Le discours prononcé à la vieille du 60ième anniversaire de l’indépendance du Sénégal a été empreint de sobriété et de solennité. Pour autant, il ne saurait se suffire à lui-même, à moins de lui prêter une puissance performative, au risque de s’abîmer dans les méandres d’une approche magico-religieuse bien loin de faire ses preuves. Fort heureusement, se faisant le chantre de la résilience sociale et économique (voir ci-contre), le chef de l’Etat a plutôt semblé s’inscrire dans une logique de l’action, dont du reste, les populations font montre quotidiennement. Et c’est précisément cela qui aide le pays à tenir, à ne pas imploser, sous l’assaut de frustrations multiples qui se nourrissent de la pauvreté et de la précarité.
Ainsi, enfermée dans l’entre-deux de l’informel, l’écrasante majorité de la population, bien loin des 3 % des emplois formels, se déploie à coup d’ingéniosité et de courage, dans l’espoir de s’en sortir.
Le chef de l’Etat a par la même occasion exhorté l’Afrique à prendre son destin en main, rappelant ainsi le panafricanisme sans lequel rien ne pourra se faire dans un monde de rapports de forces. Là aussi, le dynamisme de la migration et des relations intra-africaines permettent d’entrevoir l’avance des populations sur leurs dirigeants. Il est donc arrivé le temps de rompre avec les rhétoriques paresseuses et de sonner la mobilisation.
Mais voilà qu’un tragique fait divers de ce week-end vient moucher les légitimes et salvatrices attentes.
Nuitamment, en pleine période d’Etat d’urgence, des enfants de la haute bourgeoisie sénégalaise qui s’étaient « confinés » dans un confortable appartement ont pu s’exfiltrer à la suite de la survenue de la mort accidentelle de l’une d’entre eux. Comment ont-ils pu, en plein couvre-feu, dans une ville quadrillée par les forces de défense et de sécurité ? Ont-ils bénéficié d’autorisations de circuler ? A quel titre !
En tout état de cause, au-delà de ce drame qui frappe les familles concernées, cela dénote une fois de plus l’absence de cohérence et de rigueur qui piègent les résolutions des autorités. Sans compter des bars et autres lieux de convivialité qui, nous rapporte-t-on, sont ouverts dans ces zones au profit de quelques pontes du pouvoir. Cela est d’autant plus stupéfiant, que de tels manquements disent quelque chose de leur coupable arrogance en cette période de sainte alliance pour lutter contre le Covid 19. Un virus invisible qui lui, ne fait pas dans la discrimination, logeant tous les continents et toute l’espèce humaine dans la même brutalité de sa circulation mortifère.
En plus de mettre à nu le visage hideux de la mondialisation, elle est dépourvue de solidarité. Chantre de la libre circulation et du libre-échange, elle ferme les frontières, se replie dans ses tranchées, se ferme les yeux et se bouche les oreilles. Elle est prête à tous les coups, même les plus tordus, pour sauver sa peau, comme on le voit avec les Etats-Unis qui ne s’embarrassent guère de détourner à leur profit et au prix fort les commandes de masques de leurs alliés en Chine. Obligés de pallier une situation de pénurie qui, faut-il le relever au passage, est la conséquence de politiques de délocalisations tous azimuts, au détriment de la sécurité intérieure des pays.
En tout état de cause, l’avenir en pointillés qu’a dessiné le discours du chef de l’Etat n’a de chance de s’actualiser que dans un changement de paradigmes, tant il urge d’opérer des ruptures catégoriques au niveau de la gouvernance politique et économique.
C’est le lieu de rappeler qu’en ces temps de lutte contre la pandémie de coronavirus, une équipe de 4 enseignants-chercheurs de l’école polytechnique de Thiès a conçu un prototype de respirateur artificiel et attend avec impatience la validation des autorités compétentes. Que des tailleurs proposent des masques qui méritent d’être testés. Vent debout, récusant toute forme de découragement, cette énergie qui sourde dans divers segments de la société raconte une résilience conquérante, celle qui récuse toute forme de renoncement. Si le discours du président a eu le mérite de prendre la mesure des enjeux, il se trouve plus que jamais confronté au défi de l’exécution.
Calame
PAR Abdou Latif Coulibaly
L’INCONSCIENT NÉOCOLONIAL !
Sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté
C’est le penseur palestino-américain, Edward Saïd, qui, dans une remarquable critique de l’œuvre littéraire d’Albert Camus, parle de l’inconscient colonial, pour qualifier l’auteur, après une analyse fine de sa production littéraire ; disons un colonialiste qui s’ignore ou feignant de ne pas l’être. Pour le bénéfice de cette analyse, nous emprunterons à Saïd ses mots, pour tenter de comprendre globalement ce que les deux scientifiques français ont dit dans les médias de l’Afrique, en parlant d’essais vaccinaux. Signalons tout de même, avant d’avancer dans notre propos que les scientifiques Jean Paul Mira, chef du service de réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, qui avaient proposé une étude du vaccin Bcg, en Afrique, ont finalement présenté leurs excuses à tous ceux et celles qui ont été heurtés et meurtris par leurs propos tenus sur le plateau de La chaîne continue d’information (LCI) appartenant au groupe TF1. Qu’est-ce que ces deux scientifiques ont réellement dit, justifiant le courroux de tous les êtres dotés de raison ? Afin que nul n’en ignore, on cite leurs propos, je souhaiterais cependant avant mettre en exergue les questions de l’animateur du débat qui est en réalité la source principale du scandale et son aiguillon déterminée.
A mon avis, cet animateur est plus méprisable que ceux qui ont été désignés comme étant les principaux coupables. A ce titre, il devrait être plus accablé que le sont aujourd’hui ses répondants. Ses questions connotées avec une forte arrière-pensée raciste, est celle-ci :« Est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? » l’interroge Jean-Paul Mira. Le médecin se risque ensuite à une comparaison hasardeuse : « Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. »
Les mots sont ainsi lâchés, un boulevard s’ouvre pour les répondants qui, je suis sûr, connaissant bien les techniques du métier, ont dû convenir avec le journaliste, lors du briefing préparatoire des entretiens, de poser à l’antenne ces questions méprisables Celles-ci attestent de la hauteur d’esprit singulière de l’interviewer. Réponse des scientifiques : « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique », lui répond alors Camille Locht. Au même titre que les interviewés, le journaliste doit des excuses.
Bien sûr que oui, pour les excuses ! Mais nous aurions souhaité que de telles paroles ne puissent jamais être prononcées, car ces excuses ne pourront jamais effacer les effets de cette bêtise humaine du reste inexcusable. Cette bêtise, dis-je, n’a pas encore fini de charger les cœurs de profondes et douloureuses marques de blessures. Ayant suivi sur la chaîne de télévision les propos des deux scientifiques parlant d’essais probables d’un vaccin contre le Covid 19 (le BCG) en Afrique, j’ai été choqué, comme beaucoup de citoyens africains. Traumatisé même, tant la désinvolture et le mépris affichés pour la vie des Africains, marqueurs d’un racisme qui s’ignore certainement, ont été caractéristiques de leurs interventions. En considérant le niveau d’études des personnes en cause et les fonctions qu’elles occupent, la révolte n’en était que davantage plus intense.
En prenant cependant un peu de recul, je me suis surpris à vouloir leur trouver quelques excuses pour leur indélicatesse. Sans les absoudre, j’ai été enclin à relativiser cette bêtise que je pense congénitale, car elle est produit d’une histoire coloniale aux séquelles dévastatrices. Ces séquelles sont, en effet, la conséquence d’une sinistre trajectoire historique bâtie autour d’un complexe séculaire de supériorité de race et de civilisation. Malheureusement, c’est presque partout ainsi en Occident, dans le rapport défini ou à définir avec les populations anciennement colonisées.
Au gré de mes infiltrations dans les réseaux sociaux, ce dimanche 5 avril 2020, je suis tombé sur un tweet largement partagé et dont l’auteur est identifié comme étant un capitaine des services sanitaires espagnols qui, face au drame que vit son pays, a pu écrire : « je n’aurai jamais imaginé ce scénario en Espagne, mais plutôt en Afrique ». Malheureusement, hélas pour lui, cela se passe bien chez lui, en Espagne. Pour en revenir aux scientifiques français, j’ai cherché à apaiser un peu la colère qui m’a envahi au moment où j’écoutais leurs interventions sur l’antenne de LCI. A un moment, je me suis dit, heureusement que ces chercheurs n’ont pas de fonctions politiques majeures qui pourraient s’avérer décisives pour assouvir le dessein nourri. Je n’ai pas cependant manqué de m’interroger, quand j’ai lu le vendredi 3 avril 2020, dans le journal Sud quotidien, un article dévoilant et analysant le contenu d’une note diplomatique des fonctionnaires du Quai d’Orsay. Celle-ci est quasiment rédigée, selon les termes qu’en rapporte le journal, dans le même esprit et est également conçue dans une perspective ne déparant pas tellement le fond de la pensée charriée par les propos des deux chercheurs. Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de faire preuve d’un esprit charitable à mettre en œuvre pour sauver les pauvres Africains en péril. Le contenu de la note dévoilé par le journal sonne alors comme en écho aux propos des scientifiques. Même si les contextes et les objets sont différents, les paroles des scientifiques français mises bout en bout avec les écrits prêtés aux fonctionnaires du Quai d’Orsay font penser à la réflexion de l’intellectuel palestino-américain Edward Saïd qui, parlant d’Albert Camus, a écrit :« L’écriture de Camus est animée par une sensibilité coloniale extraordinairement tardive et en fait sans force, qui refait le geste impérial en usant d’un genre, le roman réaliste, dont la grande période en Europe est depuis longtemps passée. (…) ».
