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27 avril 2025
Opinions
Par Mohamed GUEYE
CULTIVER ENFIN LA TRANSPARENCE
Les promesses du nouveau régime sénégalais se heurtent à une réalité plus complexe que prévu. Les députés de Pastef s'agitent autour des nominations pendant que le pays s'interroge sur sa direction
Hier, au moment où les députés de Pastef captaient l’attention de l’opinion autour d’une guerre de postes et de nominations, le pays ne cessait de se perdre en conjectures sur la direction vers laquelle la gouvernance du président Diomaye Faye nous menait. Si le nouveau régime politique a promis bien de choses au peuple, personne n’a encore vraiment noté de changement véritable. Parfois même, on a plus l’impression que les choses sont en train de régresser.
Les pluies, l’agriculture, l’économie…
Juste pour illustrer, le pays a connu cette année des inondations parmi les plus terribles qu’il ait jamais connues au cours des deux dernières décennies. Une bonne partie de l’arrière-pays a été inondé, et on a compté même des morts, emportés par le débordement des eaux du fleuve Sénégal. Si la ville de Touba n’a pas été épargnée, c’est à peine si certains ont pu noter que la capitale Dakar a eu à se plaindre d’un trop-plein d’eaux de pluie cette année. Il aurait été délicat de le rappeler, si l’on ne voulait pas magnifier le travail accompli par le Président Macky Sall pour en finir avec les inondations. Au contraire, c’est beaucoup plus gratifiant de tourner en dérision les plus de 766 milliards de francs Cfa prétendument gaspillés sous le prétexte de lutte contre les inondations. Ce programme décennal de lutte contre les inondations avait été remis en cause il y a deux ans, après de fortes inondations dont la commune de Keur Massar avait été victime. Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour démontrer que les ouvrages d’assainissement avaient fait l’objet de sabotage. Des personnes malintentionnées avaient délibérément bloqué les ouvrages d’écoulement des eaux de pluie, afin manifestement de provoquer des inondations. Et cela avait été réussi. Maintenant que les motifs politiques de ces sabotages ont disparu, la commune n’a plus revécu cette année, la hantise de fortes pluies d’hivernage.
Mais dans les zones qui n’avaient pas été concernées par ce programme, l’histoire a été bien différente. Au point que le ministre de tutelle a dû sortir, sous forme de pirouette, que l’hivernage de cette année n’était «pas (leur) hivernage»… Les victimes ont dû apprécier.
Mais il n’y a pas que la gestion de la pluie. Dans ces colonnes, nous nous sommes intéressés plusieurs fois à la préparation et la gestion de l’actuelle campagne agricole, pour affirmer que les paysans ne se retrouvaient pas dans les déclarations triomphatrices de la tutelle. Tout le monde se rend compte maintenant, avec le démarrage de la compagne de commercialisation de l’arachide, que les prévisions les plus pessimistes sont en train d’être dépassées. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre compte que le ministre de l’Agriculture et son homologue du Commerce sont revenus sur leur décision d’interdire l’exportation de l’arachide. La mesure aurait d’ailleurs été très difficile à mettre en œuvre, malgré la mobilisation des Forces de défense et de sécurité (Fds) dont ce n’est d’ailleurs pas le rôle.
Sonko et ses chiffres falsifiés
Ne parlons pas non plus des agrégats macro-économiques. Au mois de septembre dernier, le gouvernement, avec le Premier ministre Sonko en tête, a déclaré que les chiffres de l’économie, sur lesquels les prévisions budgétaires ont été établies, et qui ont été présentés à ce jour aux partenaires économiques et financiers, étaient tous «falsifiés», et que la situation économique du pays était profondément dégradée. La conséquence de ces déclarations ne s’est pas fait attendre. La grande partie des financements espérés des partenaires, même du Fonds monétaire international, a été gelée. Tout le monde retient ses fonds, le temps de voir la direction que le pays prend. Au point que l’on voit sur les réseaux sociaux une vidéo où M. Sonko reconnaît que ses déclarations alarmistes sur l’économie du pays «ont contribué à inquiéter les partenaires, et rendu la situation encore plus difficile». Sans doute un faible moment de lucidité…
Qui cache le rapport trimestriel d’exécution budgétaire du 3ème trimestre ?
La question qui se pose est qu’il faudra que la Cour des comptes publie bientôt son rapport sur la gestion budgétaire 2023, qui correspond à la dernière gestion du régime de Macky Sall. On verra alors si cette institution prendra le contre-pied des décisions qu’elle a annoncées durant les douze années du mandat de Macky Sall, et viendra renforcer les déclarations de l’actuel gouvernement. Ou si la Cour des comptes va réaffirmer son indépendance et produire un rapport en droite ligne de ce qu’elle a toujours produit, et qui traduit l’intégrité de la gestion des finances du pays.
En attendant d’en savoir plus, on se rend compte que le gouvernement actuel a décidé de verser dans le dilettantisme. Contrairement aux bonnes habitudes auxquelles on a été habitués à ce jour, il n’a toujours pas publié le Rapport trimestriel d’exécution budgétaire, pour le troisième trimestre. Le rapport aurait dû être publié depuis le mois de septembre dernier. A ce jour, sur les sites du ministère des Finances et du budget, aucune information n’est donnée sur cette lacune. Le dernier document du genre date de juillet dernier. Or, la publication de ce document est prévue par la loi. D’ailleurs, il est toujours indiqué que «le présent rapport est préparé en application de l’article 70 de la loi organique n° 2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances et publié conformément aux dispositions prévues au point 6.6 de l’annexe à la loi n° 2022-12 du 27 décembre 2022 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques».
Les mauvaises langues diraient sans doute que le gouvernement a des choses qu’il ne souhaiterait pas communiquer au public en ce moment. Car si l’on se réfère au document précédent, on voit que le niveau d’exécution budgétaire n’est pas aussi catastrophique, pour une «économie en ruine», selon les termes du chef du gouvernement. On note en effet, dans le Rapport d’exécution du second trimestre, que «comparées au deuxième trimestre 2023, les ressources du budget général ont évolué à la hausse de 79, 14 milliards F Cfa en valeur absolue, soit 4, 3% en valeur relative. Cette hausse est imputable aux ressources internes (+99, 83 milliards F Cfa, soit +5, 7%) grâce au bon niveau de recouvrement des recettes fiscales (+121, 60 milliards F Cfa, soit +7, 5%), notamment des impôts directs et indirects qui ont respectivement augmenté de 77, 18 milliards F Cfa (soit 10, 7%) et 38, 00 milliards F Cfa (soit 4, 1%), par rapport à l’année précédente». Tout le reste du document est dans la même veine. Si dans l’intervalle, la situation s’est fortement dégradée, le gouvernement devra alors de bonnes explications au Peuple. Et même au contraire, si elle devenait encore plus dramatique, les pouvoirs publics pourraient toujours encore chercher à enfoncer leurs prédécesseurs, et trouveront toutes les explications qui leur passeront par la tête.
On peut imaginer que les choses leur seront rendues encore plus faciles, maintenant que l’Assemblée a pris fonction. Mais les députés savent aussi que leur priorité sera de voter rapidement le budget qui va accélérer la mise en œuvre de la Vision 2050, le Pse du tandem Diomaye-Sonko. Ils ne doivent pas traîner les pas, car ils connaissent les urgences du pays. Et surtout, s’il y a un conseil à leur donner, c’est de réellement encourager la promotion de la transparence, afin d’encourager le monde des affaires à retrouver la confiance en ce pays.
Par Wagane FAYE
POUVAIENT-ILS CROIRE A L’ETERNITE DU REGIME DE MACKY SALL ?
On comprend pourquoi pour certains dans notre pays, l’acharnement à tout pris à perpétuer les régimes en place est une question de vie ou de mort.
On comprend pourquoi pour certains dans notre pays, l’acharnement à tout pris à perpétuer les régimes en place est une question de vie ou de mort. Abdoulaye WADE et après lui, Macky SALL, avaient tenté de tordre le coup à la constitution dans une interprétation fallacieuse du nombre de mandats auxquels un Président de la République peut prétendre.
