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26 avril 2025
Société
RSF ALERTE SUR LA CRISE DES MÉDIAS
Reporters sans frontières appelle les autorités à intensifier les réformes pour assurer la viabilité économique d'un secteur médiatique fragilisé par des suspensions de contrats publicitaires et des redressements fiscaux
(SenePlus) - Un an après l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence, Reporters sans frontières (RSF) salue les premières réformes engagées mais appelle à "accélérer" les mesures pour garantir la survie économique d'un secteur médiatique en difficulté.
Dans un communiqué, l'organisation internationale de défense de la liberté de la presse reconnaît les avancées comme "l'enregistrement des organes de presse sur une plateforme dédiée" et "l'actualisation de la loi sur la publicité", tout en soulignant que ces initiatives restent insuffisantes.
"L'enregistrement des médias et l'actualisation de la loi sur la publicité sont des mesures salutaires", affirme Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, qui ajoute cependant que "la question de la soutenabilité économique des médias doit être davantage prise en charge".
Le secteur traverse une crise majeure, marquée par "des suspensions de contrats publicitaires, l'accumulation d'impayés et la fragilisation générale", selon RSF. Certains titres emblématiques comme Stades et Sunu Lamb, "deux des quotidiens sportifs les plus lus du pays", ont suspendu leur parution fin juillet 2024 "après plus de vingt ans d'existence", invoquant "des difficultés économiques insurmontables".
Si le président s'était engagé à "soutenir une presse libre et diversifiée" dès son arrivée au pouvoir, les réformes entreprises ont provoqué des tensions. Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS) a dénoncé "une tentative de museler la presse" et organisé "une journée sans presse" massivement suivie le 13 août 2024.
La cartographie des médias lancée en août 2024 a particulièrement déstabilisé le secteur. Sur 639 médias ayant soumis un dossier, "seuls 258 ont été officiellement déclarés conformes par l'État en février 2025", rapporte RSF.
Mahamadou Baldé, fondateur du site Kolda News, témoigne auprès de RSF de la "décision collégiale d'arrêter les publications à partir de fin février" car son média n'est "pas en mesure de recruter trois journalistes avec les exigences en années d'expériences requises" par le Code de la presse.
Face à ces difficultés, RSF formule plusieurs recommandations, notamment de "renforcer la réforme des aides à la presse via l'accompagnement des médias vers plus de professionnalisation" en soutenant les travaux de la commission d'examen et en revalorisant le budget des aides publiques.
L'organisation suggère également de promouvoir "la certification Journalism Trust Initiative (JTI), avec des incitations fiscales pour les médias et leurs partenaires", tout en appelant à "adopter un nouveau Code de la publicité adapté aux réalités actuelles".
RSF s'inquiète par ailleurs des "enjeux sécuritaires" qui persistent, citant plusieurs cas de journalistes convoqués par les autorités et des attaques informatiques inédites contre des médias en ligne comme Seneweb, Dakaractu et PressAfrik Group en février et mars 2025.
HOMMAGES À UN GÉANT
L'ouvrage "Wade, mille et une vies" de Madiambal Diagne a été dédicacé samedi en présence de nombreuses personnalités, offrant l'occasion d'évoquer l'héritage d'un homme politique hors norme qui a transformé le Sénégal
La cérémonie de dédicace du livre «Wade, mille et une vies», écrit par Madiambal Diagne, tenue ce samedi, a permis de découvrir encore l’ex-président de la République sous d’autres traits. Chaque personne présente à cet évènement a une part à raconter sur ce personnage iconique et inclassable qui a marqué l’histoire de ces 40 dernières années du pays. Il y avait des journalistes, des hommes politiques et ses compagnons comme Habib Sy, Babacar Gaye, Fada et l’ex-Premier ministre Amadou Ba. Un instant pour immortaliser un géant…
Sous les lumières tamisées de la salle, tous les témoignages éblouissent le parcours de Me Wade. Un géant à la retraite après avoir marqué son pays. Bien sûr, Abdoulaye Wade n’est pas du genre à s’enfermer dans une idéologie. Ses proches collaborateurs sont unanimes à ce sujet. Sa boussole demeure la sauvegarde des intérêts du Sénégal. C’est avec la même abnégation qu’il a forcé l’Union européenne à financer la construction de certaines infrastructures au Sénégal. «C’est autour d’un dîner à Bruxelles que le Président Wade a convaincu (Michel) Barroso (président de la Commission de l’Ue de l’époque) pour que l’Ue finance les routes au Sénégal. Wade leur a expliqué que l’Afrique n’a besoin que d’infrastructures pour se développer et que les partenaires devaient réorienter leurs financements sur les infrastructures (…) Me Wade avait fini de tracer toutes les routes du Sénégal, et même de l’Afrique. Il croyait dur comme fer que les infrastructures vont développer l’Afrique», a affirmé Habib Sy, son ancien directeur de Cabinet. Une position que Amadou Ba a confirmée.
