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5 mai 2025
Opinions
par Ndèye Fatou Kane
IMMIGRÉE ET CONFINÉE À PARIS (1)
Le concept d’intersectionnalité, popularisé par la juriste américaine et théoricienne de la critical race theory Kimberlé Crenshaw, ne m’a jamais paru aussi pertinent qu’en cette période
Ndèye Fatou Kane est écrivaine, bloggeuse et chercheuse en études sur le genre à l’Ehess à Paris. Dans cette première chronique, elle relate le confinement intimement vécu dans la capitale française.
Depuis dix jours que je suis enfermée chez moi, entre quatre murs, à l’exception de quelques sorties pour aller acheter de quoi me sustenter à 100 mètres de mon immeuble, je prends la pleine conscience de la mesure de confinement qui s’est abattue sur la France entière.
Le Lundi 16 Mars fut le Jour 1 de cette période noire. Le Président Macron, à travers une adresse télévisée, demandait à tout le monde de rester chez soi et de limiter les déplacements au strict nécessaire : activités professionnelles, courses, consultations médicales …
Depuis lors, je tourne et retourne dans tous les sens cette situation de confinement imposée et j’essaie d’en trouver le bout, ce qui me permettrait de retrouver un semblant de vie normale. Ne pouvant démêler ce nœud, je décidai de coucher sur le papier mon ressenti. Non pas pour « romantiser » cette situation qui n’a absolument rien d’idyllique, encore moins attirer la commisération, mais pour tout simplement dire, me raconter, afin de cueillir chaque jour comme il vient dans cette morosité ambiante.
Le concept d’intersectionnalité, popularisé par la juriste américaine et théoricienne de la critical race theory Kimberlé Crenshaw, ne m’a jamais paru aussi pertinent qu’en cette période de confinement. Loin de moi l’idée de me plaindre, car je me dis qu’en cette période sanitaire trouble, beaucoup de personnes sont dans la précarité la plus totale. Mais être une femme, Africaine de surcroît, à la peau noire, dans un pays qui n’est pas le mien, cela me fait porter plusieurs identités; identités qui participent à accroître mon angoisse et mon altérité.
Altérité qui est caractérisée par le fait qu’un des réflexes naturels lorsque survient une situation malencontreuse, est d’aller auprès des siens. Mais vu que les frontières sont fermées aux avions, la seule issue est de rester là où on est, le temps que ça se tasse. Et chez moi, c’est Dakar …
Il il suffit de risquer le nez dehors pour s’en rendre compte. L’immeuble n’a pas âme qui vive, je n’ai croisé aucun de mes voisins depuis que la mesure s’est abattue, car ils ont tôt fait de courir retrouver leurs proches. Les quelques rares personnes que j’ai croisées en m’aventurant dehors, sont des couples ou des familles, avançant en petits groupes, à la manière d’une meute faisant bloc face à l’inconnu. Et ma solitude me paraît encore plus criarde.
Le contact téléphonique avec ma patrie, le Sénégal, est maintenu avec ma mère et tous ceux qui me sont chers. Car j’ai beau ne pas y être, de même qu’ils se font un sang d’encre pour moi me sachant seule et isolée, je m’inquiète aussi pour eux, vu la course folle qu’effectue le virus de par le monde … Les autorités étatiques ont beau avoir déclaré l’état d’urgence et mis en place un couvre-feu, l’inquiétude grandit.
Dans Écrire en pays dominé (Paris, Gallimard, 1997), Patrick Chamoiseau écrit : « Le royaume lui-même se retrouve aplati malgré ses fastes et ses espaces ; il lui manque les ourlets de nuages, la brume, les vents fermentés, le sucre qui anmiganne, la muraille des cannes émotionnée d’ombres vertes, et l’épaisseur que donne au monde l’eau vivante dispersée ». Je me retrouve dans ces mots de l’écrivain martiniquais, car j’ai navigué dans une quasi-brume tout le long de ces dix jours, le quotidien affadi, les sons inexistants, la présence humaine raréfiée.
Habituellement, j’aime m’enfermer des jours durant (surtout les week-ends), pour m’adonner à des activités, scripturales surtout, tout en m’accordant quelques petites pauses. Mais en cette période de confinement, savoir que si l’on sort, on risque de se voir intimer l’ordre de retourner là d’où l’on vient – la police veille – c’est ce qui rend la situation difficilement supportable. Entre la psychose qu’installent les cas qui augmentent de jour en jour, et l’enfermement qui agit sur mes facultés physiques et mentales, j’en suis arrivée au point où faire ce que j’aime le plus – et donc écrire – permettrait de tenir, jusqu’à ce qu’une éclaircie ait lieu.
Les jours s’étirant interminablement, et après avoir tourné en rond sur moi-même un nombre incalculable de fois, je me suis dit que me mettre face à ma feuille blanche et laisser mes doigts former des lettres, des phrases, des paragraphes, serait la meilleure des occupations en attendant que l’on se réveille tous de ce mauvais rêve.
Cueillir chaque jour comme il arrive, jusqu’à ce que cette épidémie de coronavirus fasse partie des souvenirs qu’on enfouit très loin dans nos mémoires.
À dans quelques jours,
Ce texte a été publié le 27 mars.
par Aminata Touré
FACE AU COVID-19, L'AFRIQUE SE BAT ET COMPTE SUR SES PROPRES FORCES
La coopération internationale, aussi souhaitable et utile qu’elle puisse être, ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement
Il est certainement bien trop tôt pour tirer des leçons de la pandémie du Covid19 alors qu’elle charrie toujours son lot de désolation et demeure à bien des égards une énigme aux yeux des scientifiques du monde entier. Néanmoins, à partir de certains constats nous pouvons déjà tirer quelques enseignements préliminaires pour notre continent.
La mondialisation présentée comme le modèle universel infaillible a rapidement cédé la place à un repli sur soi des nations sans précèdent dans l’histoire récente de l’humanité. La fermeture quasi-universelle des frontières, le rapatriement massif d’expatriés vers leurs pays originaires et un transport aérien international à l’arrêt sur l’ensemble du globe concourent à sérieusement battre en brèche le mythe certainement trop vite construit du village planétaire que serait devenu notre planète-terre.
Depuis près d’un mois, les pays africains vivent dans le périmètre strict de leurs propres frontières et tentent vaillamment de trouver leurs propres réponses à cette crise sanitaire mondiale imprévue il y’a seulement trois mois.
La meilleure réponse
Les gouvernements africains, à divers niveaux, mobilisent leurs experts, développent des stratégies et prennent des mesures inédites pour limiter l’expansion de virus. C’est assurément la meilleure réponse à apporter aux tenants de l’afro-pessimisme annonciateurs d’un très prochain cataclysme africain.
Le scénario apocalyptique prédit au début de la pandémie du Sida pour l’Afrique n’a pas eu lieu grâce à l’efficacité d’un partenariat mondial intelligent, mais surtout par l’engagement des gouvernements africains qui ont su élever la lutte contre le VIH-Sida au niveau de priorité nationale, en dépit de leurs nombreux autres défis de développement.
Ce sont ces mêmes efforts qui ont permis de lutter efficacement contre les grandes endémies et baisser la mortalité infantile et maternelle, même s’il reste encore des défis sanitaires importants à relever.
Il est important de relever que, lorsque les gouvernements s’engagent résolument à résoudre les grandes questions qui se posent à eux, lorsqu’ils leur accordent la priorité qui sied et l’engagement patriotique qui convient, les progrès sont au rendez-vous.
Ce qui, par la même occasion, renforce la confiance des citoyens africains envers leurs propres institutions et consolide la stabilité sociale. C’est le cas des pays africains qui connaissent des évolutions économiques et sociales appréciables. La coopération internationale, aussi souhaitable et utile qu’elle puisse être, ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement.
Le multilatéralisme, victime du coronavirus
Dans le contexte actuel, l’une des premières victimes du coronavirus est d’ailleurs le multilatéralisme et ses multiples mécanismes et agences présentes en Afrique qui n’ont toujours pas fait la preuve par neuf de leur valeur ajoutée dans la gestion de la crise actuelle. Manifestement, la coopération internationale fait défaut ou tarde à se manifester, malgré les efforts de plaidoyer du secrétaire général de l’ONU.
