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28 avril 2025
Politique
par Abdou Diaw
LE BAISER MORTEL DU FAUX MONNAYAGE
La falsification de la monnaie ne fait que contribuer à polluer l’environnement des affaires du pays et à rendre notre système financier plus vulnérable. Il est plus que jamais urgent d’agir pour juguler ce fléau
Deux (2) milliards d’euros (près de 1.311 milliards de F Cfa), soit le tiers du budget 2020 du Sénégal arrêté à 4.215 milliards et plus que la dotation du Force-Covid-19 (1000 milliards de FCfa. C’est cette rondelette somme de faux billets que la Section de recherches de la gendarmerie aurait saisie, lundi 18 mai 2020, à Mbao. Un chiffre astronomique qui fait froid dans le dos. Ce n’est pas une injection de liquidité hebdomadaire de la Bceao que nous avons l’habitude de voir, ni une opération de levée de fonds d’émissions d’euro-bonds. Des faux billets ! Le Sénégal renoue ainsi avec ce fléau qui devient de plus en plus récurent sous nos cieux.
Alors que les dossiers d’un parlementaire et d’un célèbre chanteur, pris dans le piège du faux monnayage, restent pendants devant les juridictions, qu’une autre affaire de faux billets retentit au Sénégal. Cette cagnotte semble battre le record de toutes les saisies effectuées ces dernières années au Sénégal par les forces de sécurité. Au regard de ces quantités importantes saisies en l’espace d’un temps réduit, l’on se demande si notre pays n’est pas devenu une plaque tournante du faux monnayage.
Les opérations de saisie se succèdent et ne se ressemblent guère. Nous devons nous inquiéter si, aujourd’hui, il existe d’autres canaux parallèles, outre que la Banque centrale, qui injectent de la liquidité dans le circuit de l’économie nationale. Oui, la pratique de fabrication de faux billets est aussi vieille que le monde, mais le fléau a atteint, ces derniers temps, des proportions qui frisent, quelquefois, l’inconscience et l’insouciance. La falsification et l’altération de signes monétaire ayant cours légal sur le territoire national sont devenues si courant au point que nous perdions l’attention. Le plus dangereux, c’est lorsque les faussaires vont jusqu’à jeter leur dévolu sur les signes monétaire étrangers. Comme c’est le cas hier avec la prise de près de 2 milliards d’euros. C’est une toute autre industrie monétaire qui prend progressivement ses marques dans l’économie nationale avec un système de création huilé.
Ces émissions monétaires illégales ne sont pas sans conséquences sur notre économie nationale. Appartenant à l’Union monétaire ouest africaine (Uemoa), notre politique monétaire est sous la gouvernance de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, seule institution habilitée à émettre de la masse monétaire dans les huit États de l’Uemoa (Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, et Togo) y compris le Sénégal. Toute quantité de monnaies mises en circulation doit être mesurée à l’aune de l’économie réelle et refléter les contreparties qui constituent la source de la création monétaire.
C’est pourquoi, l’injection frauduleuse d’autres volumes monétaire, hors du circuit normal, porte préjudice à l’établissement réel du Tableau des opérations financières de l’État (Tofe) qui, rappelons-le, constitue un document statistique retraçant toutes les ressources et tous les emplois de l'État en termes financiers pendant une période donnée. La menace est d’autant plus grande quand on ignore, aujourd’hui, la quantité exacte de billets de banques illégalement mise en circulation dans nos économies.
Le faux monnayage peut être également source d’inflation pour nos économies si l’on se réfère à la théorie quantitative de la monnaie de Milton Friedman, Prix Nobel d’économie en 1976 et fondateur de l’« école de Chicago ». Il soutient que c’est l’accroissement de la masse monétaire (quantité de monnaie mise en circulation dans une économie par une institution émettrice) qui est la cause unique de la hausse des prix. En d’autres termes, il perçoit l’inflation comme un phénomène monétaire dans la mesure où elle résulte d’une hausse de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production.
L’autre conséquence liée au faux monnayage, c’est la perte de confiance sur laquelle repose essentiellement l’usage monétaire. La propension à voir circuler plus de fausses monnaies dans l’économie installe la panique, la suspicion et la méfiance au sein des agents économiques qui utilisent la monnaie comme l’instrument d’échange de prédilection. À une échelle plus globale, la falsification de la monnaie ne fait que contribuer à polluer l’environnement des affaires du pays et à rendre notre système financier plus vulnérable. Il est plus que jamais urgent d’agir pour juguler ce fléau qui risque de déstabiliser tout le système économique et financier.
À cet effet, les actions des institutions comme la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) et le Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (Giaba) doivent être renforcées afin de barrer la route à ces faussaires de billets de banques, nocifs à notre économie. De même, sur le plan communautaire, la loi uniforme relative à la répression du faux monnayage et des autres atteintes aux signes monétaires dans les États membres de l’Umoa, adoptée par le Conseil des ministres de l’Umoa, les 24 et 25 juin 2016 à Lomé, doit être appliquée dans toute sa rigueur. « La mauvaise monnaie chasse la bonne », affirmait le financier anglais,Thomas Gresham.
LAMINE DIACK, CACIQUE DU SPORT RATTRAPÉ PAR LES AFFAIRES
Le premier président non-européen de l'IAAF a vu sa réputation ternis par l'accumulation des accusations ces dernières années. Une terrible chute pour l'ancien maire de Dakar qui aimait à rappeler du temps de sa splendeur qu'il avait eu "plusieurs vies
Le Sénégalais Lamine Diack, qui comparaît à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris, a régné durant 16 ans à la tête de l'athlétisme mondial avant d'être rattrapé par les scandales et devenir le symbole de l'affairisme qui a gangréné la fédération internationale (World athletics, ex-IAAF).