S’il n’y avait que les « petits avantages » qu’on perd suite à la chute du régime auquel on est scotché, on pleurerait toujours, mais pas en si chaudes larmes. De même le fait d’être éjecté d’une direction générale juteuse d’une société d’Etat avec tout ce que cela comporte de perte d’avantages, aussi douloureux soit-il ne constitue pas le summum des souffrances consécutives aux conséquences d’une séparation d’avec un régime si « nourricier » soit-il pour soi.
Rien n’équivaut aux risques de se voir devenu sans protection face aux risques de faire face à des poursuites sans espoir de moyens de se défendre ni légalement, ni par des « interventions » autrefois plus efficaces que des références à des textes, fussent-ils les plus légaux.
C’est la situation que vivent ceux qui, du temps où ils se croyaient à l’abri de toutes mesures coercitives se comportaient comme si le régime qui les protégeait était définitif, mon œil !
Pouvaient-ils, un seul instant, perdre de vue que, quel que soit pour qui ils se prenaient en se trompant évidemment, leurs pouvoirs avaient d’authentiques limites.
C’est ce qui justifie que depuis la chute du tout dernier régime, ne sachant sur quel pied danser, et n’ignorant pas ce qui peut leur arriver, aucun de ceux qui ont eu à souffrir de leur traitement inhumain ne souhaiteraient se trouver dans la même « salle d’attente » où ils sont en ce moment. Toutes les religions monothéistes, toutes les autres croyances ont eu à un moment donné, recommandé la meilleure attention au voisin. Que ceux qui foulent leurs recommandations religieuses aux pieds et qui trainent dans les rues avec des chapelets, croyant qu’ils seront absous sachent qu’ils sont dans l’erreur. Ce qui est souhaité par tous est que Justice soit appliquée à tous ceux qui en ont fait voir, de près ou de loin, à ceux qui ont connu les plus atroces souffrances de leur vie sous le dernier régime. Qu’on se comprenne bien. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Les sénégalais aiment pardonner, c’est une bonne chose mais haïssent ceux qui aiment contribuer à la souffrance des autres.
Pardonner ceux qui ont gratuitement fait mal c’est ne pas rendre Justice à ceux qui ont subi ce mal.
Tout le monde a dû apprendre par la presse que subjectivement apprécier les milliards que certains ont pu accumuler en si peu de temps, et de manière non justifiable, les hectares de terrains dont certains sont dessaisis au profit de certains autres sans justification, ne doivent pas rester sans une suite sévèrement punitive d’une manière ou d’une autre.
Maître Wagane FAYE
PAR KABIR AÏDARA
L’ESPOIR EST PERMIS AUX PERSONNES HANDICAPÉES
"Dans ce contexte d’adoption d’un nouveau référentiel des politiques publiques, il urge de prendre les mesures idoines en vue d’assurer la prise en compte du handicap dans la déclinaison sectorielle de l’Agenda national de Transformation systémique..."
Et de trois, serions-nous tentés de dire. En effet, le mercredi 27 novembre 2024, le Président de la République, Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye a encore évoqué la question du handicap pour la troisième fois en réunion du Conseil des ministres, en l’espace de huit mois. Le chef de l’Etat a rappelé, en perspective de la célébration, le 03 décembre, de la Journée internationale des personnes handicapées, sa directive lors du conseil des ministres du 09 octobre 2024, relative à l’évaluation de l’application de la Loi d’Orientation sociale n° 2010-15 du 06 juillet 2010 relative la promotion et la protection des droits des personnes handicapées. Il avait demandé au gouvernement de procéder à l’évaluation notamment du système des cartes d’égalité des chances en vue de l’élaboration d’une nouvelle stratégie nationale d’accompagnement des personnes vivant avec un handicap. Dans un communiqué précédent du conseil des ministres, le gouvernement avait également fortement insisté sur la place primordiale accordée à l’inclusion des personnes handicapées dans le PROJET de transformation systémique du Sénégal.
Certes, cet intérêt renouvelé des nouvelles autorités à la question du handicap qui transparait régulièrement dans le communiqué du conseil des ministres, est à saluer. De même, nous adressons nos vives félicitations aux honorables députés Awa Seck et Amadou Lamine Diouf et au PASTEF qui les a investis dans ses listes. Une première au Sénégal. Nous ne doutons point qu’ils porteront nos revendications au sein de l’hémicycle. Toutefois, les personnes handicapées attendent avec impatience un premier acte posé par l’exécutif dans ce sens. Un acte concrétisera cette ambition manifeste du gouvernement de faire du handicap, un critère qualité pour le développement. En effet, comme je le disais dans mon dernier article, « la mise en œuvre des politiques sociales notamment celles relatives à l’inclusion des personnes handicapées relève plus de la volonté politique que de problèmes de conception ou encore d’expertise qui aujourd’hui sont tous résolus (…) tous les instruments juridiques (…) et toutes les informations nécessaires pour la prise en charge du handicap dans toutes les politiques sont aujourd’hui disponibles ».
S’agissant de l’évaluation de l’application de la Loi d’Orientation sociale (LOS), nous pensons qu’elle n’est pas difficile à faire et ne nécessite aucune étude qui ferait encore perdre beaucoup de temps. Car, à ce jour, sur les quinze (15) textes réglementaires prévus par la LOS, deux (02) seulement ont été pris. Il s’agit notamment du décret 2012-1038 du 2 octobre 2012 relatif aux commissions techniques chargées d’instruire les demandes de carte d’égalité des chances et de la promotion de l’éducation spéciale, et du décret relatif à la mise en œuvre du Programme national de Réadaptation à Base communautaire (PNRBC). Pour ce qui concerne particulièrement la carte d’égalité des chances, tous les chiffres sont disponibles. Nous savons qu’il existe environ 98 000 détenteurs dont près de 62 000 bénéficiaires de la bourse de sécurité familiale, parmi lesquels à peu près 25 000 ont adhéré à la couverture maladie universelle. Cette proportion rapportée à l’effectif total des personnes handicapées, évalué à environ 1 200 000 personnes soit 7,3 % de la population générale (RGPH-5, 2023), donne un pourcentage très faible de personnes impactées par les avantages de la carte d’égalité des chances.
En outre, le Chef de l’Etat a demandé au gouvernement de faciliter les recrutements et les nominations des personnes vivant avec un handicap dans les secteurs publics et parapublics. A ce niveau, nous voudrions juste rappeler à Son Excellence qu’il existe dans l’organigramme de la Présidence de la République, un poste de Conseiller spécial chargé des questions du handicap qui, à sa création sous Abdoulaye Wade, était réservé au Président de la Fédération sénégalaise des Associations de Personnes handicapées (FSAPH). A notre connaissance, ce poste est encore vacant depuis le départ de Madame Aïssatou Cissé.
Pour ce qui est de la promotion des personnes handicapées à des postes de responsabilité, nous avons l’impression que notre pays est très en retard par rapport à beaucoup d’autres dans le monde. Restons seulement en Afrique, en prenant l’exemple de pays comme la Côte d’Ivoire où une personne handicapée siégeait déjà dans le gouvernement du Président Laurent GBAGBO ; ou encore la République démocratique du Congo où il existe actuellement un ministère en charge des Personnes Vivant avec Handicap et Autres Personnes Vulnérables. Au Sénégal, sur les six-cent et quelques directions nationales et agences de l’administration répertoriées en 2019, dans le cadre de l’élaboration du Programme d’Appui à la Modernisation de l’Administration (PAMA), presque aucune n’est dirigée par une personne handicapées ; si non très peu.
Pour corriger cette discrimination, il suffit juste de signer les projets de décret existants, notamment celui devant mettre en place la Haute Autorité chargée de la promotion et de la protection des droits des personnes handicapées. Cette structure sera mieux habilitée pour coordonner l’élaboration de la nouvelle stratégie nationale d’accompagnement des personnes vivant avec un handicap, demandée par le Chef de l’Etat. Elle pourra également mettre en place un mécanisme de détection et de promotion de personnes handicapées aux compétences et profils pointus, qui existent aujourd’hui dans presque tous les secteurs d’activité, notamment dans l’administration.
