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29 avril 2025
Politique
«A L’AUNE DU ‘VIVRE EN PRESENCE DU VIRUS, LE COUVRE-FEU GARDE PEU DE PERTINENCE»
« Confiner Dakar et Touba serait une grave erreur politique », selon Dr Cheick Atab Badji à propos des nouvelles orientations gouvernementales pour stopper le virus
A la suite des nouvelles mesures d’assouplissement prises hier par les autorités, « Le Témoin » s’est entretenu avec l’analyste politique* Dr Cheick Atab Badji sur les nouvelles orientations gouvernementales pour stopper le virus. Il apporte des éclairages sur la pertinence ou non du couvre-feu dans le contexte de soulèvements, l’importance de laisser les enseignants rejoindre les classes et aussi les stratégies, caduques selon lui, qu’utiliserait toujours le ministère de la Santé et de l’Action sociale pour communiquer. Entretien.
Le Témoin - Dr, quelle est la pertinence d’un couvre-feu nocturne aujourd’hui dans le contexte actuel (de crise sanitaire) marqué avec le début de soulèvements des populations ?
Dr Cheikh Atab Badji : En termes d’action politique, il est toujours important d’analyser l’action publique sous trois niveaux : la pertinence, l’opportunité et l’efficacité. Autrement dit, la bonne décision à la bonne heure pour le bon résultat. Nous préférons aborder la question sous ces angles. Du point de vue pertinence dans l’absolu, le couvre-feu peut avoir une certaine plus-value dans la lutte contre une épidémie car, en matière de contamination, l’élimination d’une quelconque occasion de contact prolongé ou de source n’est jamais de trop. Or, un seul contact peut avoir des conséquences plus ravageuses que plusieurs autres. L’apport du couvre-feu dans la rupture des chaines de contaminations n’est certes pas nul. En effet, on semble oublier la qualité des contacts et des rencontres qui se font entre vingt heures et zéro heure, d’une part, et au-delà à travers les différents spectacles nocturnes où parler de distanciation sociale, une des mesures barrières phares, relève tout simplement de l’illusion. Mais cela dit, la pertinence est contextodépendante. Or le contexte actuel s’inscrit dans une philosophie politique qui revendique de « vivre en présence du virus ». sous ce registre, le couvre-feu garde peu de pertinence. Ce d’autant moins qu’au-delà de 23 heures, l’essentiel des contacts à risque que constituent les spectacles est proscrit par l’état urgence toujours en vigueur. Ce qui lui ôte déjà, au couvre-feu, le peu de pertinence qu’il avait d’autant plus qu’il va continuer à mobiliser beaucoup d’énergie à travers les ressources humaines et matérielles mobilisées dans les différentes opérations nocturnes. Du point de vue opportunité, il s’agit non pas de parler de l’opportunité du couvre-feu mais plutôt de l’opportunité de son maintien. si son instauration était déjà presque une attente sociale pour ne pas dire une demande, force est de préciser que son maintien à ce jour ne semble pas avoir la même aubaine. Pire, les dernières manifestations donnent l’impression de passer d’un couvre-feu à un « couve-feu ». Ce feu qui couve doit être pris très au sérieux et peut s’expliquer par l’usure, aussi par le contexte climatique actuel marqué par la chaleur, notre type d’habitat pas toujours propice au confinement nocturne intra domiciliaire parfois difficile du fait de la densité humaine domiciliaire et aussi par la réalité épidémiologique qui est loin d’être celle qui était prévue. A ce propos, il est important de préciser que l’ampleur d’une pathologie ne se mesure pas forcément par le nombre absolu de cas mais surtout par la prévalence, entre autres, c’est-à-dire le nombre rapporté à la population donnée. En définitive, de mon point de vue, l’enjeu politique majeur, ce n’est pas de faire sortir immédiatement la maladie covid du pays mais de sortir immédiatement le pays de l’épidémie covid. Pour ce faire, le focus doit être mis sur la responsabilisation individuelle et les enjeux collectifs. Lesquels sont surtout économico-sanitaires et non pas forcément médicaux.
Dakar et Touba demeurent les zones les plus touchées par la pandémie. Pour barrer la route à la propagation, l’idéal ne serait-il pas un confinement total de ces deux villes ?
Un confinement total pour ces deux villes et un confinement total dans ces deux villes me paraissent deux choses différentes. Dans tous les cas, je ne suis pas un adepte du confinement total. Il est illusoire d’en faire un recours pour barrer la route à la propagation du virus. Dans l’état actuel de la lutte contre la pandémie que l’on dit être à sa phase communautaire, confiner ces deux villes serait une grave erreur politique. La plus grosse difficulté de la lutte à cette phase actuelle précisément, c’est la stigmatisation. Or, cette stigmatisation géographique est extrêmement désastreuse. Elle cible à la fois la zone et les communautés de la zone et peut être à l’origine d’une fracture sociale sans précèdent et aux conséquences incalculables. Encore une fois, le vrai problème, ce n’est pas l’ampleur, mais c’est plus la gravité qui, en santé publique, se mesure en termes de mortalité et de morbidité, entre autres.
Quelles sont les limites d’un confinement total ? Quelle stratégie proposez-vous à la place ?
Si confinement total veut dire confinement domiciliaire permanent tel qu’il été appliqué un peu partout dans le monde, ses limites dans notre contexte me paraissent toutes simplement évidentes. Je n’insisterai même pas sur les désastres économiques. Evalué ailleurs où il s’est juste imposé sous la seule contrainte de la saturation du dispositif et l’absence de contrôle de la tournure épidémiologique, le résultat n’est pas plus reluisant même si on nous force à croire le contraire. Le salut collectif passe nécessairement par un changement de comportement individuel. Pour moi, c’est là le combat. C’est le bon port obligatoire des masques et la définition des mesures barrières spécifiques à côté des mesures standards. Tout le monde doit être considéré comme porteur sain positif jusqu’à preuve du contraire, que l’on soit dans une zone désignée à prévalence élevée ou faible. Nous devons éviter le piège de ce bataillon de porteurs asymptomatiques non dépistés qui pourraient bien faire mal là et quand on s’y attend le moins. Mon point de vue personnel, c’est qu’un confinement total a une situation précise où il peut être utile et beaucoup d’autres situations où il ne peut faire que du mal. Surtout, répétons-le, s’il y a un facteur qui s’appelle porteur sain asymptomatique et contagieux. Par ailleurs, il reste un facteur générateur de stigmatisation à l’étape actuelle de la lutte et nous en vivons les effets délétères. Sans parler des effets de la sédentarisation, facteur de risque.
Selon vous, quelle est la meilleure stratégie à mettre en place pour s’adapter à la nouvelle décision du président Macky Sall ?
Dès lors que la nouvelle orientation va dans le sens d’ « apprendre à vivre en présence du virus», de mon point de vue, notre nouvelle stratégie doit être à l’image du virus. Ce virus est intelligent donc nous devons nécessairement développer une nouvelle intelligence collective pour ne pas dire communautaire. Nous devons rompre avec les solutions mécaniques et classiques. Personnellement, le constat que j’ai fait c’est que la Covid 19 est une donne nouvelle face à laquelle des réponses classiques sont en train d’être proposées. Ces réponses classiques sont grossièrement les mêmes que dans les problèmes de santé publique jusqu’ici connus (lutte contre la mortalité maternelle, paludisme, hiv, MGF…) avec une politique de ciblage s’orientant vers une conception plutôt sociale et géographique des communautés, moins professionnelle. Or, la dimension professionnelle doit en être la base conceptuelle. Ainsi la communauté commence, ici comme ailleurs, à la porte du bureau du président, englobe le personnel de la présidence, la communauté universitaire dans sa diversité structurelle et dans son commerce, la communauté scolaire, les transporteurs, les communautés géographiques lointaines....
Les acteurs communautaires ne sont plus les relais classiques (dont la méthode est antinomique à la philosophie covid qui ne s’accommode pas des visites à domicile et autres regroupements physiques) mais non moins autres que le Président lui-même vis à vis de son staff et comme vecteur puissant de message, les ministres, DG, chefs de service et d’entreprise dans leur communautés professionnelles, les personnels d’antenne et de clavier des média de par leur puissant pouvoir de s’inviter à l’intérieur des foyers, le professeur d’université, de lycée, l’instituteur dans leur rapport avec la communauté des apprenants qui vont être à leur tour des relais puissants par rapport à la cellule de base de la communauté qu’est la famille indépendamment de l’intrusion de tiers. …. bref, cette multi-diversité (pour ne pas parler de diversité dans la diversité) fait qu’en approche Promotion de la santé, on est en Intervention dite Complexe. Le salut collectif ne peut être que le fruit de l’empowment, stade ultime de l’engagement communautaire. Reste le problème de l’identification DU problème et du diagnostic communautaire. Pas des problèmes mais du problème, car, après la caractérisation de la méthode et des acteurs, c’est là que tout va se jouer!
Est-il réaliste, face à la propagation du virus, de rouvrir les écoles surtout avec la persistance des cas communautaires ?
Il est important de préciser que la première phase de l’épidémie était dominée par la question de l’inconnu. Il ne fallait pas engager les communautés dans l’inconnu et c’est qui justifiait les mesures politiques conservatoires, entre autre la fermeture des écoles et la mise en avant des cliniciens un peu partout dans le monde. Ce le temps d’avoir le visage épidémiologique de «l’assaillant» ; question aujourd’hui plus ou moins dépassée. Maintenant, il se pose le concours des communautés à travers de nouveaux acteurs. Communautés non pas dans son approche classique mais dans sa dimension la plus complète notamment sociale et professionnelle (pour ne pas dire au sens OMs du terme). Mon avis personnel, c’est que la bataille communautaire ne peut pas se gagner sans les enseignants. Ils restent les véritables soldats de cette phase communautaire car une lutte intelligente se gagne avec l’arme du savoir et en tant que relais dans la transmission du savoir ayant comme cible privilégiée les apprenants. L’intervention des enseignants va impacter directement dans les foyers à travers les enfants, les élèves qui sont ainsi être les porteurs de messages auprès de leurs parents et grands-parents. Mais pour ce faire, ils ont besoin d’être pourvus de tout l’arsenal matériel et moral nécessaire pour la réalisation de cette mission. Personnellement, je ne suis pas dans la logique des cas communautaires. Je suis dans une logique que tout sujet est un cas potentiel. A propos des cas communautaires, ceux qui ne savent pas celui qui les a contaminés, doivent savoir que c’est…la communauté. Le vrai cas communautaire, c’est la communauté. Et c’est même malheureux de constater que la communauté, au regard des derniers délires notamment vis à vis des décès communautaires de Covid, est tout simplement devenue un « cas grave ».