Plus que jamais auparavant, l’Afrique se rend compte qu’elle ne peut d’abord compter que sur elle-même pour se préserver du Covid-19. Pour exemple, à l’hôpital Fann de Dakar, structure de prise en charge des cas graves de Coronavirus, il n’y a que des médecins, infirmiers, aides-soignants et autres personnel de santé exclusivement sénégalais qui se battent nuits et jours pour sauver des vies.
Partout ailleurs sur le continent, les gouvernements se battent, trouvent des solutions endogènes avec les moyens dont ils disposent pour protéger leurs populations. C’est dire que l’Afrique cherche ses solutions, forte de ses expériences antérieures de lutte contre les grandes endémies et de son savoir scientifique. Faut-il rappeler qu’il y’a 25 ans, en 1985, le professeur Souleymane Mboup découvrait le VIH 2 dans son modeste laboratoire du Centre hospitalier Aristide- le Dantec, une variante du VIH1 connu et étudié par ses confrères européens et américains ?
Il est grand temps de mettre en place un véritable partenariat scientifique entre nos universités africaines afin de trouver des réponses préventives, thérapeutiques et pharmaceutiques aux pathologies dont souffrent les populations africaines mais aussi en anticipation d’autres pandémies à venir.
Il nous faut activement encourager la diaspora scientifique africaine à tisser des liens de coopération et d’échange avec leurs collègues du continent afin que voient le jour des centres de recherches et laboratoires africains au service d’industries africaines de rang mondial du médicament et du vaccin. C’est la voie véritable de notre souveraineté sanitaire.
Pour l’heure, la mission première de l’Union africaine et des commissions sous-régionales est d’harmoniser le combat de l’Afrique contre le Covid-19 en mettant rapidement en commun nos connaissances, en mutualisant nos moyens et en galvanisant la résilience exceptionnelle de nos peuples.
Aminata Touré est présidente du Conseil Économique, Social et Environnemental du Sénégal ; et ancienne ministre de la Justice, ancienne Première ministre.
par Abdoul Mbaye
LA FABRICATION LOCALE CONTRE LA CRISE GLOBALE DU COVID-19
Il y a lieu de lancer une production locale de masques par notre dynamique artisanat de la confection - La fabrication locale de gel hydro alcoolique doit également être promue -
L’unanimité existe désormais sur le fait que le port généralisé du masque est un des meilleurs moyens pour limiter et même empêcher la dissémination du virus Covid-19.
Malheureusement, la fabrication mondiale de masques produits est en deçà des besoins mondiaux au point de saturer la capacité de production des usines chinoises. En outre, seule une logistique coûteuse passant par l’organisation de ponts aériens permet de couvrir une partie de la demande des pays de la planète les plus nantis, les seuls en mesure de faire face à de telles dépenses.
L’insuffisance de masques au Sénégal a conduit à une vive spéculation sur leur prix, ce qui réduit considérablement l’accès de la majeure partie de la population à cette protection devenue indispensable.
Aussi y a-t-il lieu de lancer une production locale de masques par notre dynamique artisanat de la confection. Ils seraient certes moins performants, ne répondant pas nécessairement aux normes les plus élevées, mais devraient au moins empêcher le voyage du virus par gouttelettes ou par la seule parole (voie de transmission désormais considérée plausible).
Pour ce faire, il conviendrait de :
1 - faire retenir par un comité réunissant spécialistes de la confection et praticiens médecins un patron à appliquer par les futurs fabricants. Il existe d’ailleurs des tutoriels de fabrication de masques en tissu accessibles sur le net ;
2 - définir un prix de vente dans le commerce du masque fabriqué et un prix d’achat par l’État qui devra en passer commande de grandes quantités à l’effet d’organiser des distributions gratuites aux citoyens les moins nantis et les plus exposés ;
3 - sélectionner les ateliers de confection qui seront habilités à fabriquer les masques sur commande de l’État selon des critères de capacités techniques et surtout de respect strict de règles d’hygiène portant sur l’environnement des ateliers (de l’achat des matières premières à la confection) et l’équipement de leur personnel.
La fabrication locale de gel hydro alcoolique doit également être promue. Des pharmaciens et quelques usines particulières (pharmaceutiques et de cosmétiques) devraient être en mesure d’en assurer la production de quantités significatives si les matières premières sont disponibles. L’emballage serait fabriqué par nos usines de plastique. Cette production empêchera également l’importante spéculation sur le prix de ce produit et pourrait être exportée vers les pays voisins.
Je rappelle enfin la nécessité de relancer la production de chloroquine en remettant en activité la société Medis.
Sur un autre registre concernant également la promotion des productions locales, la préparation de la prochaine campagne agricole dans l’urgence et avant la fin du mois en cours doit reposer sur un accent fort mis sur la production des céréales locales (mil, riz, maïs, etc…). Le retour à un niveau satisfaisant du fonctionnement des marchés mondiaux de denrées et produits alimentaires risque en effet de prendre un long temps. Les pays économiquement plus faibles seront les derniers à pouvoir retrouver leurs parts de marché à l’importation. Il est donc essentiel de s’y préparer en développant nos productions agricoles locales.
Au Sénégal, il conviendra alors de mettre à la disposition des agriculteurs des semences de qualité (certifiées et non « sélectionnées »), et des engrais dont les prix devront être négociés avec l’entreprise les ICS puisque cette production est déjà locale.
C’est en outre l’occasion d’encourager notre jeunesse inactive et dont les petits revenus gagnés dans le secteur informel sont très largement compromis, à renouer avec l’intérêt de l’agriculture.
Dans l’espoir que ces quelques propositions vous seront d’utilité, je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de notre considération citoyenne.
Que Dieu (swt) sauve le Sénégal et l’humanité.
Par El hadji Amadou Mbaye
AUCUNE REPONSE, LA VOIX DU NORD S’EST TUE A JAMAIS
Laye Diaw : «Allo Golbert ?, Gol, si tu m’entends réagis, le monde sportif à les oreilles rivés sur Saint-Louis.»
Laye Diaw aurait pu encore s’exprimer ainsi, comme un clin d’œil à l’histoire : « Allo Laye Niang ? Un instant, je vais du côté de Saint Louis avec Golbert au stade Wiltord, devenu stade Me Babacar Seye. « Allo Golbert ? Golbert Diagne à Saint Louis ? Golbert, tu nous entends ? » Golbert reste injoignable. Cette fois-ci, ce ne sont ni les aléas climatiques, ni les caprices de la technique du son. La ligne est coupée. Et définitivement. Pour la première fois, Golbert ne réagit pas à la sollicitation professionnelle. Pour une fois, il est aphone, les yeux rivés sur ces terres de Marmyal, le cimetière de la Corniche à Saint Louis, ces fosses sombres aux labyrinthes hostiles qu’il connaît paradoxalement si bien dans ses moindres coins et recoins au point d’y avoir choisi l’emplacement de sa dernière demeure, le seul vrai titre foncier, aimait-il à répéter.