Le premier président non-européen de l'instance (de 1999 à 2015), homme politique d'envergure dans son pays (maire de Dakar de 1978 à 1980, parlementaire de 1978 à 1993), a vu son bilan et sa réputation ternis par l'accumulation des accusations ces dernières années. Considéré comme l'un des acteurs clés d'un système de corruption visant à couvrir des cas de dopage en Russie, il est poursuivi pour corruption active et passive, abus de confiance et blanchiment en bande organisée.
Il a aussi été mis en examen pour corruption passive dans l'enquête sur l'attribution des Jeux olympiques de Rio (2016), de Tokyo (2020) et des Mondiaux d'athlétisme 2017.
Une terrible chute pour l'ex-dirigeant, qui fête ses 87 ans dimanche, et aimait à rappeler du temps de sa splendeur qu'il avait eu "plusieurs vies".
Sauteur en longueur sous le maillot de l'équipe de France, puis joueur de football -sa passion- et Directeur Technique National de l'équipe du Sénégal après l'indépendance de 1960 (entre 1964 et 1968), Lamine Diack a ensuite mené de pair des carrières prolifiques en politique et dans les instances sportives nationales puis internationales.
Il a ainsi été président du Comité national olympique sénégalais, maire de Dakar, parlementaire et vice-président de la fédération internationale d'athlétisme avant d'en prendre les rênes par acclamations en décembre 1999 à la mort de l'Italien Primo Nebiolo.
- Culture de la corruption -
Mais il aura fallu la fin de ses quatre mandats pour qu'apparaissent au grand jour les soupçons d'une culture de la corruption bien ancrée, avec des ramifications familiales, son fis Papa Massata, ex-conseiller marketing de l'IAAF, étant lui aussi jugé à Paris pour corruption et blanchiment en bande organisée.
De quoi écorner et décrédibiliser son action au sommet de l'ex-IAAF. Interrogé sur ces affaires lors de sa conférence de presse d'adieu au congrès de Pékin en août 2015, Lamine Diack s'était d'ailleurs emporté, bredouillant explications et justifications qui n'en étaient pas. Aucun de ses voisins, dont son successeur Sebastian Coe, visiblement gênés, n'était intervenu pour sa défense.
"Il laisse une image pas très reluisante pour l'athlétisme, a jugé auprès de l'AFP Bernard Amsalem, ancien président de la Fédération française (2001-2016) et ex-membre du Conseil de la Fédération internationale (2011-2019). Le fonctionnement était très opaque et je pense qu'il a été dépassé par les évènements. Il n'aurait jamais dû confier tant de responsabilités à son fils. D'autres ne l'auraient pas fait. C'est clair qu'il n'a rien contrôlé et que tout cela lui a complètement échappé."
Une ex-salariée, entendue par la police dans l'enquête, avait eu de son côté cette phrase cruelle pour le vieux lion: "Je pense que Lamine Diack s'est pris pour Robin des Bois, prendre l'argent des dopés pour sauver les Sénégalais, mais cela n'engage que moi".
Malgré le terrible boulet de la corruption, Diack pouvait se flatter d'avoir mondialisé le premier sport olympique. Sur le plan comptable, les recettes de télévision et de sponsoring se sont ainsi élevées en 15 ans à plus d'un milliard d'euros. Un legs balayé par les affaires, qui ont causé la perte d'importants sponsors à la fédération internationale.
par Nioxor Tine
RIPOSTE À LA COVID-19, AU-DELÀ DES GESTES BARRIÈRES
Les mesures correctrices passent par la mise sur pied d’un large front auquel le pouvoir devra associer de larges segments de la Nation, en vue de délibérer, de manière démocratique du plan de résilience économique et sociale
En dehors des aspects purement sanitaires, la pandémie à la Covid-19 a cette vertu de dévoiler, sur un mode fast-track, les mécanismes les plus occultes et les plus obscurs de la façon cavalière, dont nos autorités exercent le pouvoir.
En effet, le ministre de la santé nous certifiait, avant-hier, le 04 juin, que l’épidémie, était sur une tendance baissière en lieu et place d’oscillations du taux de positivité sur un plateau évoquée lors d’une émission radiophonique du dimanche 31 mai dernier. Aujourd’hui, son équipe d’experts vient de confirmer, à l’occasion de sa troisième conférence -bilan mensuelle, que le coronavirus était dans une phase de circulation active et qu’il fallait redouter une démultiplication des cas et des décès.
Le seul remède brandi par toute cette élite bien-pensante contre cette situation délétère semble être d’accabler les citoyens, coupables de légèreté et de négligence dans l’application des mesures préventives. On semble leur assigner le rôle de boucs émissaires pour toutes les défaillances de nos décideurs.
Quels que puissent être la pertinence et l’efficacité des gestes barrières, ils ne sauraient, à eux seuls, tenir lieu de stratégie anti-Covid.
Les contradictions, évoquées plus haut, entre un homme politique de la majorité, ministre de la République et des technocrates compétents mais tenus par le devoir de réserve, semblent tout simplement relever d’un conflit entre deux logiques.
La première technique, à laquelle on a reproché son hospitalo-centrisme, sa médicalisation excessive et sa verticalité, a permis d’engranger quelques acquis malgré toutes les contraintes extra-sanitaires provenant du pouvoir.
Elle semble avoir atteint ses limites et tend de plus en plus à vouloir changer de paradigme, en mettant davantage en exergue la responsabilisation communautaire.
L’autre politicienne dont les motivations ont trait à la consolidation de positions de pouvoir que la crise sanitaire pourrait remettre en cause. Elle n’a pas su fédérer les forces vives de la Nation, qui pourtant, avaient fait preuve de bienveillance à l’égard d’un plan concerté de lutte contre la pandémie.