Entretien réalisé par Samba DIAMANKA
* Il est lauréat en Promotion de la Santé/Health Promotion, MBA en Science Politique, Géostratégie et Relations Internationales/ Political Science, Geostrategy and International Relationship, Analyste de politique, offre politique, biopolitique et Géostratégie de la santé mondiale/ Policy, biopolitic and Global Health Geostrategy analyst…
Par Vieux SAVANÉ
RELIRE JAMES BALDWIN
Il y a quelque chose de terrible qui consiste à voir comme un système qui se construit sur une division raciale qui cantonne les uns dans la sphère de l’infériorité et les autres dans celle de la supériorité
C’était en août 1960, James Baldwin raconte son « voyage dans le chaos de Tallahasse (Floride). Il était le seul noir parmi les passagers de cette « journée ensoleillée, oppressante ». A l’arrivée, l’autre noir aperçu, était un chauffeur, tenant en laisse un petit chien, à la rencontre de sa patronne blanche. Une femme assez âgée, manifestement « enchantée de revoir les deux êtres qui rendent sa vie agréable ». En la servant avec toute la docilité que l’on peut imaginer. Et Baldwin de dire qu’elle se dirigeait vers son chauffeur, le visage illuminé par un sourire rayonnant comme lorsqu’on va à la rencontre de bras amis. Et Baldwin tout à ses pensées de se dire : « si un tel sourire m’était adressé, je lui serrerais la main ».
Toutefois, la lucidité en bandoulière, il n’a pu s’empêcher d’anticiper la probable réaction de la dame. « A peine aurai-je tendu la main », dit-il que « la panique, la confusion et l’horreur envahiraient ce visage, l’atmosphère deviendrait sombre, et le danger, voire la menace de mort, aussitôt planerait dans l’air ». La scène se passait dans le sud des Etats Unis. Et c’était cela le Sud. Esclavagiste, ségrégationniste et raciste, il reposait, dans ces années-là, sur « de tels petits signes et symboles ». Et les transgresser faisait courir un risque de déstabilisation de l’ordre coutumier. Provenant du Nord, Baldwin découvrait dans cette partie du pays une spécificité qui s’était sédimentée autour d’un « mode de vie entièrement fondé sur le mythe de l’infériorité noire ». Ce qui faisait affirmer à James Baldwin, en 1963 déjà, qu’il y avait en Amérique «d’immenses réserves d’amertume qui n’ont jamais réussi à trouver d’exutoire ».
Ajoutant, comme une inéluctabilité enserrée dans un espace qui ne leur laissait aucun choix, qu’elles « le pourraient bientôt». Il se trouve justement que ces réserves d’amertume ont été, par petites couches, accumulées par le biais de l’éducation. Et dans l’Amérique esclavagiste, ségrégationniste de l’époque, il s’agissait de faire en sorte que, noirs et blancs, « chacun reste à sa place ». Une place construite méthodiquement par l’éducation dont l’objectif, faisait observer Baldwin, est de « donner les moyens à un individu de savoir regarder le monde par lui-même, de prendre ses décisions ». Ce qui implique une capacité d’autonomie, de liberté qui se démarque de toute emprise, de tout contrôle possible. Parce qu’il en devinait toute la charge déstabilisatrice, Baldwin de préciser aussitôt qu’ « aucune société n’a très envie de ce genre d’individus en son sein ». Idéalement, faisait-il remarquer, les sociétés veulent « des citoyens qui, simplement obéissent aux règles de la société ». Ainsi raconte-t-il un de ses séjours à Montgomery, au moment où un décret fédéral avait déclaré illégale la ségrégation dans les bus, une scène qui en dit long sur le façonnage des gens. Il était monté dans un bus pour y observer des scènes de vie. Les passagers noirs s’asseyaient comme ils voulaient, « jamais tout au fond ».
Et voilà qu’une femme noire, robuste, chargée de paquets vient s’installer devant, juste derrière le conducteur. Baldwin de raconter : « les Blancs, sous leur froideur hostile, étaient déconcertés et profondément blessés. Ils se sentaient trahis par les Noirs, parce que ceux-ci avaient refusé non seulement de rester à leur « place », mais également de demeurer fidèles à l’image que la ville avait d’eux ». Ce n’était pas sans conséquence en effet, disséquant avec finesse la psychologie qui les habitait, il voyait bien que « les Blancs, brutalement, se retrouvaient complétement perdus ». Et qui plus est « les fondations mêmes de leurs univers privé et public s’effondraient ». C’était comme si le ciel leur tombait sur la tête. Comment s’en étonner si l’on sait, comme le souligne Baldwin que dans le but « de justifier le fait que l’on traitait des hommes comme des animaux, la République blanche s’est lavé le cerveau afin de des persuader qu’ils étaient effectivement des animaux et méritaient d’être traités comme tels ». Que les pièces bougent alors, « dès lors qu’il se croit un homme, il commence à mettre à mal l’ensemble de la structure du pouvoir ». C’est pour cette raison, soulignait avec force Baldwin que « l’Amérique a passé tant de temps à maintenir l’homme noir à sa place ».
NOUVELLE IDENTITÉ
Il y a quelque chose de terrible qui consiste à voir comme un système qui se construit sur une division raciale qui cantonne les uns dans la sphère de l’infériorité et les autres dans celle de la supériorité. Et surtout, qui travaille par le biais de ses schèmes éducationnels, à formater les esprits des uns et des autres dans l’acception, ou plus encore, dans l’intériorisation de modes d’être et de faire façonnés par les « maitres » et proposés comme une évidence. Ce faisant, dans l’esprit du «Pauvre Blanc », homme ou femme il y avait au moins la consolation, aussi difficile que puisse être son existence, aussi terrible le malheur qui s’abat sur lui, de savoir qu’il n’est pas noir. Parlant de la police, Baldwin la cernait comme un « ennemi employé par le gouvernement ». A ses yeux, « révélation céleste », son « unique fonction », c’est d’être « là pour maintenir le Noir à sa place et protéger les intérêts commerciaux des Blancs » « Révélation céleste ». Et c’est tout cela que Baldwin tente de déconstruire. Il était effaré de constater que « ce qui passe pour identité en Amérique est une série de mythes au sujet de nos ancêtres héroïques », avec tant de gens à croire qu’elle avait été « fondée par une bande de héros qui voulaient être libres ».
Toute autre est la vérité : « un certain nombre de personnes ont quitté l’Europe parce qu’elles ne pouvaient plus y rester et étaient obligées d’aller ailleurs pour survivre. C’est tout. C’était des crève-la-faim, des pauvres, des repris de justice. Les Anglais jouissant d’une certaine prospérité par exemple, ne sont pas montés à bord du May flower. C’est bien ainsi que le pays a été peuplé. Pas par Gary Cooper ». Aussi avait-il averti : « Tant que nous , Américains , n’aurons pas accepté le fait que mes ancêtres soient à la fois noirs et blancs, que sur ce continent nous tentions de construire une nouvelle identité, que nous ayons besoin les uns des autres, que je ne sois pas un pupille de l’Amérique ni un objet de charité missionnaire, mais une des personnes qui ont construit ce pays-tant que ce moment ne sera pas arrivé, le rêve américain a peu d’espoir de se concrétiser». Et c’est ce qui dit tout le drame qui se joue en ce moment à travers ces grands mouvements protestataires qui enflamment les Etats unis. Baldwin avait bien perçu que le défi est d’arriver à construire une société post raciale, celle d’identités plurielles et en mouvement.
COMME UN DÎNER D’ADIEU (L'INTÉGRALE)
EXCLUSIF SENEPLUS - Après l'avoir diffusée en série de quatre épisodes ces dernières semaines, nous publions en guise d'épilogue, l'intégralité de cette fiction inédite de Boubacar Boris Diop, inspirée des attaques de Charlie Hebdo en 2015
Il était presque deux heures de l’après-midi. Dembo Diatta avait consacré une bonne partie de la matinée à faire mettre en boîte de nombreux ouvrages sur le théâtre achetés dans la librairie où il se rendait régulièrement lors de ses brefs et fréquents séjours à Paris. C’était le moment de rentrer à son petit hôtel de la rue Mélusine, dans le onzième, et il hésitait : prendre le bus 84 ou appeler un taxi ? Il lui restait un peu d’argent mais en plus d’avoir donné rendez-vous en début de soirée à Chris et Muriel Carpentier, un couple d’amis, Dembo commençait à se sentir fatigué. Il faut dire aussi qu’il venait de tomber dans un café du voisinage sur un copain de fac perdu de vue depuis bientôt deux décennies. À l’université de Dakar, Mambaye Cissé s’était fait, très jeune, une réputation de mathématicien de génie et on lui prédisait une carrière scientifique hors normes avec, à la clé, un théorème à son nom ou quelque chose du genre. Mais le malheur avait dû s’abattre sur lui sans crier gare car il n’était visiblement plus bien dans sa tête. Mal rasé, le visage et le cou balafrés, il ne lui restait presque plus une seule dent ; ses mains tremblaient sans arrêt et son haleine puait l’alcool. Montrant à Dembo Diatta des bancs de poisson sur son Ipad, il avait déclaré :
Ce que tu vois ici, c’est la fameuse danse d’amour des mérous marbrés.
Dembo avait froncé les sourcils et Mambaye s’était alors mis en devoir de lui expliquer les images en les faisant défiler une à une :
Tu sais, Dembo, ça c’est le plus grand mystère biologique de tous les temps. Chaque année, exactement à la même date, ces mérous convergent par centaines de milliers vers l’Archipel des Tuamotu, sur l’atoll des Fakarava et là, ils attendent la nuit de la pleine lune pour copuler en masse. En masse, mon frère ! Et ils ne copulent que pendant cette nuit-là !
Puis Mambaye avait conclu son propos sur un rêveur et triomphal : « C’est fort, hein, l’instinct ! »
Après avoir été saoulé pendant deux heures de paroles sans queue ni tête, Dembo Diatta n’avait d’autre envie que de reprendre ses esprits. Au final, donc, pas question de trimballer ses caisses de bouquins dans les transports publics, bus ou métro, sous les yeux narquois ou irrités des Parisiens.
Debout sur le trottoir, il composa le numéro d’une compagnie de taxis.
Avec un peu de chance, il tomberait sur un « bon taximan ». Dans l’esprit de Dembo, cela voulait dire un de ces conducteurs pleins de gaieté et de faconde, prompts à faire croire à chaque client qu’il était un vieux pote à qui on ne cache rien. Ah ça oui, il aimait cette convivialité, surgie de nulle part, entre un éphémère compagnon de voyage et lui-même. Il se souvint de s’être un jour extirpé à contrecœur de son siège au moment de se séparer d’un taximan qui lui avait littéralement mis le crâne sens dessus-dessous. Agrippé à son volant, le jeune homme crachait son venin philosophique à tout va mais en des termes si crus et bien sentis que Dembo Diatta, dramaturge connu – à défaut d’être follement talentueux, soit dit sans méchanceté - caressa l’idée d’un sketch comique qu’il intitulerait Taximan, tu es vraiment grave ! Son petit joyau théâtral serait, pensait-il, une épique traversée de la ville, à la fois joyeuse et vaguement désespérée, ponctuée de charges verbales meurtrières contre, en vrac, la racaille politicienne de son pays, le numéro 10 de l’équipe nationale de foot, expert, celui-là, dans l’art de rater les penaltys de la dernière chance et, bien entendu, les juges hautement farfelus de la Cour Pénale Internationale.