Par ailleurs, dans ce contexte d’adoption d’un nouveau référentiel des politiques publiques (la Vision Sénégal 20250), il urge de prendre les mesures idoines en vue d’assurer la prise en compte du handicap dans la déclinaison sectorielle de l’Agenda national de Transformation systémique à travers les Lettres de Politique sectorielles de Développement (LPSD). Pour ce faire, il faudra procéder rapidement à la désignation des points focaux chargés du handicap dans tous les ministères à l’image des cellules genre, comme cela a été proposé par la FSAPH depuis fort longtemps. Ces derniers seront les bras techniques de la Haute Autorité au sein des ministères pour veiller à la prise en charge du handicap dans les nouvelles LPSD et assurer le suivi des actions préconisées dans le cadre des budgets programmes. Dans cette perspective, le gouvernement devra inscrire rapidement dans le projet de Loi de Finances initiale (LFI) 2025, qui sera soumise à l’appréciation des députés de la XVe Législature, un budget dédié à l’inclusion comme c’est le cas actuellement pour le genre.
Ce sont là, quelques mesures d’urgence qui pourraient faire bouger les lignes, et permettre aux personnes handicapées de garder espoir.
Par Mamoudou Ibra KANE
SYLLA TOUT-PUISSANT
Parmi les honorables députés qui occuperont l’Hémicycle, il y en a un qui a la particularité de s’appeler Abdoulaye Sylla. Le bonhomme, qui n’est connu en politique que très récemment, siégera au nom de la Coalition And Bessal Senegaal.
L’Assemblée nationale, issue des élections législatives anticipées du 17 novembre, va être installée ce lundi 2 décembre 2024. La 15e Législature sera marquée, au cours des 5 prochaines années, par la majorité écrasante obtenue grâce aux suffrages des Sénégalais par le parti au pouvoir, Pastef-Les Patriotes. 130 sièges sur 165, excusez du peu. Parmi les honorables députés qui occuperont l’Hémicycle, il y en a un qui a la particularité de s’appeler Abdoulaye Sylla. Le bonhomme, qui n’est connu en politique que très récemment, siégera au nom de la Coalition And Bessal Senegaal. La coalition a été montée tellement à la hâte qu’on s’interroge légitimement sur les vraies motivations de sa tête de liste. Si c’est pour bénéficier d’une immunité parlementaire au cas où…, alors là, mission accomplie et objectif atteint ! Chapeau Monsieur !
A tort ou à raison, le nom du néo-politicien est en effet cité dans plusieurs dossiers relatifs à des marchés publics ou à l’exploitation des ressources minières. Il n’y a pas longtemps, il a été entendu dans une présumée affaire de transport vers l’étranger de 2700 kilogrammes d’or. Il est reparti libre à l’issue de son audition à la Division des investigations criminelles. Le dossier a-t-il été classé sans suite ? Wait and see.
Entre-temps, ABS est élu député par la faveur du plus fort reste, et jouit de ce fait d’une immunité parlementaire. Cette immunité l’immunise de toute poursuite judiciaire, sauf en cas de flagrant délit ou si elle est levée suivant une procédure prévue par la loi.
ABS (pour ses intimes) a porté plainte contre une partie des actionnaires du groupe de presse E-Media Invest. L’auteur de ces lignes fait partie de sa cible. Notre faute, que le sieur Sylla cherche vainement à camoufler dans une fallacieuse accusation d’«abus de biens sociaux», est d’être des journalistes et managers de médias qui ont fait leurs preuves. Et cette réputation bâtie sur de longues années de pratique et de sacrifices, notre associé veut à tout prix nous la faire chèrement payer à travers une tentative de destruction de notre capital image. Pour ceux qui l’ignorent, ce désir malicieux et maléfique, que nous avons d’ailleurs très tôt détecté chez l’homme d’affaires, a toujours été de nous réduire à de simples sujets de Sa Majesté. Donc, à néant.
Son raisonnement est d’une simplicité diabolique. A défaut de pouvoir faire une Opa sur notre groupe (contrairement à ses dires, il n’est pas majoritaire), autant alors ternir leur image devant l’opinion nationale et internationale.
Dans cette perspective, de toute façon vouée à l’échec, la troisième alternance survenue le 24 mars 2024 avec le plébiscite du tandem Diomaye-Sonko est du pain béni pour Abdoulaye Sylla. Pour réaliser son projet, il fait aussitôt du président de la République nouvellement élu et de son Premier ministre, ses nouveaux alliés. Des alliés de circonstance certes, mais des alliés de taille, même pour un instant éphémère. Le projet de Sylla, à certains égards, est désormais dans Le Projet. Un guetteur de pouvoir ? Allez savoir.
L’objectif est double : liquider le groupe E-Media, faute de pouvoir le domestiquer, et éliminer politiquement un certain Mamoudou Ibra Kane qui a eu l’outrecuidance de s’engager en politique et de s’allier avec le candidat classé deuxième lors de la dernière Présidentielle, Amadou Ba en l’occurrence.
Plusieurs faits attestent l’existence d’une main invisible derrière les agissements de Sylla contre ses associés que nous sommes.
En premier lieu, l’affaire relève d’un «dossier signalé», pour reprendre le jargon juridique consacré. Comme son nom l’indique, l’affaire est signalée, c’est-à-dire portée à la haute attention des autorités étatiques.
En deuxième lieu, la plainte déposée par le sieur Sylla au mois de juillet 2024 révèle au moment de l’enquête confiée à la Sûreté urbaine, des curiosités qui renseignent sur la toute-puissance du plaignant. On enseigne en première année de Droit que «la charge de la preuve incombe au demandeur». Mais, en enquête préliminaire, nous découvrons à nos dépens que ce b.a.-ba du Droit est mis à l’envers. Maladresse ou fait à dessein ? En tout cas, à notre grande surprise, la charge de la preuve est allègrement inversée tout au long des auditions. Et nous voilà confinés dans la posture impuissante de défendeurs qui doivent prouver… qu’ils ne sont pas coupables. Le plaignant, lui, est manifestement dispensé d’apporter la preuve de ses allégations. Cette bizarrerie, pour ne pas dire entorse dans la manière de mener l’interrogatoire, s’est non seulement déroulée en présence de nos avocats, mais aussi et surtout elle a été consignée dans les procès-verbaux d’audition. Plaise au Parquet et/ou à l’instruction d’en tenir compte !
Il faut certainement s’appeler Abdoulaye Sylla pour bénéficier d’un tel favoritisme et cerise sur gâteau, être épargné d’une confrontation avec les personnes qu’il accuse injustement. La confrontation initialement annoncée par les enquêteurs n’aura jamais lieu.
De quoi nous accuse justement ABS ? Eh bien, il vise dans sa plainte les délits présumés suivants : abus de biens sociaux, escroquerie, association de malfaiteurs, banqueroute… Et puis quoi encore ? La coupe est pleine ! De supposées infractions qu’il ne repose ni sur un rapport d’audit ni sur un quelconque rapport du commissaire aux comptes. Nos avocats feront leur travail.
Un autre élément important qui montre le caractère fallacieux de ces accusations, aucun des autres actionnaires n’a repris à son compte les allégations de Sylla. Au contraire, pas un seul de nos associés ne comprend sa démarche, a fortiori y souscrire.
Abdoulaye Sylla nous accuse en des termes à peine voilés de nous être enrichis sur le dos de l’entreprise, en avançant un montant de 850 millions pourtant régulièrement enregistré dans la rubrique «compte courant associé» de la société des rédacteurs dénommée «E-Media Rédacteurs». Rien de plus faux et nous espérons que le juge d’instruction, après avoir instruit à charge et à décharge, nous lavera de tout soupçon. Nous sommes prêts, si nécessaire, à faire notre déclaration de patrimoine et d’intérêts devant un jury d’honneur et toutes les institutions de contrôle de notre pays. Toutes les banques sénégalaises et d’ailleurs peuvent également en être saisies.
De vendeur de seringues, métier noble au demeurant, l’homme devenu subitement milliardaire nous dénie le droit et la capacité de chercher, de trouver et ensuite d’injecter de l’argent frais dans la société par des moyens totalement légaux. Au même titre que lui et les autres actionnaires. C’est qu’à ses yeux, nous ne sommes et devons être et rester que de pauvres journalistes, au propre comme au figuré, c’est-à-dire taillables et corvéables à merci. Autrement qu’une posture misérable et misérabiliste, nous devenons automatiquement suspects. Erreur de jugement.