Politique d’infrastructures : Macky a perpétué le legs de Wade
Pour l’ancien Premier ministre de Macky Sall, Me Wade a «beaucoup inspiré l’ancien Président. Sur les infrastructures, on s’est inspiré du Président Wade. En effet, sur l’axe 1 du Pse, on avait boosté nos investissements de 65%. Ce qui était une révolution par rapport à l’ajustement structurel ou à la limite dans nos formations à l’Ena, on a cherché à nous montrer ou faire croire qu’on ne devait pas utiliser les ressources publiques nationales pour investir dans les infrastructures. On a changé de paradigme. Me Wade avait beaucoup inspiré l’ancien Président, comme tous ceux qui avaient le privilège de le côtoyer».
Amadou Ba, qui voue un profond respect au Pape du Sopi, est largement revenu sur sa collaboration avec Me Wade. «Souverainiste, oui il l’est. J’ai négocié avec la partie française pour le départ des troupes françaises. Je sais exactement comment les installations ont été restituées et pourquoi certains sont restés. Il avait préservé les intérêts du Sénégal dans un contexte particulièrement difficile. Ce qui est vrai et valable hier ne l’est pas aujourd’hui. Les négociations se sont essentiellement déroulées ici. En ce qui concerne le patrimoine, j’avais en charge de veiller à ce qu’il revienne à l’Etat du Sénégal», a-t-il déclaré.
Amadou Ba : «Il m’a nommé à la Dgid sans me connaître»
Amadou Ba reste marqué par le caractère de Me Wade. «Cette affaire de quitus qui a concerné l’ancien Président, j’avais la lourde tâche de délivrer ou pas le quitus aux candidats. Entre les deux tours, il me dit : «Jeune homme, vous êtes un fonctionnaire, je veux que vous restiez républicain jusqu’au bout.» Appliquer la loi dans toute sa rigueur, c’était mon choix. Il aurait pu me demander et peut être que je l’aurais fait de ne pas délivrer à X ou à Y, mais il ne l’a pas fait», a révélé Amadou Ba. Qui a rencontré pour la première fois le Président Wade, deux ans après sa nomination comme Directeur général des Impôts et domaines. «Il m’a nommé à cette prestigieuse fonction sans me connaître, sans chercher à vouloir me rencontrer. J’ai eu le privilège d’accompagner mon ministre au groupe consultatif en 2007, où j’avais la charge d’expliquer le volet fiscal. Il avait suivi cette présentation. A mon retour de Paris, il m’a demandé de lui faire au Palais la même présentation qu’à Paris. J’ai fait la présentation avec toute mon équipe. Il avait demandé au ministre et au Premier ministre de me soutenir pour pour que cette réforme puisse voir le jour. C’est ce Code général des Impôts qui régit, jusqu’au moment où je vous parle, les activités fiscales du Sénégal. Après, on se voyait régulièrement sans intermédiaire», a-t-il témoigné.
DIOMAYE ACCUSE, L'APR RIPOSTE
Face à ces allégations concernant de supposées "manœuvres souterraines" que mènerait Macky Sall, son parti dénonce une stratégie de victimisation du nouveau régime qui chercherait des boucs émissaires pour justifier son "immobilisme"
La dernière sortie médiatique du chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, accusant son prédécesseur, Macky Sall, d’user de manœuvres souterraines pour mettre en échec sa politique, est désapprouvée par le Sen de l’Apr. Cette instance exige de la part des autorités, des clarifications au sujet des manœuvres constitutionnelles annoncées lors de l’adresse à la Nation du président de la République.