Ce qui avait souvent impressionné Dembo, c’est que personne ne pouvait résister à un taximan décidé à vous imposer sa conversation. Ces gens étaient décidément trop forts, ce n’était juste pas possible de leur tenir tête. Il en savait quelque chose pour avoir maintes fois essayé, en vain, de les ignorer. Selon un scenario quasi immuable, il faisait au début de courtes et sèches réponses à toutes les questions du chauffeur mais finissait vite par rendre les armes, s’excitant même parfois plus que de raison.
Grand voyageur devant l’Eternel et fin observateur des confuses mégalopoles modernes, Dembo Diatta avait d’ailleurs remarqué que l’on ne pouvait non plus rien faire quand, rongé par on ne sait quelle rage intime, l’œil mauvais, le bonhomme choisissait de vous ignorer, vous faisant bien sentir que, calé au fond de son taxi, vous n’étiez qu’un vulgaire paquet qu’il lui fallait bien transporter pour faire bouillir la marmite. Dembo Diatta avait plusieurs fois tenté de briser la glace, à vrai dire moins par intérêt que pour confirmer ses audacieuses hypothèses de recherche sur les mœurs des taximen dans les villes surpeuplées et au bord de la crise de nerfs. Ca n’avait jamais marché. L’autre restait de marbre avec l’air de grogner dans sa barbe cause toujours mon gars, tu m’intéresses, qu’est-ce que tu t’imagines donc, qu’avec ma putain de vie je vais en plus faire le mariole pour tous les enfoirés qui entrent dans cette bagnole ?
Et ce jour-là, 7 janvier 2015, Dembo Diatta n’avait guère eu plus de chance.
Mais ce n’était pas un jour comme les autres.
En milieu de matinée, deux jeunes gens, les frères Chérif et Saïd Kouachi, avaient fait irruption avec leurs kalachnikov dans les locaux de Charlie Hebdo et exécuté l’un après l’autre une dizaine de journalistes. Dembo Diatta était sans doute une des rares personnes à Paris et peut-être même dans le monde à n’avoir pas encore appris la nouvelle.
Une drôle de journée, en vérité. Il s’en souvient jusque dans les moindres détails.
A peine installé dans le taxi, une Volvo grisâtre et aux formes arrondies, il entend la radio de bord revenir, sans doute pour la centième fois, sur l’attentat du 10, rue Nicolas-Appert. De leur voix saccadée, les journalistes multiplient les interrogations pour tenir l’auditoire en haleine : qui a bien pu faire le coup ? Al-Qaida dans la Péninsule Arabique ou L’Etat islamique ? Est-il vrai que Wolinski et Cabu sont parmi les victimes ? Malgré sa stupéfaction, Dembo note mentalement que la mort de ces deux célèbres dessinateurs serait pour tout le pays comme une circonstance aggravante, un deuil dans le deuil, en quelque sorte. Wolinski. Cabu. Leurs noms reviennent tout le temps et, même s’il sait bien que cette histoire n’est tout de même pas la sienne, Dembo Diatta comprend et partage l’angoisse ambiante. Certes, n’ayant jamais vécu en France, il n’avait jamais eu non plus un numéro de Charlie Hebdo entre les mains. Il avait cependant souvent croisé les caricatures de Cabu et de Wolinski dans d’autres journaux et il les avait toujours trouvées à la fois féroces et d’une mystérieuse tendresse à l’égard de ceux qu’ils croquaient. Dembo Diatta n’avait pas envie d’apprendre qu’ils avaient été froidement abattus. C’aurait été comme autant de coups de feu sur les petits sourires amusés et les hochements de tête admiratifs qu’ils avaient réussi à lui arracher de loin en loin au fil des ans.
Il en était là de ses nostalgiques cogitations quand un reporter appela le studio pour faire le point des événements. Tout semblait aller très vite et Dembo Diatta crut percevoir une indéfinissable jouissance, une intense jubilation même, chez tous ces journalistes qui se succédaient à l’antenne. D’avoir pensé cela lui fit toutefois éprouver un peu de honte. Loin de lui toute intention de juger qui que ce soit. « Mais tout de même, se dit-il, ces catastrophes collectives, les gens qui ont eu la chance d’y survivre sont rarement aussi malheureux qu’ils essaient de le faire croire. »
Dembo Diatta avait beau essayer de garder une distance secrètement ironique avec tout ce tohu-bohu, cela restait malgré tout une journée spéciale. Et puis voilà, le hasard l’avait placé au cœur de cette histoire.
Alors qu’il ne prenait presque jamais l’initiative d’une conversation avec un inconnu, il eut une envie irrépressible de dire quelque chose au taximan. Faisant fi de son air maussade, il lui lança en se trémoussant sur son siège : « Ho là là ! C’est quoi, ce qu’ils racontent à la radio ? Ils sont complètement mabouls, ces types ! » Tout le monde parle ainsi, par prudence, dans de telles circonstances. Une petite phrase munie d’un parachute, consensuelle mais bien énigmatique, à y regarder de plus près. L’autre lui jeta un rapide regard dans le rétroviseur puis fit comme s’il ne l’avait pas entendu. Le taximan était, comme on dit là-bas, un jeune « issu de la diversité ». Cette façon bien entortillée de ne pas savoir quoi dire des gens, dans quelle cagibi coincer leur âme, avait toujours amusé Dembo. Il sourit intérieurement : « Leur société est assez compliquée, quand même, mais faut pas se moquer, j’imagine que tout ça, des racines qui poussent de partout, sauvagement en somme, ça ne doit pas être facile à vivre tous les jours. » D’ailleurs, n’avait-il pas secrètement cru, lui-même, que du seul fait de leur histoire plus ou moins commune le chauffeur de taxi et lui ne pouvaient que fraterniser, surtout en une occasion pareille ? Qu’ils allaient, après avoir déploré le carnage (‘’Wallaay, mon frère tu as raison, çan’est pas bien de verser comme çale sang des innocents, chez nous la vie humaine est sacrée même s’ils passent tout leur temps à nous traiter de barbares !’’) dériver peu à peu vers des propos moins consensuels (‘’Paix à leur âme mais ils l’ont bien cherché, ces provocateurs, par Allah, la vérité ne peut pas être le mensonge !’’) Dembo voyait bien le gars pronostiquer avec gourmandise de nouveaux carnages (‘‘Et c’est pas fini, mon frère, wallaay c’est pas fini, je les connais ces jeunes !’) avant de se lâcher enfin complètement (‘’Que voulez-vous, mon cher cousin ? Quand tu colonises et quand tu tues pendant des siècles, il y a le boomerang après, boum, c’est scientifique, ça !’’)
Mais avec ce taximan-là, rien ne se passa comme espéré. Dembo et son compagnon de voyage furent bien plus près d’en venir aux mains que se défouler gaiement sur les colonialistes de tous poils. Rue Mélusine, le type ne daigna même pas l’aider à poser ses deux caisses de livres sur le trottoir. Pour se venger, Dembo ne lui donna pas de pourboire et s’engouffra dans l’hôtel en laissant volontairement ouverte la portière de la voiture. De la réception, il entendit le chauffeur la faire claquer violemment, en le traitant sans doute de fils de pute. Tout cela était bien puéril mais ce n’était pas la première fois que Dembo Diatta se comportait de façon aussi stupide à Paris. Cette ville avait le don de le mettre hors de lui pour un oui ou un non.
Le hall du Galileo était silencieux. Ce n’était pas un de ces hôtels où des employés stylés et alertes, parfois plus raffinés que leurs clients, vont et viennent, s’emparent prestement de vos valises et vous dirigent vers quelque collègue à l’affût derrière son comptoir. Au Galileo, au contraire, on ignorait le client, supposé savoir quand même se débrouiller tout seul, comme un grand, et en quelque sorte puni de ne pouvoir se payer un hôtel moins merdique.
Aussitôt étendu sur le lit, il fit le tour de ses chaînes de télé favorites. Toutes passaient en boucle l’image du policier Ahmet Merabet exécuté en pleine rue. Elles insistaient aussi, curieusement, sur le fait suivant : le tueur ne s’était même pas arrêté. Un brave père de famille tué d’une balle dans la tête, juste comme ça, en passant. Chaque fois qu’il revoyait la scène, Dembo Diatta, troublé par le geste absurde de la victime implorant la pitié de son bourreau, se demandait ce qui peut bien se bousculer dans la tête d’un être humain à la seconde même où il sait que pour lui tout va brutalement s’arrêter. C’était à la fois trop dur et trop con, tout cela.
Et puis il y avait dans toutes les émissions spéciales ces intellos aux airs importants qui défilaient pour analyser, fustiger, témoigner, rendre hommage, menacer, etc.