En vérité, ce que Edward Saïd identifie chez Camus et l’identifie comme la manifestation l’inconscient colonial, peut être répété concernant beaucoup d’intellectuels et d’officiels occidentaux, dans leur rapport à l’Afrique. Je pense que face à toutes ces déclarations, notes écrites et autres éléments factuels, à partir desquels des comportements pervers et dangereux, ou jugements inconvenants sont portés sur l’Afrique et, qui sont souvent dénoncés par les Africains de tous bords, ne devraient surprendre personne. Cela peut choquer, il est vrai, comme c’est le cas avec les essais vaccinaux envisagés actuellement. Faut-il le rappeler : cela est déjà arrivé par le passé sur le continent. Pas une seule fois d’ailleurs et, les coupables ne sont personne d’autre que les mêmes : les grandes firmes pharmaceutiques occidentales, avec le soutien et l’encouragement de leurs gouvernements. Le Monde diplomatique qui faisait le point sur la question a publié, en juin 2005, un article titré : « L’Afrique, cobaye de Big Pharma ». L’auteur de l’article, Jean Philippe Chippaux, de souligner : « Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique, au mépris de la sécurité des patients.
Face à la multiplication des accidents, certains essais ont dû être interrompus. Ces dérives révèlent comment les industriels du médicament utilisent les populations du Sud pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord. En mars 2005, les essais cliniques du Tenofovir, un antiviral utilisé contre le sida, ont été suspendus au Nigeria, en raison de manquements éthiques graves ». Poursuivant son propos le journaliste du Monde diplomatique enfonce le clou en expliquant : « Menées par l’association Family Health International pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences, ces expériences étaient financées par le gouvernement américain et par la Fondation Bill et Melinda Gates. Si elles ont été aussi interrompues au Cameroun (février 2005) et au Cambodge (août 2004) (1), elles se poursuivent en Thaïlande, au Botswana, au Malawi, au Ghana et aux États-Unis.
En août 2001, des dérives semblables ont conduit à l’ouverture d’une action judiciaire. Une trentaine de familles nigérianes ont saisi un tribunal new-yorkais afin de faire condamner le laboratoire américain Pfizer pour le test du Trovan, un antibiotique destiné à lutter contre la méningite. Au cours de cette étude, pratiquée en 1996 pendant une épidémie de méningite, onze enfants sur deux cents avaient trouvé la mort et plusieurs autres avaient gardé de graves séquelles cérébrales ou motrices. » Pourtant, toutes les expérimentations et essais qui ont été déroulés sur le sol africain, l’ont été au mépris des règles de droit interne des États qui l’ont autorisées et en violation flagrante des conventions, protocoles, déclarations et autres instruments de droit international, comme le note Philippe Chippaux qui renseigne : « Plusieurs déclarations internationales complètent et précisent le Code de Nuremberg, notamment celles d’Helsinki en 1964 et de Manille en 1981. La première définit les principes éthiques de la recherche médicale ; la seconde a plus spécialement été conçue pour les études cliniques menées dans les pays en voie de développement. Ces textes insistent, en particulier, sur la compétence des investigateurs, le respect du consentement des participants, la confidentialité et la protection des sujets. Cependant, il s’agit de recommandations qui ne prévoient aucune sanction ».
En dépit des remarques faites sur Albert Camus, à l’appui des travaux de l’intellectuel palestinien, Édouard Saïd, nous revenons à lui, pour dire qu’en définitive, face à cette situation tragique, l’Afrique ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Elle est depuis fort longtemps considérée comme acquise l’idée que : les firmes capitalistiques occidentales obnubilées par le profit ne reculeront devant rien pour faire leur business. Ni devant la morale, quelle qu’elle soit, ni devant l’éthique. Dès lors on comprend que pour des raisons de rentabilité économique, et pour des préoccupations de maximisation, à l’extrême même, de leurs profits, la presque totalité des industries qui doivent, aujourd’hui, être en première ligne en France et ailleurs en Europe dans la lutte contre le Covid-19, en fournissant des masques, des gants et autres flacons de solutions hydro alcooliques, respirateurs, aient eu, depuis des années maintenant, à délocaliser en Asie et en Chine, principalement, leurs structures de production. L’Europe peine aussi dans sa lutte face au Covid-19, à cause des ruptures de stocks notées partout sur son sol, concernant tout ce matériel indispensable à son corps médical pour faire face à la pandémie. Face à la pénurie qui n’a épargné aucun pays en Europe, la Tchéquie, toute honte bue, en était arrivée à subtiliser du matériel en transit sur son territoire, avant de tout restituer à sa vraie destinataire, l’Italie. Le matériel qui a été un moment volé avait été convoyé à sa destinataire depuis la Chine.
En reconnaissant les faits, la Tchéquie a tenté de maquiller son forfait, en parlant de méprise. Qu’on ne vienne surtout pas nous parler de complexe de l’émotion, parce que nous nous indignons, à juste titre, des inepties qui sont dites sur nous Africains. Ce complexe ne renvoie à rien du tout, sinon à une rhétorique vide de sens. J’ai lu d’ailleurs à cet effet sur les réseaux sociaux des réflexions qui me dispensent d’épiloguer, outre mesure, sur cette accusation dénuée de tout fondement que l’on oppose souvent aux Africains, à chaque fois qu’ils s’indignent de propos teintés de forts relents racistes sortis par des personnes de l’acabit du professeur Jean Paul Mira et de son acolyte Camille Locht, avec qui il a sévi sur les antennes de la chaîne de télévision française LCI. Vous permettrez que je cite quelques passages de l’une de ses réflexions proposées par un internaute qui a signé son texte sous le nom de Dalaï. Ce dernier écrit avec beaucoup de pertinence des vérités qui, parfois, méritent d’être rappelées à nos amis de l’occident. Dalaï écrit :« Demandez aux français pourquoi ils condamnent toujours le salut nazi ? Ils savent ce que cela rappelle comme charge émotionnelle. N’avons-nous pas le droit de demander un peu d’égards quand on parle de nous ? N’avons-nous pas le droit de demander qu’on nous considère comme des hommes et des femmes, humains nés de femmes, et non comme des singes ? Qui plus que l’Africain se bat aujourd’hui pour être reconnu tel un humain (..) ». L’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin, il poursuit son raisonnement en notant avec une égale pertinence dans son propos : « Quand un canal aussi important que la télévision est utilisée pour comparer tout un peuple constitué de plus d’un milliard de personnes à des prostituées, quelle réaction attendez-vous de la part de la jeunesse africaine ? (…) Définitivement, il faut que le reste du monde intègre dans sa conscience que nous sommes des Humains au même titre que tous. C’est à ce seul prix qu’on pourra cesser de nous indigner ». Revenant précisément sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur trop grande propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté nationale. De ce point de vue, nous avons envie d’évoquer Albert Camus. Ce dernier, faisant en août 1944 l’éloge des Français qui s’étaient levés contre l’occupant allemand, a dit : « Un peuple qui veut vivre n’attend pas qu’on lui apporte la liberté. Il la prend ».
Après nos complaintes et plaintes légitimes, face aux propos des scientifiques français, la seule chose qu’il me semble important de faire par nous autres Africains, c’est de savoir tirer la morale politique de cette pensée de Camus ! Un point c’est tout.
PAR Alioune Blondin Diop
PROPOSITIONS D'UNE STRATÉGIE DE CONFINEMENT ADAPTÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - En combinant un confinement draconien ciblé à une politique de dépistage massif des épicentres, les chances de contrôle de l’épidémie nous paraissent plus élevées
La maladie à coronavirus 2019 est apparue en novembre 2019 à Wuhan, une province de Chine centrale. Il s’agit vraisemblablement de la plus grande catastrophe sanitaire aigüe depuis un siècle, avec la grippe dite espagnole (1918-1919) à l’origine de 30 à 50 millions de morts.
L’épicentre de la maladie a d’abord été chinois et asiatique, avant que l’Europe, en particulier le nord de l’Italie, la France puis l’Espagne, ne prennent le relais. Aujourd’hui, l’épicentre de l’épidémie semble se déplacer vers les États-Unis. L’objectif de cette contribution est de réfléchir aux pistes susceptibles d’éviter à l’Afrique de devenir le 4e épicentre de la maladie.
L’épidémie 2019/2020 et les réponses apportées
Au 30 mars 2020, 196 pays et leur territoire avaient été touchés : 750 000 cas cumulés sont mode de transmission de la maladie essentiellement interhumain lié à la proximité et au contact humain mais aussi en tirant une expérience de l’épidémie à SRAS de 2003, les experts ont préconisé d’adopter le confinement comme moyen de rupture de la chaîne de transmission.
Ce confinement généralisé est à l’origine de la fermeture des aéroports, de la fermeture des villes, des quartiers ou de pays, de la restriction de la circulation et du déplacement des humains, de l’auto-confinement à domicile.
Aujourd’hui, plus de 3 milliards d’habitants sur la planète sont confinés
108 500 personnes guéries et 30 000 morts enregistrés.
Dans cet horrible panorama, le continent africain semble pour l’instant épargné avec moins de 3 000 personnes détectées positives au coronavirus.
L’objet de cet article est de procéder à une étude analytique des différents confinements dans le monde,
Il s’agit d’analyser les modes de confinement mis en place depuis le début de l’épidémie, l’étude de leurs limites, de leurs avantages, les modalités de leur application. Le but est de proposer aux autorités communautaires et politiques des pays africains, un modèle de prévention collective qui tiendrait compte de la faiblesse de nos systèmes de santé et qui pourrait nous mettre à l’abri d’une catastrophe humanitaire sans précédent.
L’exemple de Séoul, de Taïwan et de la Chine
La Chine
Elle a adopté une stratégie de confinement draconienne, marquée par des contraintes imposées à la population et des méthodes de coercition et d’obligation de respect des recommandations dignes d’un Etat policier.
Cependant, il se mêlait à cette discipline militaire, une information du public et une campagne massive de sensibilisation ; il a été noté une participation et une adhésion de la population aux consignes de l’Etat. Les proches de toutes les personnes contaminées étaient systématiquement recherchés de façon rigoureuse. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), en particulier la vidéosurveillance et l’utilisation de leurs cartes bancaires et/ou le bornage de leurs smartphones ont permis de reconstituer et de tracer les déplacements des malades et les éventuels contacts. Cette stratégie a assuré incontestablement le contrôle l’épidémie au bout de 14 semaines.