Le Secrétariat exécutif national de l’Apr a réagi aux propos tenus le 4 avril par le président de la République Bassirou Diomaye Faye, lors d’une interview, accusant son prédécesseur de manœuvres souterraines. Dans un communiqué, les membres de ce parti font savoir que «les propos et insinuations du président de la République à l’égard du Président Macky Sall sont inqualifiables et manquent d’élégance et de tenue».
Il faut noter que lors de cet entretien, Bassirou Diomaye Faye a fait état de «choses» qui seraient en train d’être faites par Macky Sall, sans toutefois les qualifier. «Après notre passation de service, le 2 avril 2024, on s’est fait des accolades, pour ma part, avec le cœur vide. Ensuite, je lui ai donné l’avion présidentiel pour qu’il aille à La Mecque faire le petit pèlerinage. Mais je sais qu’il est en train de faire des choses», a-t-il dit, sans donner plus de détails.
Analysant cette sortie, les partisans de l’ancien chef de l’Etat soulignent qu’en «lieu et place de mesures concrètes pour poursuivre l’œuvre de transformation du Sénégal, le régime célèbre son premier anniversaire au pouvoir par des apitoiements, des complaintes et une recherche de boucs émissaires, afin de justifier son immobilisme, son incompétence et son inertie». Dans son document, l’ancien parti au pouvoir soutient que «le défilé a rendu hommage à la vision et au bilan du régime du Président Macky Sall, qui a doté le pays d’un outil de défense et de sécurité à la mesure de l’ambition que» l’Apr a «pour le Sénégal».
Par ailleurs, l’Apr exige des autorités «une clarification immédiate sur les réformes institutionnelles annoncées, afin d’en évaluer l’opportunité au moment où l’urgence relève plutôt du faible pouvoir d’achat des ménages, des milliers de licenciements abusifs de jeunes, de l’insécurité galopante et des arrestations arbitraires d’hommes politiques et de chefs d’entreprise». Dans la même veine, il demande à ce que «le Peuple souverain soit consulté par référendum pour toute modification concernant la nature du régime politique sénégalais, notamment l’ordonnancement institutionnel».
À CHACUN SA PART DE WADE
"L'ogre qui mange ses enfants mais ne les digère pas" : les témoignages recueillis par Madiambal Diagne révèlent la complexité des relations de Wade avec ses héritiers politiques et dévoilent les coulisses d'un pouvoir aussi fascinant que controversé
13 après avoir quitté le pouvoir, que faut-il retenir de Abdoulaye Wade ? C’est une question à laquelle Madiambal Diagne a souhaité répondre. Le journaliste a épluché 40 ans d’histoire dans un livre intitulé «Wade, mille et une vies». Paru aux Editions du Quotidien, le livre est un rappel historique, de la naissance du Pds à l’exercice du pouvoir, sans oublier la guerre de succession. Madiambal passe au peigne fin Wade, tout en se gardant d’entrer dans son intimité.
– «Dites au président Kadhafi qu’il ment.» Ils ne sont pas nombreux, ces chefs d’Etat qui osaient ainsi rabattre le caquet au guide de la Révolution libyenne. Ou de lancer lors d’une interview, parlant du Président de l’ancienne puissance coloniale : «C’est qui Chirac ? Je m’en fous de lui.» Dr Sagar Seck ne se trompe pas quand elle dit que Abdoulaye Wade est un personnage «aussi saisissant qu’insaisissable». C’est justement l’une des facettes que le journaliste Madiambal Diagne souhaite partager en écrivant un livre sur le Pape du Sopi. Wade, mille et une vies vient de paraître aux Editions du Quotidien. La cérémonie de présentation du livre a réuni un parterre d’anciens ministres de la République et certains héritiers de Wade.