Tous ces énergumènes étaient payés pour parler et ils le faisaient à tort et à travers, jusqu'à l’écœurement. La vox populi médiatique, en somme. Et les autres, les citoyens ordinaires ? Eh bien, ils écoutaient et les âneries qu’ils entendaient allaient se transformer peu à peu dans leur cerveau, selon un implacable et mystérieux processus, en opinions fermes et claires, hardiment assumées. Aussitôt après s’être dit cela, Dembo Diatta, toujours scrupuleux, se rectifia : « Non, pas tous, bien sûr. Mais bien l’immense majorité du bon peuple…» Le visage fermé du jeune taximan remonta à sa mémoire et il eut un brusque geste d’irritation. Au cours de ses années d’errance de par le monde, d’un colloque à Amsterdam sur le théâtre africain à un atelier sur les techniques du mime au Kenya, il n’en finissait pas de boitiller sous le poids de mesquines querelles, bien souvent avec des inconnus simplement incapables de supporter la couleur de sa peau. Cette histoire avec le taximan était une nouvelle bataille de perdue et il aurait bien voulu retrouver le bonhomme pour lui apprendre à vivre. Mais pouvait-il lui reprocher son refus obstiné d’ouvrir la bouche ? Le grand trou de silence au cœur de la ville, ce mélancolique jeune homme ne l’avait tout de même pas creusé tout seul. La liberté d’expression, c’est bien beau, mais à quoi ça sert, vraiment, quand personne n’a juste rien à dire ? Dembo Diatta comprenait bien que dans des situations aussi complexes chacun finisse, pour le repos de son esprit, par s’en remettre à la nouvelle race de griots, détenteurs de la parole vraie et seule source du savoir. Et ces derniers disaient sur un ton posé, qui cachait mal une sourde colère, que quelque chose de colossal était en route et qu’il fallait hélas s’y préparer. La survie de la nation. Le legs des ancêtres. ‘’Oui, ça peut paraître ringard et je suis le premier surpris par mes propres mots mais l’heure est grave, ne perdons pas du temps à finasser !’’ Nos valeurs sacrées. Nous autres, l’ultime refuge de l’Esprit humain : osons enfin le dire, c’est si évident, ne soyons pas hypocrites. De tels propos, souvent entendus bien avant cette affaire, lui avaient toujours fait peur. Et si c’étaient là les petits accès de rage et de folie menant tout droit, le cœur en fête, aux grandes boucheries de l’histoire humaine ? « Il y a quelque part, songea Dembo, des types puissants pour qui nous les êtres vivants ne sommes que des lignes fines et sombres virevoltant et se croisant à l’infini sur un globe lumineux. Que l’heure vienne, pour les Maitres occultes du monde, d’éliminer ces p’tites choses-là, les humains, ils le feront sans même y penser, comme un prof efface du tableau noir sa leçon de la veille. Et ces fous au cœur froid, leur pouvoir est devenu quasi illimité grâce à la science. » De l’avis de Dembo, contrairement à une idée répandue, les nouvelles technologies de la communication, et en particulier les réseaux sociaux, servaient bien plus les desseins des Etats et de groupes violents tapis dans l’ombre que le désir de liberté de Monsieur-Tout-Le-Monde. Rien de tel, pour ferrer ce dernier, qu’une avalanche d’informations se succédant à un rythme d’enfer ! A-t-il du mal à savoir quoi en faire ? Peu importe. On va s’en charger pour lui. Quelle officine avait, par exemple, concocté le slogan Je suis Charlie ? Il s’étalait partout, du haut en bas des immeubles parisiens et jusque sur les panneaux lumineux le long des autoroutes. Pour Dembo, il y avait quelque chose de bizarre dans cette façon de déclarer en se frappant la poitrine comme un gamin : moi, je suis quelqu’un de bien, je veux d’un monde où personne ne sera jeté en prison pour un article de presse ni immolé en combinaison orange-Guantanamo dans une cage en fer. Par association d’idées, Dembo Diatta se souvint d’avoir lu au « Musée de l’Holocauste » à Washington le mot d’un poète allemand : « Celui qui commence à brûler des livres finira tôt ou tard par brûler des êtres humains. » Ce n’était peut-être pas la phrase exacte de Heinrich Heine mais c’était bien le sens de ses propos. Et il savait bien que les tueurs de ce 7 janvier et leurs lointains inspirateurs détestaient plus que tout le théâtre, sa raison de vivre à lui, Dembo Diatta. En plus de tout cela, il continuait à se sentir en complicité intellectuelle avec au moins deux de leurs victimes. La mort brutale, le matin même, de Cabu et Wolinski, c’était comme une affaire personnelle, en tragique résonance avec sa mémoire et sa jeunesse estudiantine, presque comme le décès de proches.
Allait-il pour autant se fondre dans le troupeau et se mettre à bêler ce Je suis Charlie inepte et racoleur ? Non, les choses ne pouvaient pas être aussi simples. Il avait du mal à comprendre l’engouement soudain de millions de gens pour la pensée unique au moment même où ils s’imaginaient agir ainsi, parfois sincèrement, au nom de la liberté de conscience et du respect de la diversité des opinions.
Deux mots vinrent à l’esprit de Dembo. Naïveté. Cynisme. Il n’aimait ni l’un ni l’autre. Et Dembo Diatta savait très bien quel épisode de sa modeste carrière littéraire avait fini par le rendre aussi suspicieux et, ricanaient certains dans son dos, quasi paranoïaque.
Cet épisode mérite que l’on s’y arrête.
S’étant mis en tête un jour d’écrire enfin une «pièce totale», il avait décidé de tout faire pour mieux comprendre, concrètement et du dedans pour ainsi dire, les guerres, attentats-suicide et insurrections populaires devenus si banals que plus personne n’y prête, aujourd’hui encore, attention. Il lui importait par-dessus tout de clouer le bec par son futur grand’œuvre à tous ceux qui voyaient en lui, sans jamais oser le dire ouvertement, un écrivain mineur, juste bon à s’attirer les vivats d’un public ignare par de grossiers appels du pied scéniques.
L’expérience faillit le rendre fou.
Il faut aussi dire que, comme à son habitude, Dembo Diatta n’avait pas fait les choses à moitié. Lui qui jusque-là ne s’était intéressé qu’aux pages sportives des journaux, se mit en devoir d’éplucher de gros ouvrages et des documents en ligne sur l’Irak, la Somalie, le Soudan, l’Afghanistan et le Mali. D’un naturel obstiné et méticuleux, il notait tout et ne rechignait à aucun travail de vérification. D’après ce qu’il avait cru comprendre, et c’était là un point essentiel de sa démarche, seuls les fomenteurs de guerres, les marchands d’armes, les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux. Et ils étaient aussi les seuls à avoir une idée plus ou moins nette de ce que serait dans cinquante ans la terre des hommes. Dembo s’efforça donc de faire comme eux, de se délester de tout romantisme et de ne jamais bondir d’un désastre humanitaire ou d’une guerre civile à une autre. Il y avait forcément un lien entre toutes ces catastrophes, comme entre les soixante-quatre pièces d’un échiquier. Même entre la Côte d’Ivoire et l’Ukraine ? lui lançait-on. « Pourquoi pas ? rétorquait-il aux railleurs, moi je ne peux rien écarter à l’avance.» Soyons franc : parfois, oui, Dembo – qui se disait en outre fasciné par « l’immense silence de la Chine » - poussait le bouchon de la suspicion un peu loin. Du reste, ses amis jugeaient suspecte sa brusque et tardive passion pour la politique internationale et le soupçonnaient de verser dans les théories du complot. À quoi il répondait avec un petit sourire méprisant : « Il y a certes des centaines de milliers de conspirationnistes dont beaucoup sont carrément cinglés mais cela n’empêche pas qu’il y ait de temps à autre des complots et des manipulations bien réels ! » Et il ajoutait : « Vous pouvez me croire, on en a encore en pagaille, de ces fichues manœuvres de déstabilisation occultes, ou alors moi, Dembo Diatta, je ne suis pas le fils de ma mère et de mon père ! »
On s’en doute : Dembo Diatta n’écrivit jamais son chef-d’œuvre théâtral. Seuls avaient survécu à son éprouvante quête de vérité, parmi les fichiers d’un vieux MacBook Pro, un titre prétentieux et sibyllin (« Le temps des Sept misères ») et quelques esquisses de dialogues et d’indications pour une improbable intrigue. Mais sa petite virée au cœur des ténèbres n’avait pas été tout à fait vaine. Elle avait même littéralement fait de lui un autre homme. Elle lui avait appris à se méfier des fausses évidences astucieusement glissées par les medias aux oreilles des citoyens ordinaires. Aucune déclaration des leaders des pays riches ne lui semblait jamais tout à fait anodine. Ce n’est pas à Dembo Diatta que l’on aurait pu faire gober, par exemple, la fable simpliste d’un monde divisé en amis et ennemis des libertés individuelles. Les bombardements de l’Otan contre la Libye l’avaient à la fois mis en colère et amusé. Il n’avait évidemment pas cru un seul instant que si on avait lâché des jeunes Libyens hystériques contre Mouammar Kadhafi, cruellement torturé puis égorgé dans les rues de Syrte, c’était pour l’empêcher de « massacrer son propre peuple. » A force de mentir encore et encore, ces voyous au verbe fleuri finissaient par se faire coincer publiquement comme en Irak mais ça ne changeait jamais rien. Leur pari hautain sur l’amnésie des foules était toujours gagnant.
Vers dix-sept heures, Dembo se rhabilla pour aller retrouver Muriel et Christian Carpentier. Les Carpentier, comédiens aux vagues racines alsaciennes et désormais peu actifs, étaient le couple le plus solide et chouette que Dembo Diatta eût jamais connu.
Chaleureux et sans façons, à l’inverse de Muriel, plus cérébrale et même assez dure, Christian Castenaud suscitait toujours un élan de sympathie, même de ceux qui ne savaient rien de lui. Il suffisait de le croiser sur sa route une ou deux fois pour l’appeler simplement Chris.
Muriel et lui improvisaient des petits trucs bouffons dans des théâtres de poche en tournant chaque soir autour d’une seule et même idée, du genre « Tu as remarqué, Madame, ils parlent tous du réchauffement climatique, le Pape, la Reine d’Angleterre… » et au bout de deux ou trois pitreries, « Madame » criait à tue-tête : « …et il fait bigrement plus froid partout, Monsieur ! »
Ça n’avait rien de transcendant, Muriel et Chris le savaient et s’en fichaient royalement. Ils étaient de toute façon assez intelligents pour se moquer plus d’eux-mêmes que des autres.
Dembo était content de pouvoir manger un morceau avec eux deux jours avant de filer prendre son vol à Roissy. Hélas, tout avait changé depuis les attentats de la matinée.
Il se sentait déjà mal à l’aise.
« Aurai-je le courage d’être franc avec ces vieux amis ? » se demanda-t-il pour la dixième fois en dévalant sans hâte les escaliers en bois de l’hôtel Galileo. Pour le dire en un mot, Dembo Diatta n’était ni Charlie ni Pas Charlie. C’est cela qu’il aimerait pouvoir avouer aux Carpentier ou même crier sur tous les toits si on lui tendait un micro. Mais en ces heures de surexcitation patriotique, les micros, ce n’était pas pour tout le monde et surtout pas pour un obscur auteur comique africain de passage dans la ville.
Au milieu de la rue Mélusine, Dembo s’engagea dans le parc Emile Perrin. Moins de dix minutes plus tard, il franchissait le seuil du Casa Nostra. Depuis quand venait-il dans ce restaurant italien au nom si provocateur ? C’était flou dans sa mémoire mais ça commençait à faire pas mal de temps. Huit ou neuf ans. Pourtant, il n’avait jamais échangé le moindre mot ni même un vague sourire de politesse avec Maria-Laura, la patronne. C’eût été difficile du reste car, comme lui-même, celle-ci était plutôt taciturne et semblait, au surplus, en proie à une mélancolie chronique depuis le jour où son compagnon, un certain Valerio Guerini, s’était barré avec la caisse et une des serveuses les plus pulpeuses. Le truc classique, quoi. Dembo ne connaissait pas les détails de l’affaire, il avait juste entendu un jour un client complètement ivre demander à Maria-Laura si Valerio ne lui manquait quand même pas un peu, au moins un tout petit peu, hein. Cela avait failli lui coûter très cher car, après avoir longuement hurlé sa rage contre lui, Maria-Laura était ressortie de la cuisine, les yeux injectés de sang, avec un bol d’huile bouillante. Le pauvre inconscient avait réussi à s’enfuir par une fenêtre au milieu de l’hilarité générale et on ne le revit plus jamais dans les parages.