En attendant la justice humaine qui, nous l’espérons, s’évertuera à s’inspirer de la Justice divine, le mal est malheureusement déjà fait à l’encontre du groupe E-Media Invest. Par sa plainte que rien ne justifie du reste, Abdoulaye Sylla a aggravé les problèmes de la société qui, déjà, n’était pas en bonne santé financière. Mais il semble avoir obtenu ce qu’il voulait : mettre les professionnels et actionnaires que nous sommes en mal avec le personnel qui en est, à ce jour, à son sixième mois sans salaire.
C’est le lieu de rendre hommage aux braves travailleurs du groupe qui vivent stoïquement et dignement ces moments difficiles avec leurs conséquences dramatiques. C’est aussi l’occasion d’interpeller tous les actionnaires en les invitant respectueusement à prendre les diligences nécessaires afin de sauver la société. E-Media est une réalité médiatique indéniable et comme telle, ce groupe de presse, fondé seulement en septembre 2018, doit continuer à jouer sa partition comme une entreprise créatrice d’emplois et de richesses.
Quant à notre homme des affaires, il est tellement performant dans la manœuvre qu’il s’est adjugé la position fort confortable de «porteur» de plaintes et de presse. A ce dernier titre, il faut avouer qu’il ne manque pas de soutiens dans le milieu interlope des médias sénégalais. Or, tout journaliste sérieux devrait s’évertuer à creuser le «cas Abdoulaye Sylla». Pour qu’il se justifie enfin devant la Justice sénégalaise sur les nombreux dossiers financiers dans lesquels il est régulièrement pointé du doigt.
L’Etat-Pastef, pourtant élu sur la base du «Jub, Jubal, Jubanti», et une partie des milieux maraboutiques semblent le protéger pour l’instant. Jusqu’à quand ? Par parenthèse, certains talibés ont succombé de bonne foi au mirage des travaux dits d’assainissement du patron de la société Ecotra. Camions et Caterpillars, pelles et pelleteuses, pompes et motopompes sont exposés en des endroits stratégiques à l’occasion de chaque grand évènement religieux. Le modus operandi est pour impressionner et mieux, leurrer son monde. Les dernières inondations dans la ville de Touba sont la preuve tangible que les travaux prétendument herculéens de l’entreprise de Btp ne sont que du tape-à-l’œil.
Dieu est grand, mais Abdoulaye Sylla n’est pas petit, surtout qu’il est aidé en cela par de solides complices qui se reconnaîtront. Et pendant qu’on y est, donnons-lui le surnom sans risque de blasphémer : Sylla Tout-Puissant.
Tout-Puissant, dites-vous ? Un simple mortel qui se prend pour le Bon Dieu sur terre n’est que montagne de poussière. Un tigre de papier.
Par Hamidou ANNE
MOUSTAPHA DIAKHATÉ, RÉPUBLICAIN OMBRAGEUX
J’ai deux nouvelles pour ceux qui veulent lui imposer le diktat de la terreur : Moustapha ne se taira pas, ensuite il ne connaît pas ce sentiment qu’est la peur. Il porte la liberté dans son Adn, qu’il gardera toujours intacte, même au fond d’une geôle
Nous nous retrouvions les jeudis très tôt sur le parking de la Maison d’arrêt et marchions ensemble, sésame rose en main. L’accueil au portail n’était guère joyeux, il était même rude. Des hommes en uniforme passaient et repassaient faire les achats pour le petit déjeuner ; certains chahutaient les habitués de ce lieu qui, à force de venir voir des proches, étaient devenus des visages connus, des détenus laissés libres. Nous étions tous les deux frappés par les hommes et les femmes que l’on côtoyait le matin, dont on voyait qu’ils venaient tous des quartiers lointains, là où vit le petit peuple dont les enfants sont gardés -souvent en attente de procès- derrière ces murs hauts de la citadelle du silence. Moustapha se moquait tous les jours de ma mine grise du matin ; je déteste me lever tôt. A l’intérieur, au fond de la grande allée, trône un bâtiment plutôt neuf. A l’intérieur, nous nous asseyions sur les bancs, dans une salle où chacun gardait le silence, comme si nous étions tous des détenus, attendant que le haut-parleur au son difficilement audible annonce nos noms. Nous allions ensemble voir notre ami au parloir. Moustapha avait toujours des mots tendres et rassurants pour cet ami jugé et condamné, sans jamais verser dans l’optimisme béat ou le maslaa. Je sais en plus qu’il a assuré une présence utile aux côtés de la famille du concerné.
J’étais frappé par son humanité que je connaissais déjà, mais surtout par son dégoût de l’injustice que peuvent vivre les plus précaires frappés par les violences morales et physiques que les logiques de domination imposent. En cela, je peux dire que je n’ai jamais rencontré un homme aussi humaniste que Moustapha. Il me fait penser au mot de Sartre : «Pour aimer les hommes, il faut détester violemment ce qui les opprime.»
Quand on gravite autour de la politique sénégalaise, on connaît forcément Moustapha Diakhaté. Verbe haut, convictions ancrées, constance dans le combat politique et défiance vis-à-vis des dogmes, des appareils politiques, des puissants, et méfiance vis-à-vis des adhésions aveugles et irraisonnées. Je le suis depuis l’initiative «Wacco ak alternance», un groupuscule de militants du Pds, déçus par la tournure du Sopi, qui ont décidé de porter le combat de la rectification de la ligne au sein de leur formation politique. Tout de suite, j’ai été séduit par le courage de ce débatteur hors pair, par sa maîtrise du verbe et par son habileté à défendre ses positions avec hargne. Puis, il y a eu la rupture avec les Wade et l’adhésion à l’Apr. J’avais de temps à autre les récits de ses aventures via mon ami Abdoulaye Fall, membre fondateur du parti. Bien des années après, j’ai enfin rencontré Moustapha, en mars 2021, dans la foulée des événements consécutifs à la sordide histoire que tout le monde connaît. Quand j’ai vu Moustapha, il m’a dit une chose qui m’a plu, glacé et fait frémir en même temps. Il me dit : «Tu sais, je crois en trois choses : la République, la démocratie et la liberté.» Tout de suite, l’estime, le respect, l’affection et l’amitié. Moustapha est mon ami, et cette phrase n’est guère banale. Nous nous sommes vite rapprochés ; entre 2021 et 2023, j’ai presque vu Moustapha tous les jours, au même endroit, pour commenter l’actualité politique africaine et internationale. Nous parlions aussi souvent de nos lectures, car Moustapha est un grand lecteur. Il se lève tôt et lit jusqu’en fin de matinée, avant de commencer ses activités.
Depuis ce premier jour de rencontre, nous nous parlons au téléphone au minimum trois fois par jour ; nous avons la même haine des populismes, des racismes, et le même engagement contre le fascisme. Nous rêvons d’un nouveau printemps de la démocratie et du progrès partout sans jamais nous limiter à l’Afrique, considérant l’universalité du genre humain. A chaque fois que quelqu’un perd espoir devant la défaite des courants progressistes et l’avancée des extrémismes et des nationalismes, Moustapha a toujours le mot juste pour dire que l’histoire n’est jamais finie, qu’il ne faut jamais cesser de croire en la raison et en la capacité par la parole et l’action créatrice de changer la face du monde et surtout la vie des gens. Il est très sisyphéen dans ce sens.
Moustapha est un militant au sens noble du terme, c’est-à-dire un porteur de cause, un homme écorché, vif, engagé et fondamentalement démocrate. C’est l’exemple du républicain affirmé qui considère qu’au-dessus de la République, il n’y a rien ni personne. Celle-ci a été le moteur de son engagement, car chez lui, la République n’est pas chose désincarnée, aérienne, qu’on rappelle dans de grandes envolées lyriques sans matérialité concrète. La République chez Moustapha est une essence, une spiritualité telle qu’elle a été imaginée par les grands penseurs républicains. Mais elle est aussi et surtout pour lui, une exigence à bâtir des sociétés humaines équitables, moulues dans le savoir qui libère l’individu des dogmes qui enferment et de l’obscurantisme qui nuit.