Les autorités de notre pays, au lieu de saisir cette main tendue, ont préféré persister dans leurs errements habituels, en privilégiant une gestion solitaire, caractérisée par la précipitation et le manque de transparence. Pire, ils n’ont cessé de poser des actes clivants, mal perçus par l’opinion publique (marchés octroyés de manière discrétionnaire, absence de concertation avec l’Opposition et la société civile, atteintes aux libertés, arrêtés controversés sur l’honorariat, promotion de transhumants...).
Last but not least, ils n’ont pas su mener à bien le programme de résilience économique et sociale, ce qui a plongé de larges secteurs des masses populaires dans une subite précarité aggravée par un couvre-feu illogique et oppressant, surtout pour ceux qui résident dans des quartiers populaires.
Cela a provoqué des manifestations sur toute l’étendue du territoire national mais plus particulièrement dans les deux plus grandes villes de notre pays, d’où la nécessité de mesures d’assouplissement pour baisser la tension sociale.
Au total, malgré l’auto-glorification qui est la marque de fabrique de ce régime, nous constatons une poursuite inexorable de la propagation du virus, dans un contexte où la visibilité sur la prévalence réelle de la Covid-19 fait défaut, à cause de l’insuffisance des tests effectués.
Les mesures correctrices passent par la mise sur pied d’un large front auquel le pouvoir en place devra associer de larges segments de la Nation, en vue de rétablir la confiance et surtout de délibérer, de manière démocratique du plan de résilience économique et sociale.
Il s’agira d’évaluer le niveau de mise en œuvre de ce plan, qui prévoyait, outre 64,4 milliards au secteur de la santé, 100 milliards pour les secteurs les plus touchés, en plus des 69 milliards destinés à la distribution de denrées alimentaires.
Il faudra également discuter des modalités de son exécution pour renforcer les rubriques dévolues au dépistage des cas, à la prise en charge des cas graves, mais aussi à l’accompagnement des couches les plus socialement vulnérables.
L’implication réelle des forces vives de notre pays, préalable incontournable à un engagement communautaire bien compris, doit dépasser le cadre symbolique d’un comité de pilotage confiné dans le rôle peu valorisant de supervision de la distribution laborieuse et controversée de denrées alimentaires.
Cette évaluation pourrait, en plus de procéder à une révision consensuelle des stratégies de maîtrise de la pandémie, jeter les bases de réformes profondes des différentes politiques publiques.
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UN LEXIQUE IMPERTINENT QUI VEUT DÉCOLONISER LA LANGUE FRANÇAISE
En quarante mots et expressions, les auteurs du Collectif Piment débusquent ce que la langue française cache encore d’histoire coloniale non digérée. Des mots qui restent en travers de la gorge
Le Monde Afrique |
Sandrine Berthaud-Clair |
Publication 07/06/2020
Le Collectif Piment publie un glossaire protéiforme et poétique qui se propose d’aller voir au-delà des définitions classiques. Drôle, instructif et irrévérencieux.
« Ami noir, loc. Généralement utilisé comme gilet pare-balles dans une conversation stérile. Exemple : “Je ne peux pas être raciste, j’ai un ami noir”. » Si vous voulez comprendre les ressorts de cette expression tout sauf banale, Le Dérangeur, petit lexique en voie de décolonisation, est fait pour vous. En quarante mots et expressions, les auteurs du Collectif Piment débusquent ce que la langue française cache encore d’histoire coloniale non digérée. Des mots qui restent en travers de la gorge.
Dédié « aux personnes noires, à celles qui aiment l’être, qui le sont par défaut ou par choix politique. A celles qui ne le sont pas encore et le deviendront, peut-être », le livre donne le ton d’emblée : impertinent, poétique et piquant. Ecrit « à huit mains », Le Dérangeur va fouiller sous la croûte des mots les plaies qui continuent de démanger. Abolitions, colère, diversité, émeute, exotique, racisé, réparations, victimisation, world music, sont quelques-unes de ces entrées conçues tantôt comme des définitions de dictionnaire, tantôt comme des articles, des poèmes, des fables, des dialogues, des clins d’œil typographiques, des jeux ou des devinettes destinées avant tout à faire réfléchir.
« Notre volonté n’est pas de donner de leçons de morale oud’expliquer ce qu’est le racisme, explique Binetou Sylla, l’une des quatre auteurs. Nous voulons partager nos expériences, mises en perspective par la matière scientifique, la littérature, la pensée philosophique et l’histoire de ceux qui nous ont précédés. Nos aînés et nos contemporains ont donné corps et rationalité à ce que nous vivons aujourd’hui. C’est aussi le fruit d’un dialogue entre nous. »
« Laisser une trace »
Le « nous », ce sont quatre jeunes Français âgés de 25 à 33 ans, nés et grandis pêle-mêle « en Hexagone », aux Antilles, en Afrique et aux Etats-Unis. Célia Potiron, Christiano Soglo, Binetou Sylla et Rhoda Tchokokam se sont rencontrés il y a plusieurs années à Paris, à la faveur d’amitiés, de recherches sur la musique ou d’échanges de hasard en club de lecture « afro ». Cotonou, Douala, Bamako, Dakar, Saint-Pierre, Chicago, New York, Paris, Bordeaux… la liste non exhaustive des villes par lesquelles les auteurs sont passés racontent bien cette nouvelle génération d’afrodescendants cosmopolites qui n’entendent plus que l’on parle à leur place de leur(s) histoire(s) de France.
En 2017, le quatuor monte une émission baptisée « Piment, la gifle d’épices pour gâter la sauce », diffusée en direct deux fois par mois sur les ondes de la radio alternative Rinse FM, puis depuis fin 2019 sur Radio Nova.