DEMEURES ETERNELLES
Saint Louis se souvient que, chaque année, après avoir réuni la participation matérielle et financière des généreux donateurs, il appelait toutes les bonnes volontés au nettoyage des différents cimetières de Ndar. Une foule immense l’accompagnait toujours aux demeures éternelles. A cette occasion, il prenait toujours la parole pour ne s’inquiéter que d’une seule chose : qui va pérenniser son œuvre après sa mort ? Malal, digne fils, le défi t’est encore lancé. Par ce geste répété des années durant, Golbert nous faisait mieux comprendre cet épitaphe sur la tombe d’un mort enterré au cimetière de « Thiaka Ndiaye » de Saint Louis : « Nous avons été ce que vous êtes (des vivants), vous serez ce que nous sommes (des morts). Gol avait, très tôt, compris que les choses ici-bas, les choses matérielles derrières lesquelles nous courons et qui nous éloignent de plus en plus de Dieu le Tout Puissant, ne sont que vanité. Il savait, mieux que quiconque, que l’argent règne sur tout maintenant, sur la politique, sur la presse et sur les esprits. Mais il voyait dans le pouvoir de plus en plus tyrannique de l’argent, une baisse du civisme et de la moralité républicaine. C’est pourquoi, il ne ratait aucune occasion de conseiller les jeunes de prendre exemple sur des hommes et femmes de valeurs. « Nit dafay ame diome » (la personne doit être digne), aimait-il à dire dans son accent Saint Louisiens qui lui était si particulier. Ce qu’il détestait le plus, c’est la déperdition de la jeunesse. Golbert qui nous quitte sans en avoir tout dit sur tout ce qu'il sait, c’est la nation entière qui perd un de ses plus illustres fils, en cette période si cruciale de guerre sanitaire contre la pandémie du Covid 19, alors même qu’il aurait pu nous être très utile au vu de sa grande capacité de persuasion et de mobilisation des masses.
LE SPORT EN BANDOULIERE
Après la mort de Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille, harangueur hors pair et spécialiste de la formule juste, c’est le monde sportif qui reçoit un double camouflet à l’annonce du décès de Golbert. Le sport, Golbert Diagne l’a porté en bandoulière jusqu'à son dernier souffle. Même s’il n’a pas été un foudre de guerre au football, il l’a pratiqué avec application, comme à son habitude, dans son premier club, les Almamys de Saint Louis, ses premières amours sportives. Bien sûr qu’il a chéri la Linguère de Saint Louis ensuite parce que, ce qu’il aimait par dessus tout, c’est la ville de Ndar ; et tout ce qui pouvait aider à l’unité de ses fils l’intéressait au plus haut point. Il fit donc tout pour unir les Saint Louisiens autour de l’essentiel : le soutien à l’équipe fanion de la Linguère, malgré d’autres obédiences comme les Espoirs de Saint Louis du regretté Sarr de Guilé, l’homme au mouchoir blanc et Alioune Diagne, sans compter le Barack devenu ‘’Réveil’’ qui a révélé bien des talents sous le regard bienveillant du défunt Mawade Wade. Grâce au football, Golbert a traversé les âges. Sa générosité de cœur et dans l’effort lui a permis de côtoyer toutes les catégories : pupilles, cadets, juniors, séniors, Uassu, sélection nationale. Aucune messe sportive ne le laissait indifférent. Il a appris le BA-BA du football en pratiquant l’arbitrage tout en étant l’un des plus illustres reporters sportifs du Sénégal aux côtés de ses amis de toujours Abdoulaye Diaw, Abdoulaye Niang, Doudou Diene etc.
Pendant de longues années, la Tribune des Sports, l’émission sportive fétiche de l’Orts qu’animait avec brio Laye Diaw, a bercé notre jeunesse, nous permettant grâce à la magie des ondes de nous familiariser avec les plus grandes stars du football sénégalais des années 80- 90 et de placarder ensuite sur nos murs de chambres d’écoliers leurs photos. Ils ont pour noms : Yoro Diongue, Sylvain Nkom, Séraphin Coly, Manou Corréa, Thierno Mboup, Diene Diouf, Badou Gaye, Christophe Sagna, Serigne Mbaye Fall, Cheikh Fam, Yatma Diouck, Serigne Youssoupha Thiam, Mbaye Touré, Léopold Diop etc. C’est ainsi que les week-ends étaient les moments les plus attendus par les écoliers que nous étions, non pas seulement pour la trêve dans les cours, mais aussi et surtout parce qu’ils nous permettaient de nous délecter à la voix captivante de Laye Diaw. Ce dernier, conscient de la valeur et du professionnalisme de ses confrères qu’il avait à portée de manettes, se faisait un réel plaisir... de faire plaisir aux sportifs sénégalais. C’étaient pour lui et pour nous des moments privilégiés d’incursions furtives, de voyage dans l’esprit sur tous les stades du Sénégal. ‘’Allo Sathiomby ?’’, ‘’Allo Laye ?’’, ‘’Balabass Diallo ?’’ ‘’Oui Laye, je vous entends parfaitement’’.
Si ce n’est pas le cas à l’autre bout du fil, Abdoulaye Diaw rebondit : ‘’Balabass, je vous tiens en repérage, le temps d'aller à Saint Louis pour prendre l’ambiance du match de la Linguere contre... avec Golbert.’’ ‘’Allo Golbert ?’’, ‘’Gol, si tu m’entends réagis, le monde sportif a les yeux et les oreilles rivés sur Saint Louis. ‘’Golbert ?’’, ‘’Golbert ?’’ Aucune réponse. Le fil du dialogue est rompu. La voix du Nord s’est tue à jamais. On n’entend plus que le grésillement des regrets, le crépitement des cœurs brisés ; les esprits sont brouillés. Ironie du sort, Golbert est mort au moment où le sport agonise sur tous les stades du monde. C’est le retour de Dieu et à Dieu. Golbert savait qu’il est son unique maître. Qu’il l’accueille en son saint paradis.
El hadji Amadou Mbaye journaliste
Par Jean Pierre CORREA
TOUT GESTE EST BEAU, MAIS QUAND MÊME…
Un homme qui figure dans une procédure judiciaire encore pendante devant la justice, et auquel en l’état procédural du dossier, il est réclamé plusieurs milliards, peut apporter un chèque auto-blanchissant à notre ministre de l’économie ?
Tout geste de générosité est bienvenu. Comme dit l’adage wolof : « Teranga Toutiwoul ». Cependant comme le diffuse la sagesse populaire, « la façon de donner vaut mieux que ce que l’on donne ».
La liste des donateurs privés, publics et anonymes, qui participent à l’effort de lutte national contre la pandémie du Covid-19, à travers Force Covid-19, s’allonge et c’est tant mieux pour le Sénégal, qui aura besoin de toutes ses forces vives pour contenir dans les limites du supportable, ce péril sanitaire qui est dans nos murs et nous menace tous tant que nous sommes, petits ou grands, blancs ou noirs, patrons ou chômeurs, riches ou pauvres, catholiques comme musulmans.
Les besoins sont énormes, et il faudra en délimiter les priorités, médicales, alimentaires, et économiques. Il en faudra beaucoup, de gestes de solidarité et de générosité pour atteindre et remplir l’enveloppe des 1000 milliards nécessaires à cette lutte historiquement inédite.
Il est néanmoins important de ne pas transformer cette séquence, qui doit plus démontrer notre solidaire appartenance à une même nation, surtout quand celle-ci célèbre le 60ème Anniversaire de son Indépendance dans ces tristes circonstances, que d’initier un Concours Général du « Plus Généreux que moi Tu meurs ». Sans entrer dans une exhaustivité qui serait fastidieuse et injuste parfois, il convient d’interroger certains actes posés par des sociétés nationales ou multinationales, mais aussi par certains privés.
Allez, sans les suspecter d’être radins et près de leurs sous, on peut s’étonner que la Sonatel, qui fait 100 milliards de CA, ne donne « que » 250 millions, en moyens financiers, même si elle affirme que sa contribution à l’effort de guerre du gouvernement atteint en services gratuits les 2 milliards. Des SMS et autres transactions gratuits, ce n’est pas très parlant et concret pour une marque qui est au cœur de l’économie sénégalaise. 100 millions de masques, ça c’est parlant. Le patron de la CSS, Mimran, a sur sa fortune personnelle donné un milliard, et a en plus soutenu pour plusieurs autres millions, les besoins matériels et logistiques de notre système de santé. C’est parlant…
La marque Total, a il y a peu bénéficié du soutien du Sénégal dans une compétition ouvrant sur des concessions pétrolières, au détriment d’autres candidats, ce qui a créé d’ailleurs à l’époque une crise gouvernementale conduisant à la démission d’un ministre, Alassane Sall pour ne pas le nommer. La compagnie Total, à travers sa fondation d’entreprise au Sénégal, a annoncé qu’elle offrira du carburant d’une valeur de 100 millions de francs CFA pour appuyer le pays dans sa lutte contre le nouveau coronavirus. Mais ce n’est même pas un jerrican d’essence pour un 4x4, en comparaison, d’autant que les besoins sont ailleurs en urgence absolue. Concrètement, aucune compagnie pétrolière opérant dans le pays, n’est encore venu en soutien, 25 jours après le premier cas signalé au Sénégal.