Les Carpentier arrivèrent un peu en retard par la faute, expliquèrent-ils, des nombreux barrages policiers. Ça lui fit finalement du bien de les revoir, ce a` quoi il ne s’attendait pas. Leurs bruyantes salutations apportèrent un peu de vie au restaurant qui en avait bien besoin. Très vite, ils se mirent à parler à Dembo du concept de théâtre de rue sur lequel ils travaillaient d’arrache-pied. Depuis qu’il les connaissait, les Carpentier étaient toujours en train de s’échiner sur quelque expérience théâtrale « nouvelle » voire dangereusement « révolutionnaire ». Cette fois-ci il s’agissait de faire en sorte que de vrais passants prennent peu à peu possession de leur spectacle et en fassent un imprévisible et gigantesque n’importe quoi, danses, rugissements de lions affamés, attaques virulentes de jeunes rappeurs contre le gouvernement et tout le reste. Chris n’excluait pas que la pagaille débouche sur de vraies émeutes. Dembo le voyait très bien invoquer les hasards objectifs de l’art dramatique pour inciter le peuple à saccager les quartiers bourgeois.
Dembo Diatta réfléchissait, quant à lui, sur une pièce dans laquelle on ne verrait à aucun moment les visages des acteurs.
Tout va se jouer sur la déception sans cesse renouvelée des spectateurs, précisa-t-il. Jusqu'à la fin, ces pauvres crétins attendront en vain et…
Et n’importe quoi, mon petit Dembo… coupa Chris.
Riant de bon cœur, ils trinquèrent à leur infernale puissance créatrice. Malgré leur gaieté, tous trois restaient sur le qui-vive, moins à l’aise que d’habitude. D’ailleurs, pendant que Chris descendait en flammes une pièce qu’il avait vue quelques jours auparavant, Dembo Diatta sentait peser sur lui le regard inquisiteur de Muriel Carpentier. L’heure de vérité était de plus en plus proche. Les assassins de la rue Nicolas-Appert étaient d’autant plus présents dans les esprits que l’on ne savait presque rien d’eux. Des noms. Des visages. Rien de plus.
Lorsque le sujet fut abordé pour la première fois, Dembo Diatta se mit à tourner autour du pot et commit l’erreur de déclarer, au milieu de plusieurs phrases embarrassées :
Je ne suis pas tellement sûr d’être d’accord avec ce que j’entends ici et là mais bon, je ne suis peut-être pas bien placé non plus pour parler de ça…
Allons, Dembo, pas de manières avec nous, fit Muriel, il n’y a rien de politique dans cette histoire. Des fous débarquent dans une salle de rédaction et abattent tout le monde…
“Rien de politique, vraiment ?” se demanda Dembo, un peu perdu.
Il avait perçu une légère irritation dans la voix de Muriel mais aussi une réelle curiosité, visiblement partagée par son mari. Cette fois-ci c’était au tour de ce dernier de chercher à lire à travers lui.
Dembo Diatta se jeta à l’eau :
Vous savez, juste avant de venir à notre rendez-vous, je suis allé sur le Net pour voir les caricatures de Charlie Hebdo. Je tenais absolument à les voir de mes propres yeux.
Leurs regards fixés sur lui posaient la même question muette : « Et alors ? »
Ces caricatures sont abominables, dit-il avec un calme qui le surprit lui-même, détachant bien ses mots. Vous et moi, on sait ce que c’est, des caricatures, mais celles-ci m’ont franchement horrifié. Ai-je le droit d’ajouter que je les ai trouvées vulgaires et racistes ? J’ai longtemps aimé certains dessinateurs de cet hebdo mais là je ne les ai même pas reconnus.
C’était sans doute le bout de phrase de trop.
Tu ne les a pas reconnus… ? fit Chris en se penchant légèrement vers lui.
Il y avait une inhabituelle aigreur dans sa voix. Dembo Diatta fit comme s’il n’avait rien remarqué :
Faire sourire et blesser, ça n’est pas pareil, dit-il. Pourquoi jeter de l’huile sur le feu ?
J’entends plein de gens nous bassiner avec ça depuis ce matin, répliqua Chris avec vivacité. Ah, vous savez, disent nos bonnes âmes, ils étaient des gars bien, à Charlie Hebdo, puis ils ont mal tourné. Tu veux dire qu’ils ont fini par être obsédés par l’islam, c’est ça ? Islamophobes, Cabu et Wolinski, c’est bien ça ? Racistes aussi ? Eh bien, Dembo, ils ont payé, des petits salopards sont venus, et ces petits salopards-là, tu sais, ils ont pris le temps d’appeler chacun par son nom avant d’en faire un tas de viande froide.
Ca commençait mal.
Et tel qu’il connaissait son Chris, un gars généreux et à l’esprit ouvert mais un peu cinglé, ça risquait d’aller de mal en pis au fil des minutes. Bientôt on n’entendrait plus qu’eux au Casa Nostra. Dembo Diatta choisit de réagir sur un ton détaché. Cependant il tenait tant à se faire bien comprendre qu’il resta sur la défensive, plus occupé à se justifier qu’à donner, tout simplement, son opinion.
Ce jour-là, ses deux amis et lui ne se quittèrent pas fâchés mais, ce qui était bien plus triste aux yeux de Dembo, très mal à l’aise. De serrer la main de Muriel et de son époux près d’une bouche de métro en fuyant leurs regards lui donna l’impression qu’entre eux plus rien ne serait comme avant. Il devait se souvenir longtemps après du dernier regard, glacial et dur, de Muriel.
« C’est fou, comme ce monde a les nerfs à vif ! dit-il à haute voix, sans se soucier des passants. Bientôt, vos meilleurs amis ne vous parleront plus parce que vous détestez un film ou un roman qu’ils trouvent génial ! » Il reprit un instant son souffle et pesta : « Je l’ai bien douchée, Muriel, quand elle m’a accusé de prôner le port du voile ! » C’était quand Dembo leur avait lancé : « Qu’est-ce qui ne va donc pas avec ce pays ? Vos yeux ne supportent pas le voile des musulmanes et vous voulez que les leurs supportent des images aussi obscènes de leur religion ? Je ne vois pas bien la logique.» Le dépit et l’agacement lui avaient involontairement fait élever la voix à ce moment-là.
Il en voulait presque à Chris et Muriel d’avoir provoqué cette discussion sur la tuerie au siège de Charlie Hebdo. Ou peut-être est-ce lui qui aurait dû tenir sa langue ? Après tout, quand une famille est dans le deuil, vous ne déversez pas votre bile sur le défunt au nom de la liberté de parole. Mais c’était trop tard pour revenir en arrière. Il leur avait fait remarquer que jamais, nulle part, y compris en France, personne n’avait osé soutenir que tout pouvait être dit. « Savez-vous comment a été créé ce canard, Charlie Hebdo ? » Ils s’en souvenaient vaguement.
« Moi, je l’ai appris aujourd’hui même avec stupéfaction, reprit-il. Un ami, redoutable fouineur, m’a envoyé le lien d’un papier qu’il a d’ailleurs mis en ligne. Les faits parlent d’eux-mêmes : en novembre 70, Charles de Gaulle s’éteint paisiblement chez lui et Hara-Kiri titre : ‘Bal tragique à Colombey : 1 mort’. La police prend alors d’assaut les kiosques, saisit tous les numéros, les détruit et interdit illico le journal. Pourquoi donc ? ‘Atteinte au respect dû aux morts’. Et vlan ! Ce n’est pas fini : pour contourner la mesure et continuer à se moquer du Général, le même canard se rebaptise Charlie Hebdo. » Là aussi, quelque chose échappait à Dembo Diatta : pourquoi, soudain, tout un pays, voire l’humanité entière, devait-elle se mettre à trottiner derrière un petit groupe de libertaires parisiens qui avaient toujours craché à la gueule de tout le monde ? Ayant de plus en plus de mal à se contrôler, Dembo les avait traités de ‘nihilistes puérils et ringards ‘.
Et pendant toute cette bagarre au Casa Nostra, des mots interdits n’avaient pas cessé de planer silencieusement autour d’eux. Vous. Nous. Oppresseurs. Damnés de la terre. Traite négrière. Madagascar. Sétif. Thiaroye. Les mots de Césaire aussi : « L’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire… » Tout ça, il l’avait heureusement gardé pour lui. Ce n’était pas le genre de choses qu’il pouvait jeter à la figure de Muriel et Chris. Il se méfiait d’ailleurs moins de ces propos eux-mêmes que du fiel et de la tenace rancune qu’ils charriaient. Cependant, Dembo n’avait pu s’empêcher de leur parler de la ‘Matinale’ de France 2 où deux journalistes s’étaient mis à pérorer sur « le génocide rwandais où la communauté hutu va être entièrement massacrée par les Tutsi. » Il n’avait jamais rien entendu d’aussi fou. « Je ne vois pas le rapport » avait dit Muriel d’un air pincé et Chris avait ajouté : « Tu nous parles de deux parfaits crétins, là. Qu’ils aillent se faire pendre par là où je pense ! » Et lui ne put se retenir : « Encore une fois, quel est votre problème ? C’est vous qui poussez les autres à faire des comparaisons mal venues… Il y aurait un beau charivari si quelqu’un disait dans ce pays que les Juifs ont été les bourreaux des Nazis ! Pourquoi êtes-vous si peu capables de vous mettre à la place des autres ? » C’est à ce moment précis que Dembo avait surpris un sourire amusé sur le visage de Muriel. Toujours aussi énervé, il voulut riposter violemment mais elle l’arrêta d’un geste de la main : « Ne le prends pas mal, Dembo, je ne me moque pas de toi, je viens simplement de réaliser que tu ne sais même plus nous parler, à nous tes vieux camarades, tu parles à deux Blancs, à deux Occidentaux. »
Dembo, troublé, se contenta de la regarder en silence. Muriel Carpentier, plus froide et réfléchie que son mari, avait une fois de plus visé juste. Dembo n’était pourtant pas tout à fait d’accord avec elle: « Je vois bien ce que tu veux dire, mais pour vous non plus je ne suis pas juste Dembo Diatta. Non, ca ne se passe plus ainsi. On est tous bien au chaud dans des cages et chacun devrait se bouger le cul pour en sortir. » Puis, après une pause : « Et peut-être vous plus que les autres…» « Nous…? » fit Muriel avec une sorte d’effarement sincère. « N’ayons pas peur des mots, Muriel » répondit simplement Dembo.