Notons que la Chine, a complété sa stratégie par une campagne de dépistage massive dans l’épicentre de la maladie.
Enfin, la construction des hôpitaux d’une capacité d’accueil de 1 000 patients en 10 jours a bouclé le cycle de prise en charge et de la riposte.
La Corée du Sud
Ce pays a adopté d’emblée une démarche très tôt massive sur le plan de dépistage avec très peu de confinement ; seule la fermeture des écoles a été décrétée et un isolement ne concernant que les malades et leurs proches. Le pays a mis sur pied une stratégie combinée de tests massifs et de traçage du virus en réduisant le confinement.
L’expérience désastreuse du syndrome respiratoire aiguë sévère (SRAS) en 2003 et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2015 (SMERS) a contribué à peaufiner la stratégie basée sur une politique de test massif de dépistage du coronavirus (10 000 tests par jour avec une capacité de 60 000 tests jours).
Le modèle coréen est donc basé sur une préparation importante de la population, la mise sur pied d’un réseau de laboratoires aux normes et un traçage technologique des patients malades et de leurs contacts ; pour ce faire, l’État coréen a utilisé la vidéo surveillance, le bornage de téléphones, les achats par cartes bancaires. Les patients suspects ainsi que leurs contacts se voyaient proposer alors un test. Ainsi, plus de 290 000 tests ont été réalisés sur les personnes qui présentaient des symptômes, et la Corée du Sud est en capacité de réaliser 60 000 tests quotidiens.
Grâce à ce dépistage massif, il devenait plus simple de classer les personnes dépistées en personnes indemnes, en personnes-contacts à surveiller en personnes présentant des formes mineures de la maladie, et en personnes malades sévères relevant d’une unité de soins intensifs de réanimation.
Au total, la Corée n’a enregistré que 8 600 cas et 94 décès, soit un ratio inférieur à la France où le virus est apparu plus tard. Cette stratégie permet à la Corée d’afficher le plus bas taux de létalité (0,8% seulement contre une moyenne mondiale de 3,4% et 6,2% en Italie, la courbe de la France étant proche de celle de l’Italie).
La stratégie de la France : ne tester que les personnes suspectes
Dès le début de l’épidémie en France, le gouvernement a pris des mesures de confinement de niveau 1 ; puis rapidement de niveau 2. Ne voyant pas d’amélioration, ni d’inflexion de la courbe de nouvelles contaminations et en constatant l’augmentation de patients relevant de soins réanimatoires, la France est passée le 15 mars à un niveau 3 de confinement.
La stratégie de la France était basée sur l’isolement des clusters (un cluster étant le groupe constitué par la personne source de la contamination, ses contacts directs et indirects) en ciblant les tests ; cette stratégie recommandée par l’OMS consiste à ne tester que les personnes suspectes et à les placer en quarantaine. Malheureusement, le patient ne relevant pas de cluster a contaminé plusieurs patients (il s’agit du fameux patient de Mulhouse).
Cette stratégie adoptée par la France est sous-tendue par une explication immunitaire. En effet, l’expérience chinoise nous apprend que 80% des patients contaminés ne présentaient que des formes mineures et évolueraient inéluctablement vers une guérison spontanée.
Partant de ces recommandations, les soignants se sont mis à éconduire certaines personnes qui sollicitaient des dépistages en les renvoyant à leurs domiciles lorsqu’ils ne présentaient pas de symptômes alarmants.
Limites de cette stratégie
Cette stratégie de la France basée sur le confinement, très peu de dépistage, a vite montré ses limites.
Primo, elle ne tenait pas compte de la possibilité de patients non cluster susceptibles d’être porteurs d’infections virales sévères (patient de Mulhouse porteurs d’un mutant viral).
Secundo, en prenant l’option de peu de dépistage et la guérison spontanée des patients-contact, la France a fait fi du profil et de la moyenne d’âge des personnes susceptibles d’être contaminées qui en général ont plus de 65 ans.
Tertio, elle n’a pas tenu compte de la propension des Français à être réticents à toute forme de confinement ; certains porteurs sains ont donc circulé dans la France en propageant des formes virales particulièrement invasives.
Tous ces facteurs ont été à l’origine de l’explosion de l’épidémie dans le pays. La France, depuis le 22 mars, envisage de changer de stratégie afin d’adopter le dépistage généralisé.
L’exemple de l’Italie : le modèle italien peut-être calqué sur celui de la France, à cette différence près que ce pays dispose d’un système de santé moins bien élaboré, d’une démographie médicale faible.
Que se passe-t-il en Afrique ?
Les avantages de notre continent
L’Afrique a été très peu touchée par l’épidémie dès son début. A ce jour, le nombre de contaminés ne dépasse pas les 3 000 cas et l’on dénombre moins de 200 morts au compteur des décès du continent. Ce chiffre doit être relativisé en raison de la faiblesse du nombre de tests réalisés. La population y est moins âgée, ce qui représente un niveau immunitaire et de protection à priori plus favorable. Enfin, les conditions de température et d’hygrométrie, (frisant parfois les 50°) même si elles ne détruisent pas le virus en atténueraient la virulence.
Les limites
Malgré ces quelques avantages naturels constitutifs de l’Africain et de son environnement, ils sont très vite supplantés par des éléments plus objectifs liés à la faiblesse de notre système de santé, à notre faible capacité à réaliser des tests, à la structuration de notre environnement social et familial peu propice à un confinement généralisé.
De l’ensemble de ces constatations, il découle que le modèle de confinement à mettre en place pour un pays comme le Sénégal, serait une synthèse du modèle asiatique et celui mis en place en Europe. La proposition pour une stratégie de confinement adapté est donc la suivante :
Le confinement doit être maximal et particulièrement respecté dans les épicentres nationaux de la maladie, en particulier l’Ouest de Dakar, la ville de Touba, la ville de Thiès pour ne citer que celles là, et de façon générale, toutes les régions département où l’épidémie connaîtrait une ascension importante.
Le dépistage doit être systématique, large, gratuit et massif dans toutes les villes où l’épidémie connaîtrait un essor plus important ; pour ce faire, il conviendrait de privilégier le dépistage dans des laboratoires de ville ou hospitalier implantés dans les différentes régions et dont la mise à niveau pour la réalisation d’une PCR temps réel (technique permettant de mettre en évidence le virus grâce à son noyau) ne revêt aucune difficulté. Il conviendrait que les messages soit orientés vers une acceptation plus facile de la population des propositions de test qui leurs seront faites.
L’ouverture de nouveaux centres d’hospitalisation à fonction multiple, d’isolement, de dépistage, de traitement des patients ne présentant que des formes bénignes relevant d’un traitement symptomatique, d’unité de soins continus pour les patients ne présentant que des formes moyennement sévères, et de l’augmentation du nombre de lits de réanimation pour les formes graves. Les financements obtenus par le fonds de riposte du président de la République devraient mettre l’accent entre autre sur ces dépenses indispensables et urgentes.
La fièvre est l’un des signes cardinaux des premières manifestations cliniques de la maladie. La mise à disposition dans toutes les concessions et foyers familiaux par les moyens de l’État d’un
thermoflash ou d’un dispositif de prise de température, en particulier dans les contrées pouvant constituer des épicentres de la maladie au Sénégal, se révélerait être une forme de screening initial particulièrement important pour la prévention et la prise en charge précoce des formes modérées
Le confinement doit débuter dans les concessions, maisons et appartements, en respectant les mesures-barrières ; cet isolement après avoir été compris par les populations, grâce à un système de sensibilisation, une information ciblée, doit être adopté par tous les Sénégalais mieux adaptée et plus facile à réaliser en fonction de leurs conditions de vie. Les mesures de prévention édictées par le ministère de la Santé doivent faire l’objet dune appropriation par les populations.
Le confinement doit être complété dans les quartiers et communes ; il est inutile de changer de commune ou de quartiers pour s’approvisionner dans un marché ou dans une grande surface ; dès lors que la transmission devient communautaire, la réduction des déplacements s’impose comme étant la condition sine qua non de la rupture de la chaîne de transmission.
Le confinement doit enfin devenir départemental et régional. Il serait utile de mettre à contribution toutes les places ou espaces publics tels que les stades, les gymnases, les gares, les aéroports de pèlerins et surtout certains établissements privés dont la fréquentation auraient diminué par ces temps d’épidémie.
En conclusion
En combinant un confinement draconien, adapté, ciblé aux populations, à une politique de dépistage massif des épicentres dans une population qui, pour l’instant, ne compte pas un nombre élevé de personnes contaminées, les chances de contrôle de l’épidémie nous paraissent plus élevées.
Le président Macky Sall (dont les mesures mises en exécution par le ministère de la Santé publique et qui sont à saluer et soutenir) vient de lancer un fonds de riposte contre le COVID-19 ; ce fonds entre autres doit servir à rendre disponible plusieurs millions de tests, ouvrir et mettre des établissements de santé à des niveaux conformes aux standards internationaux.
La mise en application de l’ensemble de ces propositions non-exhaustives nous paraît être une voie et une approche susceptible de pouvoir anticiper une explosion de l’épidémie dans notre pays, et une réponse adaptée.
Docteur Alioune Blondin Diop est ancien praticien des Hôpitaux de Paris, spécialiste de médecine interne.
UN BANQUET OFFICIEL AU CŒUR DE LA PANDÉMIE EN CHINE
Alors que les premières victimes du Covid-19 gisaient à la morgue, un repas géant réunissait 40 000 familles de Wuhan, avec des assiettes gravées à l’effigie de Xi Jinping
Libération |
Vincent Brossel et Marie Holzman |
Publication 05/04/2020
Pendant que le monde se confine et enterre ses morts emportés par le Covid-19, le président chinois Xi Jinping triomphe. La propagande présente sans relâche le commandant suprême victorieux de «la guerre du peuple» contre le coronavirus.