D’après certaines indiscrétions, tout est fait pour écarter le chef du Service des maladies infectieuses de la riposte contre le coronavirus. D’où la nomination du professeur Ndour à la tête d’une structure ‘‘concurrente’’
Depuis un certain temps, les relations entre le ministère de la Santé et le chef du Service des maladies infectieuses, le Pr. Moussa Seydi, ne sont pas au beau fixe. D’après certaines indiscrétions faites à ‘’EnQuête’’, tout est fait pour savonner la planche à M. Seydi et l’écarter de la riposte contre le coronavirus, d’où la nomination du Pr. Ndour à la tête d’une structure ‘‘concurrente’’. Des assertions que le directeur de cabinet du ministère, Dr Aloyse Diouf, a rejetées.
Que se passe-t-il au ministère de la Santé et de l’Action sociale ? C’est la question que tout le monde se pose. Au moment où la maladie progresse, on apprend que l’union sacrée qui a prévalue en début de crise se fissure, depuis que les coups bas, le clanisme et la guerre des ego ont fait leur entrée, dans ce match compliqué contre la Covid-19. Des praticiens soutiennent que, depuis un certain moment, la machine de guerre est grippée. Les divergences, soulignent-ils, ont commencé depuis la sortie médiatique du chef du Service des maladies infectieuses et tropicales de Fann et figure de proue de la lutte contre la pandémie, le professeur Moussa Seydi, à Ziguinchor. Coordonnateur de la prise en charge médicale des malades de la Covid-19, le Pr. Seydi s’est rendu dans le sud du pays pour observer l’opérationnalité des services sanitaires en place dans ce contexte de pandémie.
Après avoir salué la bravoure du personnel soignant, il a déploré l’état dans lequel se trouve le service de réanimation de l’hôpital de Ziguinchor. "Le service de réanimation, disait-il, n’est ni fonctionnel ni construit selon les normes, pour prévoir le pire". Un discours qui, dit-on, a fait grincer des dents en haut lieu au ministère dirigé par Abdoulaye Diouf Sarr. Ce fut le début de la ‘’guerre’’, informent des sources. Depuis ce jour, nous souffle-t-on, tentations et tentatives d’écarter le Pr. Seydi de la riposte contre la Covid sont allées crescendo. Mais ce n’est pas une mince affaire, puisque son plus grand atout est d’avoir comme interlocuteur direct le boss de Diouf Sarr : le président Macky Sall.
Des informations recueillies, il nous revient que si la tutelle veut ‘’exclure’’ Prof Seydi, c’est parce que ce dernier est intransigeant. Depuis le début de la pandémie, ‘’il n’est pas dans les compromissions. C’est pour cette raison, d’ailleurs, qu’on n’a jamais voulu de lui à la tête du service des maladies infectieuses. Tout ce qui l’intéresse, c’est la science. Le chef du service des maladies infectieuses n’est plus consulté. Ils sont en train de le pousser vers la porte de sortie’’, dit-on.
Pourtant, bien avant ceci, le professeur aurait diligenté la mise en place de l’aérogare de Yoff pour la prise en charge des malades. En effet, d’après nos interlocuteurs, après consultation du président Macky Sall, le professeur avait proposé l’érection de l’hôpital de Diamniadio en centre de traitement. Pareil pour l’hôpital Principal et le centre de Darou Marnane à Touba. Il avait même, poursuivent nos interlocuteurs, nommé les responsables de ces centres de traitement. Mais aujourd’hui, il n’est plus au cœur de la prise en charge. ‘’La preuve par toutes les extensions comme l’aérogare de Yoff, le site de Ngor. Il n’est pas informé. Pareil pour les hôtels transformés en centres de traitement’’.
En effet, explique-t-on, ‘’lors de la première rencontre, le ministre Abdoulaye Diouf Sarr avait pris la décision de mettre sur pied une commission scientifique avec comme coordonnateur le professeur Moussa Seydi. Ce qui renvoie à la coordination suivi-maladie, l’évaluation, le fonctionnement et l’environnement sanitaire. Seulement, depuis lors, il n’a pas sorti la note. En lieu et place, il a créé le Comité recherche et éthique haut niveau. C’est là que les chamboulements ont commencé. Car une commission du genre existait déjà au sein de la tutelle. Elle est en principe chargée du protocole’’. D’ailleurs, de nombreux praticiens se demandent comment peut-on réussir cette riposte sans cette commission. C’est ce qui explique, selon eux, tout ce qui se passe comme la valse-hésitation au ministère de l’Intérieur qui a pris une décision pour revenir dessus deux jours après. ‘’Tout ce désordre est dû au fait qu’il n’y a pas une instance où les gens peuvent se réunir pour prendre une décision’’, explique un spécialiste.
‘’J’apprends beaucoup de choses dans les journaux’’
Pour en finir avec lui, soulignent nos sources, le ministre aurait nommé le directeur de la Division de la lutte contre le sida et les IST, le professeur Cheikh Tidjane Ndour, responsable de la prise en charge extrahospitalier. Une occasion, selon elles, de réduire les pouvoirs et de barrer la route au Pr. Seydi. ‘’Le Prof Seydi est responsable de 60 % des centres de prise en charge. Pour contourner cela, ils ont mis à la place une autre personne qui va être autant responsable que lui à la prise en charge extrahospitalière. Il aura sous sa responsabilité plusieurs structures. C’est-à-dire, ils ont trouvé un autre répondant qui pourra faire la même chose que lui. Ils le font en renforçant un peu les responsabilités du Pr. Ndour. C’est un remplacement qui ne dit pas son nom’’, développe un praticien. A côté, ajoute-t-il, les travaux entrepris à l’hôpital Fann sur proposition du Pr. Seydi ont été brusquement stoppés. ‘’De guerre lasse, le professeur a avisé le président de la République pour lui dire qu’on ne doit plus marcher sur ses platebandes. Le président Macky Sall a ordonné à Abdoulaye Diouf Sarr de mettre fin à ce torpillage. Malgré tout, il maintient la démarche’’, fait savoir un expert qui reste convaincu que ‘’ces promotions faites au colonel Ndour sont une façon d’écarter Moussa Seydi à qui on n’a pas pardonné ces prises de position et décisions depuis le début de la crise’’.