Je me refuse depuis son arrestation, à sortir des phrases toutes faites comme «Moustapha ne mérite pas la prison». Il déteste ce type de phrases de toute façon, car convaincu me dit-il souvent «Gauche -oui, Moustapha ne prononce jamais mon prénom, il m’appelle toujours ainsi- je ne fais que mon devoir. Il faut toujours faire ce qu’on a à faire. Le Sénégal n’appartient à personne, nous qui y habitons aujourd’hui en sommes juste des locataires non permanents, d’autres étaient là avant nous et d’autres générations viendront après nous».
Moustapha savait qu’il allait être arrêté et emprisonné. Il s’y est préparé et avait préparé ses proches. Mais j’ai deux mauvaises nouvelles pour ceux qui veulent lui imposer le diktat de la terreur : Moustapha ne se taira pas, ensuite il ne connaît pas ce sentiment qu’est la peur. Mieux, c’est un homme insensible aux honneurs, car sachant que ceux-ci, pour la plupart, sont fugaces et insincères. De sa première grève en tant qu’élève contre l’attitude d’un directeur d’école dont il était en même temps le… répétiteur des enfants, à ses activités syndicales à la Bceao, qui ont abouti à son licenciement, en passant par son départ du Pds, son exclusion de l’Apr, il est devenu un homme endurci et un militant ayant atteint le degré le plus élevé du militantisme, celui où tu n’agis ni pour les nominations ni pour les élections, mais au nom du tribunal suprême de la conscience.
Abdel Hamid Kichk avait dit un jour : «Le paradis est dans ma poitrine, je le porte partout où je vais.» Je dirais la même chose de Moustapha, qui porte la liberté dans son Adn, et qu’il gardera toujours intacte, même au fond d’une geôle.
Un jour, des livres d’histoire raconteront le rôle de Moustapha Diakhaté pour le retour de la paix civile en mars 2021 et ses efforts manifestes pour la préservation de la République entre mars 2021 et avril 2024. Je ne sais pas tout, mais j’en sais un rayon, entre ce qu’il a bien voulu me confier et ce que j’ai glané d’autres sources crédibles, et que par humilité et pudeur, lui n’a pas voulu me révéler. Moustapha est un patriote sincère, un républicain ombrageux et un démocrate authentique, et c’est un homme profondément bon, généreux et attachant.
Un des matins qui arrivent, j’irai voir Moustapha. Je me réveillerai difficilement le matin, la mine triste, je laisserai ma voiture au parking de la prison. Je ferai le pied de grue devant cet immense portail en fer vert, et à l’ouverture je me hâterai au milieu des gens pour rejoindre la salle des haut-parleurs au son difficilement perceptible. J’entendrai mon nom et j’irai voir Moustapha… s’il daigne bien me recevoir, car je connais mon ami, il ne fait jamais rien comme les autres.
Par Fadel DIA
THIAROYE 44, ENTRE ESPÉRANCE ET FRUSTRATIONS
Le plus symbolique dans la cérémonie organisée pour commémorer ce que désormais tout le monde appelle « le massacre de Thiaroye » c’est sans doute que c’était « notre » cérémonie, par nous, entre nous et à notre discrétion
Le plus symbolique dans la cérémonie organisée pour commémorer ce que désormais tout le monde appelle « le massacre de Thiaroye » c’est sans doute que c’était « notre » cérémonie, par nous, entre nous et à notre discrétion. Nous en avions assez d’être invités, et d’être souvent des invités relégués au rang de faire-valoir, dans des manifestations où on célébrait nos misères et nos sacrifices, en donnant l’impression qu’en fin de compte nous n’avons jamais été que la cinquième roue de la charrette. Cette fois nous étions les concepteurs, les organisateurs et les maîtres de cérémonie et, symboliquement, toute l’Afrique était là, celle de la savane et celle de la foret, l’ouest et l’est, le centre et le nord, pour rappeler au monde une tragédie parmi d’autres vécues par l’Afrique coloniale, dont le souvenir avait été longtemps enseveli sous le poids de la morgue et de l’injustice.
Un seul regret: il manquait à cette cérémonie la présence, au plus haut niveau, des représentants des pays dont les fils avaient constitué le principal filon de recrutement de ce qu’on a appelé « Tirailleurs Sénégalais » : le Mali, ancien Soudan français, et le Burkina Faso, ancienne Haute Volta. En revanche la France était présente, non à la place qu’elle avait l’habitude d’occuper, mais à celle qui lui a été assignée, ni en grandiloquent maître des horloges, ni en victime expiatoire. Une fois n’est pas coutume et contrairement à l’un de ses prédécesseurs, Jean Yves Le Drian qui tutoyait le Président de la République du Sénégal en public comme s’ils avaient gardé les vaches ensemble, son représentant s’est montré discret, à moins que ce ne soit l’estocade reçue à Ndjamena qui lui ait servi de leçon. Il a dit des mots justes et bien choisis et surtout il a fait cet aveu impensable il n’y a pas longtemps :la France reconnait que Thiaroye a été un massacre !
Dieu, que ce fut difficile d’en arriver à cette évidence.
On peut dire néanmoins qu’un pas décisif a été franchi, mais il en reste bien d’autres, ne serait-ce que de nous éclairer sur ce qui a été à la base de cette tragédie et de nous dire, passé le moment solennel du recueillement, où est passé l’argent qui n’a pas été versé aux Tirailleurs. Il restera à l’ancienne métropole à traduire ses paroles en actes, et l’Histoire nous a appris que dans le domaine de la repentance (même si le mot n’a pas été prononcé) il y a loin de la coupe aux lèvres. La vraie question est de savoir si France est prête à solder son passé colonial, comme ont tenté de le faire la Belgique ou les Pays Bas.
S’il nous reste un peu de frustration, c’est qu’il y a quelquefois des moments où l’Histoire bascule, et personne n’aurait imaginé que la prise d’une prison, où s’ennuient une demi-douzaine de malheureux privilégiés et par une marée de va nupieds, aurait pu provoquer une des plus grandes révolutions de l’ère moderne.
La cérémonie de ce 1e décembre aurait pu constituer un tournant dans les relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique si un deus ex machina s’était donné la peine d’y mettre du sien. Imaginons que le président français y soit présent, non pas en vedette américaine, comme sans doute il l’avait envisagé, mais simplement en homme en bonne volonté. Imaginons que les présidents du Mali et du Burkina sortent de leur sublime isolement et fassent le voyage de Dakar. L’ordre protocolaire alphabétique aurait placé Macron à côté de Goita et qui sait ce qui se serait passé ? Imaginons que le président de l’ancienne puissance coloniale relègue son arrogance aux oubliettes, tende la main à son voisin et prononce ces mots que son pays refuse toujours d’assumer : des excuses ! Thiaroye 2024 aurait été un grand moment de diplomatie ! La rencontre n’a pas eu lieu, mais il n’en reste pas moins que la commémoration des 80 ans du massacre de Thiaroye doit être l’acte 1 d’une série de manifestations domestiques dont le but est de savoir ce qui s’est réellement passé sur tous ces sites de douleur qui parsèment nos pays et troublent notre mémoire, à Dimbokoro, à Sétif, à Madagascar et ailleurs. Pour que ce qui vient de se passer ne soit pas qu’un moment de solennité médiatique, il importe que dans nos écoles, nos collèges et nos lycées, les maitres et les professeurs se l’approprient enfin et l’inscrivent dans la mémoire de leurs élèves. Si ceux-ci ont besoin de viatique, s’ils se posent encore la question de savoir s’ils peuvent relever la tête, alors qu’ils puisent leur inspiration dans ce poème de Maya Angelou, « Still I rise », que Didier Awadi aurait pu inscrire dans son répertoire de ce jour ,et dont voici quelques extraits :
« Vous pouvez me citer dans l’Histoire,
Avec vos mensonges amers et tordus,
Vous pouvez me trainer dans la boue,
Mais comme la poussière je m’élève encore …
Vous pouvez m’abattre de vos paroles,
Me découper avec vos yeux,
Me tuer de toute votre haine,
Mais comme l’air je m’élève encore…
Hors des cabanes honteuses de l’Histoire Je m’élève
Surgissant d’un passé enraciné de douleur
Je m’élève !