Et pourtant, après l’épidémie du Sras en 2003, après celle de peste porcine, après les divers virus qui ont attaqué les poulets et les autres catastrophes sanitaires qui sont nées en Chine populaire, nous pensions que les autorités de Pékin auraient tiré des leçons. Et nous sommes aujourd’hui obligés d’admettre que les logiques du pouvoir chinois ne sont pas celles attendues par la France et l’Europe qui en ont fait un partenaire privilégié.
Il faut s’arrêter un instant sur les circonstances de ce banquet qui a donné lieu à une mise en scène délirante. Des assiettes avaient été gravées à l’effigie de Xi Jinping, avec des slogans à sa gloire. Le journal local Chutian du shibao du 19 janvier a publié des photos des centaines de tables installées dans un immense hangar et vantant le fait que 13 986 plats avaient été servis pour cette fête. Des spectateurs ont été félicités d’avoir «surmonté la fièvre, la toux et la maladie pour participer à ce grand événement».
Alors que des docteurs courageux alertaient sur le danger de ce nouveau virus, le Parti maintenait des spectacles de divertissement à l’approche du nouvel an lunaire. Le 21 janvier, RFI en chinois a rapporté que certains danseurs et chanteurs portaient des masques et étaient déjà contaminés par le Covid-19. Le secrétaire du Parti et le préfet de la province du Hubei applaudissaient à tout rompre alors que les premières victimes du virus gisaient à la morgue. L’ordre de se confiner n’est tombé que le 23 janvier, ne laissant que quelques heures pour quitter Wuhan. Près de 5 millions de personnes ont ainsi réussi à quitter la mégalopole. Beaucoup porteuses du virus.
La vie du Parti plutôt que celle des citoyens
Nous qui connaissons maintenant le confinement, qui avons appris les «gestes barrières», nous sommes stupéfaits en revisitant le scénario de la propagation du virus. Un banquet à la gloire du président chinois serait donc devenu l’accélérateur de cette pandémie devenue mondiale en quelques semaines.
Pourquoi le gouvernement local a-t-il maintenu ces festivités ? Parce que la priorité était la vie du Parti communiste, pas celle des citoyens. En janvier, les autorités étaient obnubilées par l’organisation des assemblées locales qui précèdent l’Assemblée nationale et de la Conférence consultative du peuple chinois qui se tiennent en mars. Pas question de renoncer à ce processus incontournable. Le parti avant tout.
Imposer «sa» vérité
Avec le confinement de Wuhan, puis du Hubei et enfin de tout le pays, Xi Jinping reprend la main face à une crise qui a plongé la Chine dans le doute. Ce «triomphe» de la Chine, face à ce virus qui est né en son sein, se fait au prix de la vérité. Les bilans officiels sont bien en deçà du nombre réel de personnes mortes et infectées. Selon des estimations indépendantes, on arrive à plus de 50 000 morts à Wuhan et 97 000 morts pour toute la Chine. On est bien loin du chiffre officiel de moins de 4 000 morts…
Pour imposer «sa» vérité, la police n’a pas chômé. L’organisation Chinese Human Rights Defenders a documenté 900 cas d’arrestations, d’intimidations et de censure intervenus en lien avec l’épidémie depuis début janvier. Xi Jinping a aussi réussi à convaincre l’OMS de retarder pendant plusieurs semaines l’annonce de la pandémie. On peut se poser des questions sur le fonctionnement de l’OMS au sein de laquelle la Chine exerce un pouvoir très fort depuis le passage à sa tête de Margaret Chan, médecin chinoise. Une mission de l’OMS est rentrée de Chine en février avec des conclusions plutôt optimistes. Elle a loué les méthodes employées par Pékin pour lutter contre le virus, sans évoquer les erreurs qui ont été faites, comme avoir laissé fuir du Hubei puis de Chine des dizaines de milliers de personnes infectées. Et le 7 mars, Pékin a été largement remercié par l’OMS pour son don de 20 millions de dollars destiné à la lutte mondiale contre le Covid-19.
Aujourd’hui, le régime de Pékin veut apparaître comme le sauveur avec sa politique des masques, et surtout réécrire l’histoire à son avantage. Et la propagande se déploie, sans vergogne. Un éditorial récent d’un quotidien d’Etat a appelé le monde à remercier la Chine pour son efficacité dans la lutte contre le Covid-19…
EXCLUSIF SENEPLUS - La vie de Pape Diouf offre un exemple patent de la manière dont un homme parti de rien, échoué dans une ville de prime abord austère, peut s’élever à une existence supérieure - NOTES DE TERRAIN
“Footballeurs, mes frères. (...) Votre sport suscite l’enthousiasme parce que dans ses manifestations supérieures, il s’élève au niveau de l’art. (...) Synthèse attrayante, parce que naturelle, des « disciplines » physiques les plus diverses, elle est à la mesure de l'Homme.” François Thébaud
Lundi 30 mars 2020. Depuis près d’une heure, je suis entièrement absorbé par la lecture d’un recueil de nouvelles. Mémoires d’un chasseur, d’Ivan Tourguéniev. On m’appelle dans le salon. On parle de football à la télévision. Lorsque je me lève pour aller voir de quoi il retourne, je ne savais pas que j’allais passer le reste de la soirée devant l’écran. Je regarde rarement la télévision. Les chaînes sénégalaises encore moins. Le programme en question passe sur la TFM. Il s’agit d’un reportage sur le football sénégalais. Honnête mais terne. Qui relate le parcours de l’ancien sélectionneur national du Sénégal, Bruno Metsu. Un peu plus tôt, le matin, comme c’est le cas depuis l’apparition du premier cas confirmé de coronavirus dans notre pays, le ministère de la Santé a fait le point sur la situation de la maladie au Sénégal. Pour la première fois, deux cas graves ont été enregistrés. Un ami m’a appelé, juste après la déclaration des autorités sanitaires. Pour m’annoncer une mauvaise nouvelle. “Pape Diouf est l’un des deux cas graves”.
Quand j’arrive au salon, plusieurs personnes défilent sur l’écran. A ce moment-là, le reportage met en scène Abdoulaye Sarr, l’ancien sélectionneur national adjoint des “Lions”. Puis les journalistes Cheikh Tidiane Fall, Salif Diallo, et le footballeur Khalilou Fadiga. Ils évoquent la relation particulière de Bruno Metsu avec le Sénégal. Je suis transporté près de vingt ans en arrière. Mon esprit est à la nostalgie. Des souvenirs agréables sont ressuscités. Ce n’est pas seulement l’épopée des “Lions” en 2002 qui ressurgit. Un bonheur immense, et une tristesse refoulée me donnent un pincement au cœur. Soudain, Pape Diouf apparaît sur l’écran. Le plan est serré. Peu de lumière. Présence solaire. Il porte un boubou marron. Son regard est allumé. Tout de suite ce visage mystérieux et épais murmure des mots justes. Il ne cabotine pas. Sa voix rocailleuse et traînante retentit comme le tambourinement d’une anaphore. Impossible de décrocher. Il apparaîtra plusieurs fois encore dans le reportage. A chaque fois, je me mets à penser au combat qui doit être le sien, à cet instant.
Une voix singulière. Pape Diouf était un homme inspirant. Il avait une maîtrise souveraine du verbe. Lorsqu’il parlait, on pouvait sentir cet élan poétique, qui germe dans les esprits habités par la passion. Il avait un vrai sens littéraire. Jamais ses récits n’étaient fades ou aseptisés. Avec lui, le verbe était toujours très précis, haut et sublime. Ses réflexions et plaidoiries étaient toujours empreintes de dignité et d’éclat. Son charisme faisait le reste. Il avait toujours la répartie parfaite pour se faire comprendre et respecter. Comme lorsqu’il a voulu faire savoir à François Hollande qu’il n'était pas son obligé. Ce dernier le poussait à se présenter sous la bannière du Parti socialiste français, à Marseille, lors des élections municipales de 2014. “On me presse pour répondre mais décider ce n’est pas simplement dire oui ou non. Je dois évaluer la situation et voir ce que je peux apporter à une cause”, avait-il fait savoir. Exigence de liberté et indépendance d’esprit. C’était son principe.
La vocation. Pape Diouf, c’est surtout un homme du football. C’est quoi le football ? Il y a fort à parier que beaucoup répondront que c’est un jeu. D’autres diront : c’est un jeu avec un ballon. Et même certains vont suggérer que c’est le sport-roi. Les plus téméraires pourraient évoquer les différentes pratiques du football. A onze contre onze. Sur une surface délimitée. En salle. Sur un terrain vague. A la plage. Dans la rue. Dans un appartement. C’est vrai, le football est un jeu et ses variantes sont nombreuses. Mais c’est plus que tout cela. Ce qui est d’abord frappant dans ce sport, c’est qu’il n’est pas naturel. Ses pratiquants sont obligés d’utiliser leurs pieds et non leurs mains. Le football est un défi lancé à l’appareil locomoteur. Il faut un premier effort, qui paraît simple à première vue, mais qui est exigeant et malaisé. Qui demande l’éducation du corps. Une intelligence des muscles. Ensuite, le football est simple. Il faut un engin-outil plutôt rudimentaire, un ballon, et en avant pour le plaisir. Enfin, le football déchaîne les passions. Partout sur la planète des clubs et des joueurs sont vénérés. Des statues et monuments dressés. Le football, c’est aussi un ferment communautaire. A cause du football, une guerre a éclaté entre deux pays, une révolution s’est éteinte, des pays ont sombré dans la crise. C’est une économie. Un art. Un fait social total.