A côté de cela, il y a le réconfort de voir une enseigne comme Wari, en difficulté, donner courageusement 5 fois plus que son rival d’alors dans la conquête de Free, alors que l’associé sénégalais de cet opérateur de téléphonie, bénéficie à travers les routes et programmes immobiliers, de la manne des marchés de l’Etat sénégalais. Mais heureusement, le tir a été corrigé grâce à un consortium des entreprises liées à la famille Sow.
Il y a enfin les dons de ceux qui ne peuvent faire « que » ça… Et c’est déjà beaucoup parfois, en regard de la surface de leurs entreprises, ou de leurs professions lorsque ces donateurs sont des personnes privées, et même parfois politiques.
Il y a surtout les milliers de gens qui donneront sans vouloir, c’est leur droit, qu’on les cite et les célèbre. C’est parce que nous aurons « fait nation », tous ensemble, que cette solidarité sera vigilante et agissante.
Et la générosité a souvent des épines, et il y aura, hélas, les cas dont on pourra discuter de l’opportunité, si ce n’est de l’opportunisme. Sans remettre en cause la licité du don télévisé de monsieur Tahirou Sarr, il est pour le coup, opportun de s’interroger si un homme qui figure dans une procédure judiciaire encore pendante devant la Justice, et auquel en l’état procédural du dossier, il est réclamé plusieurs milliards, peut apporter un chèque auto-blanchissant à notre ministre de l’économie. Réponse souhaitable… La générosité masque nos imperfections.
par Cheikh Oumar Dieng
CORONAVIRUS SÉNÉGAL : PROGRESSION DE LA COURBE ET STRATÉGIE DE TEST
L’évolution des cas se détache d'un doublement tous les 7 jours pour passer à près d'un doublement tous les 10 jours - La tendance de la courbe du Sénégal est sensiblement identique à celle du Japon après le 100e cas
La courbe de l’évolution des cas confirmés de COVID-19 suit des trajectoires bien différentes selon les pays. La capacité d’un virus à se propager dans la population est établie à partir de son indice de contagion (R0) - Selon l’OMS, cet indice est compris entre 1,4 et 2,5 - c’est-à-dire une personne infectée peut infecter entre 1,4 et 2,5 personnes. Ce qui veut dire que la croissance du nombre de cas peut rapidement devenir exponentielle. Des études prévoient un doublement des cas tous les 6 jours dans les différents foyers du monde. Dans les pays qui maitrisent moins la progression du virus, un doublement tous les 2 jours est noté.
Pour le Sénégal, l’évolution des cas se détache d'un doublement tous les 7 jours pour passer à près d'un doublement tous les 10 jours ou plus. Ce qui dénote d’une évolution lente et maitrisée qui ne surcharge pas la capacité de notre système sanitaire pour le moment et on espère un aplatissement de la courbe. La tendance de la courbe du Sénégal est sensiblement identique à celle du Japon après le 100e cas. Rappelons que le Sénégal (premier cas le 02 Mars), à l’image du Japon et de certains pays a rapidement pris des mesures dont le contrôles thermiques à l’aéroport et la batterie de mesures qui s’en est suivi respectivement les 14 Mars, 20 Mars et 24 Mars, à savoir la fermeture des établissements publics, la suspension des rassemblements, le contrôle accru aux frontières, la suspension de liaisons aériennes et l’état d’urgence avec les différentes mesures affiliées. Une série de dispositions prises associées à une campagne de sensibilisation sur des mesures individuelles de prévention.
Encore plus à faire dans les mesures préventives
Cependant, beaucoup reste encore à faire notamment dans la persévérance de l’application des mesures préventives et le respect des dispositions des autorités. Pour ce qui est des mesures prévention, la sensibilisation sur la distanciation sociale (1 à 2m) reste encore à se généraliser dans le pays notamment dans les marchés et autres lieux publics encore en fonctionnement. La lente progression de cas au Japon est d’ailleurs largement attribuée à la distanciation sociale et au port de masques en lieux publics. Le Sénégal devrait sensibiliser plus sur cet aspect et encourager la population au port de masques dans les lieux publics, qu’elle soit malade ou pas. Notre industrie textile et les tailleurs peuvent être mis à profit dans la fabrication de masques.
Faible quantité de tests de dépistages
De nombreux pays ont opté pour une stratégie de dépistage massif du Covid-19. C’est le cas de la Corée du Sud, l’un des pays ayant le plus réussi à ‘’aplatir sa courbe’’, avec le déploiement près de 600 cliniques de dépistage. Une stratégie qui semble être bonne. Cependant, les stratégies différentes selon les pays et selon la disponibilité des moyens de tests. Pour le Sénégal, les autorités ont déclaré ce 03 Avril 2020 que la stratégie adoptée ne nécessite pas des tests de masse. Pourtant l’institut Pasteur a une capacité de test supérieure au nombre de tests réalisés actuellement et a l’IRESSEF en appoint.
Le 19 Mars 2020, le Sénégal a connu son premier cas dit communautaire, dont la traçabilité épidémiologique est impossible. En date du 30 Mars, le nombre de cas communautaire était constant et égal à 10 et n’apparaissait plus dans les nouveaux cas, jusqu’à ce jour (04 Avril), où l’on notre un nouveau cas communautaire. Ce sont des cas qui méritent attention et qui devraient pousser nos autorités à réaliser des tests de manière proactive notamment dans les différents foyers atteints en procèdent par échantillonnage volontaire. Par ailleurs, tout le corps médical s’occupant de la prise en charge des cas confirmés et contacts devraient aussi être systématiquement testés si les conditions sont réunies.
par Abdourahmane Ba
DE LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES CAPACITÉS DE NOS FORCES DE L'ORDRE DANS LA GESTION DE CRISE
. Les populations devront être encadrées et éduquées, non réprimées. Les mises en garde pour le respect strict des mesures de distanciation sociale devront prendre des formes plus softs sous forme d'encadrement et d'éducation plutôt que la répression
Il est connu de tous que nous avons des forces de l'ordre, police, gendarmerie, douane et autres de proximité, qui ont un grand professionnalisme et une compétence avérée. Le Sénégal a des forces de l'ordre qui ont une grande capacité de déploiement et qui sont bien équipées. Pour preuve, la grande prouesse d'avoir pu arrêter et isoler à temps neuf personnes venant du Liberia et infectées du COVID-19 qui voulaient se faufiler à travers les mailles de nos frontières du sud. Combien de milliers de vies ont ainsi été sauvées par les forces de l'ordre en arrêtant ces neuf fugitifs si on connait les capacités de propagation inouïes du COVID-19.
En mettant directement les forces de l'ordre au cœur du dispositif de déploiement des stratégies de distanciation sociale, le gouvernement a certainement assuré une démarche très importante. Cependant, nos forces de l'ordre sont généralement beaucoup plus fortes dans la répression et la punition du fait du niveau encore limité de nos démocraties aussi bien du côté des pouvoirs que du côté de l'opposition et de la société civile.
Le bras de fer est le principe directeur dans le champ politique en Afrique avec un pouvoir utilisant les forces de l'ordre à merveille comme épouvante et l'opposition et la société civile qui ont élu domicile dans les rues pour faire tanguer les pouvoir en place et ouvrir des brèches pour négocier le re-partage du pouvoir. Cela a résulté de la création et la promotion de forces de l'ordre répressives et punitives, ainsi que leur équipement à outrance en matériel de répression : bombes asphyxiantes, équipements projecteurs d'eau chaudes et autres gaz, "liif" électriques, etc.