Je suis un océan noir, bondissant et large,
Jaillissant et gonflant je porte la marée
Laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur
Je m’élève
Vers une aube merveilleusement claire
Je m’élève
Emportant les présents que mes ancêtres m’ont donnés
Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave
Je m’élève,
Je m’élève,
Je m’élève !
Par Mansour SECK
THIAROYE 44 : CE QUE J'EN SAIS
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En effet, à la fin de mon séjour dans un camp de vacances à Innsbruck, en Autriche, le propriétaire, d’un certain âge, n’a pas voulu que je paie la facture. Il m’a expliqué qu’il a été prisonnier des Allemands avec les Tirailleurs Sénégalais. IL a loué leur courage et leur gentillesse.
J’ai également visité, à cette période, les villes de Toulon et de Fréjus, où une mosquée et un Tata (Case Africaine, cimetière) témoignent de la participation importante des Tirailleurs Sénégalais à la libération de la Provence. D’ailleurs, un Sénégalais a été maire de Fréjus.
En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye, le 1er décembre 1944. J’ai aussi reçu l’information dramatique du massacre en juillet 40 par les Allemands, de près de 200 Tirailleurs Sénégalais, dont 58 à la mitrailleuse et au char, appartenant au 25ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais à Chasselay près de Lyon. En ce qui concerne Thiaroye, j’ai consulté une dizaine de livres parlant des Tirailleurs Sénégalais, en particulier, « l’Epopée des Tirailleurs Sénégalais » par Eugène Jean Duval, Contrôleur Général des Armées, «Thiaroye 1944» de Martin Mourre et «Crimes et Réparations» de Bouda Etemad.
Le Professeur Buuba DIOP et Monsieur Mamadou KONE, historiens, m’ont aidé dans mes recherches.
Ce qui me parait le plus important à savoir dans le massacre de Thiaroye, c’est le rapport du Colonel Carbillet, Commandant de l’opération du 1er décembre 1944.
Dans l’épopée des Tirailleurs, l’auteur signale qu’il n’y a pas eu de compte- rendu émanant des Tirailleurs, ce qui démontre que les informations sont unilatérales et sans contradiction.
Après l’opération, le service de santé militaire rapporte qu’il y a eu 24 morts sur place, 47 blessées et 48 survivants qui ont été condamnés par le tribunal militaire à des peines allant de 1 à 10 ans de prison pour mutinerie. Certaines sources parlent de 70 à 300 tués
Une autre information importante qui démontre que ces anciens militaires étaient désarmés, c’est la liste des armes trouvées sur place après la fouille : « de nombreux couteaux et baïonnettes, des grenades F1, un revolver 1892, des coupecoupes, etc. » Ce qui démontre que ces anciens prisonniers appelés «mutins»étaient désarmés car démobilisés. En effet, la dotation classique d’une unité militaire en armement se compose de fusils, de mitrailleuses, etc., et non de couteaux.
Une autre anomalie : Je n’ai pas trouvé les deux tableaux d’effectifs nominatifs avec numéros de matricules avant et après l’opération. Ces tableaux devaient figurer parmi les documents importants traitant de cet évènement.
La juriste Professeur Amsatou Sow Sidibé pose la question de « la qualification des faits de Thiaroye 44 ». Julien Fargettas, Armelle Mabon et Martin Mourre ont traité la sémantique entre tragédie, massacre et crime de masse. Ils ont choisi le terme « massacre ».
Pour parler de la cause de cet évènement, il faut remonter à quelques mois avant l’arrivée des Tirailleurs à Dakar. En effet, après 4 années d’emprisonnement dans les fronstalags allemands sans être payés, ils ont exprimé leur mécontentement à Morlaix, Hyères, Agen, Sète, Mont Marsan, Versailles, etc. D’ailleurs ils étaient nombreux à ne pas vouloir embarquer dans le bateau anglais Circassia pour rentrer en Afrique avant d’être payés.
En effet, la Circulaire 2080 du Ministère de la Guerre précisait « que la solde de captivité des anciens prisonniers de guerre devait être entièrement liquidée avant le départ de la métropole ». Ce qui n’a pas été le cas et qui explique leur mécontentement.
Donc dire que la propagande allemande sur les anciens prisonniers était la cause de leur révolte ne peut pas être retenue. Il faut aussi préciser que le comportement des Tirailleurs Sénégalais vis-à-vis de la « supériorité du blanc » avait changé. Au combat, ils ont vu que les balles allemandes ne faisaient pas la différence entre le blanc et le noir, que les blancs, comme eux, sont des êtres humains qui pouvaient avoir peur et pleurer dans la souffrance. Certains tirailleurs ont même pu marier des Françaises. D’ailleurs, le Professeur Iba Der THIAM a parlé de changement de mentalité des Tirailleurs Sénégalais après la guerre. Ils n’avaient plus le complexe du Blanc.
Dire que les « mutins » ont ouvert le feu les premiers ne peut être qu’une contre-vérité. En effet, entre 6 heures et 7 heures du matin au début de l’opération, ils sortaient tout juste du lit et certains ont même cru que les tirs étaient des cartouches à blanc, jusqu’au moment où ils ont vu leurs camarades tomber. Je n’ai trouvé aucun rapport officiel donnant des informations sur la sépulture des morts. Pourtant, l’Inspecteur Mérat soutient que ce drame de Thiaroye n’est « la faute de personne ». Cependant, en 2014, Le Président Hollande a parlé « de la répression sanglante de Thiaroye » et a reconnu « le non versement de leurs arriérés de solde et d’indemnités, faute fonds suffisants.»
Auparavant, le Président Mitterrand avait, lors d’une visite au Sénégal, parlé d’une « dette de sang » vis-à-vis des tirailleurs. Il faut aussi préciser que les soldes payées aux ex-prisonniers étaient très inférieures à celles payées aux métropolitains. C’est l’équivalent de 230 euros aux Tirailleurs et 690 euros aux métropolitains. En plus, le Président De Gaulle a «cristallisé » ces indemnités en 1959. C’est-à-dire qu’il les a bloquées à cette date, sans tenir compte de l’inflation. Un séjour en France leur était imposé.
A l’occasion de la tragédie de Thiaroye, le Président Senghor, ancien combattant de la 2eme Guerre Mondiale, ancien prisonnier du 3e régiment d’Infanterie Coloniale au frontstalag 230 de Poitiers, académicien français, dont l’attachement à la France est indiscutable, a dit qu’il ne reconnaissait pas la France, patrie des droits de l’homme dans cet évènement.
Pourtant les présidents De Gaulle et Mitterrand ont reconnu que sans la colonisation la France ne serait pas une grande nation. Bouda Etemad, dans « Crimes et Réparations », pose la question suivante : « Pourquoi choisit-on de préférence la Traite Négrière, l’Esclavage ou l’extermination des populations indigènes dans le cadre de la décolonisation à d’autres «crimes», lorsque l’on fait valoir que l’écoulement du temps n’efface pas les responsabilités de ceux qui, dans un passé souvent lointain, ont commis de tels actes ? »
Le réveil des consciences des Tirailleurs Sénégalais décomplexés sur le fait qu’ils étaient égaux des Blancs après leur douloureuse expérience partagée avec eux, peut-être la graine qu’ils ont semée pour que les Africains aspirent à l’indépendance obtenue dans les années 1960.
Il faut reconnaitre que l’impact de la participation des Tirailleurs Sénégalais aux deux Guerres mondiales n’est pas oublié partout en France. En effet, chaque année, les habitants de la ville de Lectoure, dans le Gers, honorent les 73 Tirailleurs appartenant au 84ème Bataillon des Tirailleurs Sénégalais enterrés sur place pendant la Grande Guerre. De même, à Chasselay, les habitants organisent régulièrement une cérémonie honorant la mémoire des Tirailleurs Sénégalais tués en juin 1940 par la Division SS Totenkopf et le régiment Grossdeutschland. Un cimetière Tata y a été également construit en leur mémoire.