Il se souvint d’avoir ensuite longuement promené les yeux autour de lui. Le Casa Nostra s’était peu à peu vidé de ses clients. Une brune solitaire entre deux âges, perchée sur un tabouret tout près d’eux, semblait plus intéressée par Chris que par leur bagarre. « Bon, avait soudain ajouté Dembo, je suis un peu perdu, comme tout le monde. C’est simple, plus personne ne sait où il en est. Ils vont finir par nous avoir. »
Il y eut une ou deux minutes de silence gêné, sans doute le tout premier en plus de vingt ans d’amitié.
En retraversant le parc Emile Perrin quasi désert, Dembo repensa à Muriel et Chris. Ils avaient un long parcours en métro avant d’arriver chez eux, Place du Caquet, à Saint-Denis et il les imagina en train de se demander pourquoi lui, Dembo, était de plus en plus tendu et intolérant. Il se reprocha une nouvelle fois d’être incapable de tenir sa langue, de ne pas savoir refouler au fond de sa gorge tous ses pourtant-peut-être bien que-à moins que-néanmoins-en revanche. Le temps des nuances était bel et bien révolu et la peur de l’avenir scellait toutes les bouches. Qu’avait-il donc à faire le malin ?
Il lui restait une journée à Paris, celle du lendemain, avant le retour au pays. Il la passerait étendu dans sa chambre à lire les vieilles BD qu’il emportait toujours avec lui en voyage. Elles le mettraient, au moins momentanément, à l’abri des infos de la télé et de la radio. Il en avait marre de toute cette histoire, ça lui chauffait la tête pour rien.
Peut-être d’ailleurs ferait-il mieux d’appeler Mambaye Cissé au lieu de rester enfermé au Galileo. La danse d’amour des mérous marbrés ne l’intéressait pas vraiment mais ils pourraient toujours se moquer avec tendresse de leurs stupides rêves d’étudiants dakarois. C’était dans une autre vie.
Le régulateur accuse ouvertement la chaîne de télévision d’avoir, hier soir, lors d’une édition spéciale, incité les gens à sortir dans la rue pour rejoindre ceux qui manifestaient contre le couvre-feu
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) a adressé ce 4 juin, une mise en demeure au Pdg de groupe Dmédia, Bougane Guèye Dany. Dans le courrier obtenu par Libération online, le régulateur accuse ouvertement la Sen Tv d’avoir, hier soir, lors d’une édition spéciale, incité les gens à sortir dans la rue pour rejoindre ceux qui manifestaient contre le couvre-feu.
Ainsi, le Cnra demande à la Sen Tv « d’observer strictement la réglementation » et de mettre un « terme définitif » à « de pareils manquements et à éviter toute rediffusion de l’émission du 3 juin 2020 ».
Des manifestations contre le couvre-feu ont éclaté un peu partout à Dakar, Touba et Kaolack. Des jeunes sont sortis pour brûler des pneus et barrer la route pour exiger la levée du couvre-feu. D’ailleurs, un jeune a été violemment percuté par une voiture de police, lors de ces manifestations. Il serait dans un état critique à l’hôpital de Kaolack.
UN COMITÉ DE PILOTAGE POUR LA RÉPARTITION DES 3 MILLIARDS ALLOUÉS AU SECTEUR CULTUREL
Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a annoncé, jeudi, la mise en place d’un comité de pilotage pour la répartition du fonds de trois milliards de francs CFA destiné au secteur des arts et de la culture
Dakar, 4 juin (APS) – Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a annoncé, jeudi, la mise en place d’un comité de pilotage pour la répartition du fonds de trois milliards de francs CFA destiné au secteur des arts et de la culture.
Ce comité de pilotage aura pour mission de définir les orientations et les mécanismes de gestion du fonds octroyé par le chef de l’Etat au secteur des arts et de la culture dans le cadre du FORCE Covid-19, a expliqué M. Diop.
Le ministre s’exprimait lors d’un point de presse au ministère de la Santé et de l’Action sociale au lendemain de la décision du président de la République d’appuyer les arts et la culture compte tenu de l’ajournement de certaines activités majeures de l’agenda culturel national.
"(…). Pour la gestion de cette ressource, deux types d’organes sont prévus : un comité de pilotage qui aura pour mission de définir les orientations et les mécanismes de gestion du fonds, sa répartition par sous-secteur mais également de superviser et de contrôler son utilisation pour les différents bénéficiaires en veillant à la transparence et à l’équité", a dit le ministre, saluant la décision du chef de l’Etat comme un "geste de haute portée".
Le comité sera essentiellement composé de représentants du ministère de la Culture et de la Communication et sera, dans un souci d’inclusion et de transparence, ouvert aux représentants des différents sous-secteurs choisis par les acteurs, a indiqué Abdoulaye Diop.
Il a aussi informé de la mise en place de sous-comités sectoriels chargés de définir la liste des bénéficiaires en suivant des critères de visibilité conjointement arrêtés.
Ces sous-comités concernent les secteurs du cinéma, du livre et de l’édition, du patrimoine culturel et des arts, a détaillé le ministre qui dit avoir instruit ses services de finaliser les concertations avec les acteurs afin que "dès la semaine prochaine, les bénéficiaires puissent percevoir leur appui".
Il a assuré que tous les concernés seront pris en charge.
"Je voulais aussi assurer l’ensemble des acteurs que je veillerais à ce que tous les concernés puissent être pris en compte", a dit le ministre qui s’est réjoui du rôle joué par les artistes dans la sensibilisation contre la propagation de la Covid-19 au Sénégal, les invitant à persévérer dans cette dynamique, car "le combat n’est pas encore gagné".
LE GOUVERNEMENT LÈVE L’INTERDICTION DU TRANSPORT INTERURBAIN ET RÉDUIT LA DURÉE DU COUVRE-FEU
Le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, a annoncé jeudi plusieurs mesures d’‘’assouplissement’’ de l’état d’urgence sanitaire, dont la levée de l’interdiction du transport interurbain et une réduction de la durée du couvre-feu, qui est désormais
Dakar, 4 juin (APS) – Le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, a annoncé jeudi plusieurs mesures d’‘’assouplissement’’ de l’état d’urgence sanitaire, dont la levée de l’interdiction du transport interurbain et une réduction de la durée du couvre-feu, qui est désormais fixée entre 23 heures et 5 heures.
A la suite de l’autorisation de la reprise du transport urbain, les gares routières devraient reprendre leurs activités à partir de dimanche 7 juin, a précisé son collègue chargé des Transports terrestres, Oumar Youm, lors d’un point de presse donné conjointement avec leurs collègues chargés de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop.
Selon M. Youm, les horaires d’ouverture et de fermeture des gares routières seront fixés de concert avec les acteurs des transports.
Les restaurants et les salles de sport sont désormais autorisés à reprendre leurs activités, a également annoncé Aly Ngouille Ndiaye, ajoutant que l’interdiction des bars et des plages reste en vigueur.
Le port du masque reste obligatoire, de même que le respect de la distanciation sociale, la distance physique minimale d’un mètre requise entre les personnes fréquentant les endroits publics.
Le gouvernement recommande au personnel des restaurants de prendre des mesures – la commande en ligne, par exemple - permettant à leur clientèle d’éviter les rassemblements dans ces espaces.
M. Ndiaye assure que les autorités gouvernementales sont disposées à discuter avec les populations de toutes les mesures permettant de ‘’relancer l’économie’’, qui a été sévèrement affectée par les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis le 24 mars, notamment l’interdiction du transport interurbain.
Selon le ministre de la Santé et de l’Action sociale, 4.021 cas de coronavirus ont été recensés au Sénégal depuis le 2 mars, 2.162 patients ont recouvré la santé, 45 en sont décédés. A ce jour, 1.813 personnes se font soigner dans 27 centres dédiés au traitement du Covid-19.
Abdoulaye Diouf Sarr indique que 49.090 tests de coronavirus ont été effectués au Sénégal, avec un taux de positivité de 7,36%.
Le taux de létalité - le rapport du nombre de décès causés par le Covid-19 sur l’effectif des personnes infectées - est au Sénégal de 1,12%, ‘’largement en dessous de la moyenne africaine et mondiale’’, selon Abdoulaye Diouf Sarr.
par Massamba Ndiaye
LE CAS BOUGHAZALI OU UNE AUTRE AFFAIRE DE JUSTICE DE PRIVILÉGIÉS
Après ce forfait qu’ils ont accepté d’accomplir, que personne ne vienne nous dire que la justice sénégalaise est juste et impartiale
La liberté provisoire accordée ce mercredi 3 juin 2020 à l'ancien député Seydina Fall alias Boughazali, pris en flagrant délit de trafic et de possession de fausse monnaie, est la suite logique de la déliquescence de la justice sénégalaise. Personne aujourd’hui au Sénégal ne peut soutenir de bonne foi que la magistrature tient encore à l'égalité de droits de nos compatriotes devant la justice. Quelle mouche a pu piquer, voire contraindre en cette période de pandémie du coronavirus, le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye et le doyen des juges Samba Sall à accorder leurs violons pour offrir au député - faussaire , le délinquant Boughazali, l’opportunité de humer l’air de liberté au moment où d'autres compatriotes pour des délits beaucoup moins graves que le crime commis par ce représentant indigne du peuple, membre du clan Faye - Sall, attendent depuis des années l'espoir d’un jugement ?
Pour ces gens du peuple, la justice politicienne sénégalaise traîne les pieds et ne se préoccupe nullement de leurs dures conditions de détention, mieux, de leur oubli carcéral. Nos nantis, ces paresseux et profiteurs à souhait de la haute société de parvenus ne s'en offusquent pas et nous sermonnent à longueur de journée que le temps de la justice est tout autre et obéit à d'autres paradigmes que nous autres citoyens lambda avons du mal à intégrer et à comprendre. Soit ! Et que dire, voire que penser de ces gens qui tiennent ce discours à la fois faux et malhonnête alors qu’ils savent pertinemment qu'aucun détenu du bas peuple, auteur de quelques larcins tels que le vol de poulet ou la possession d’un joint de yamba n’obtiendra jamais une liberté provisoire. Le procureur de République ou le doyen des juges préfère les confiner dans des conditions extrêmes qui relèvent à bien des égards de la torture ou de la pure barbarie. Leurs conditions dégradantes de détention ne les émeuvent guère et ils préfèrent de loin secourir leurs acolytes et compagnons de jouissance, qui pourtant sont de véritables fossoyeurs de nos valeurs, de pilleurs éhontés de nos maigres ressources publiques.
Cette symphonie diabolique du procureur et du doyen des juges est une autre provocation, une autre tentative malsaine de forcer le passage en dépit du simple bon sens et de la loyauté. Que cherchent ces deux hommes à prouver encore au chef de clan Macky Sall, l’apprenti - dictateur qui s'essaie à jouer au dur avec les plus faibles d’entre nous au moment même où il se range par faiblesse, voire par manque de courage du côté des criminels de tous bords, ou qu’il donne libre cours à Sénac de faire ce que bon lui semble de la gestion de nos autoroutes à péage afin de ne pas mécontenter son patron Emmanuel Macron ? Ou est-ce une confirmation de leur servitude volontaire assumée au chef de clan Macky Sall contre les intérêts intrinsèques du peuple sénégalais ?
