et catharsis.
A consommer donc sans modération. Une cuillerée le matin, une cuillerée le soir… En s'arrogeant le droit de se moquer de soi même et en arrachant à l’autre l’initiative de se moquer de vous et même de vous consoler, l'humour ne peut que rejoindre votre propre consolation, celle que vous esquissez.
Par Mohamed GUEYE
ENDETTEMENT ET OPACITÉ
La vraie question est de savoir ce qui peut justifier cette boulimie de ressources extérieures, pour un régime qui n’a jamais lésiné sur les critiques envers ses prédécesseurs, qu’il accusait de manque d’ambitions et d’inféodation à l’argent de l’étranger
La semaine dernière, les services du ministère des Finances et du budget ont voulu nourrir une certaine polémique à propos d’une levée des fonds sur le marché de l’Uemoa. Ladite levée des fonds, d’un montant de 25 milliards, a été infructueuse. Le débat avec le personnel du ministère a failli sortir de la sémantique, pour savoir si l’appel du gouvernement a été rejeté, ou si les autorités ont jugé bon, pour des raisons qui leur étaient propres, de retirer la soumission. Si les services de M. Diba ont arrêté les frais, c’est qu’ils ont compris sans doute qu’ils ne pouvaient avoir raison face à l’évidence. Le Sénégal a l’habitude de recourir au marché financier sous-régional pour lever des montants plus ou moins importants, à des maturités assez courtes. D’ailleurs, le pays a déjà programmé avant la fin de l’année, un certain nombre de sollicitations des acteurs du marché de l’Uemoa, pour obtenir de l’argent remboursable à des échéances plus ou moins courtes. Le Quotidien avait d’ailleurs annoncé que les prochaines sollicitations pour des Bons assimilés au Trésor (Boa), de la part du Sénégal, sont prévus les 13 et 27 décembre prochains. C’est-à-dire quasiment demain et après-demain.
La vraie question est de savoir ce qui peut justifier cette boulimie de ressources extérieures, pour un régime qui n’a jamais lésiné sur les critiques envers ses prédécesseurs, qu’il accusait de manque d’ambitions et d’inféodation à l’argent de l’étranger. Cela, au point de faire du recours aux ressources intérieures l’un des piliers les plus importants du financement de l’ambitieuse «Vision 2050», qui a été initiée par le Président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, pour remplacer le Pse de Macky Sall. Même s’il a déclaré avoir trouvé le pays «au 3ème sous-sol de la déchéance» économique, le Premier ministre Sonko ne semble pas trop souffrir de manque de finances, contrairement à ses déclarations du mois de septembre dernier.
Il avait affirmé à l’époque s’être rendu compte que tous les comptes de l’Etat étaient falsifiés et le niveau d’endettement du pays largement sous-évalué, tandis que le taux du déficit serait du double de celui préalablement annoncé. Cela nous a valu la suspension de nos accords de coopération avec le Fonds monétaire international dans le cadre du Mécanisme élargi de crédit et de la Facilité élargie de crédit (Mec/Fec), ainsi que la suspension d’un financement de plus de 350 milliards de Cfa que le Conseil d’administration du Fonds devait nous avancer sur un montant total de 1150 milliards. Les autorités politiques avaient semblé dire que cette décision provenait plus de leur «volonté de transparence» que des déclarations jugées quelque peu intempestives des autorités, aux dires de certains observateurs.
Mais on s’est rendu compte que les choses n’allaient pas en s’améliorant, quand le 30 octobre dernier, le Sénégal est allé lever un Eurobond de 181 milliards de francs Cfa, à un taux de 6, 33%. Les services du ministre Cheikh Diba l’ont ainsi présenté : «Cette opération répond à une nécessité de consolidation du financement en raison du report des décaissements initialement prévus du Fonds monétaire international (Fmi) à la suite de l’audit. Le gouvernement envisage d’entamer des discussions avec le Fmi pour établir un nouveau programme aligné sur les objectifs d’assainissement du cadre macroéconomique et la mise en œuvre de la vision de développement des nouvelles autorités.
(…)Cette opération démontre une adhésion aux nouvelles orientations du gouvernement du Sénégal en matière de gestion transparente des finances publiques et à la vision «Sénégal 2050» du nouveau référentiel des politiques publiques.