Pape Diouf fait partie de ces hommes qui ont fait du football une transcendance. Et ont confondu leur vie avec ce sport. Qui savent que le football est une réalité complexe. Un phénomène qui va au-delà du simple jeu. Il a passé sa vie à servir ce sport. En étant agent de joueurs, puis dirigeant. Un parcours glorieux, durant lequel il parviendra à se hisser à la tête d’un des plus grands clubs du monde. Il a fait des footballeurs ses “frères”. Il était affectivement proche d’eux. Il a conseillé, entre autres, Joseph-Antoine Bell, Abedi Pelé, Marcel Desailly, Basile Boli. Fort d’une culture remarquable et d’un sens de la responsabilité, il s’est hissé un chemin vers les sommets. Tout seul. Pape Diouf est une référence. Un homme d’avant-garde. Un homme du football et du verbe. Un homme de la fraternité. Sa vie offre un exemple patent de la manière dont un homme parti de rien, échoué dans une ville de prime abord austère, peut s’élever à une existence supérieure. Jusqu’à devenir un mentor pour beaucoup de personnes.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Hervé Bourges, que Manu Dibango surnommait son « ange gardien », est parti le premier, laissant à découvert son « protégé » qui, en toute logique, lui a emboîté le pas… Ce témoignage leur est dédié
Première « vedette internationale à succomber au Coronavirus », comme l’a relevé le communiqué de l’Elysée, Manu Dibango a été rejoint par Pape Diouf, une autre star dans son domaine : il fut le premier Africain à présider un club de foot international, l’Olympic de Marseille. Les deux hommes s’appréciaient. Mais bien plus intime encore était Hervé Bourges, figure tutélaire du journalisme en France et en Afrique francophone. Nés la même année, ils se sont suivis dans la mort, à un mois d’intervalle. « Hervé », que « Manu » surnommait son « ange gardien », est parti le premier, laissant à découvert son « protégé » qui, en toute logique, lui a emboîté le pas… Ce témoignage leur est dédié.
Dans tous les cas, ce ne fut pas un bon signe.
A l’église Saint-Eustache où la profession et les amis s’étaient réunis une dernière fois autour de Hervé Bourges, décédé une semaine plus tôt, une absence a nourri les conversations chuchotées dans les travées et à la sortie de la messe. « Mais où est Manu? ». Nous en étions sûrs; après Michèle Cotta, qui l’avait nommé à la tête de Radio France Internationale; Frank Riester, l’actuel ministre français de la Culture; ou avant Pascal Josèphe, son accompagnateur fidèle à la gestion du paquebot audiovisuel; ou l’écrivain et diplomate Henri Lopes, la longue silhouette de Manu Dibango allait se dresser face à l’assistance pour nous raconter son ami. Avec des mots, avec son saxo – ou les deux. Ce jour-là, aucun autre témoignage n’aurait semblé plus indispensable sur celui qu’on surnommait « Bourges l’Africain »…
Entre les deux hommes, la complicité était totale, renforcée par des aventures historiques communes. Bien avant qu’on ne parle de « diversité » en France, ceux de ma génération ne sauraient oublier que Hervé Bourges, le tout-puissant patron de la télévision publique, avait offert à Manu Dibango une carte blanche pour une émission qui durerait deux ans, alliant musique et culture. « Salut Manu! », sur France 3, devint un cri de ralliement de ses fans tout au long de sa fabuleuse carrière. C’était à l’aube des années 1990 et Hervé Bourges, toujours en liaison avec Manu et son « Collectif Egalité », allait inscrire l’exigence de diversité (sexes, âges, origines) dans le cahier des charges des chaînes publiques, avec l’objectif affiché de refléter la société française dans son ensemble. Tout en échappant à l’anathème du « communautarisme », officiellement réprouvé, c’était une révolution!
Devenu le premier président du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA), Hervé Bourges s’arrangera toujours pour associer le grand artiste aux conseils d’administration réunissant les sommités de la branche. En fin de réunion, Manu se joignait au groupe et tirait de son saxo des envolées qui émoustillait l’assistance…
Entre le jazzman et le chrétien engagé, l’amitié pour la vie avait débuté vingt ans plus tôt, sur les hauteurs du Mont-Fébé, lorsque Hervé Bourges était venu créer à Yaoundé la meilleure école de journalisme d’Afrique francophone, l’ESSTIC d’aujourd’hui. Lu par son directeur de cabinet Olivier Zegna-Rata, le témoignage de ses anciens élèves a ému aux larmes une partie du public.
De l’émotion aussi, quand l’officiant a présenté un grand métis, Patrick, l’unique fils du défunt, longtemps préservé dans son jardin secret. Assis à quelques rangées, d’autres rejetons, ceux du musicien camerounais absent, Michel et Marva.
« Mais où est Manu? »
Derrière l’énigme apparente, l’explication était pourtant implacable. Emmanuel Ndjocké Dibango luttait déjà contre la maladie. A l’heure où la dépouille de son « ange gardien » s’acheminait vers le cimetière du Père Lachaise, le patient était confiné dans un hôpital, atteint par le Coronavirus. Venus au monde la même année, les deux « frères » ont effectué le voyage sans retour en synchronisé.
La puissance du lien quasi-gémellaire avec Hervé Bourges, loin d’être anecdotique, a traversé comme une épine dorsale l’univers de Manu, enfant du Cameroun né face à la mer et navigant dans un monde sans frontières où l’amour de la France n’a jamais évincé une forme de fidélité au pays natal; globe-trotter professionnel, il s’est ainsi astreint aux incessantes autorisations de circuler tamponnés sur son passeport africain qu’il conservait jalousement, alors qu’un passeport européen l’aurait pratiquement exempté de visas. « Les Européens qui vivent chez nous ne demandent pas à changer de nationalité. Pourquoi devrais-je le faire »? estimait-il. Une posture idéologique qu’il n’a cessé de défendre face à des compatriotes plus pragmatiques qui prônaient la double citoyenneté. Peut-être avait-il trouvé là un rempart symbolique contre le sentiment d’abandon de leurs racines qui ronge les éternels expatriés, lui dont l’existence ne s’est pas déroulée en Afrique, mais en France pour l’essentiel? L’auteur du fameux « Soul Makossa » y aura vécu une soixantaine d’années, les autres points de chute, Abidjan ou Yaoundé, n’étant que de brefs intermèdes.
En quittant son Douala natal à 15 ans, à bord d’un paquebot, il avait emporté, et non laissé derrière lui, une part non négociable de son terroir, de son parler et de son patrimoine culturel. A l’heure du bilan qui s’est déroulé comme un tapis rouge de reconnaissances internationales et de prestigieuses distinctions octroyées surtout par son pays d’adoption, les mots d’un président malawite résonnent comme un hommage personnel à son endroit: « Be successful wherever you are. Your success is Africa’s success ». Vous devez réussir où que vous soyez. Votre succès et celui de l’Afrique. Adressée à un forum des diasporas noires à Addis Abeba, l’exhortation de Bingu wa Mutharika, (1934- 2012), inconnu du grand public, aura néanmoins inspiré des milliers d’Africains vivant loin du Continent – et résolu leur dilemme existentiel.
Rien de tel chez Manu. L’amateur de chemises en wax et de boubous n’a jamais semblé questionner son identité qu’il affichait naturellement multiple et sereine, n’essayant guère de la travestir pour complaire aux conformismes identitaires de notre époque, ni d’un côté, ni de l’autre. Comment aurait-il pu, lui qui écoutait autant Bach et Haendel en culottes courtes chez ses parents, que les comptines traditionnelles en langue douala? A la fois ami de Juliette Gréco et de Miles Davis? De Francis Bebey et de Nino Ferrer? De Quincy Jones et de « Grand Kallé » Kabasele? De Youssou Ndour et de jeunes rappeurs inconnus? Distingué autant par Nicolas Sarkozy (Légion d’honneur épinglée par… Hervé Bourges) que par Alassane Ouattara? En juin prochain lui sera décernée, à titre posthume, une distinction prévue de longue date : Docteur honoris causa de l’université de Valenciennes en France.
Au bout du compte, un véritable exploit : dans les quartiers de Yaoundé, de Douala, de Dakar, d’Abidjan ou de Kinshasa, le citoyen d’honneur de Saint-Calais, dans la Sarthe, où il fut écolier en débarquant en France; ce Français sans le passeport était perçu comme 100% Africain… Au Cameroun, pourtant source de bien des frustrations pour cet exilé volontaire, la télévision nationale a été en première ligne pour marquer la disparition de ce « digne fils du pays », sous la houlette du DG Charles Ndongo, avec de somptueuses éditions spéciales agrémentées de documents rares pendant plusieurs jours! J’ai repensé à Ismaël Bidoung Mpkatt, ancien ministre de la culture, un des rares « officiels » dont Manu m’avait dit tant de bien; à son « petit frère » Amobe Mevegue, patron de Ubiznews; A Denise Epote, qui l’appelait « Tonton Manu »; à Yannick Noah qu’il était parfois le seul à pouvoir joindre; au regretté confrère Henri Bandolo, également un ami intime de Hervé Bourges… Sans oublier Jean-Michel Denis, éminent spécialiste des musiques afro-caribéennes, récemment emporté par le Coronavirus – lui aussi. Des Etats-Unis où il vit, l’artiste Richard Bona a proposé que l’aéroport de Douala porte désormais le nom de Manu Dibango, une idée qui a rapidement rallié des milliers de partisans… Quelle leçon de vie de la part d’un citoyen du monde qui ne possédait pas de demeure en Afrique et n’avait pas prévu d’y être enterré! Conforme à des dispositions de longue date, il repose désormais au cimetière du Père-Lachaise. Comme Hervé Bourges…
A ce passeur hors pair, l’Elysée a rendu un hommage d’une grande justesse. « Manu Dibango se riait des frontières : il sautait d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre, d’un genre à l’autre, d’un instrument à l’autre – il les maîtrisait presque tous – pour créer une musique universelle, qui était à la fois africaine et caraïbéenne, américaine et européenne, mais qui était surtout chaloupée, entrainante et joyeuse. À chaque album, il inventait de nouveaux rythmes de joie, des mélodies du bonheur ».