Joint par ‘’EnQuête’’, le Pr. Cheikh Tidiane Ndour nous recommande de contacter le ministère. ‘’J’ai vu ce qui est écrit dans les journaux. Mais vous savez aussi très bien là où il faut prendre l’information. Apparemment, c’est le ministère qui nomme. J’apprends beaucoup de choses dans les journaux. C’est pourquoi il faut aller là où vous pouvez avoir la bonne information, au ministère’’, conseille le Pr. Ndour.
Quant à nos tentatives de joindre le professeur Moussa Seydi, elles sont restées vaines.
Climatisation centrale des réceptifs hôteliers : le vecteur improbable
Par ailleurs, une source précise que les ‘’guerres’’ fratricides pour la gestion de la riposte génère des flux financiers importants. A ce rythme, soutient-elle, les milliards de la lutte contre le coronavirus risquent d’assouvir plus des appétits politiques que de stopper l’accroissement de la pandémie. Pire, le choix de certains réceptifs hôteliers sans l’approbation des personnes habilitées serait même à l’origine de plusieurs contaminations, avec la climatisation centrale dont ces hôtels sont dotés. Des décisions prises à l’emporte-pièce qui vont peser lourd sur la balance, au moment du décompte.
‘’Abdoulaye Diouf Sarr doit dire la vérité sur ce qui se passe au district Ouest. Certains comportements risquent d’affaiblir la stratégie mise en place. Nous ne pouvons pas continuer à nous exposer. Certains réceptifs hôteliers sont hors norme, avec une climatisation centrale vecteur de contamination’’, dénonce un praticien. Avant d’informer que le ministère est en train de transformer certaines structures de prise en charge médicale qui fonctionnaient correctement en centres de traitement. C’est l’exemple du district sanitaire de Ngor qui fonctionne correctement. ‘’Ils veulent arrêter la prise en charge qui se fait. C’est-à-dire les accouchements, les interventions chirurgicales, la vaccination, la prise en charge des personnes tuberculeuses, des patients VIH, des diabétiques. Du jour au lendemain, ils veulent en faire une structure de prise en charge de la Covid. Plus de 45 % des fonds destinés à la lutte risquent d’enrichir des hôteliers et intermédiaires médicaux’’, fustige-t-il.
‘’Ni le Pr. Ndour ni le Pr. Seydi ne sont nommés responsables de quoi que ce soit’’
Des allégations qui sont tempérées par le directeur de cabinet du ministère de la Santé et de l’Action sociale, Docteur Aloyse Waly Diouf. Ce dernier précise qu’il n’y a aucun problème et que le département compte sur toutes les compétences. ‘’Moussa Seydi est un professeur émérite qui, dans le domaine des maladies infectieuses et tropicales, est la personne référence. Nous travaillons avec lui. Le comité scientifique est dirigé par le conseil technique n°1. A notre niveau, il n’y a pas de difficulté. Ni le Pr. Ndour ni le Pr. Seydi ne sont nommés responsables de quoi que ce soit. Nous travaillons avec toutes les compétences, que ce soit le Pr. Seydi, le Pr. Ndour, les autres professeurs agrégés en maladies infectieuses’’, précise le Dr Diouf.
Avant d’ajouter que le chef du Service des maladies infectieuses et tropicales est consulté à chaque fois que de besoin.
S’agissant de ‘’la nomination’’ du professeur Cheikh Tidiane Ndour à la coordination de la prise en charge extrahospitalière, le Dr Diouf reste formel : ‘’Aucune note nommant un coordonnateur de la prise en charge extrahospitalière et la prise en charge des CTE n’a été faite par le ministère. Il n’y a pas de coordonnateur de prise en charge. Le directeur de la Lutte contre la maladie (NDLR : Dr Amadou Doucouré) est le coordonnateur de la prise en charge au sein du Comité national de gestion des épidémies. Maintenant, le ministre a le loisir de consulter toutes les compétences et il le fait toujours’’, clarifie-t-il.
Poursuivant, il insiste sur le fait que le ministère travaille avec l’ensemble des professionnels. Que ça soit avec les professeurs Moussa Seydi, Cheikh Tidiane Ndour ou Sylvie Diop. Ils participent même, dit-il, à toutes les rencontres. ‘’Le Pr. Seydi étant quelqu’un de renommé, de la même façon peut-être que les autres, nous lui accordons toute la place qui est la sienne dans le dispositif, en termes de consultation et autre. Il n’y a pas de nomination pour le Pr. Ndour. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est le combat que nous menons. Que nous tous puissions faire focus contre le coronavirus. L’ensemble des forces qui pourront concourir à aider le pays à régler cette question de la pandémie seront sollicitées’’.
TROIS HOMMES DOMINENT PLUS QUE JAMAIS L'ÉCHIQUIER DJIHADISTE AU SAHEL
Après la mort du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) Abdelmalek Droukdal, trois figures dominent plus que jamais la scène jihadiste au Sahel: Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa côté Al-Qaïda, et Adnan Abou Walid Sahraoui pour l'Etat islamique
Dans le centre du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger), la nébuleuse jihadiste plus ou moins unie dans les années 2000 s'est en effet fissurée en deux mouvements dans les années qui ont suivi la crise malienne de 2012: l'un est affilié à Al-Qaïda, l'autre à l'EI.
Epicentre historique d'une crise qui a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, le Mali a en début d'année, par la voix de son président Ibrahim Boubacar Keïta, fait une offre de dialogue à Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa.Sans résultat tangible pour l'heure.