La baisse de la liquidité dans le marché domestique en fin d’année et le volume des ressources recherchées ont justifié le choix de recourir au marché financier international».
Cette levée de fonds d’eurobonds est intervenue après une opération similaire de 450 milliards de francs Cfa, de 7,75% pour une maturité de 7 ans. Cette opération de juin 2024 avait servi, aux dires des spécialistes, à refinancer des dettes qui arrivaient à terme. Le second aussi, si l’on comprend le communiqué du ministère, semblait poursuivre les mêmes objectifs. Mais l’opération pourrait-elle être fructueuse, quand elle manque de transparence ?
L’Eurobond d’octobre dernier, prétendument réalisé à 6, 33%, serait revenu beaucoup plus cher. Ainsi, Redd Intelligence, un magazine anglo-saxon d’information économique à la réputation bien établie dans les milieux financiers, déclare que «le Sénégal s’est endetté à un taux de 9, 7%». Ce serait ainsi le taux le plus élevé auquel le pays se serait jamais endetté sur le marché international. La faute en serait aux conditions dans lesquelles le gestionnaire JP Morgan a négocié cette levée. Ces conditions seraient, à en croire des Sénégalais spécialistes des questions de finances internationales, aussi opaques que lors de l’Eurobond de juin dernier dont tout le monde a noté qu’il n’a pas été levé aux taux auxquels le Sénégal est soumis d’habitude. Du moins, était soumis durant les gouvernances passées. Il faudrait aux autorités beaucoup de travail pour retrouver un niveau de confiance qui leur permette de faire baisser les taux d’emprunts ultérieurs. Cela demanderait de clarifier les relations du Sénégal avec JP Morgan. Pourquoi avoir choisi de traiter exclusivement avec ce seul gestionnaire, au lieu de faire comme ce qui se fait habituellement, en recourant à un pool de sociétés de gestion, pour obtenir les meilleurs taux ? Qu’est-ce que JP Morgan pourrait apporter de plus au pays, que les autres n’auraient jamais fait ? Pour le moment en tout cas, son intervention ne rend pas les choses plus claires, et le Sénégal n’en devient pas moins pauvre et moins endetté. Et par conséquent, il n’obtient pas plus d’argent qu’il en avait l’habitude. Témoin, les malheureuses péripéties que nos levées de fonds commencent à connaître sur le marché de l’Uemoa. L’échec de la levée des 25 milliards a été un gros camouflet. Mais il a caché les petits revers enregistrés avec certaines autres opérations sur le même marché.
Si la signature du Sénégal n’emporte plus la même crédibilité qu’il y a quelque temps, il faudrait sans doute que nos autorités politiques interrogent leurs comportements. Est-il normal, depuis l’acquisition de ces différents crédits extérieurs, que l’opinion ne sache pas à quoi sont destinées ces finances, et comment elles seront réparties ? Si le dernier Conseil des ministres nous a enfin informés de l’adoption d’une Loi de finances rectificative (Lfr), un journal local a déclaré dans son édition d’hier, que ladite Lfr n’est pas encore arrivée sur la table des députés. Or, plus l’incertitude demeure, moins il y a des chances que les finances du Sénégal se stabilisent. Le Sénégal semble parti pendant un certain temps, pour contracter des dettes à court terme afin de régler ses problèmes immédiats d’argent. Et la mise en œuvre de la Vision 2050, qui est censée en finir avec le tâtonnement dans nos projets de développement, n’en sera que retardée. Même si les relations avec le Fmi sont suspendues à l’heure actuelle, le gouvernement pourrait s’inspirer de certaines lignes du dernier rapport de mission de cette institution lors de son passage en octobre dernier au Sénégal. Edward Gemayel et ses collaborateurs avaient écrit : «Le Sénégal continue de faire face à un environnement difficile, avec des signes de tensions accrues dans l’exécution du budget. Le manque à gagner en termes de recettes, identifié lors de la dernière visite des services, a été confirmé à fin septembre. Parallèlement, les dépenses sont restées élevées, principalement en raison d’une augmentation substantielle des dépenses d’investissement.»