« Allô? Il sort quand, mon article »? J’ai rencontré Manu Dibango en France, à mes tout débuts dans le journalisme, après avoir pris un appel destiné à mon regretté
collègue Elimane Fall qui l’avait interviewé. Maintenant qu’il nous quitte, me voici recevant de nombreuses condoléances pour la perte d’un grand ami. C’est qu’au fil des décennies, des combats communs et de magnifiques moments de convivialité nous ont soudés et mutuellement renforcés. Il nous avait ainsi rejoints dans l’association créée en mémoire de Thomas Sankara, avec Sennen Andriamirado et Francis Kpatinde. Souvent accompagné de la fidèle Claire Diboa, sa nièce et manager de confiance, « Grand Manu » était une star habituée de nos galas où se côtoyaient des personnalités du monde entier, souvent issues des diasporas africaines, et acceptait toujours dans la bonne humeur de se faire photographier avec ses admirateurs. Beaucoup doivent se souvenir de son humour en y recevant un trophée pour son inégalable contribution au « rayonnement culturel » de notre Continent, à bord d’un bateau sur la Seine en 2000. Ou de ses néologismes. Lors d’une soirée organisée chez moi en soutien à Christiane Taubira, ministre de la justice traitée de « singe » par un journal d’extrême-droite, et de « guenon » par des jeunes à Angers, Manu, avec le rire sonore qui le caractérisait, avait dédié quelques notes de son légendaire saxophone « aux guenons – et aux guenonnes »…
Pour ma part, je retiendrai aussi les mots magiques que Manu Dibango a prononcé à mon égard. Du genre de ceux qui peuvent transformer une vie en destin. Pulvérisent les plafonds de verre imposés ou intériorisés. Décapsulent les esprits, libèrent les talents. Devant le cinéaste américain Spike Lee, invité spécial du 40 ème anniversaire du magazine que j’avais repris quelques années plus tôt, Manu avait porté un toast à l’organisatrice de cet événement scintillant : « Au succès de ”Africa International” et de sa directrice, la prochaine Oprah Winfrey! ». Puis se reprenant: « Ou plutôt Robert Maxwell! »
On ne présente plus la première, femme des médias la plus puissante (et la plus riche) des Etats-Unis. Le second était alors un magnat de la presse très en vue en Grande Bretagne. Quelle sympathique utopie, pensais-je! Mais cette fois, Manu n’avait pas ri. Il le pensait vraiment. « Pourquoi pas ? » conclut-il.
Oui en effet. Pourquoi pas? Tout était dans la question.
En une seconde, Manu-le mentor m’a fait réaliser les auto-limitations qui réduisent notre capacité d’action. Ce jour là, il a désinhibé mes ambitions. L’échec ne viendrait plus jamais d’un manque de confiance en moi-même, ni des avis condescendants qui vouent au…confinement – déjà! De fait, bien des percées obtenues prennent leur source dans cet instant et, au lieu de m’esclaffer face aux projets les plus fous, j’ai appris à encourager mes interlocuteurs à se battre pour leurs rêves. Publier « le journal du médecin » ou des « Amateurs de cigares » était donc certes à ma portée. Me consacrer à un « journal africain », en revanche, ne relevait aucunement d’une assignation identitaire, mais d’un choix existentiel: rien d’autre n’avait de sens si ce n’était au service du continent africain.
« Comment souhaitez-vous qu’on se souvienne de vous »? Au jeune reporter qui l’interrogeait ainsi, Manu a renvoyé la balle : « Ah! c’est à chacun de décider! »
C’est bien ce qui se produit. De cet « influenceur » qui a promené son inimitable dégaine entre deux siècles et croisé des millions de vies, chacun a conservé sa part de « Grand Manu »; sur les réseaux sociaux, les témoignages foisonnent.
Le sage grave ses peines dans le sable et ses bonheurs dans le marbre, selon un dicton.
Parmi ses grandes joies, on retiendra celle d’être grand-père. Une satisfaction qu’il partageait dans la même intensité avec Hervé Bourges, gratifié par Patrick d’un petit-fils adoré, présent à ses obsèques. Leurs petits-enfants ont clairement illuminé les dernières années des deux complices. « Je ne sais pas si j’ai été un bon père, reconnaissait souvent Manu. Mais je suis un très bon grand-père », assurait-il dans un éclat de rire. Son fils ivoirien, James, connu sur le tard, semble avoir hérité de sa fibre musicale… Pour Manu et Hervé, le fil de la vie continuera donc à dérouler sa pelote magique et multicolore.
UN SAINT-LOUIS SANS LUI !
L'ancien commandant de la zone numéro 2, le Colonel Mbaye Cissé, reprend la plume pour honorer la mémoire d'un proche collaborateur et ami, le doyen Alioune Badara Diagne
C'est ta ville mythique maintenant orpheline de son héraut ;
De son avocat intrépide à la trompette sulfureuse, soufflant de Lodo à Sidone.
Crachant son message incisif repris en écho entre le fleuve et la mer, et rythmant sans répit le pouls de la belle ville,
Apostrophant et les ndomu ndar et les dooli ndar, et les Samba ndar et les Coumba ndar.
Un Saint-Louis sans lui !
C'est la mort du rire frais et du sourire jovial distribués aux vendeuses de poissons, sur les quais grouillants de vie, d'odeurs et de jurons guetndariens
Un Saint-Louis sans lui !
Sans celui qui savait parler aux jeunes et aux vieux , et aux riches et aux pauvres ; aux signares et aux talibés, aux vaniteux et aux humbles silhouettes lovées à l'ombre des murs défraîchis, scrutant au loin le Pont Faidherbe.
Un Saint-Louis sans lui !
Adieu l'urbanité exquise, le distingué casque colonial , la classe du chapeau feutré, la délicate beauté du bonnet Fass
Adieu capitale du bon goût, du bon vivre et de l'élégance !
Un Saint-Louis sans lui !
C'est aussi la clameur des stades, inondés l'instant d'un soir, par tes mots justes, tes mots rares, tes mots diamants…
Comme ceux de Alassane Ndiaye Allou, l'immortel prince du micro,
Ou l'amertume de la Place Faidherbe, déjà nostalgique de tes envolées lyriques fouettant l'allure martiale des troupes de parade des grands jours.
Mais un Saint-Louis sans lui !
C'est surtout les cimetières de Marmiyal et de Thiaka Ndiaye, guettant avec impatience les torrents de bénédictions,
Généreusement déversés par les milliers de fidèles que tu mobilisais pendant chaque mois béni de Ramadan.
Un Saint-Louis sans Golbert !
Sans son être et sa saveur, sans son vrai Pont ! Celui des cœurs et des esprits. Ce Saint-Louis là…
… Toi seul pouvais le faire vivre.
par Papa Demba Thiam
COVID-19 ET DÉVELOPPEMENT, COMMENT COMPTER SUR LES ÉLITES AFRICAINES ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Le rôle de la superstition inhibe les capacités de réflexion des élites africaines - Dans leur imaginaire collectif, dire qu’un malheur pourrait arriver est perçu comme un souhait
Il y a beaucoup de dissertations sur le rôle des gouvernants, des leaders politiques et de la société civile dans la lutte contre le Covid-19 en Afrique. On en a aussi beaucoup entendu de son brave corps médical et de ses forces de l’ordre et de sécurité. Quid des élites africaines en termes de propositions concrètes sur l’après Covid-19, pour une Afrique encore plus forte et moins vulnérable aux chocs extérieurs du genre de la pandémie du Covid-19 ?
A dire vrai, j’ai une pensée émue pour les gouvernants africains. Je sens leur solitude au moment où certains pays développés entrent en mode-prospective pour imaginer des scenarii parmi les pires, avec la propagation du Covid-19 et les réponses géostrophiques qu’ils imaginent apporter en termes de positionnement sur l’Afrique. Ils sont dans leurs rôles de prévision, pour planifier leurs attitudes. Ils s’appuient sur leurs élites pour analyser la situation chez leurs partenaires africains et décider de leurs alternatives d’actions. « Gouverner, c’est d’abord prévoir ».
Les chefs d’Etat africains nous avaient épatés et avaient donné l’exemple, le 2 Décembre 2019 avec le « Consensus de Dakar ». Bien que conscients de leur forte dépendance financière vis-à-vis des institutions multilatérales, ils ont d’abord reçu leurs hauts dirigeants avec force hospitalité et honneurs. Ensuite, ils ont eu le « courage » de les réunir en conférence internationale publique à Dakar, pour leur expliquer en (public), comment ils trouvent leurs instruments conceptuels et analytiques inadaptés aux contextes africains, au point de générer des effets pervers de leurs déclarations et interventions sur leurs économies.
Comment ne pas aussi saluer le fair-play dont les partenaires au développement ont fait montre en les écoutant religieusement. En évitant toute polémique. En promettant de prendre leurs observations en considération. C’est comme cela que ça doit se passer en termes de coopération au développement. C’est cela l’esprit du multilatéralisme. C’est du reste, ainsi que les institutions internationales travaillent mieux, ailleurs qu’en Afrique. Parce qu’ailleurs, il y a du répondant dans le cadre de dialogues sincères, ouverts et décomplexés.
De retour à leurs pénates, les dirigeants de ces institutions internationales ont probablement dû réunir leurs experts pour rendre compte, demander des conseils, discuter et instruire. Il devrait en être de même pour les chefs d’Etat africains. Et à l’heure actuelle, dans les états-majors africains, on devrait être en mesure de discuter et d’enrichir des documents de stratégies et d’action comme suites au « Consensus de Dakar ». Mais sur quelles élites les chefs d’Etat africains peuvent-ils vraiment compter en pareils exercices ? Objectivement.
Les politiciens, entrepreneurs et leaders d’opinion du monde occidental n’hésitent pas à approcher des experts qui ne partagent pas leurs positions idéologiques pour s’inspirer de leurs idées et mieux voir dans leurs propres angles morts. Ils essaient même de les « débaucher » pour mieux utiliser leur puissance intellectuelle. Parce qu’ils ont compris qu’il ne faut pas haïr ses adversaires au point de ne pas leur reconnaître des qualités. Pour une raison simple, ce sont les qualités d’un adversaire qui représentent un danger pour soi. En Afrique, on tente de l’étouffer. On le persécute.
Les réactions aux articles de presse sur une note de prospective destinée au ministère français des Affaires étrangères sont très intéressantes à analyser. Cette note décrit ce que pourrait être la situation économique et sociale d’après Covid-19 pour plusieurs pays africains et propose des stratégies politiques pour le gouvernement français. D’aucuns disent que prévoir des situations de révoltes sociales relèvent de souhaits de malheurs, donc de méchanceté et de haine de l’Afrique. D’autres trouvent que c’est de la « simple prospective ». Ces deux positions sont aveuglantes.