Chaque année, le D-Day du 6 juin 1944, date du début de la libération de la Normandie par des troupes alliées commandées par les Américains, est célébré en grande pompe, en 2024, c’est en présence de 25 chefs d’Etat et de gouvernements, dont aucun Africain. C’est comme si on oublie que le Sud de la France a été libéré, en grande partie, par les soldats africains »
NB : J’ai commencé cette recherche bien avant d’apprendre qu’une commission de remémoration présidée par le Professeur Mamadou Diouf a est installée. Je suis sûr que leur travail sera plus complet que le mien.
*Le titre est de la rédaction **
Par Momar Dieng
QUAND LA VOLONTE POLITIQUE FAIT LA DIFFERENCE
La commémoration des 80 ans des assassinats de Thiaroye, ce 1er décembre 2024, est une page majeure écrite pour l’histoire post-coloniale de notre pays. Cet exercice de vérité inédit au Sénégal n’a rien d’une subite envie exhibitionniste ...
La commémoration des 80 ans des assassinats de Thiaroye, ce 1er décembre 2024, est une page majeure écrite pour l’histoire post-coloniale de notre pays. Cet exercice de vérité inédit au Sénégal n’a rien d’une subite envie exhibitionniste visant à (re)montrer au monde les cafards qui s’entrechoquent dans la vitrine du monstre colonialiste. Il faut oser croire que son ambition, noble, légitime et souveraine, va plus loin qu’une simple parade dominicale, tactique de prestige à moindres frais à laquelle nos dirigeants nous ont habitués depuis l’indépendance.
A notre sens, cet événement du 1er décembre 2024 ne peut être que l’expression d’une volonté politique forte qui trouve sa justification et son fondement dans l’une des pires séquences de la répression coloniale à l’encontre de compatriotes sénégalais et frères africains. Il faut saluer ici la complémentarité idéologique et humaniste de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko. Leur leadership partagé a permis - en un laps de temps extraordinairement réduit - d’avancer sur la reconnaissance mondiale d’un fait historique effroyable que leurs prédécesseurs n’ont pas eu le courage de prendre en charge car leur profil politique ne les y prédisposait pas. Du binôme socialiste Léopold Sédar Senghor-Abdou Diouf au diptyque affairiste libéral Abdoulaye Wade-Macky Sall, il a fallu s’en remettre à la paire Diomaye-Sonko pour que le Sénégal voit plus loin que le « privilège » des desserts offerts à ses tirailleurs par leurs vigiles français.
Le massacre de Thiaroye est comme notre mémoire dans notre peau, à l’instar du film éponyme. Il heurte notre conscience en lui imposant une cohabitation inscrite dans l’éternité et qui perdure depuis 80 ans. Déjà. Il hante notre esprit collectif sans que, jusqu’ici, nous nous soyons donné les moyens de l’exorciser définitivement. L’initiative du président Faye et du premier ministre Sonko de placer Thiaroye-44 dans l’agenda politique de leur mission met une certaine France, réactionnaire et conservatrice, devant ses responsabilités historiques. Ce ne sera pas le seul obstacle pour le pouvoir sénégalais et pour tous ceux qui s’activent pour que la lumière soit.
Depuis plusieurs décennies, les historiens qui travaillent sur les assassinats de Thiaroye cherchent encore des réponses aux questions qu’ils se posenyt. Ils ne sont pas certains d’en trouver. Les contraintes auxquelles ils sont confrontés restent autant d’obstacles à l’éclosion d’une vérité qui ferait pourtant du bien aux protagonistes de la tragédie et, surtout, aux victimes africaines et à leur descendance.
A ce niveau de difficulté, seule la volonté politique de la France officielle, l’accusée de l’histoire, est en mesure de faire solder les comptes du drame de novembre-décembre 1944 dans toutes ses dimensions. A défaut, Paris et Dakar dont les relations diplomatiques sont appelées à changer de nature avec l’arrivée au pouvoir en avril 2024 du duo Faye-Sonko entreront dans un cycle infernal de disputes mémorielles. Ici, la France serait sur un terrain qu’elle connait du bout des doigts en tant qu’ex-puissance coloniale à la réputation ternie par sa brutalité répressive. Ses rapports heurtés avec l’Algérie, par exemple, trouvent en partie leur origine dans sa propension à cultiver le déni pour protéger son moi.
A Dakar, son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a officiellement admis la thèse du massacre contre les revenus de guerre africains sur le sol de Thiaroye après le « mea culpa » de son président auprès de Bassirou Diomaye Faye. Mais le chemin de la reddition complète avec ses conséquences juridiques et financières risque d’être long et difficile.
Emmanuel Macron, encore deux ans et demi au pouvoir et peut-être même moins en cas d’élection présidentielle anticipée - n’aura sans doute ni le temps ni les moyens de matérialiser son approche positive de la question. Pour les autorités sénégalaises, le processus de réhabilitations des tirailleurs de Thiaroye se fera donc dans la durée, avec d’autres dirigeants français. Avec de l’espoir certes, mais sans aucune garantie d’arriver au bout d’une contre-histoire sensationnelle.
Par Henriette NIANG KANDÉ
SOUS LE SIGNE DU BAOBAB ET DU LION
Une prière à ces députés : que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! ». Épargnons-nous ces spectacles d'acteurs s'affrontant sur un texte mal préparé
Aujourd’hui 2 décembre 2024, sous les armoiries de la République, le lion et le baobab, prendront place 165 femmes et hommes, portant l’écharpe tricolore, posée sur le haut de l’épaule droite et nouée sur la hanche gauche. Ce n’est pas trop de le dire. Y en a qui la mettront à l’envers, c’est certain. Ce qui ne présage rien de bon.
Le baobab, ce colosse si sûr de lui ! Cet arbre majestueux, emblème de l'Afrique et star incontestée des documentaires animaliers. Avec son tronc gonflé comme s'il s'était offert un abonnement illimité dans une dibiterie, le baobab en impose.
Mais derrière son allure de géant sage et immuable, il cache une sacrée personnalité. D’abord, parlons de sa silhouette. Le baobab donne l'impression qu'il a été planté à l'envers par un jardinier un peu distrait. Dénudées, ses branches ressemblent à des racines. Comme si la nature avait confondu le haut et le bas. Mais loin de s'en offusquer, il en a fait sa marque de fabrique. "Moi, je fais les choses différemment", semble-t-il clamer en se pavanant dans la savane. La modestie ? Pas son fort.
Mais ne vous laissez pas duper par son air placide. Sous ses airs d'arbre philosophe se cache une véritable diva. Le baobab vit en moyenne 1000 ans, et certains spécimens atteignent les 2000 ans. Il se vante donc volontiers d'avoir vu passer des générations entières, en semblant dire : "Moi, je prends mon temps, et regardez où ça m'a mené".
Et côté mode, il n'est pas en reste. En saison sèche, il se débarrasse de ses feuilles, affirmant que "le minimalisme, c'est chic". En saison des pluies, il revient en force avec une touffe verte luxuriante, comme s'il avait réservé le coiffeur le plus exclusif de la savane. Le baobab, c'est un peu l'arbre influenceur qui lance les tendances sans en avoir l’air.
Mais attention à ne pas le flatter trop vite : son fruit, le pain de singe, est un concentré de vitamines. Et bien sûr, il en est très fier. Il n'hésite pas à se moquer des autres arbres, détectés : "Moi, je nourris les humains et les animaux. Toi, le manguier, tu fais quoi à part attirer la mouche blanche ?"
Bref, le baobab, c'est l'arbre qui a tout vu, tout vécu et qui, à chaque rafale de vent, semble murmurer : "Je suis la star ici, ne l'oublie pas." Et franchement, avec un ego pareil, on comprend pourquoi il est encore debout après tout ce temps.
Quid du « lion rouge [qui] a rugi, le dompteur de la brousse ? », c'est-à-dire un désert géant avec trois buissons et un arbre solitaire. Pourquoi ? Parce qu'il aime se poser sur une colline en mode « surveillant général ». Pas de forêt touffue pour monsieur : il veut que son public le voit. Et que font les lionnes pendant ce temps ? Elles sont occupées à leur rôle : subvenir aux besoins de la troupe en chassant des proies pour les membres qui la composent.