L'avènement du COVID-19 a révélé que les forces de l'ordre doivent aussi jouer un rôle primordial dans la gestion des crises surtout lors des pandémies qui sont la nouvelle menace à laquelle l'humanité fait face. Cependant, il est clair comme l'eau de roche que nos braves forces de l'ordre ne sont pas bien préparées à cela.
Tout au début de l'état d'urgence et du couvre-feu, la presse a reporté beaucoup d'exactions et des experts du droit et des droits humains ont pointé plusieurs manquements des forces de l'ordre qui peuvent être qualifiés de non-respect des droits des citoyens. Aussi, dans le monde rural et nos campagnes, la répression utilisée pour arrêter les marchés hebdomadaires et autres foras micro-économiques où les populations rurales trouvent leurs moyens de survie, a montré des limites certaines dans l'approche de nos forces de l'ordre dans la gestion de cette crise.
Répression punitive et gestion de crise sont deux aspects différents que les forces de l'ordre devront intégrer dans cette nouvelle situation.
Le Sénégal a joué un grand rôle en Afrique et dans le monde dans la gestion de crises postes électorales ou post-conflits dans des initiatives de stabilisation variées. L'Etat devra mobiliser les experts militaires et paramilitaires, et autres experts de crise qui ont eu cette expérience pour renforcer les capacités de nos forces de l'ordre dans la gestion de cette pandémie.
Tout le monde a vu circuler une analyse prospective de services de renseignement en Europe qui prédit des émeutes qui vont résulter du couple vulnérabilité économique des pays pauvres et mauvaise gestion de la pandémie par les gouvernements. Nous devrons porter une grande attention à cette analyse. Ici, nous devrons assurer que le biais professionnel des forces de l'ordre dans l'utilisation de la répression punitive en lieu et place de la gestion de crise, ne produise des effets pervers qui mèneraient vers des émeutes de la faim.
La gestion de crise nécessite beaucoup de soutien et de l'implication de psychologues et d'économistes. Les populations devront être encadrées et éduquées, non réprimées. Les mises en garde pour le respect strict des mesures de distanciation sociale devront prendre des formes plus softs sous forme d'encadrement et d'éducation plutôt que la répression punitive.
L'expertise existe dans l'armée, les services paramilitaires et la société civile qui ont une grande expérience dans la gestion de la stabilisation post-conflits en Afrique et dans le monde. Le gouvernement devra mettre cela en valeur pour renforcer les capacités des forces de l'ordre et éviter d'éveiller le mécontentement de la population notamment les plus vulnérables, ce qui conduirait certainement à des émeutes de la faim ingérables.
Par CALAME
LE DEFI DE L’EXECUTION
Si le discours du président a eu le mérite de prendre la mesure des enjeux, il se trouve plus que jamais confronté au défi de l’exécution.
Le discours prononcé à la vieille du 60ième anniversaire de l’indépendance du Sénégal a été empreint de sobriété et de solennité. Pour autant, il ne saurait se suffire à lui-même, à moins de lui prêter une puissance performative, au risque de s’abîmer dans les méandres d’une approche magico-religieuse bien loin de faire ses preuves. Fort heureusement, se faisant le chantre de la résilience sociale et économique (voir ci-contre), le chef de l’Etat a plutôt semblé s’inscrire dans une logique de l’action, dont du reste, les populations font montre quotidiennement. Et c’est précisément cela qui aide le pays à tenir, à ne pas imploser, sous l’assaut de frustrations multiples qui se nourrissent de la pauvreté et de la précarité.
Ainsi, enfermée dans l’entre-deux de l’informel, l’écrasante majorité de la population, bien loin des 3 % des emplois formels, se déploie à coup d’ingéniosité et de courage, dans l’espoir de s’en sortir.
Le chef de l’Etat a par la même occasion exhorté l’Afrique à prendre son destin en main, rappelant ainsi le panafricanisme sans lequel rien ne pourra se faire dans un monde de rapports de forces. Là aussi, le dynamisme de la migration et des relations intra-africaines permettent d’entrevoir l’avance des populations sur leurs dirigeants. Il est donc arrivé le temps de rompre avec les rhétoriques paresseuses et de sonner la mobilisation.
Mais voilà qu’un tragique fait divers de ce week-end vient moucher les légitimes et salvatrices attentes.
Nuitamment, en pleine période d’Etat d’urgence, des enfants de la haute bourgeoisie sénégalaise qui s’étaient « confinés » dans un confortable appartement ont pu s’exfiltrer à la suite de la survenue de la mort accidentelle de l’une d’entre eux. Comment ont-ils pu, en plein couvre-feu, dans une ville quadrillée par les forces de défense et de sécurité ? Ont-ils bénéficié d’autorisations de circuler ? A quel titre !
En tout état de cause, au-delà de ce drame qui frappe les familles concernées, cela dénote une fois de plus l’absence de cohérence et de rigueur qui piègent les résolutions des autorités. Sans compter des bars et autres lieux de convivialité qui, nous rapporte-t-on, sont ouverts dans ces zones au profit de quelques pontes du pouvoir. Cela est d’autant plus stupéfiant, que de tels manquements disent quelque chose de leur coupable arrogance en cette période de sainte alliance pour lutter contre le Covid 19. Un virus invisible qui lui, ne fait pas dans la discrimination, logeant tous les continents et toute l’espèce humaine dans la même brutalité de sa circulation mortifère.
En plus de mettre à nu le visage hideux de la mondialisation, elle est dépourvue de solidarité. Chantre de la libre circulation et du libre-échange, elle ferme les frontières, se replie dans ses tranchées, se ferme les yeux et se bouche les oreilles. Elle est prête à tous les coups, même les plus tordus, pour sauver sa peau, comme on le voit avec les Etats-Unis qui ne s’embarrassent guère de détourner à leur profit et au prix fort les commandes de masques de leurs alliés en Chine. Obligés de pallier une situation de pénurie qui, faut-il le relever au passage, est la conséquence de politiques de délocalisations tous azimuts, au détriment de la sécurité intérieure des pays.
En tout état de cause, l’avenir en pointillés qu’a dessiné le discours du chef de l’Etat n’a de chance de s’actualiser que dans un changement de paradigmes, tant il urge d’opérer des ruptures catégoriques au niveau de la gouvernance politique et économique.
C’est le lieu de rappeler qu’en ces temps de lutte contre la pandémie de coronavirus, une équipe de 4 enseignants-chercheurs de l’école polytechnique de Thiès a conçu un prototype de respirateur artificiel et attend avec impatience la validation des autorités compétentes. Que des tailleurs proposent des masques qui méritent d’être testés. Vent debout, récusant toute forme de découragement, cette énergie qui sourde dans divers segments de la société raconte une résilience conquérante, celle qui récuse toute forme de renoncement. Si le discours du président a eu le mérite de prendre la mesure des enjeux, il se trouve plus que jamais confronté au défi de l’exécution.
Calame
PAR Abdou Latif Coulibaly
L’INCONSCIENT NÉOCOLONIAL !
Sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté
C’est le penseur palestino-américain, Edward Saïd, qui, dans une remarquable critique de l’œuvre littéraire d’Albert Camus, parle de l’inconscient colonial, pour qualifier l’auteur, après une analyse fine de sa production littéraire ; disons un colonialiste qui s’ignore ou feignant de ne pas l’être. Pour le bénéfice de cette analyse, nous emprunterons à Saïd ses mots, pour tenter de comprendre globalement ce que les deux scientifiques français ont dit dans les médias de l’Afrique, en parlant d’essais vaccinaux. Signalons tout de même, avant d’avancer dans notre propos que les scientifiques Jean Paul Mira, chef du service de réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, qui avaient proposé une étude du vaccin Bcg, en Afrique, ont finalement présenté leurs excuses à tous ceux et celles qui ont été heurtés et meurtris par leurs propos tenus sur le plateau de La chaîne continue d’information (LCI) appartenant au groupe TF1. Qu’est-ce que ces deux scientifiques ont réellement dit, justifiant le courroux de tous les êtres dotés de raison ? Afin que nul n’en ignore, on cite leurs propos, je souhaiterais cependant avant mettre en exergue les questions de l’animateur du débat qui est en réalité la source principale du scandale et son aiguillon déterminée.