Hier, c'était en faveur du trafiquant guinéen de faux médicament par le biais d’une grâce présidentielle et encore en faveur d’autres dealers de drogue dure, ou encore le musicien Thione Seck poursuivi également pour détention de faux billets de banque. Aujourd’hui, c’est au tour du falsificateur de monnaie, l’ex-député Boughazali de retrouver sa vie d’antan auprès de sa famille, loin de Rebeuss, un lieu où il n’aurait dû jamais quitter avant que la justice ne tranche cette affaire rocambolesque.
Après ce forfait ignoble qu’ils ont accepté d’accomplir, que personne ne vienne nous dire que la justice sénégalaise est juste et impartiale. Ces magistrats manquent de courage, de loyauté et ne sont plus dignes de prendre la défense des intérêts du peuple sénégalais. Ils ont immanquablement failli à leur devoir puisque rien ne saurait justifier leur décision qui ne repose sur aucune base légale. En vérité, de très lourdes charges pèsent sur Boughazali et ils ne peuvent pas l'ignorer. Ce sinistre individu a planifié une tentative de sabordement et de déstructuration de l’économie sénégalaise. Il est impératif d’encadrer ce pouvoir discrétionnaire du procureur de la République et du doyen des juges parce qu’il est disproportionné vu l’étendue de leurs prérogatives et n'obéit à aucune règle de justice et de responsabilité dans la conduite de l’action publique. Des garde-fous doivent être balisés afin d'éviter que de telles actions continuent à violer manifestement notre droit à une protection exemplaire de l'intérêt général. Ce coup de théâtre ou cet abus de pouvoir du parquet est un signal, voire un encouragement aux grands criminels de ce pays.
Ce coup de Jarnac est une indication claire du chef de clan Macky Sall et de ses complices dans l’administration judiciaire à l’endroit du peuple pour nous signifier que ce pays est leur propriété et qu’ils comptent le gérer dans l'opacité et dans la violation systématique des lois et règlements. Et pourtant, toute cette bassesse ne doit étonner personne. Le chef de clan Macky Sall est un habitué des faits. Depuis qu’il est à la tête de cette République bananière, tous les crimes même les plus infâmes sont pardonnés aux membres de son clan. Nous pouvons en citer des dizaines que ce même procureur Serigne Bassirou Guèye refuse d’instruire alors qu’il ne cesse de harceler nos compatriotes pour de simples délits d'opinion. Il pouvait dans bien des cas faire preuve de pédagogie voire d'indulgence afin d'éviter coûte que coûte la prison à certains de nos compatriotes (cas de l'activiste Guy Marius Sagna ou d’Abdou Karim Gueye et d'autres encore qui subissent au quotidien la vengeance sournoise du chef de clan Macky Sall ).
Avec toutes ces injustices au grand jour, le chef de clan Macky Sall et ses hommes de main, sa galaxie de troubadours composée principalement d'anciens défenseurs de la démocratie, de la justice sociale, de la liberté d'expression ne doivent pas s'étonner que des voix fusent de partout pour dénoncer de manière vigoureuse leur gestion sombre, nauséabonde et vicieuse du pouvoir, mais également d’entendre par ici et là des paroles désobligeantes que la morale et la pudeur condamnent et qui nous renvoient à un niveau sans précédent du délitement de nos valeurs.
Toutefois, le chef de clan Macky Sall, par sa gestion patrimoniale et désastreuse du pays est le seul et unique responsable de la chienlit qui prévaut aujourd’hui au Sénégal. Ignorer cet état de fait incontestable, le nier, c’est se fourrer le doigt dans l’œil. Nous persistons à penser que Macky Sall, par sa gestion solitaire du pouvoir, par son incompétence mise à nu en cette période de pandémie, par ses prises de liberté à enfreindre encore, davantage et toujours les règles de bonne gestion, mais aussi les lois et règlements du pays, par sa faiblesse et par son manque de courage à prendre les bonnes décisions à temps pour assurer la protection de nos concitoyens, est aujourd’hui une menace bien réelle à la sécurité de notre nation. Ceci n’est pas une simple vue de l’esprit ni une prise de position partisane, mais la réalité objective de la situation du pays.
En dernier lieu, j’aimerais bien attirer l’attention du procureur Serigne Bassirou Guèye et du doyen des juges Samba Sall que le pouvoir du chef de clan Macky Sall et leurs positions actuelles dans la hiérarchie judiciaire ne sont pas éternelles et qu’ils doivent prendre leurs responsabilités en refusant de cautionner ses manœuvres perfides, si ce n’est trop leur demander. A défaut, lorsque le chef de clan Macky Sall et sa bande d’incapables en auront fini avec leur politique abjecte d’asservissement de la justice, il ne restera au peuple que de ramasser ce corps souillé à outrance de la magistrature et de l’ensevelir dans les décombres de l’histoire. Un peuple quel qu’il soit, a vivement besoin d’une justice libre et indépendante, même si cette dernière est à parfaire et demande la contribution de toutes les souches de la population.
Aujourd’hui, la gestion du pouvoir du chef de clan Macky Sall est devenue une sorte de poudrière et nous conduit droit au mur. Il en va de la responsabilité de tout un chacun de protéger notre pays dans la droiture, la loyauté, la responsabilité et avec un sens élevé de l'égalité de nos concitoyens devant la justice. Une injustice prolongée et faisant office de mode de gestion du pouvoir n'entraîne que le refus d'obtempérer à l'autorité et ouvre la porte immanquablement à l’affrontement. Il revient de droit aux autres magistrats indignés de dénoncer cette imposture. Sinon, leur silence équivaudrait à un aveu d’impuissance, voire de complicité outrageante aux frasques immondes du chef de clan Macky Sall.
par Youssoupha Diop
J’AI RÊVÉ
Les événements récents ont mis à nu la vacuité de notre système de protection sociale, à savoir, l'ensemble des dispositifs de protection qu'une société accorde à ses membres pour les aider à faire face aux principaux risques de l'existence
Oui il m’est donné de rêver et je rêverai tant et aussi longtemps qu’il ne me sera démontré que « Martin Luther King avait le monopole du sommeil ».
Quand le président de la République, Son Excellence Monsieur Macky Sall a annoncé un plan de résilience à hauteur de mille (1000) Milliards de FCFA, personne n’y croyait.
Certains sceptiques ont dit : il rêve. 1000 milliards !
Il a fixé un cap et nous y sommes parvenus en un laps de temps que personne ne pouvait soupçonner.
Rêvons, rêvons donc de choses possibles et donnons-nous les moyens de les rendre réelles.
Car comme le disait si justement John F. Kennedy, « Les problèmes de ce monde ne sont pas susceptibles d’être résolus par les sceptiques ou les cyniques dont les horizons sont limités par les réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes et de femmes qui peuvent rêver de choses qui n’ont jamais existé ».
Rêver est presque un devoir civique. Rêver peut devenir porteur de progrès.
Quelle fut la surprise d’un grand médecin de la place, membre d’un jury pour recruter le Directeur de l’IPRES, lorsqu’il me demanda quelle serait mon utopie si j’étais choisi, de m’entendre lui répondre que la retraite devrait être le moment le plus agréable de la carrière de tout travailleur dans notre pays.
J’en avais rêvé.
J’avais rêvé également, que le Sénégalais le plus démuni devrait pouvoir prétendre à la même qualité de soins médicaux, chirurgicaux et tout ce qui va avec que le plus nanti de tous les sénégalais.
Oui, j’en avais rêvé. Et j’y avais cru.
J’avais même osé solliciter de Son Excellence M. le président de la République, maître Abdoulaye Wade en son temps qu’il me donnât la chance de lui exposer mon rêve.
En présence de madame Ndeye Khady Gueye sa conseillère chargée du secteur privé, je m’étais permis d’exposer avec force documentation la faisabilité de mon utopie. Il était, je l’avoue, très agréablement surpris et impressionné par la pertinence de mes propos et des documents et données statistiques qui les sous tendaient.
Nous avons discuté pendant quatre-vingt-dix (90) minutes !! Il avait tenu à vérifier chaque donnée auprès de la DPS, du ministre des Finances Abdoulaye Diop, qu’il appela séance tenante.
C’était quoi mon rêve ?
En 2003, selon les statistiques de l’ancienne DPS, il y avait une population active de 4,5 millions d’individus, si nous démontrons que les 2/3 soit 3 Mio d’unités, sont capables de verser une moyenne de 72mille FCFA par an, nous pourrions récupérer 216 milliards de FCFA chaque année consacrée à la santé en sus du budget de près de 100 milliards en son temps, soit 316 milliards FCFA.
Pourquoi 72 mille FCFA ? Cette somme correspond à la cotisation réglementaire de base pour les IPM, part employeur et employé sur une année. Elle correspond à 6 000 FCFA par mois.
À la même époque, il était également établi statistiquement qu’il y avait en effet, plus de 3 millions de personnes résidentes au Sénégal ayant des revenus supérieurs à 300 mille FCFA par an, c’est-à-dire 25 mille FCFA par mois. Elles étaient toutes capables de contribuer à hauteur d’une moyenne de 6 mille FCFA chaque mois pour leur santé et celle de leurs familles.
À l’occasion d’un séminaire organisé par le bureau de l’OIT à Dakar, les femmes entrepreneures appartenant au mouvement national des femmes entrepreneures du Sénégal avaient déclaré qu’elles dépensaient chaque jour plus de 5 mille FCFA pour des besoins médico-sanitaires.
L’association des professionnels de la mécanique auto (PROMÉCABILE) dirigée par Packy Thiam et les artisans du Sénégal membres des chambres des métiers avaient, tous, confirmé dépenser plus de 10 mille chaque semaine pour des besoins similaires, soit pour eux-mêmes, soit pour les membres de leur famille, soit pour leurs ouvriers et apprentis.
316 milliards en 2003 sont toujours supérieurs, 17 ans après, au budget de la santé en 2020 qui est de 198 milliards FCFA.
En 2020, la population active représente près de 55 pour cent de la population du pays. Prenant en compte les indigents exclus de toute capacité contributive, il serait raisonnable de penser que 6 millions de personnes résidant au Sénégal sont en mesure de contribuer pour 75 mille FCFA par an, soit 450milliards FCFA en sus des 198 Milliards inscrits au budget, soit, une cagnotte de 648 milliards FCFA, trois fois plus que le budget 2020 de la santé.