Star des documentaires animaliers, le lion est un symbole universel de force, de noblesse et de virilité. Avec sa crinière imposante qui ferait trembler un hémicycle, il est considéré comme le roi incontesté de la savane, bien que ce sont les lionnes qui chassent, traquent, courent, bondissent, tuent et ramènent la pitance, élevant l’expression « gérer la logique familiale » à un tout autre niveau. Le lion a un talent unique : il sait très bien rugir. Un rugissement qui s'entend à huit kilomètres, parfait pour faire peur aux hyènes, impressionner ses potes et réveiller tout le quartier à 4h du matin. Ce son terrifiant équivalent d’un mégaphone branché sur un ampli à fond, dont le lion se sert pour éviter un rival ou rassurer ses troupes. Imaginez-le crier « c'est mon territoire » à pleins poumons. Dans la brousse, c’est tout à fait normal. Là-bas, on ne tweet pas. On rugit. Mais soyons honnêtes : en dehors de sa carrière de chanteur à la voix rauque, quand il chasse (rarement), c'est plutôt en mode « pas de stress ». Sauf quand il sent que l’harmattan, ce vent de la savane, très chaud le jour, plus frais la nuit et toujours chargé de poussière, souffle dans la broussaille et que le risque d’une remise en question existentielle est présent. Parce que, s’il est délogé, le rival ne se gênerait pas pour effacer toute trace de la lignée précédente, petits lionceaux compris. Être roi, ce n'est pas qu'une question de crinière, mais de muscles et de charisme. Faut savoir tenir son rang !
Mais voilà que le Pastef, majoritaire de cette 15ème législature, arrive à l’Assemblée nationale avec un léopard visible dans le creux du P du logo qui identifie ce parti. Dans le monde animal, il y a des duels légendaires : chat contre chien, poisson contre requin, hyène contre... charogne, et bien sûr, lion contre léopard. Plongeons dans ce débat. Le léopard, avec son allure incroyable, une agilité impressionnante (il se hisse pour protéger sa nourriture pour qu’elle soit inaccessible) et un pelage à faire pâlir un tapis iranien fait main, a refusé, de se faire passer pour un mannequin. Sa première tentative à des législatives a donné l’impression qu’il s’est infiltré dans une séance photo pour une marque de vêtement de luxe, se glissant sur le plateau parlementaire, se pavanant fièrement. Les premières images, ont attiré des followers. Finalement, il a trouvé sa vraie vocation : guide éclairé. Qui mieux qu’un guide peut emmener les touristes au plus près de la faune ? S’il y en a beaucoup qui l’adorent, certains paniquent quand il leur propose un "colléserré" et d’autres fuient en prenant leurs pattes à leur coup. Ce n’est pas une affaire de tâche. C’est une affaire de chasse.
Aujourd’hui donc, l’hémicycle, toujours aussi majestueux, avec ses dorures et son air de sérieux, accueillera les élus qui prendront place sur des sièges rouges. Le rouge, cette couleur flamboyante et insolente. Que ce soit pour symboliser la pas sion, le danger, ou une tomate trop mûre oubliée dans le fond du frigo, le rouge ne laisse personne indifférent. Pourtant, avez-vous déjà réfléchi à l’incroyable pression qu’endure cette couleur au quotidien ? N’est-il pas temps de lui rendre justice.
Prenons, par exemple, les feux de signalisation. Pourquoi est-ce au rouge qu’on a confié le rôle ingrat d’arrêter tout le monde ? Personne ne s’extasie devant un feu rouge. Non, au contraire, on soupire, on peste, on klaxonne (parce que klaxonner est une thérapie nationale). Pendant ce temps, le vert, tranquille, fait la fête : "Vas-y, c'est bon, fonce !" Et le jaune, lui, hésite, comme un ado qui ne sait pas s'il doit participer ou non à une soirée.
Le rouge est également la couleur des erreurs, des problèmes, des alertes. Un petit "X" rouge dans un document Word, et c’est la grande question : "Mais qu’est-ce que j’ai encore cassé ?" Mais il n’y a pas que dans le code de la route ou sur les écrans que le rouge se démarque. Parlons un peu de la mode. Une robe rouge, et hop, vous êtes la reine de la soirée. Mais attention, c’est un art de vivre, pas un hasard. La robe rouge incarne la confiance, l’assurance et un peu de désinvolture. Portée avec la posture d’une dinde enrhumée, le risque est de passer pour un panneau stop ambulant.
Et que dire du vin rouge ? Le seul qui peut à la fois être un élixir de convivialité et un grand criminel de chemises blanches. Un verre renversé et, tout d’un coup, vous avez une œuvre d’art abstrait sur votre poitrine.
Bref, le rouge, c’est tout un paradoxe. Une couleur qui crie "Attention !" tout en murmurant "Admire-moi". Alors, la prochaine fois que vous apercevrez un feu rouge, une tomate ou une chemise tachée, prenez une seconde pour apprécier cette teinte si mal-aimée mais si essentielle. Parce qu’après tout, sans le rouge, la vie manquerait sacrément de piquant… et de ketchup.
Une prière « quinquennale » adressée à ces députés. Merci de nous épargner ces spectacles où des acteurs chevronnés s’affrontent dans une pièce de théâtre dont le texte semble avoir été écrit à la dernière minute. Et où des députés, en pleine « joute verbale » (traduisez : chamailleries ou insanités de cour de récréation), rivalisent d'indignation feinte et de petites piques acides, houspillant un ministre perdu dans ses fiches ou un opposant qui lance des regards meurtriers, pendant que le public conquis donne de la voix ou couvre celle d’un autre du bord opposé.
Que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! », alors qu’un nouveau ou une nouvelle élu (e), dont personne ne convient au tempo, tente une intervention sérieuse, sous les ricanements de ceux qui étaient là avant, devant une majorité fanatique et une opposition qui hésite entre une position institutionnelle et une perspective fonctionnelle.
par Ismaila Madior Fall
À PROPOS DE L’ABROGATION DE LA LOI D’AMNISTIE, LE JUGE AURA LE DERNIER MOT
Après la controverse juridico-politique sur l'abrogabilité ou la révocabilité ou encore l’annulation de la loi sur l'amnistie, il conviendra de faire place au juge constitutionnel qui pourra se prononcer bien avant ou juste après l’adoption de ladite loi
Après la controverse juridico-politique sur « l'abrogabilité » ou la « révocabilité » ou encore l’annulation de la loi sur l'amnistie de 2024, il conviendra de faire place au juge constitutionnel qui pourra se prononcer bien avant ou juste après l’adoption de ladite loi. Il ne restera qu’à s’incliner devant le verdict des Sages.
Avant même que ne soit envisagé le vote de la loi, le président de la République, peut, après avoir mesuré l’intensité de la controverse juridique et la sensibilité politique et sociale de la question, saisir le Conseil pour avis. Il s'agira juste de mettre en œuvre les dispositions de l'article 92 nouveau de la Constitution qui prévoit en son alinéa 2 que « le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République pour avis ». Rappelons qu’au regard de cette innovation de 2016, le Conseil a désormais une attribution consultative dont le champ est élargi, pouvant porter sur la juridicité de toute question politique et sociale. Son avis favorable ou défavorable à l’abrogation ou à l’annulation de la loi serait, au regard de l’article 24 de la loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel une décision qui s’impose à tous. En effet, la Haute juridiction rend, en toutes matières, des décisions motivées qui ne sont susceptibles d'aucune voie de recours et s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 92 de la Constitution).
Si le Conseil n’est pas saisi en amont pour avis sur une question simplement posée ou aux travers d’un avant-projet de texte et après l’éventuel vote de la loi envisagée par la nouvelle Assemblée nationale, les députés adversaires de l'abrogation/annulation pourraient, en vertu de l’article 74 de la Constitution, attaquer la loi devant le Conseil constitutionnel. Là aussi, la décision du Conseil, quelle qu’elle soit, s’imposera à tous. On peut rappeler, à cet égard, sa décision du 12 février 2005 relative à une loi d’amnistie (loi Ezzan).
Ismaila Madior Fall est Professeur de droit public à l’Université Cheikh Anta Diop.