Ils ont ajouté plus loin : «A l’avenir, il est essentiel que les autorités mettent en œuvre des mesures audacieuses et rapides pour assurer la viabilité des finances publiques et placer la dette publique sur une trajectoire décroissante. La Loi de finances 2025 représente une occasion cruciale pour le gouvernement de réaffirmer son engagement en faveur des réformes essentielles et de répondre aux défis structurels de longue date. Des actions stratégiques pour renforcer la mobilisation des recettes domestiques (…) seront déterminantes pour favoriser la discipline budgétaire et renforcer la confiance dans la gouvernance publique.»
Par Babacar FALL
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DU CDEPS
Pourquoi on n’entend que vous et Maimouna Faye ? Est-ce que les autres patrons ne s’intéressent plus au CDEPS ou est-ce qu’ils ne partagent pas vos sorties qui sont en déphasage avec la règlementation ?
Depuis quelques temps, je vous entends affirmer que la constitution pose le principe de la liberté d’entreprendre. C’est vrai mais une liberté absolue n’existe pas. Sinon nous serions dans une société invivable. La liberté est toujours encadrée par les lois et règlements. La constitution sénégalaise permet à chaque citoyen qui remplit les conditions de se présenter à l’élection présidentielle. Le parrainage, la caution limitent cette liberté.
Vous parlez de liberté d’entreprendre et pourtant pour créer une boulangerie, il faut une autorisation délivrée par l’autorité administrative. Il en est de même pour mettre en place une école, une université privée, une clinique privée, une agence de voyage, un hôtel, une auberge, une entreprise de presse etc.
Je constate qu’en tant que président d’une organisation patronale, vous ignorez les règles les plus élémentaires du code qui régit votre profession « le code de la presse ».
En effet vous avez affirmé plusieurs sfois et je vous cite «la création d’un média au Sénégal n’est soumise à aucune autorisation administrative». Avez- vous lu l’article 94 du code de la presse ? je le cite « Article 94.- L’exercice de toute activité d’édition, de distribution et de diffusion de services de communication audiovisuelle quelle que soit la technologie utilisée, est subordonné à une autorisation délivrée par le Ministre chargé de la Communication, après avis conforme de l’organe de régulation, dans les conditions définies par le présent Code. L’autorisation accordée est personnelle. Elle ne peut être cédée ni transférée à un tiers. La jouissance des droits découlant de cette autorisation est subordonnée au paiement d’une redevance annuelle dont le montant, les modalités de recouvrement et de répartition sont fixées par arrêté conjoint du Ministre chargé de la Communication et du Ministre en charge des Finances, après avis consultatif de l’organe de régulation ». Il n’ y a pas d’équivoque et d’interprétation possible. L’article 68 précise « Article 68.- L’entreprise de presse écrite doit être enregistrée auprès du Ministère en charge de la Communication dès sa création ». Le code de la presse va plus loin pour les entreprises de distribution et les imprimeurs.
« L’entreprise de distribution de presse est tenue de communiquer périodiquement au Ministère en charge de la Communication les résultats des ventes de l’ensemble des organes de presse écrite qui lui sont confiés selon des modalités fixées par arrêté ministériel ». Il en est de même pour l’imprimeur qui est tenu également de « communiquer périodiquement au Ministère en charge de la Communication les tirages qui lui sont confiés selon des modalités fixées par arrêté ministériel » (Article 93). Ces dispositions vous interpellent d’ailleurs en tant qu’imprimeur.
Un Président d’une organisation ne devrait pas ignorer les règles qui gouvernent sa profession. Si vous relisez le code de la presse qui a été adopté avec l’aval des patrons de presse, vous comprendrez pourquoi certaines entreprises de presse sont recalées dans le cadre du recensement en cours et qui entre dans la normalité des choses.
Pour terminer Monsieur le président, pourquoi on n’entend que vous et Maimouna Faye est ce que les autres patrons ne s’intéressent plus au CDEPS ou est ce qu’ils ne partagent pas vos sorties qui sont en déphasage avec la règlementation ?