Que représente la somme de 75 mille FCFA par an pour un assurable qui doit payer des millions pour assurer sa famille et obtenir une extension à l’étranger si, de surcroît, désormais, le plateau technique devient si élevé que notre pays se transforme en destination du très lucratif tourisme médical ?
J’avais été surpris par la réactivité que mon rêve avait suscitée en 2003-2004 auprès de feu Issa Mbaye Samb, ministre de la Santé, M. Idrissa Seck, ancien Premier ministre qui avait, sur instruction du président, mis en place un groupe de travail pour formuler un avant-projet en vue de la tenue d’un conseil interministériel.
Figurez-vous qu’un simple agent du ministère des Finances qui se reconnaîtra m’a extirpé des douceurs de mon rêve en prétendant, à mon grand désarroi, que je les fatiguais avec cette utopie.
Il convoqua toutes les parties prenantes à la réunion de présentation de l’étude sauf moi, le promoteur et leur déclara que je venais ainsi de leur manquer de respect car, moi-même, je n’y croyais pas.
Pourtant, cette utopie que j’ai présentée comme mémoire pour mon Executive MBA à l’UQÀM a recueilli la note A+ en raison de sa pertinence, de sa faisabilité et de son caractère SMART.
Elle me hante toujours et meuble mes rêves car je continue de croire qu’il faut créer quelque chose qui n’a jamais existé pour refonder notre système sanitaire, voire, notre système de protection sociale.
Cela fait du bien de rêver.
Un ami me disait que lorsqu’il voit la cagnotte du loto atteindre 100 millions de Dollars, 300 voire 600 millions de dollars, il est enthousiaste et achète un ticket. Plutôt quelques moments de rêveries car il se projette sur tout ce qu’il pourrait faire avec 500 millions de dollars. Cela étant, de peur de se réveiller, il ne regarde jamais les résultats des tirages car cela interromprait ses rêves.
C’est la même euphorie qui m’anime lorsque je pense à tout ce qu’on pourrait faire avec 648 milliards FCFA par an entièrement dédiés à la santé de tous les résidents au Sénégal, provenant de la poche des sénégalais et hôtes étrangers vivant parmi nous.
La retraite : un moment de bonheur « espéré »
Je persiste à croire que nous devrions pouvoir y arriver comme je reste persuadé dans mes rêves, que, si chacun des 12 millions d’utilisateurs du téléphone cellulaire consentait à verser cinq (5) mille FCFA par an pour améliorer les prestations au profit des retraités, facilement 60 milliards supplémentaires seraient affectés au bonheur que procure la retraite.
J’ai rêvé également que grâce au patrimoine dont le Bon Dieu nous a gratifiés, la terre, chaque travailleur devrait être pressé d’aller à retraite au lieu de la craindre comme la maladie à Coronavirus.
Je suis convaincu que nous pourrions y arriver.
L’État du Sénégal consacre des ressources très importantes au regard de ses moyens limités, à l’assistance aux populations et fait d’énormes efforts pour respecter les standards définis par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’Organisation Internationale du travail.
Malheureusement, l’absence d’un système homogène fondé sur une dynamique de solidarité bien comprise, admise par toutes les composantes socioéconomiques, et véritablement efficiente, contribue à écarter des bénéfices de la protection sociale et à enfoncer davantage dans la pauvreté, une grande partie de la population.
Aussi, ai-je été surpris de rêver de ce qui suit :
Et si, au lieu de laisser le privilège de jouissance de notre patrimoine commun que représentent les centaines de milliers d’hectares de terrain à quelques hauts fonctionnaires ou quelques grands caciques bien connectés, les États africains instauraient un accès transparent et équitable aux ressources foncières partie intégrante du patrimoine commun ?
Dans certains pays Européens, au 19ème siècle, devant la pression du foncier, le bail emphytéotique a été introduit pour limiter la spéculation immobilière.
Cet instrument permet à l’État, au lieu de laisser des terres sans aucune utilité sociale ou économique, moyennant des redevances, de tirer des revenus importants de la location qu’il donne à toute personne désirant mettre en valeur ou obtenir un droit de jouissance sur une terre ou un bien immobilier faisant partie du patrimoine commun pendant au moins 18 ans, voire 99 ans.
Et si tous les loyers perçus au titre des baux emphytéotiques pouvaient aller vers le financement de la protection sociale ?
Pourquoi attribuer des centaines d’hectares à un seul individu qui les morcelle et les revend à prix d’or à tous ces spéculateurs, promoteurs et autres primo-arrivants sur le marché de l’habitat ?
Pourquoi ne pas inscrire une telle opération au titre de trois objectifs de protection sociale :
Réguler le marché de l’habitat et lutter contre la spéculation foncière.
Permettre l’accès au logement à des conditions plus soutenables à des jeunes, des jeunes couples….
Générer des revenus plus importants pour le financement de la protection sociale
Les événements récents ont mis à nu la vacuité de notre système de protection sociale, à savoir, l'ensemble des dispositifs de prévoyance collective et de protection qu'une société accorde à ses membres pour les assurer et les aider à faire face aux principaux risques de l'existence, notamment sur le plan financier
En dehors des accidents du travail, des maladies professionnelles, des prestations de l’assurance vieillesse et de la couverture maladie et des allocations familiales, aucun mécanisme de prévoyance collective permettant de faire face financièrement à la baisse des revenus ou à la hausse conjoncturelle ou accidentelle des dépenses n’est existant.
L’État en l’occurrence, a été obligé de faire appel à la générosité des concitoyens et amis du Sénégal résidents ou non, pour résorber le déficit de protection des populations vulnérabilisées et du tissu économique.
Cela démontre bien comment l‘inégalité, voire, l’insuffisance d’accès à la même qualité de soins, aux mêmes bénéfices sociaux, à la sécurisation des revenus des populations constituent, certes, une grande préoccupation mais doivent être considérées comme des sources d’inquiétude.
Mais, c’est, d’une part, dans le contexte global du développement social et du progrès économique qu’il faut considérer les régimes de sécurité et de protection sociales, et d’autre part, leur élargissement au plus grand nombre.
La protection sociale est, de nos jours, admise comme un déterminant de l’équilibre social conduisant à l’épanouissement physique, mental et au bien être indispensable à tout sujet économique.
Elle a, toujours, été considérée dans les pays en développement comme une résultante de la croissance économique contrairement à bon nombre de pays émergents ou développés qui, à juste raison, l’ont placée en toute première priorité pour permettre le développement économique et social.
Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin. Il faudra se réveiller.
Policier et Noir en France, Alex découvre l'existence d'un groupe privé d’échanges audio racistes sur WhatsApp, dont font partie une dizaine de ses co-équipiers
Membre d'une unité de police d’escorte à Rouen, Alex découvre l'existence d'un groupe privé d’échanges audio sur WhatsApp, dont font partie une dizaine de ses co-équipiers. Certains sont encore stagiaires en école de police, d'autres, comme lui, sont policiers titulaires depuis plus de 20 ans. Intrigué par la présence de son prénom dans les messages, il découvre des propos orduriers ouvertement racistes, misogynes et antisémites. Certains de ses collègues vont jusqu’à se revendiquer du fascisme et du suprémacisme blanc. Sur les conseils de son avocate, M° Yaël Godefroy, Alex dépose plainte et déclenche une enquête interne qui est toujours en cours. Après son audition, la hiérarchie décide de muter Alex dans une autre unité. Ses collègues titulaires sont eux toujours en poste.
Ilham Maad a réuni le policier et son avocate pour commenter des extraits de ces enregistrements. Une enquête sur cette affaire menée par Camille Polloni est à lire dans Mediapart.
par Mamadou Lamine Diallo
IL FAUT UN AUDIT AVANT D'ANNULER LES DETTES AFRICAINES
Après l’atteinte des objectifs des programmes d’ajustement structurel, les Etats africains ont été engagés dans des projets d’infrastructures favorables aux firmes occidentales. Il n’y a pas de « free lunch » dans l’économie mondiale
Alors que la crise économique va s’installer pour un temps, le débat sur les politiques économiques post Covid-19 est lancé. Avec une question centrale : comment traiter la dette de l’Afrique après le choc provoqué par l’épidémie ? Des initiatives sont prises pour engager le continent dans une bataille pour l’annulation de la dette publique des Etats. Il s’agit là d’une vieille revendication de la société civile, notamment altermondialiste, qu’il convient de reformuler en prenant en compte les limites de cette solution ainsi que les enseignements de deux initiatives de la communauté internationale.
Il est tout d’abord surprenant que l’Afrique, qui revendique une forte croissance économique cumulée de plus de 6% sur les dernières années, demande l’annulation de sa dette. En effet, le cas échéant, quelle serait la contrepartie pour les créanciers ? Tout le monde sait qu’il n’y a pas de « free lunch » - de repas gratuit - dans l’économie mondiale. Ainsi, après l’atteinte des objectifs des programmes d’ajustement structurel, les Etats africains ont été engagés dans des projets d’infrastructures favorables aux firmes occidentales, chinoises ou turques. Par ailleurs, un autre point problématique émergerait si toute la dette africaine était annulée. En vertu du principe d’égalité des créanciers, quel serait alors le sort réservé, par exemple, à la Banque Africaine de Développement (BAD) ?
Voyons, ensuite, l’apport des initiatives de la communauté internationale. Il s’agit, d’une part, de la création du groupe piloté par l’ancien président de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, pour évaluer l’ampleur des flux financiers illicites sortant du continent. Le montant, estimé entre 50 et 60 milliards de dollars par an dépasse, la valeur de l’aide publique au développement. Or, jusqu’ici, aucun mécanisme n’a été mis en place pour mettre fin à ces sorties de capitaux. Au contraire, on a signalé des sorties plus intenses depuis l’apparition de la Covid-19. Il faut, d’autre part, mentionner le résultat d’un autre groupe de travail, dirigé il y a quelques années par le Premier ministre anglais Tony Blair et consacré aux ressources minérales, ayant abouti à la mise en place de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives.
Au regard de ces deux expériences, je formule une proposition alternative pour l’Afrique, qui préserverait à fois sa réputation et son indépendance. Il s’agit de constituer un groupe pour réaliser un audit de la dette africaine sous l’égide de la communauté internationale. Ce groupe pourrait, par exemple, être piloté par l’ancien président américain Barack Obama et bénéficier de l’appui des institutions pertinentes sur le sujet, à savoir la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’organisation non-gouvernementale Transparency International, et de personnalités d’Afrique, telles que l’Ivoirien Tidjane Thiam, de Chine et d’Europe.
L’audit mené devrait déterminer la part de la dette qui aura servi au développement économique et social du continent et celle qui n’y aura pas contribué. Cette dernière, non utile pour le développement, serait annulée. Enfin, le groupe en charge de l’audit proposerait des mécanismes concrets capables de mettre fin aux flux financiers illicites et aux accords secrets dans la gestion des ressources minérales de l’Afrique.