Iyad Ag Ghaly, chef touareg
En 2017, plusieurs groupes se sont unis sous la même bannière du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM selon ses initiales en arabe): Ansar Dine (créé en 2012 par Iyad Ag Ghaly), la katiba Macina (créée par Amadou Koufa en 2015), et Aqmi (dirigé par l'Algérien Droukdal jusqu'à sa mort mercredi au Mali sous le feu de l'armée française).
Le GSIM est dirigé par Iyad Ag Ghaly.Ce membre de la tribu touareg des Ifoghas, originaire de Kidal (nord du Mali), est incontournable depuis plusieurs décennies sur l'échiquier sahélien: d'abord à la tête d'une rébellion touareg dans les années 1990, il se retire ensuite pour faire des affaires avant de revenir sur le devant de la scène en 2012.
C'est à cette époque que ce personnage charismatique crée Ansar Dine, groupe jihadiste qui collabore d'abord avec le mouvement rebelle indépendantiste MNLA pour prendre le contrôle de larges pans du nord du Mali.
Mais il évince vite ce dernier et s'affirme comme l'un des principaux acteurs du conflit dans le nord du pays.Plusieurs villes y sont restées sous domination jihadiste jusqu'à l'intervention militaire française en 2013.
A la tête du GSIM, Ag Ghaly est, après la mort de Droukdal, "le seul représentant au Sahel du chef suprême d'Al-Qaïda, Ayman Zawahiri", souligne l'historien Jean-Pierre Filiu auprès de l'AFP.
Amadou Koufa, prédicateur peul
Au sein du GSIM, le prédicateur peul Amadou Koufa est certes "subordonné" à Ag Ghaly, selon les propos de M. Filiu, mais il n'a cessé de prendre de l'importance depuis la création de sa katiba Macina en 2015.
Capitalisant sur les anciens antagonismes liés à la terre, fertile mais disputée, entre éleveurs et agriculteurs, entre ethnies et au sein même de ces communautés, Koufa a embrigadé à tour de bras dans le centre du Mali ces dernières années.
D'abord marginal, le conflit dans le centre du Mali n'a cessé de prendre de l'ampleur jusqu'à devenir aujourd'hui l'un des points névralgiques de la crise sahélienne.Les attaques jihadistes ou à caractère intercommunautaire y sont désormais incessantes.
Vendredi, 26 personnes y ont été tuées dans une attaque d'un village peul.Une association locale accuse l'armée malienne.Le ministre de la Défense a dit ne pouvoir "rien confirmer ni infirmer" et promis des investigations.
Sahraoui et l'EI, ennemi numéro 1 de la France
C'est également en 2012-2013 qu'a pris de l'ampleur un autre jihadiste, Adnan Abou Walid Sahraoui, aujourd'hui chef du groupe affilié à l'EI au Sahel et désigné en janvier ennemi "prioritaire" de la France dans la région.
A l'époque, Sahraoui, ancien membre du Front Polisario, qui milite pour l'indépendance du Sahara occidental, est l'un des responsables du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao, un autre des groupes jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du Mali en 2012).En mai 2015, il fait dissidence et prête allégeance à l'EI.
Son groupe, qui se fait appeler depuis Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS), apparaît depuis la mi-2018 dans la propagande de l'EI comme une branche de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) sans qu'un lien opérationnel puisse être clairement établi entre les jihadistes de l'Iswap présents au Nigeria et les combattants de Sahraoui.
Très actif dans la région dite des "trois frontières" entre Mali, Burkina et Niger où il a été à la manoeuvre dans de nombreuses attaques contre des camps militaires fin 2019-début 2020, le groupe de Sahraoui est récemment entré en concurrence avec le GSIM.
De façon inédite, dans le centre du Mali, les deux mouvances jihadistes se sont directement affrontées à plusieurs reprises depuis le début de l'année.
AUDIO
OBJECTION AVEC MOHAMED DIA
Le consultant bancaire aux États-Unis est l'ivité de Baye Omar Gueye
Mohamed Dia, consultant bancaire, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
79 NOUVEAUX CAS ENREGISTRÉS DONT 11 CAS COMMUNAUTAIRES
Le Directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’Action sociale a fait état ce dimanche de 79 nouveaux cas de Covid-19 sur 1266 tests virologiques réalisés dans les laboratoires dédiés, soit un taux de positivité de 6,24%.
Dakar, 7 juin (APS) – Le Directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’Action sociale a fait état ce dimanche de 79 nouveaux cas de Covid-19 sur 1266 tests virologiques réalisés dans les laboratoires dédiés, soit un taux de positivité de 6,24%.
Les tests positifs proviennent de 68 cas contacts suivis par les services sanitaires, 11 cas issus de la transmission communautaire répartis entre Ngor, Pikine, Dalifort, Maristes, Mermoz, Fann Hock, Keur Massar, Parcelles Assainies, Cité Biagui qui enregistrent chacun un cas et Touba deux cas.
Dans les sites de traitement, 76 patients hospitalisés ont été contrôlés négatifs et déclarés guéris alors que 15 cas graves sont admis aux services de rénimation mais l’état de santé des autres patients restent stable, selon Dr Aloyse Waly Diouf.
A ce jour 4327 cas ont été déclarés positifs dont 2588 guéris, 49 décédés et 1690 sous traitement. Le Directeur de cabinet du ministre a exhorté les populations à se mobiliser au sein des communautés pour un respect strict des mesures de prévention individuelle et collective.
CHINAFRIQUE, UNE REMSIE GÉNÉRALE DE LA DETTE N'EST PAS ENVISAGEABLE
La Chine pourrait s'emparer des infrastructures africaines en cas de non-paiement de la dette, coronavirus ou pas
Alors que la Chine se serre la ceinture économiquement en réponse au coronavirus, les dirigeants africains s'inquiètent de l'avenir des projets d'infrastructure, du commerce et, dans certains cas, ils demandent carrément un allègement de la dette.