Par Hamidou ANNE
DEUX OU TROIS CHOSES A MEDITER SUR LA CHUTE DE ASSAD
C’était inéluctable depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie en 2011, dans la foulée des printemps arabes : la chute de Bachar Al-Assad est actée, dans la nuit du 7 au 8 décembre.
C’était inéluctable depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie en 2011, dans la foulée des printemps arabes : la chute de Bachar Al-Assad est actée, dans la nuit du 7 au 8 décembre. Les populations syriennes avaient, comme d’autres, de ce qui a été convenu d’appeler la «rue arabe», appelé à la démocratie, la liberté et l’Etat de Droit. Les régimes jadis puissants de Hosni Moubarak et Zine El-Abidine Ben Ali ont chuté après des manifestations monstres et malgré une répression qui n’a pas altéré l’énergie des foules et rafraîchi leur ardeur. Ne soyons guère naïfs, dans les deux cas, les armées ont basculé pour asséner le coup fatal et obliger les autocrates à partir. L’état des pays en matière de liberté et de démocratie s’est depuis amélioré ? Pas vraiment, au regard de la situation actuelle, mais peu pouvaient prédire en amont l’issue de ces soulèvements et la nature des régimes qui leur succéderaient.
Dans la foulée donc du printemps arabe, le régime syrien avait lui tenu, par une répression terrible mais aussi par un soutien fort de puissances comme l’Iran et la Russie. Bachar Al-Assad a fait usage d’une brutalité hors du commun pour soumettre les Syriens depuis 2011, aidés en cela par les miliciens du Hezbollah, les Gardiens de la révolution iraniens et les soldats russes. Mais ce qui est arrivé ce 8 décembre en Syrie est d’une logique implacable : on ne confie pas la sécurité, voire l’intégrité d’un pays, à un Etat étranger, fut-ce une puissance. Damas avait joué la carte du sauveur face aux islamistes avant de maintenir un régime impopulaire et sanguinaire par le jeu des alliances au plan géopolitique. Opter pour le parapluie russe a permis de tenir près d’une dizaine d’années. Moscou obtenait ainsi une carte non négligeable pour peser dans la géopolitique internationale. Poutine utilisait la Base navale de Tartous pour sa flotte et permettait en retour la survie du régime Assad par des bombardements qui n’épargnaient guère les civils.
Mais les Russes, fortement touchés par les sanctions internationales et dont les troupes sont embourbées sur le front ukrainien, sont désormais fragiles. Ceci explique certainement la fulgurance de l’offensive des miliciens du Hts (de Hayat Tahrir Al-Cham), démarrée le 27 novembre pour s’achever à Damas le 8 décembre. Les rebelles ont ainsi obtenu la tête de Bachar Al-Assad, Président syrien depuis 24 ans et héritier de Hafez Al-Assad, qui a tenu le pays d’une main de fer pendant 29 ans. C’est donc une autocratie familiale de cinq décennies qui vient de prendre fin brutalement, en dix jours, devant l’incapacité de l’appareil sécuritaire syrien et de ses alliés russes, libanais et iraniens.
Dans un article fouillé de Benjamin Barthes, grand spécialiste de la région pour Le Monde, le bilan de la guerre civile syrienne est conséquent. Selon lui : «On recense entre 300 000 et 500 000 morts, 1, 5 million d’invalides, 5, 6 millions de réfugiés et 6, 2 millions de déplacés. Un tiers du parc immobilier a été détruit ou endommagé.»