Ce sont ceux qui font de la prospective qui se donnent les moyens d’accompagner ce qu’ils croient venir. C’est pourquoi ce qu’ils pensent pouvoir arriver, peut justement finir par arriver. C’est comme à la bourse. Quand on croit qu’elle va monter, elle finit par le faire. Parce qu’on y achète alors des titres, ce qui finit par la faire monter. C’est comme cela que les pays développés gouvernent. Parce que dans leur monde, la prospective n’est pas une affaire de voyance moderne avec une boule de cristal. C’est un instrument de politique et d’action. Il faut donc prendre les notes de prospective au sérieux. Rien n’arrive par hasard. Les phénomènes sont aidés à se réaliser.
Le rôle de la superstition inhibe les capacités de réflexion des élites africaines. Parce que dans leur imaginaire collectif, dire qu’un malheur pourrait arriver est perçu comme si on le souhaite. C’est pourquoi beaucoup d’analystes de talent ne s’aventurent pas sur ce terrain. Résultat, on se concentre sur ce qu’on sait faire le mieux : pleurer sur notre sort et se dédouaner de toute responsabilité en mettant tout sur le dos du sort.
Il s’agit-là d’un piège énorme qui risque d’obstruer l’horizon pour les analystes africains. Cette attitude psycho-sociologique n’aide pas les gouvernants qui ont aussi besoin d’écouter les porteurs de mauvaises nouvelles potentielles. Pour justement faire en sorte qu’elles n’arrivent pas, en étant proactif dans la recherche de stratégies palliatives. Mais il est vrai que la même prédisposition psycho-sociologique habite beaucoup de dirigeants africains. Et leur fait tirer sur les porteurs de « mauvais » messages au lieu de les écouter et de leur demander de proposer des solutions pour les éviter. Beaucoup de ceux qui les entourent se complaisent dans cette situation qui le confère une rente et les protège contre leur insécurité intellectuelle et technique.
Quel expert ose commencer par dire qu’il y peut y avoir des catastrophes sans être jeté en pâture et subir un procès en sorcellerie ? C’est ainsi que peu d’experts proposent des solutions de sortie d’une crise économique, financière et sociale que le Covid-19 va inévitablement installer en Afrique. Parce qu’ils doivent d’abord énoncer les raisons de l’éminence d’une catastrophe. Dans une situation ou soit les gouvernements ne prennent pas de mesures de confinement, alors c’est une catastrophe sanitaire qui risque d’emporter des millions de personnes sur le continent. Soit ils prennent des mesures de confinement et l’activité économique va beaucoup ralentir avec à la clé, du chômage et de la pauvreté qui vont durablement s’y installer. Des situations perdant-perdant.
Les meilleures politiques possibles se trouvent certainement entre ces deux extrêmes. Mais dans tous les cas, elles demandent une certaine forme de « déconnexion » avec l’économie mondiale telle qu’elle est actuellement globalisée. Et cette réflexion doit se faire maintenant, en même temps que des réponses d’urgence doivent être développées, financées et déployées pour contenir les effets sanitaires et économiques de la pandémie du Covid-19. Gros dilemme pour les gouvernants africains et leurs experts : comment dépendre des solutions d’urgence qui doivent être financées par les institutions financières multilatérales chevilles ouvrières de la globalisation actuelle, tout en leur promettant de « rompre » avec leurs pratiques courantes pour mieux asseoir le développement de l’Afrique sur des bases endogènes, tel qu’envisagé par le « Consensus de Dakar » ?
La grosse erreur des gouvernants africains serait d’en faire un jeu à somme nulle et, face aux solutions d’urgence, de jeter en pâture ceux des experts africains qui sont à même de théoriser et d’opérationnaliser cette déconnexion qu’ils veulent et se doivent d’opérer à moyen et long terme. La même « déconnexion » de la vulnérabilité verticale directe de leurs économies à l’économie mondiale que des gouvernements comme ceux de la France veulent maintenant, aussi opérer en « rapatriant » certaines de leurs industries stratégiques par la restructuration et l’internalisation de certaines chaines de valeurs pour rendre leurs économies plus résilientes.
Cette même quête est plus que jamais légitime pour les pays africains. Leurs experts doivent être décomplexés pour ouvertement assumer des positions qu’ils croient justes et des stratégies opérationnelles qu’ils pensent pouvoir aider leurs peuples à être mieux gouvernés et jouir enfin des ressources dont Dieu les a dotées ? Quelle est cette forme de terrorisme intellectuel, moral, institutionnel ou politique qui leur fait se cagouler ? Pourtant, ils prient tous les jours pour que Dieu leur donne le courage de croire en lui pour faire et dire ce qui est juste.
La réponse est tristement simple. Beaucoup d’experts n’osent pas prendre le risque de s’aliéner des institutions qu’elles accusent en privé, de fabriquer de la pauvreté en Afrique. Pourtant, celles-là ne devraient pas avoir envie qu’on ne leur dise que ce qu’on croit qu’elles veulent entendre. Au contraire, leurs hauts dirigeants veulent savoir ce qu’il faut vraiment faire pour que les effets non-désirés de leurs stratégies et opérations ne leur reviennent pas à la figure comme des boomerangs et saper leurs crédibilité et légitimité.
Déjà avec la crise migratoire, les pays partenaires-au-développement autant que les institutions multilatérales qu’elles financent ont fini par comprendre que nous vivons dans un même monde fini. Que les crises alimentaires, sociales et politiques qui génèrent des conflits et déplacent des populations vers les pays du Nord, créent de l’instabilité dans les pays d’accueil. Les migrations y bouleversent leurs équilibres politiques et favorisent l’arrivée de mouvements populistes.
Ces dirigeants ont donc compris que le développement économique et social de l’Afrique n’est pas une option, mais une nécessité vitale pour tous les pays développés. Ils ont maintenant compris que les désastres que peuvent provoquer le Covid-19 en Afrique peuvent avoir des conséquences encore plus graves dans les pays occidentaux. L’heure est donc à l’unité des diversités de pensées et de stratégies, pour trouver les meilleures solutions pour tous. Quoi de plus normal alors que de compter sur toutes les élites et expertises africaines pour les aider à mieux comprendre ce qu’il vaut mieux faire en Afrique pour enrayer la pauvreté à laquelle le continent n’est pas prédisposé ?
Les élites africaines vont-elles devenir plus courageuses avec les risques de cataclysme de la pandémie du Covid-19 ? Parce qu’il était déjà navrant de constater que certains des intellectuels africains qui sont conviés à des rencontres du savoir et de l’expertise jouent de la langue de bois, pour ne pas dire de la fumisterie, en embrassant en public ce qu’ils brûlent en privé, dans les couloirs. Il faut dire que la plupart d’entre eux sont des consultants qui ne croient pouvoir vivre que de projets financés par les bailleurs de fonds. D’autres rêvent de rentrer dans le « système » qu’ils disent pourtant abhorrer, en privé. C’est aussi cela le drame de l’Afrique. Beaucoup d’élites se mentent tous les jours et leurrent leurs gouvernements tout-autant que leurs partenaires au développement, ce qui laisse le champ libre aux simples bureaucrates qui ne délivrent que ce qu’ils savent faire le mieux. « La nature a horreur du vide ».
J’ai des nouvelles pour les élites africaines frileuses. Il ne faut pas être plus royaliste que le roi. Ceux qu’elles croient être les « adversaires » de l’Afrique n’ont jamais été aussi proches du continent que maintenant. En gens de conviction pour notre pire ou notre meilleur, on les sent présents autour de tout ce qui se dit et s’écrit sur l’Afrique. Ils se rapprochent parce qu’ils peuvent à présent, mener un même combat avec l’Afrique, chacun dans ses quartiers, avec ses moyens. Alors élites africaines, finissez-en avec vos phobies et assumez vos convictions. Nous avons besoin de tout le monde pour aider nos peuples à se sortir de ce tragique guêpier qui nous est tous tendu avec la propagation du Covid-19 en Afrique.
Papa Demba Thiam est économiste, expert en Développement Industriel Intégré par des Chaines de Valeurs
par Abdourahmane Sarr
RÉALISONS NOTRE DESTIN, LIBRES
Nous ne partageons pas, en ce qui concerne le Sénégal, que notre dette bilatérale et multilatérale soit effacée, même si tel peut être le cas pour d’autres Etats fragiles - Nous préférons également une révolution agricole à une souveraineté alimentaire
Le président de la République a pris de bonnes mesures sur le plan de la riposte macroéconomique face aux effets de la pandémie qui « en nous mettant à l’épreuve » nous fait faire ce qui devait être fait même sans la crise. Le creusement du déficit associé au remboursement des arriérés de l’Etat répond à la critique que nous avions formulée sur le programme du FMI publié en janvier 2020 « Programme Sénégal-FMI : Décryptage et Paradigmes à Revoir ». Il est également en ligne avec les recommandations que nous avions formulées dans notre tribune intitulée « Organiser la résilience systémique à la crise » au vu de notre contrainte monétaire qu’il faudra lever dans une deuxième phase et qui nous imposait une riposte budgétaire d’envergure financée par le FMI, les bailleurs, et les banques.
Les mesures fiscales nous semblent également appropriées, de même que le programme de garantie de crédits bancaires responsabilisant qui de droit. Par ailleurs, le ministère des Finances devrait profiter de l’effacement de la dette fiscale pour préparer une réforme fiscale d’envergure en 202 dans le cadre du programme "Yaatal" et réduire les taux et types d’impôts afin d’élargir l’assiette fiscale à tous. Le ministère de l’Economie quant à lui devrait travailler à l’élaboration d’une stratégie de résilience systémique au-delà de la crise.
En effet, les options stratégiques du Plan Sénégal Emergent ne renforcent pas notre résilience puisque ce sont des plans locaux dans la diversité qu’il aurait fallu et comme nous l’avons argumenté ailleurs, une économie basée sur des PMEs du secteur informel plus productives.