A mon avis, cet animateur est plus méprisable que ceux qui ont été désignés comme étant les principaux coupables. A ce titre, il devrait être plus accablé que le sont aujourd’hui ses répondants. Ses questions connotées avec une forte arrière-pensée raciste, est celle-ci :« Est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? » l’interroge Jean-Paul Mira. Le médecin se risque ensuite à une comparaison hasardeuse : « Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. »
Les mots sont ainsi lâchés, un boulevard s’ouvre pour les répondants qui, je suis sûr, connaissant bien les techniques du métier, ont dû convenir avec le journaliste, lors du briefing préparatoire des entretiens, de poser à l’antenne ces questions méprisables Celles-ci attestent de la hauteur d’esprit singulière de l’interviewer. Réponse des scientifiques : « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique », lui répond alors Camille Locht. Au même titre que les interviewés, le journaliste doit des excuses.
Bien sûr que oui, pour les excuses ! Mais nous aurions souhaité que de telles paroles ne puissent jamais être prononcées, car ces excuses ne pourront jamais effacer les effets de cette bêtise humaine du reste inexcusable. Cette bêtise, dis-je, n’a pas encore fini de charger les cœurs de profondes et douloureuses marques de blessures. Ayant suivi sur la chaîne de télévision les propos des deux scientifiques parlant d’essais probables d’un vaccin contre le Covid 19 (le BCG) en Afrique, j’ai été choqué, comme beaucoup de citoyens africains. Traumatisé même, tant la désinvolture et le mépris affichés pour la vie des Africains, marqueurs d’un racisme qui s’ignore certainement, ont été caractéristiques de leurs interventions. En considérant le niveau d’études des personnes en cause et les fonctions qu’elles occupent, la révolte n’en était que davantage plus intense.
En prenant cependant un peu de recul, je me suis surpris à vouloir leur trouver quelques excuses pour leur indélicatesse. Sans les absoudre, j’ai été enclin à relativiser cette bêtise que je pense congénitale, car elle est produit d’une histoire coloniale aux séquelles dévastatrices. Ces séquelles sont, en effet, la conséquence d’une sinistre trajectoire historique bâtie autour d’un complexe séculaire de supériorité de race et de civilisation. Malheureusement, c’est presque partout ainsi en Occident, dans le rapport défini ou à définir avec les populations anciennement colonisées.
Au gré de mes infiltrations dans les réseaux sociaux, ce dimanche 5 avril 2020, je suis tombé sur un tweet largement partagé et dont l’auteur est identifié comme étant un capitaine des services sanitaires espagnols qui, face au drame que vit son pays, a pu écrire : « je n’aurai jamais imaginé ce scénario en Espagne, mais plutôt en Afrique ». Malheureusement, hélas pour lui, cela se passe bien chez lui, en Espagne. Pour en revenir aux scientifiques français, j’ai cherché à apaiser un peu la colère qui m’a envahi au moment où j’écoutais leurs interventions sur l’antenne de LCI. A un moment, je me suis dit, heureusement que ces chercheurs n’ont pas de fonctions politiques majeures qui pourraient s’avérer décisives pour assouvir le dessein nourri. Je n’ai pas cependant manqué de m’interroger, quand j’ai lu le vendredi 3 avril 2020, dans le journal Sud quotidien, un article dévoilant et analysant le contenu d’une note diplomatique des fonctionnaires du Quai d’Orsay. Celle-ci est quasiment rédigée, selon les termes qu’en rapporte le journal, dans le même esprit et est également conçue dans une perspective ne déparant pas tellement le fond de la pensée charriée par les propos des deux chercheurs. Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de faire preuve d’un esprit charitable à mettre en œuvre pour sauver les pauvres Africains en péril. Le contenu de la note dévoilé par le journal sonne alors comme en écho aux propos des scientifiques. Même si les contextes et les objets sont différents, les paroles des scientifiques français mises bout en bout avec les écrits prêtés aux fonctionnaires du Quai d’Orsay font penser à la réflexion de l’intellectuel palestino-américain Edward Saïd qui, parlant d’Albert Camus, a écrit :« L’écriture de Camus est animée par une sensibilité coloniale extraordinairement tardive et en fait sans force, qui refait le geste impérial en usant d’un genre, le roman réaliste, dont la grande période en Europe est depuis longtemps passée. (…) ».
En vérité, ce que Edward Saïd identifie chez Camus et l’identifie comme la manifestation l’inconscient colonial, peut être répété concernant beaucoup d’intellectuels et d’officiels occidentaux, dans leur rapport à l’Afrique. Je pense que face à toutes ces déclarations, notes écrites et autres éléments factuels, à partir desquels des comportements pervers et dangereux, ou jugements inconvenants sont portés sur l’Afrique et, qui sont souvent dénoncés par les Africains de tous bords, ne devraient surprendre personne. Cela peut choquer, il est vrai, comme c’est le cas avec les essais vaccinaux envisagés actuellement. Faut-il le rappeler : cela est déjà arrivé par le passé sur le continent. Pas une seule fois d’ailleurs et, les coupables ne sont personne d’autre que les mêmes : les grandes firmes pharmaceutiques occidentales, avec le soutien et l’encouragement de leurs gouvernements. Le Monde diplomatique qui faisait le point sur la question a publié, en juin 2005, un article titré : « L’Afrique, cobaye de Big Pharma ». L’auteur de l’article, Jean Philippe Chippaux, de souligner : « Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique, au mépris de la sécurité des patients.
Face à la multiplication des accidents, certains essais ont dû être interrompus. Ces dérives révèlent comment les industriels du médicament utilisent les populations du Sud pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord. En mars 2005, les essais cliniques du Tenofovir, un antiviral utilisé contre le sida, ont été suspendus au Nigeria, en raison de manquements éthiques graves ». Poursuivant son propos le journaliste du Monde diplomatique enfonce le clou en expliquant : « Menées par l’association Family Health International pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences, ces expériences étaient financées par le gouvernement américain et par la Fondation Bill et Melinda Gates. Si elles ont été aussi interrompues au Cameroun (février 2005) et au Cambodge (août 2004) (1), elles se poursuivent en Thaïlande, au Botswana, au Malawi, au Ghana et aux États-Unis.
En août 2001, des dérives semblables ont conduit à l’ouverture d’une action judiciaire. Une trentaine de familles nigérianes ont saisi un tribunal new-yorkais afin de faire condamner le laboratoire américain Pfizer pour le test du Trovan, un antibiotique destiné à lutter contre la méningite. Au cours de cette étude, pratiquée en 1996 pendant une épidémie de méningite, onze enfants sur deux cents avaient trouvé la mort et plusieurs autres avaient gardé de graves séquelles cérébrales ou motrices. » Pourtant, toutes les expérimentations et essais qui ont été déroulés sur le sol africain, l’ont été au mépris des règles de droit interne des États qui l’ont autorisées et en violation flagrante des conventions, protocoles, déclarations et autres instruments de droit international, comme le note Philippe Chippaux qui renseigne : « Plusieurs déclarations internationales complètent et précisent le Code de Nuremberg, notamment celles d’Helsinki en 1964 et de Manille en 1981. La première définit les principes éthiques de la recherche médicale ; la seconde a plus spécialement été conçue pour les études cliniques menées dans les pays en voie de développement. Ces textes insistent, en particulier, sur la compétence des investigateurs, le respect du consentement des participants, la confidentialité et la protection des sujets. Cependant, il s’agit de recommandations qui ne prévoient aucune sanction ».