Après cette chute fulgurante du «Docteur» -surnom de Bachar Al-Assad, car diplômé en médecine, spécialité ophtalmologie-, seuls des esprits imprudents peuvent élaborer des plans sur le futur de la Syrie, avec à sa tête des miliciens aux myriades d’influences, de soutiens et de promesses. Si leur objectif premier annoncé est atteint : mettre un terme au régime de terreur des Assad, la suite est encore floue. Le pays ouvre-t-il une nouvelle ère de démocratie et de liberté ? Des doutes sont permis au regard de la configuration actuelle, avec des hommes en armes qui délogent un Président, fut-il un dictateur sanguinaire. Il convient en outre d’observer et d’attendre, car la Tunisie et l’Egypte sont là pour nous rappeler que les effusions de joie après la chute d’un autocrate peuvent déboucher sur des larmes d’une nouvelle vie sous l’autocratie. Mais d’ores et déjà, qu’il me soit permis de rappeler ici deux convictions. La première est qu’on peut tenir les deux bouts : haïr fortement le régime despotique de Bachar Al-Assad sans tomber dans une admiration béate devant ces miliciens aux belles promesses mais dont la configuration de l’appareil idéologique est fortement imprégnée d’islamisme ; car à la base, Hts est une excroissance du tristement célèbre groupe Al-Qaïda. La deuxième est qu’on ne sous-traite pas sa sécurité. Erreur que commettent nos voisins maliens et burkinabè, qui fondent leur espoir sur les mercenaires de l’Africa Corps (nouvelle appellation du groupe Wagner) pour vaincre les groupes armés exerçant dans leurs pays. En vérité, Africa Corps prend davantage les allures d’une garde prétorienne à la solde de régimes illégitimes. Wagner a-t-il annihilé l’attaque de l’aéroport de Bamako du 17 septembre dernier ? Nos voisins devraient méditer plus que nul autre sur la chute de Assad.
par Abdoul Aziz Diop
IL Y A 13 ANS, LE RÉVEIL DE L’HISTOIRE EN SYRIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pendant qu’un garçon de 35 ans arrivait au pouvoir à Damas, un vieux de 74 ans s’emparait de l’État au Sénégal avec l’idée qu’un pouvoir africain ne tombe que lorsque l’on ne s’en sert pas pour transformer les bâtisses en forteresses
La télévision publique syrienne a annoncé ce week-end la prise du pouvoir par les rebelles en Syrie et la chute de Bachar Al Assad…
Il y a 13 ans, le réveil de l’Histoire en Syrie coïncida avec la révolution citoyenne au Sénégal dont l’épilogue fut la défaite du Sopi et le départ de son pape du pouvoir.
Très nombreux sont les objets d’art qui ont été volés, détruits ou censurés. Pourtant, l’art – « expression d’un idéal de beauté correspondant à un type de civilisation déterminé » - ne s’est jamais affaissé, faisant ainsi preuve d’une extraordinaire capacité de résistance aux assauts les plus ignobles. On peut comprendre cette capacité de l’art à se renouveler continument en dépit de la fragilité des œuvres en distinguant la forteresse – « lieu fortifié » - à la fortification qui est « l’art de fortifier » un lieu, une place, un pays, une nation... La distinction est d’autant plus importante qu’elle permet de scinder l’Histoire – « sale et entremêlée » - en deux séquences successives : le moment où les tyrans s’emparent des forteresses au terme d’une débauche inouïe de violence et le moment (inattendu) où ils trébuchent au contact d’une ou de plusieurs fortifications.
S’assurant le contrôle du Parti Baas syrien à la suite d’un coup d’État, le général Hafez-el-Assad fut l’un des chefs d’État du Proche-Orient qui resta le plus longtemps au pouvoir (1970-2000). A sa mort en juin 2000, son fils Bachar el-Assad hérita de la forteresse (bien gardée) dont il devint le président. Depuis plus de quatre mois maintenant, Bachar el-Assad fait face à une vague de protestations qui ne faiblit pas malgré la répression sauvage des populations insurgées par l’armée syrienne et les réformes en trompe-l’œil du système. En Syrie, la fortification contre laquelle bute le régime syrien contesté se déclame en peu de mots : « Nous ne nous soumettrons qu’à Dieu ! ». Bachar el-Assad n’est pas Dieu. Une évidence déconcertante annonce donc une vérité implacable : dans très peu de temps, la Syrie ne sera plus ce qu’elle est sans doute depuis la création en 1947 à Damas du Parti socialiste arabe Baas, longtemps balloté entre néo-marxisme et nationalisme jusqu’à l’abandon du projet originel d’unification de tous les États arabes face à l’influence occidentale et à Israël.