La Chine est le plus grand partenaire commercial de l'Afrique, avec plus de 200 milliards de dollars d'importations et d'exportations combinées par an. La Chine a également financé des projets d'infrastructure tels que des routes, des ports et des chemins de fer sur tout le continent. Le coût global de ces projets s’évalue à plusieurs milliards de dollars.
Mais à cause du coronavirus, l'économie mondiale a pris un coup. Les pays africains, déjà fragiles, se retrouvent dans l’incapacité de rembourser leur dette.
"L'économie chinoise est très touchée par la maladie COVID-19", selon Yun Sun, directrice du programme Chine du Stimson Center, un centre de recherche politique basé à Washington. "Cela va absolument réduire la capacité de la Chine à continuer à soutenir des projets d'infrastructure dans les pays en développement, y compris en Afrique, au même rythme qu’auparavant".
Au premier rang des préoccupations se trouve l’initiative "Belt and Road", ou la nouvelle route de la soie. A travers cette initiative, le gouvernement, les banques et les investisseurs privés chinois ont prêté environ 146 milliards de dollars aux pays africains entre 2000 et 2017. Mais en raison de la pandémie mondiale de coronavirus, nombreux sont ceux qui réclament une pause dans les remboursements ou une forme quelconque de remise de la dette.
"Il n'y a pas qu'un seul pays africain qui se réjouit de cet appel à l'allègement de la dette mondiale", explique Mme Sun. "Mais je dirais que le tableau est très différent du côté chinois. Tout d'abord, étant donné le montant massif de la dette que les pays africains doivent à la Chine, la question clé est de savoir s'il est financièrement faisable pour la Chine d'annuler ces dettes".
On estime que les pays africains vont dépenser en tout 44 milliards de dollars pour le service de la dette cette année.
Les créanciers mondiaux, dont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les prêteurs privés des pays du G20, dont la Chine, ont accepté de suspendre les paiements du service de la dette de 77 des pays les plus pauvres du monde. Beaucoup de ces pays sont en Afrique.
De son côté, la Chine s'est déclarée ouverte à un nouvel allégement de la dette, mais elle préfère négocier au cas-par-cas avec chacun des pays débiteurs. C’est d’ailleurs la même posture que le Club de Paris a annoncée récemment.
LE COVID-19 DICTE UNE NÉCESSITÉ D'AUDITER ET D'ÉVALUER LA DETTE AFRICAINE
Pour mieux assurer la redevabilité, la responsabilité mutuelle, les responsabilités collectives et individuelles, et avoir une meilleure idée sur l’efficacité de la dette, plus qu’un audit, il faut aussi nécessairement une évaluation
Déclaré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars 2020 comme une pandémie, le Covid-19 a atteint de plein fouet l’économie des pays africains et mis à nue la vulnérabilité et le manque de résilience des Etats ainsi que l’inefficacité de la croissance économique enregistrée les dix dernières années. La pandémie Covid-19 a, du même coup, suscité de la part de l’élite africaine, des universitaires et de la société civile un débat sonore sur la dette de nos pays qui a servi, entre autres, à financer cette croissance économique apparente.
Le 22 mars 2019, exactement un an avant la survenue brusque de la pandémie Covid-19, le Consortium pour la recherche économique en Afrique (CREA), dans une rencontre de haut niveau à Hararé, avait attiré l’attention de nos dirigeants et partenaires sur la fragilité de nos économies et la volatilité de la croissance enregistrée. Le CREA avait rappelé que cette fragilité, qui compromet nos chances de développement, était multidimensionnelle et principalement caractérisée par l’instabilité politique, une diversification limitée des activités économiques, l’extrême violence, et les chocs climatiques.
Les pyramides des âges et le climat en Afrique ont fortement atténué les effets sanitaires néfastes liés à la pandémie Covid-19. Toutefois, ses effets sur nos économies déjà fragiles sont immenses et peuvent déboucher sur l’instabilité amplifiée et la disruption politique généralisée, la récession économique et l’extrême pauvreté répandue, l’insécurité alimentaire sévère et même la famine. Emboitant le pas à la Commission économique des Nations-Unies, la Banque mondiale a estimé que l’Afrique au sud du Sahara va connaître sa première récession depuis plus de 25 ans, qui tournera entre une croissance économique de -5% à -2,1% en 2020.
C’est dans ce contexte que des chefs d’Etats de nos pays ont demandé l’annulation pure et simple de la dette africaine. Les institutions financières internationales ont pris des mesures rapides pour aider les pays africains à faire face à la gestion de la pandémie. Entre autres, la dette multilatérale des 25 pays les plus pauvres a été effacée, les pays du G20 ont aussi accepté de suspendre partiellement le service de la dette de 77 pays à revenu faible pour un montant de 14 milliards de dollars sur un total de 32 milliards de dollars. Certains dirigeants et plusieurs économistes de renommée internationale ont estimé que ces mesures, même si elles permettraient aux Etats africains d’avoir une marge de manœuvre plus large pour mettre en œuvre des politiques budgétaires plus adaptées à la gestion de la pandémie, elles demeurent insuffisantes.
Les statistiques de la dette extérieure des pays de l’Afrique au sud du Sahara consolidées et publiées par la Banque mondiale (International Debts Statistics2020) montrent un encours global de 721 milliards de dollars en 2019 (états arrêtés fin 2018) à peu près 433 trillions de FCFA. Cette dette est multiforme et a plusieurs origines et mécanismes différents : les stocks de dettes extérieures constituent 81% (la dette extérieure long-terme est à 493 milliards de dollars, la dette extérieure court-terme est à 68 milliards de dollars et les crédits FMI sont de 22 milliards de dollars), 10,8% sont constitués des décaissements à long-terme, les remboursements de capital long-terme sont de 6%, et le paiement des intérêts long-terme de 2,2%.