En dépit des remarques faites sur Albert Camus, à l’appui des travaux de l’intellectuel palestinien, Édouard Saïd, nous revenons à lui, pour dire qu’en définitive, face à cette situation tragique, l’Afrique ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Elle est depuis fort longtemps considérée comme acquise l’idée que : les firmes capitalistiques occidentales obnubilées par le profit ne reculeront devant rien pour faire leur business. Ni devant la morale, quelle qu’elle soit, ni devant l’éthique. Dès lors on comprend que pour des raisons de rentabilité économique, et pour des préoccupations de maximisation, à l’extrême même, de leurs profits, la presque totalité des industries qui doivent, aujourd’hui, être en première ligne en France et ailleurs en Europe dans la lutte contre le Covid-19, en fournissant des masques, des gants et autres flacons de solutions hydro alcooliques, respirateurs, aient eu, depuis des années maintenant, à délocaliser en Asie et en Chine, principalement, leurs structures de production. L’Europe peine aussi dans sa lutte face au Covid-19, à cause des ruptures de stocks notées partout sur son sol, concernant tout ce matériel indispensable à son corps médical pour faire face à la pandémie. Face à la pénurie qui n’a épargné aucun pays en Europe, la Tchéquie, toute honte bue, en était arrivée à subtiliser du matériel en transit sur son territoire, avant de tout restituer à sa vraie destinataire, l’Italie. Le matériel qui a été un moment volé avait été convoyé à sa destinataire depuis la Chine.
En reconnaissant les faits, la Tchéquie a tenté de maquiller son forfait, en parlant de méprise. Qu’on ne vienne surtout pas nous parler de complexe de l’émotion, parce que nous nous indignons, à juste titre, des inepties qui sont dites sur nous Africains. Ce complexe ne renvoie à rien du tout, sinon à une rhétorique vide de sens. J’ai lu d’ailleurs à cet effet sur les réseaux sociaux des réflexions qui me dispensent d’épiloguer, outre mesure, sur cette accusation dénuée de tout fondement que l’on oppose souvent aux Africains, à chaque fois qu’ils s’indignent de propos teintés de forts relents racistes sortis par des personnes de l’acabit du professeur Jean Paul Mira et de son acolyte Camille Locht, avec qui il a sévi sur les antennes de la chaîne de télévision française LCI. Vous permettrez que je cite quelques passages de l’une de ses réflexions proposées par un internaute qui a signé son texte sous le nom de Dalaï. Ce dernier écrit avec beaucoup de pertinence des vérités qui, parfois, méritent d’être rappelées à nos amis de l’occident. Dalaï écrit :« Demandez aux français pourquoi ils condamnent toujours le salut nazi ? Ils savent ce que cela rappelle comme charge émotionnelle. N’avons-nous pas le droit de demander un peu d’égards quand on parle de nous ? N’avons-nous pas le droit de demander qu’on nous considère comme des hommes et des femmes, humains nés de femmes, et non comme des singes ? Qui plus que l’Africain se bat aujourd’hui pour être reconnu tel un humain (..) ». L’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin, il poursuit son raisonnement en notant avec une égale pertinence dans son propos : « Quand un canal aussi important que la télévision est utilisée pour comparer tout un peuple constitué de plus d’un milliard de personnes à des prostituées, quelle réaction attendez-vous de la part de la jeunesse africaine ? (…) Définitivement, il faut que le reste du monde intègre dans sa conscience que nous sommes des Humains au même titre que tous. C’est à ce seul prix qu’on pourra cesser de nous indigner ». Revenant précisément sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur trop grande propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté nationale. De ce point de vue, nous avons envie d’évoquer Albert Camus. Ce dernier, faisant en août 1944 l’éloge des Français qui s’étaient levés contre l’occupant allemand, a dit : « Un peuple qui veut vivre n’attend pas qu’on lui apporte la liberté. Il la prend ».
Après nos complaintes et plaintes légitimes, face aux propos des scientifiques français, la seule chose qu’il me semble important de faire par nous autres Africains, c’est de savoir tirer la morale politique de cette pensée de Camus ! Un point c’est tout.
PAR Alioune Blondin Diop
PROPOSITIONS D'UNE STRATÉGIE DE CONFINEMENT ADAPTÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - En combinant un confinement draconien ciblé à une politique de dépistage massif des épicentres, les chances de contrôle de l’épidémie nous paraissent plus élevées
La maladie à coronavirus 2019 est apparue en novembre 2019 à Wuhan, une province de Chine centrale. Il s’agit vraisemblablement de la plus grande catastrophe sanitaire aigüe depuis un siècle, avec la grippe dite espagnole (1918-1919) à l’origine de 30 à 50 millions de morts.
L’épicentre de la maladie a d’abord été chinois et asiatique, avant que l’Europe, en particulier le nord de l’Italie, la France puis l’Espagne, ne prennent le relais. Aujourd’hui, l’épicentre de l’épidémie semble se déplacer vers les États-Unis. L’objectif de cette contribution est de réfléchir aux pistes susceptibles d’éviter à l’Afrique de devenir le 4e épicentre de la maladie.
L’épidémie 2019/2020 et les réponses apportées
Au 30 mars 2020, 196 pays et leur territoire avaient été touchés : 750 000 cas cumulés sont mode de transmission de la maladie essentiellement interhumain lié à la proximité et au contact humain mais aussi en tirant une expérience de l’épidémie à SRAS de 2003, les experts ont préconisé d’adopter le confinement comme moyen de rupture de la chaîne de transmission.
Ce confinement généralisé est à l’origine de la fermeture des aéroports, de la fermeture des villes, des quartiers ou de pays, de la restriction de la circulation et du déplacement des humains, de l’auto-confinement à domicile.
Aujourd’hui, plus de 3 milliards d’habitants sur la planète sont confinés
108 500 personnes guéries et 30 000 morts enregistrés.
Dans cet horrible panorama, le continent africain semble pour l’instant épargné avec moins de 3 000 personnes détectées positives au coronavirus.
L’objet de cet article est de procéder à une étude analytique des différents confinements dans le monde,
Il s’agit d’analyser les modes de confinement mis en place depuis le début de l’épidémie, l’étude de leurs limites, de leurs avantages, les modalités de leur application. Le but est de proposer aux autorités communautaires et politiques des pays africains, un modèle de prévention collective qui tiendrait compte de la faiblesse de nos systèmes de santé et qui pourrait nous mettre à l’abri d’une catastrophe humanitaire sans précédent.
L’exemple de Séoul, de Taïwan et de la Chine
La Chine
Elle a adopté une stratégie de confinement draconienne, marquée par des contraintes imposées à la population et des méthodes de coercition et d’obligation de respect des recommandations dignes d’un Etat policier.
Cependant, il se mêlait à cette discipline militaire, une information du public et une campagne massive de sensibilisation ; il a été noté une participation et une adhésion de la population aux consignes de l’Etat. Les proches de toutes les personnes contaminées étaient systématiquement recherchés de façon rigoureuse. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), en particulier la vidéosurveillance et l’utilisation de leurs cartes bancaires et/ou le bornage de leurs smartphones ont permis de reconstituer et de tracer les déplacements des malades et les éventuels contacts. Cette stratégie a assuré incontestablement le contrôle l’épidémie au bout de 14 semaines.
Notons que la Chine, a complété sa stratégie par une campagne de dépistage massive dans l’épicentre de la maladie.
Enfin, la construction des hôpitaux d’une capacité d’accueil de 1 000 patients en 10 jours a bouclé le cycle de prise en charge et de la riposte.
La Corée du Sud
Ce pays a adopté d’emblée une démarche très tôt massive sur le plan de dépistage avec très peu de confinement ; seule la fermeture des écoles a été décrétée et un isolement ne concernant que les malades et leurs proches. Le pays a mis sur pied une stratégie combinée de tests massifs et de traçage du virus en réduisant le confinement.
L’expérience désastreuse du syndrome respiratoire aiguë sévère (SRAS) en 2003 et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2015 (SMERS) a contribué à peaufiner la stratégie basée sur une politique de test massif de dépistage du coronavirus (10 000 tests par jour avec une capacité de 60 000 tests jours).
Le modèle coréen est donc basé sur une préparation importante de la population, la mise sur pied d’un réseau de laboratoires aux normes et un traçage technologique des patients malades et de leurs contacts ; pour ce faire, l’État coréen a utilisé la vidéo surveillance, le bornage de téléphones, les achats par cartes bancaires. Les patients suspects ainsi que leurs contacts se voyaient proposer alors un test. Ainsi, plus de 290 000 tests ont été réalisés sur les personnes qui présentaient des symptômes, et la Corée du Sud est en capacité de réaliser 60 000 tests quotidiens.