Pendant qu’un garçon syrien de 35 ans arrivait au pouvoir à Damas, un vieil opposant de 74 ans s’emparait des leviers de l’État au Sénégal avec l’idée – jamais dissimulée - qu’un pouvoir africain ne tombe que lorsque l’on ne s’en sert pas pour transformer les bâtisses – véritables œuvres d’art abritant les institutions - en forteresses imprenables. La présidence de la République, l’Assemblée nationale, les assemblées locales et le Temple de Thémis sont aux mains d’un seul dès le mois de mai 2002. C’est peut-être à ce moment précis que remonte le projet d’une succession arrangée pouvant profiter à n’importe quel heureux élu. C’est peut-être aussi à ce moment précis qu’une dépréciation de l’œuvre du législateur préfigura les vives tensions politiques constatées depuis le 16 juin 2011, date à laquelle le Conseil des ministres adopta en catimini le projet de loi instituant l’élection d’un président et de son colistier au suffrage universel. Mais en érigeant des forteresses, le législateur n’oublia pas les fortifications. Cette précaution explique à elle seule le rapport du citoyen aux bâtisses de la République et aux hommes légitimés à les occuper le temps d’un mandat. En apercevant de loin la façade de chacune des forteresses, le passant se remémore deux choses au moins : le coût de leur entretien par l’effort de tous et la façon dont le budget de la nation est grevé par le traitement de leurs animateurs principaux et subalternes. Ce double abus est supportable aussi longtemps que les fortifications ne cèdent pas sous la pression d’un seul ou de quelques-uns. La plus importante d’entre elles est sans doute aussi celle (péremptoire) qui ne se prête presque jamais aux spéculations des profanes et des savants. « La forme républicaine de l’État ne peut faire l’objet d’une révision ». Ainsi pétrie par le législateur, la fortification édicte une conduite à laquelle un mortel ne déroge sans que le commun des mortels ne lui inflige une correction au moins égale au préjudice subi. C’est ce qui se produisit le jeudi 23 juin 2011, jour de réminiscence des fortifications saccagées. Depuis cette date, deux peuples – le syrien et le sénégalais – dont les destins se sont longtemps croisés au Sinaï sous l’égide des Nations unies hurlent le même refrain tout aussi audible dans les rues des villes syriennes de Lattaquié et de Homs que dans les agglomérations sénégalaises de Saint-Louis, Thiès et Mbour : « Nous ne nous soumettrons pas ! »
A Damas et à Dakar, les forteresses, toutes prenables, sont aux mêmes endroits. Depuis le 23 juin 2011, les fortifications sénégalaises sont passées, elles, des mains sales à celles (propres), des gens du peuple insurgé. Sous peu, chacune des bastilles sera prise et vidée de ses occupants malpropres. Ce moment – le meilleur depuis plus d’un demi- siècle – préfigure le pays nouveau sur lequel anticipèrent les trente-cinq propositions de la Charte de gouvernance démocratique issue des Assises nationales. Pour la première fois, l’expression d’un idéal politique coïncide avec celle d’un idéal social annonciateur d’une nouvelle séquence historique. Aucune débauche de violence ne sera assez grande pour enlever à l’idéal sous-jacent de beauté (artistique) son éclat éblouissant. Ni même celle de légions étrangères à la rescousse de l’apprenti autocrate et de son dernier carré de fidèles.
Abdoul Aziz Diop est ancien porte-parole du Mouvement du 23 juin (M23) et artisan de la République du 23 juin.
Par Vieux SAVANÉ
LA SUBVERSION DU POSSIBLE
Piloha : Ablaye Sissoko en scène - Qui mieux que Ablaye Cissoko, musicien de renommée internationale, pour en dérouler la magie par une nuit qui s'était invitée à travers une obscurité trouée par des faisceaux de lumière ?
Vendredi dernier, c’était jour de finissage de l’exposition « PILOHA ! » pour clôturer la quinzième édition de la Biennale de l’Art africain contemporain. L’évènement avait pour cadre le quartier huppé du Point E, dans un espace qui, une décennie durant était à la merci de quelques herbes folles et arbres improbables qui y avaient élus domicile. Dans son immensité embrumée par un temps nuageux et quelque peu frisquet, le ciel avait enveloppé avec délicatesse cet espace, témoin de l'ingéniosité humaine pour peu qu'elle soit mue par l'idée de taquiner le possible. Aussi l’avait-elle réconciliée avec la vie à travers un projet conçu pour initier à la beauté artistique et au partage, dans le souci assumé de renforcer le vivre ensemble.