Cette dette extérieure des pays de l’Afrique au sud du Sahara est constituée de 24,8% de dette du secteur privée (non garantie par le secteur public) et de 75,2% de dette du secteur public (dette publique extérieure). Sur les stocks de dettes extérieures (493 milliards de dollars), la dette publique constitue 74% venant essentiellement des créanciers officiels multilatéraux et bilatéraux (club de Paris et autres y compris la Chine), et la dette privée non garantie par le secteur public constituent 26% et vient des obligations et des banques commerciales.
À partir de l’année 2010, un virage très important s’est opéré sur la dette extérieure et la nature des prêts des pays de l’Afrique au sud du Sahara. Entre 2010 et 2017 il y a une baisse drastique des prêts multilatéraux (-12%) et des prêts bilatéraux Club de Paris (qui est constitué de 22 membres permanents, essentiellement des pays européens y compris la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, plus les États-Unis, la Fédération Russe, l’Australie, le Canada, le Brésil, Israël, Japon, et Corée du Sud ; et des participants ad-hoc parmi lesquels on peut citer l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Portugal, et même l’Afrique du Sud).
Parallèlement, une augmentation significative a été notée sur la même période pour les prêts venants des partenaires bilatéraux hors Club de Paris, principalement la Chine (+7%), les prêts commerciaux (+5%), et les obligations (10%). Aussi, le niveau médian de dette extérieure des pays de l’Afrique au sud du Sahara qui était de 90% des PIB en 2000 a chuté à 32% des PIB en 2010, résultat surtout lié à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et à l’initiative de l’allégement de la dette multilatérale (Africa’s Pulse 2019). Cependant, à partir de 2010, la proportion médiane de la dette publique extérieure par rapport au PIB a recommencé à enfler considérablement parallèlement à une modification continue de la composition et l’origine des prêts, pour se stabiliser en 2018 à 53% des PIB des pays africains au sud du Sahara.
Très tôt au tout début de la pandémie Covid-19, l’Union africaine s’est empressée de mettre sur pied une équipe de sauvetage avec des personnes ressources cooptées pour négocier l’allégement ou l’annulation de la dette africaine. Plusieurs chefs d’Etats avaient appelé à son annulation pure et simple. Il faut noter que la plupart des jeunes dirigeants africains venus au pouvoir au début des années 2010 avaient de grandes perspectives transformationnelles et des programmes gigantesques pour mettre l’Afrique sur les rampes de l’émergence économique. Ils ont très vite été stoppés par le poids de la dette et les conditions de convergence économiques multiples, la réticence de certains créanciers ainsi que la pression de la société civile. La pandémie Covid-19 est venue aggraver cette situation et réduire presque à néant la capacité d’endettement des pays africains pour le financement aussi bien de la gestion de la crise que des programmes qui étaient dans les plans. Ainsi, l’annulation de la dette pourrait être la seule panacée vers de nouveaux financements et l’émergence économique tant rêvée.
Des économistes africains ont très vite rappelé techniquement qu’un audit de la dette était nécessaire avant de parler de toute annulation, ne serait-ce que pour conforter les créanciers et les opinions publiques africaines e renforçant la confiance. Cependant, pour mieux assurer la redevabilité, la responsabilité mutuelle, les responsabilités collectives et individuelles, et avoir une meilleure idée sur l’efficacité de la dette, plus qu’un audit, il faut aussi nécessairement une évaluation. Il y a des nuances entre l’audit et l’évaluation quant aux raisons pour lesquelles ils seront effectués. L’audit de la dette publique permettra de déterminer sa validité, son authenticité, et vérifier si l’ensemble des procédures et normes prédéfinies ont été respectées. L’évaluation de la dette elle, permettra de mesurer son mérite, les résultats et impacts tirés de son utilisation, et les avantages liés à l’utilisation de l’ensemble des actions, politiques, normes et stratégies pour atteindre ses objectifs prédéterminés.
Même s’il est louable de mettre en place des équipes constitués d’anciens chefs d’Etat, d’experts et personnes ressources cooptées, ces commissions ne pourraient à la rigueur que superviser le processus et agir comme des comités de pilotage. De toute façon, elles ne devront certainement pas mener directement l’audit et l’évaluation de la dette. Il faut obligatoirement un audit et une évaluation indépendants de la dette, menés par des organisations privées et/ou non-gouvernementales pour assurer toute impartialité. Les départements d’audit et d’évaluation des partenaires multilatéraux, des Nations-Unies, des experts désignés par les partenaires bilatéraux et les obligataires pourront se concerter, mettre en place une task-force internationale qui appuiera technique le processus en commençant par l’élaboration de la note conceptuelle pour l’audit et celle pour l’évaluation. Les partenaires multilatéraux pourront prendre en charge le recrutement des cabinets d’étude internationaux qui prendront en charge des volets spécifiques de l’audit ou de l’évaluation.
Ces études d’audit et d’évaluation pourront cibler la période 2000-2019 avec 2010 comme point mid-term de virage important et couvrir plusieurs champs désagrégés en programmes sociaux et programmes productifs. Les équipes d’audit devront nécessairement intégrer des juristes pour préparer les dossiers de ceux qui ont participé à tout détournement de la dette. Les recommandations issues des ces études pourront donner des orientations plus claires sur quelle partie de la dette (pouvant varier de 0 à 100%) devra être annulée, et intégrer les stratégies, politiques et actions post Covid-19 et mieux favoriser ainsi la mobilisation des ressources pour leur bonne exécution.
Dr. Abdourahmane Ba est Expert international en management et évaluation de politiques et programmes