Sur le plan social cependant, nous aurions préféré comme nous le disions, un transfert de cash de 25000 FCFA à chaque sénégalais adulte ou les 6 millions ayant une carte d’identité pour un montant de 150 milliards. Un kit alimentaire assorti de paiements de factures est un plan de « résistance » spécifique et non de « résilience ». La résilience est le résultat de réactions diverses et appropriées à nos échelles individuelles et collectives contre des chocs et selon nos circonstances. Avec un transfert de cash, le montant par famille aurait ainsi varié et la dépense en fonction des besoins qui ne sont pas nécessairement des vivres de soudure, et aurait indirectement soulagé certains sénégalais dans la diaspora qui sont des soutiens de famille au Sénégal. L’effet macroéconomique aurait également été systémique et pas seulement dans le secteur de l’alimentation moins touché dans la conjoncture d’une économie au ralenti mais sans confinement. Le secteur informel au cœur de notre économie en aurait également davantage profité.
Le président de la République a néanmoins fait dans le compromis en tenant en compte des thèmes chers à son opposition : « mettre l’humain au cœur du développement » ou encore la « souveraineté alimentaire », mais la liberté à laquelle il a appelé pour que nous réalisions notre destin ne sera pas pour bientôt. En effet, nous ne partageons pas, en ce qui concerne le Sénégal, que notre dette bilatérale et multilatérale soit effacée, même si tel peut être le cas pour d’autres Etats africains fragiles.
Le Sénégal a dépassé ce stade et a argumenté que son endettement extérieur en devises de ces dernières années était nécessaire et bien utilisé pour une croissance future et du pétrole en perspective. Tel n’était pas le cas et nous avons encore la possibilité de changer de cap pour ne pas répéter l’histoire et effectivement réaliser notre destin dans la responsabilité sans tendre la main à autrui. Les bilatéraux représentent des peuples libres et dignes et nous voulons que nos enfants aspirent à la même chose. Les multilatéraux sont des banques dont nous nous aurons besoin dans le futur. L’appui que le FMI vient de nous octroyer dans un contexte où nous ne lui devions presque rien par les efforts du sénégalais lambda est un appui normal pour tous les pays du monde qui doit nous être disponible à nouveau demain. Seul un moratoire nous semble approprié pour le Sénégal, et encore, car ce dont nous avons besoin c’est de substituer la dette extérieure en devises en une dette en monnaie nationale détenue par des non-résidents investisseurs non bilatéraux et multilatéraux. Ces investisseurs ne prêtent pas à des Etats qui au moindre problème demandent des effacements de dettes du fait d’une mauvaise gestion en périodes favorables et sans les instruments de gestion macroéconomique, notamment la monnaie. En effet, ce ne sont pas des effacements de dettes qui sont sollicitées par les entreprises auprès de nos banques privées et à la BCEAO, mais bien des rééchelonnements et reports d'échéances.
Nous préférons également une révolution agricole à une souveraineté alimentaire. Une grande productivité agricole peut nous garantir la sécurité alimentaire sans passer par une politique d’autosuffisance alimentaire potentiellement inefficace. Pour ce faire, nous invitons nos autorités à mettre en œuvre une réforme foncière d’envergure dans le cadre d’un nouveau plan national d’aménagement du territoire et de plans locaux complémentaires.
En effet, la finalité de la production dans une économie monétaire et d’échange et non de subsistance n’est pas la consommation propre des producteurs (individuellement ou collectivement) mais la vente pour des revenus. La finalité est l’obtention de revenus pour pouvoir se procurer ce que l’on désire d’où que ça puisse provenir tout en garantissant la sécurité alimentaire. Dans cette perspective, il nous est même possible de garantir un revenu minimum à notre population rurale qui n’est pas obligée de travailler la terre qui continuera à lui appartenir, mais exploitable par des usufruitiers plus efficaces qui maitrisent les chaines de valeur. Nous l’avons argumenté dans notre contribution intitulée «Un Revenu Minimum Garanti pour une Révolution Agricole » qui inciterait nos agriculteurs dans leurs localités aux cultures vivrières à cycles courts.
Réalisons notre destin, réellement libres, après 60 ans d’indépendance. Cette liberté nous ne pourrons l’obtenir sans passer par l’épreuve du fer comme l’a dit le président de la République, donc celle de la rupture. Comme nous le disions à la veille de la présidentielle de 2019, « Optons pour un Sénégal qui prend son destin en main pour découvrir ce qu’est ce destin avec courage et foi ».
Ce destin nous ne pourrons le découvrir libres sans l’inclusion financière de notre population dans une monnaie compétitive dans le contexte d’un environnement de liberté économique et une décentralisation autonomisante et responsabilisante de pôles régionaux résilients et librement solidaires. Nous avons travaillé dans ce sens sur un projet novateur et structurant, l’avons exposé aux autorités monétaires qui n’ont pas émis d’objection (www.sofadel.com). Nous l’exposerons aux autorités et à la classe politique pour bâtir un consensus qui permettra à nos PMEs et nos collectivités locales de réaliser leur potentiel sans tendre la main à autrui.
Bonne fête de l’indépendance !
par Jean Pascal Corréa
LE COVID-19 NOUS PARLE, SOYONS CRÉATIFS ET INGÉNIEUX
Au-delà du coût sanitaire et des morts à déplorer, les tensions sociales à endiguer avec intelligence risquent de générer plus de conséquences à long terme que cette pandémie qui ne fait que nous rappeler une certitude : l’impréparation
La crise sanitaire que vit présentement le monde a grippé des pans entiers de nos manières d’être et de faire. L’angoisse collective se traduit par ailleurs par un questionnement intérieur, personnel, mais que partage chacun et chacune ; ce qui en fait une intériorité emplie d’échos et potentiellement handicapante collectivement. Un questionnement du présent et du futur. Les incertitudes du futur poussent d’ailleurs certains citoyens à, paradoxalement, projeter leurs angoisses au point de souhaiter que cet entre-deux perdure tant qu’il ne sera pas définie une perspective de mieux-être, tant que les gouvernants continueront à prétendre « tout » prendre en charge ; État-providence ou Leadership inconscient !
D’une manière ou d’une autre, le vent tournera. Il drainera des opportunités ou des menaces pour celles et ceux qui auront activé leurs cerveaux pour envisager l’après-covid-19 en toute conscience. Car, un après-covid-19 il y aura, et les trous budgétaires élargis par la pandémie seront nécessairement comblés – peu importe le rythme – par les nations, entendues dans le sens de État et tous les segments de la population, y compris les ménages et les contribuables individuels. Chacune et chacun devront en être conscients. Pour être pertinente, une soupape ne saurait rester béante sur un temps long. Cela implique que toutes les catégories d’acteurs économiques, culturels, sociaux, environnementaux et politiques se mettent d’ores et déjà à envisager les effets hic et nunc de la crise sanitaire et des mesures politico-économiques rapidement mises en place pour gérer la situation. Cela implique de composer avec les outils et les possibilités qu’offrent les technologies modernes et le numérique. Que ce soit pour (se) former, se soigner, accéder aux services de l’eau, de l’énergie ou de l’assainissement (secteurs sociaux), que ce soit pour produire (secteurs primaires et secondaires), pour communiquer, commercer, échanger, vendre des services (secteur tertiaire) ou pour réguler (Administration et institutions publiques). Il s’agit essentiellement de mobiliser et diriger nos énergies avec plus d’intelligence et de coordination.
Pour exemple, prenons ici un domaine beaucoup moins évident que les secteurs productifs : la culture. La vie culturelle est paralysée parce qu’il ne faut pas se rassembler. Pourtant, la culture, c’est le monde de l’imagination, de l’innovation, de l’étonnement, de l’effet recherché ou perçu, du ressenti. Que ce soit pour les différentes formes d’art, pour le théâtre, le cinéma, etc., des professionnels et des intermittents sont confinés, intellectuellement parlant, en attendant de retrouver un climat plus favorable à l’activité, l’expression et la production culturelles. Qu’est-ce qui empêche une troupe de théâtre d’effectuer ses répétitions à distance, chaque membre étant dans un cadre adapté aux circonstances, et avec la supervision directe du metteur en scène ? Et, une fois atteint le seuil de satisfaction, qu’est-ce qui empêche de réaliser les prises de vue avec les technologies informatiques et numériques, les smartphones ou les caméras go-pro étant de plus en plus démocratisés en Afrique ? Et voilà que le producteur pourra continuer à travailler avec son équipe, celle-ci devant être rémunérée pour vivre. Sauf à compter sur les subventions publiques ou à envoyer ses collaborateurs au chômage, tout en assumant la maintenance des équipements et autres moyens de production. Finalement, c’est le montage qui devient le principal challenge et, pour cela, je prétendrai volontiers que nous avons des milliers de jeunes prodiges qui se feraient le plaisir de déployer leurs talents et, à leur tour, de s’activer intellectuellement et de percevoir des revenus. Tout le monde y gagne, y compris l’État et la société. La vie n’est pas à l’arrêt. C’est notre cerveau que nous bloquons en indexant le Covid-19. Mais il est de passage. Et, au-delà du coût sanitaire et des morts à déplorer, les tensions sociales à prévoir et à endiguer avec intelligence risquent de générer plus de conséquences à long terme que cette pandémie qui ne fait que nous rappeler une certitude bien convenue : l’impréparation, de l’individu à l’État – en passant par les ménages culturellement dévêtus depuis deux à trois décennies –, et dans tous les pans de la vie sociale, économique, environnementale et politique, confirme pleinement les risques liés à la trajectoire d’avant Covid-19 vers des perspectives non soutenables. Il reste maintenant – à toi, à moi comme à l’État – à choisir la durabilité ou alors le scénario du laisser-faire (Business as usual) qui revient à laisser la société mourir à petit feu. Le confinement, c’est surtout une renonciation pour se tourner vers l’essentiel. Soyons ingénieux pour redéfinir une trajectoire optimale !