Qui mieux que Ablaye Cissoko, musicien de renommée internationale, pour en dérouler la magie par une nuit qui s'était invitée à travers une obscurité trouée par des faisceaux de lumière ? Seul sur scène, habillé d’un lumineux boubou marron assorti à des boots en cuir, sa kora délicatement tenue, debout pour toiser l'adversité, avec ses doigts d’orfèvre, il a gratifié le public de notes envoûtantes.
Peu importe qui vous êtes, d'où vous provenez, elles vous transpercent, vous transportent, vous parlent par le biais de cette langue universelle qui gît et jaillit dans/et par l'émotion. A travers précisément ce « Ha des choses » qui surgit dans l’immédiateté de son ressenti avant d'être perverti et domestiqué par ce « quoi des choses » qui distancie, interroge, et renvoie aux vécus singuliers. Qu’importe du reste, puisqu’on a tous vibré, bercé par une voix toute en douceur qui a su se poser pour magnifier la fraternité et l’amour. Dans cette ambiance, sollicité pour faire partie de l’aventure, Ablaye Cissokho avait décidé de participer à titre gracieux au projet artistique qui avait à coeur de défier le possible. Avec en arrière fond, à côté des tableaux de peintres, sculpteurs, photographes, des travaux d’étudiants du Collège d’Architecture de Dakar, des performances et autres installations, des débats autour des films de Djibril Diop Mambéty, William Mbaye, Laurence Attali, Bara Diokhané, les odeurs de mets concoctés par l'ingéniosité de la débrouillardise établissaient un pont entre les arts. « Street food » : « dibi haoussa », « forox tiaya and co ». Ces petites choses qui font le lit des gens de peu.
Toutes ces activités se sont déployées dans l’espace de l'ancienne Ecole des Beaux-Arts qui avait été rasée sans ménagement en 2004, après avoir assuré la formation d’étudiants qui sont ensuite devenus des célébrités dont les noms résonnent dans le monde culturel. Entre autres Kan-Sy, Soly Cissé, Aïcha Aïdara, Louise Yandé Faye, Henry Sagna, Ibrahima Niang Piniang. Parmi eux, un hommage particulier à feu Mamadou Ndoye Dout’s, talentueux artiste du quartier de la Médina, décédé prématurément en 2023, à 50 ans, à l’âge de la consolidation des promesses. Le possible s’y est en tout cas invité, exhibant avec une insolence tranquille l'absence de vision et de générosité des décideurs, sous la houlette de l’artiste plasticien ivoirien Pascal Traoré Nampémanla et de son équipe constituée d’une vingtaine d’artistes venus du Bénin, de France, du Gabon, de Côte d’Ivoire, du Sénégal. Comme une fervente ode au métissage. Aussi était-il heureux, en ce jour de finissage de voir s’y agglutiner un public de toutes les couleurs, de tous les horizons, de tous les âges. La preuve que « Peace. Love. And Harmonie », de son acronyme « Piloha ! », était en voie de se positionner comme un coup de gueule face à l’assaut de la dysharmonie qui travaille notre environnement avec ses guerres, ses exclusions, ses tentations totalitaires. Etait-ce d’ailleurs un finissage ou bien au contraire un début de quelque chose d’autre à laquelle Dakar mercantilisée sous la coupe réglée de promoteurs immobiliers allait s'ouvrir ? Dans les échanges et les discussions qui se sont exprimés s’incrustaient en effet les inquiétudes de savoir si ce nouvel espace allait se perpétuer comme l'expression d'un besoin vital de créativité, de paix, d’amour et d’harmonie ? Ou tout simplement disparaître le temps d’une Biennale. En attendant la suite qui en sera donnée, merci aux initiateurs de cette initiative qui s‘est révélée une enrichissante et enivrante bouffée d’oxygène. Merci à Pascal Traoré, à Raïssa Hachem , à l’équipe pluriculturelle, à Ablaye Cissoko, pour avoir refusé d'être ensevelis sous les ordures de la médiocrité et avoir montré la charge subversive du possible quand l'ambition et la générosité sont au rendez-vous.