Grâce à ce dépistage massif, il devenait plus simple de classer les personnes dépistées en personnes indemnes, en personnes-contacts à surveiller en personnes présentant des formes mineures de la maladie, et en personnes malades sévères relevant d’une unité de soins intensifs de réanimation.
Au total, la Corée n’a enregistré que 8 600 cas et 94 décès, soit un ratio inférieur à la France où le virus est apparu plus tard. Cette stratégie permet à la Corée d’afficher le plus bas taux de létalité (0,8% seulement contre une moyenne mondiale de 3,4% et 6,2% en Italie, la courbe de la France étant proche de celle de l’Italie).
La stratégie de la France : ne tester que les personnes suspectes
Dès le début de l’épidémie en France, le gouvernement a pris des mesures de confinement de niveau 1 ; puis rapidement de niveau 2. Ne voyant pas d’amélioration, ni d’inflexion de la courbe de nouvelles contaminations et en constatant l’augmentation de patients relevant de soins réanimatoires, la France est passée le 15 mars à un niveau 3 de confinement.
La stratégie de la France était basée sur l’isolement des clusters (un cluster étant le groupe constitué par la personne source de la contamination, ses contacts directs et indirects) en ciblant les tests ; cette stratégie recommandée par l’OMS consiste à ne tester que les personnes suspectes et à les placer en quarantaine. Malheureusement, le patient ne relevant pas de cluster a contaminé plusieurs patients (il s’agit du fameux patient de Mulhouse).
Cette stratégie adoptée par la France est sous-tendue par une explication immunitaire. En effet, l’expérience chinoise nous apprend que 80% des patients contaminés ne présentaient que des formes mineures et évolueraient inéluctablement vers une guérison spontanée.
Partant de ces recommandations, les soignants se sont mis à éconduire certaines personnes qui sollicitaient des dépistages en les renvoyant à leurs domiciles lorsqu’ils ne présentaient pas de symptômes alarmants.
Limites de cette stratégie
Cette stratégie de la France basée sur le confinement, très peu de dépistage, a vite montré ses limites.
Primo, elle ne tenait pas compte de la possibilité de patients non cluster susceptibles d’être porteurs d’infections virales sévères (patient de Mulhouse porteurs d’un mutant viral).
Secundo, en prenant l’option de peu de dépistage et la guérison spontanée des patients-contact, la France a fait fi du profil et de la moyenne d’âge des personnes susceptibles d’être contaminées qui en général ont plus de 65 ans.
Tertio, elle n’a pas tenu compte de la propension des Français à être réticents à toute forme de confinement ; certains porteurs sains ont donc circulé dans la France en propageant des formes virales particulièrement invasives.
Tous ces facteurs ont été à l’origine de l’explosion de l’épidémie dans le pays. La France, depuis le 22 mars, envisage de changer de stratégie afin d’adopter le dépistage généralisé.
L’exemple de l’Italie : le modèle italien peut-être calqué sur celui de la France, à cette différence près que ce pays dispose d’un système de santé moins bien élaboré, d’une démographie médicale faible.
Que se passe-t-il en Afrique ?
Les avantages de notre continent
L’Afrique a été très peu touchée par l’épidémie dès son début. A ce jour, le nombre de contaminés ne dépasse pas les 3 000 cas et l’on dénombre moins de 200 morts au compteur des décès du continent. Ce chiffre doit être relativisé en raison de la faiblesse du nombre de tests réalisés. La population y est moins âgée, ce qui représente un niveau immunitaire et de protection à priori plus favorable. Enfin, les conditions de température et d’hygrométrie, (frisant parfois les 50°) même si elles ne détruisent pas le virus en atténueraient la virulence.
Les limites
Malgré ces quelques avantages naturels constitutifs de l’Africain et de son environnement, ils sont très vite supplantés par des éléments plus objectifs liés à la faiblesse de notre système de santé, à notre faible capacité à réaliser des tests, à la structuration de notre environnement social et familial peu propice à un confinement généralisé.
De l’ensemble de ces constatations, il découle que le modèle de confinement à mettre en place pour un pays comme le Sénégal, serait une synthèse du modèle asiatique et celui mis en place en Europe. La proposition pour une stratégie de confinement adapté est donc la suivante :
Le confinement doit être maximal et particulièrement respecté dans les épicentres nationaux de la maladie, en particulier l’Ouest de Dakar, la ville de Touba, la ville de Thiès pour ne citer que celles là, et de façon générale, toutes les régions département où l’épidémie connaîtrait une ascension importante.
Le dépistage doit être systématique, large, gratuit et massif dans toutes les villes où l’épidémie connaîtrait un essor plus important ; pour ce faire, il conviendrait de privilégier le dépistage dans des laboratoires de ville ou hospitalier implantés dans les différentes régions et dont la mise à niveau pour la réalisation d’une PCR temps réel (technique permettant de mettre en évidence le virus grâce à son noyau) ne revêt aucune difficulté. Il conviendrait que les messages soit orientés vers une acceptation plus facile de la population des propositions de test qui leurs seront faites.
L’ouverture de nouveaux centres d’hospitalisation à fonction multiple, d’isolement, de dépistage, de traitement des patients ne présentant que des formes bénignes relevant d’un traitement symptomatique, d’unité de soins continus pour les patients ne présentant que des formes moyennement sévères, et de l’augmentation du nombre de lits de réanimation pour les formes graves. Les financements obtenus par le fonds de riposte du président de la République devraient mettre l’accent entre autre sur ces dépenses indispensables et urgentes.
La fièvre est l’un des signes cardinaux des premières manifestations cliniques de la maladie. La mise à disposition dans toutes les concessions et foyers familiaux par les moyens de l’État d’un
thermoflash ou d’un dispositif de prise de température, en particulier dans les contrées pouvant constituer des épicentres de la maladie au Sénégal, se révélerait être une forme de screening initial particulièrement important pour la prévention et la prise en charge précoce des formes modérées
Le confinement doit débuter dans les concessions, maisons et appartements, en respectant les mesures-barrières ; cet isolement après avoir été compris par les populations, grâce à un système de sensibilisation, une information ciblée, doit être adopté par tous les Sénégalais mieux adaptée et plus facile à réaliser en fonction de leurs conditions de vie. Les mesures de prévention édictées par le ministère de la Santé doivent faire l’objet dune appropriation par les populations.
Le confinement doit être complété dans les quartiers et communes ; il est inutile de changer de commune ou de quartiers pour s’approvisionner dans un marché ou dans une grande surface ; dès lors que la transmission devient communautaire, la réduction des déplacements s’impose comme étant la condition sine qua non de la rupture de la chaîne de transmission.
Le confinement doit enfin devenir départemental et régional. Il serait utile de mettre à contribution toutes les places ou espaces publics tels que les stades, les gymnases, les gares, les aéroports de pèlerins et surtout certains établissements privés dont la fréquentation auraient diminué par ces temps d’épidémie.
En conclusion
En combinant un confinement draconien, adapté, ciblé aux populations, à une politique de dépistage massif des épicentres dans une population qui, pour l’instant, ne compte pas un nombre élevé de personnes contaminées, les chances de contrôle de l’épidémie nous paraissent plus élevées.
Le président Macky Sall (dont les mesures mises en exécution par le ministère de la Santé publique et qui sont à saluer et soutenir) vient de lancer un fonds de riposte contre le COVID-19 ; ce fonds entre autres doit servir à rendre disponible plusieurs millions de tests, ouvrir et mettre des établissements de santé à des niveaux conformes aux standards internationaux.
La mise en application de l’ensemble de ces propositions non-exhaustives nous paraît être une voie et une approche susceptible de pouvoir anticiper une explosion de l’épidémie dans notre pays, et une réponse adaptée.
Docteur Alioune Blondin Diop est ancien praticien des Hôpitaux de Paris, spécialiste de médecine interne.