Partant du constat qu’il n’y a pas d’œuvre qui ait fait le bilan de Wade, Madiambal Diagne s’est évertué de mettre à la disposition du grand public ce qui normalement devait être nourri dans des conversations pour cercles d’amis. Le journaliste ne s’arrête pas là. Bien que s’étant interdit de parler de l’intimité de Wade, Madiambal plonge le lecteur dans les années fastes du Pds, la quête du pouvoir. D’après l’ancien ministre Ismaïla Madior Fall, le 5ème ouvrage de Madiambal Diagne est un mélange d’essai sur la trajectoire politique de Abdoulaye Wade avec des faits connus qu’il contextualise. «Wade ne peut être dissocié de l’Histoire du Sénégal. La matière ne peut être épuisée sur un livre, mais Madiambal a réussi à planter, sur 476 pages, les mille et une vies de Wade. Après avoir lu le livre, je ne peux m’empêcher de voir l’héritage de Wade en Macky Sall, tant certaines politiques se ressemblent», a affirmé Ismaïla Madior Fall. Pour l’ancien ministre de la Justice, l’ouvrage ne se positionne ni pour Wade ni contre ce dernier. Pour lui, ce n’est ni un plaidoyer ni un réquisitoire, d’où son importance intemporelle 13 ans après la chute du Pape du Sopi. «Madiambal a choisi la distance, l’objectivité et la froideur. L’ouvrage relève les éclairs de génie et les parts d’ombre du héros de la compétition démocratique», a dit Ismaïla Madior Fall. Qui estime que le livre est une source d’inspiration, car il «combine narrations, analyses et témoignages des protagonistes de l’histoire. La base analytique de Madiambal Diagne est actuelle, car elle donne la parole aux acteurs. Il y’a beaucoup d’enseignements, des leçons de vie sur la gestion de l’Etat, de la démocratie, etc.».
Des tractations pour faire reconnaître le Parti démocratique sénégalais de l’opposition jusqu’à l’exercice du pouvoir, sans oublier les guerres fratricides de succession, Madiambal Diagne plonge son lecteur dans l’histoire, tout en prenant soin de mettre à nu les détails que le grand public n’avait pas au moment des faits. De la diplomatie à la politique intérieure, le journaliste donne la parole aux acteurs pour mieux cerner les faits. Naturellement, Ismaïla Madior Fall n’a pas manqué l’occasion de décortiquer la lutte fratricide pour la succession de Wade. «L’ogre qui mange ses enfants. Mais il faut préciser qu’il ne les digère pas. Il leur insuffle une nouvelle vie», a-t-il déclaré pour évoquer cette question. Pour autant, pour comprendre la démarche du Pape du Sopi, Ismaïla Madior Fall affirme que Wade a été pragmatique à l’époque où ses contemporains étaient des idéologues. Il a une philosophie politique qui s’approche du pragmatisme. C’est son sens du pragmatisme qui lui a permis de supplanter ses concurrents et de s’imposer comme leader de l’opposition. Il pense en homme d’action et agit en homme de concertation. Il faut lire le chapitre 3 sur la naissance du Pds pour s’en rendre compte. On y relate comment il a convaincu Senghor pour fonder son parti. Il a dribblé tout le monde, y compris Jean Collin. «Wade avait compris que la guérilla urbaine n’est pas la meilleure option», a-t-il expliqué, tout en se basant sur les écrits de Madiambal Diagne. Qui, pour sa part, affirme avoir tendu son micro à 77 proches collaborateurs de Wade. Même Karim Meïssa Wade a été interviewé.
Babacar Gaye révèle le choix de Me Wade pour sa succession : «Macky va me succéder en 2012»
Babacar Gaye a fait une révélation sur le compagnonnage entre Me Wade et Macky. Selon l’ancien directeur de Cabinet politique du Pape du Sopi, Wade avait choisi Macky Sall pour lui succéder depuis 2007. Babacar Gaye a révélé ce secret lors de la cérémonie de présentation du livre Wade, mille et une vies de Madiambal Diagne. «Le Président Wade m’a fait une confidence en 2007. Il m’a dit : «Je vous ai fait revenir ici car Macky Sall ne sera plus Premier ministre. Il ne peut pas résister pendant 5 ans, et en 2012, je voudrais qu’il soit mon successeur. Je veux que vous soyez là pour que nous choisissions un Premier ministre technocrate.» C’est comme ça que Aguibou Soumaré a été choisi. Aller à l’Assemblée nationale était une situation beaucoup plus sécurisante pour lui», a-t-il affirmé.
Bien que Wade ait voulu de Macky comme successeur, selon Babacar Gaye, l’histoire ne s’est pas déroulée comme souhaité par Wade. Macky Sall a choisi d’entendre Karim Wade à l’Assemblée nationale sur l’Anoci. La machine du Pds s’est retournée contre Sall. Un mal pour un bien. La loi Sada Ndiaye, qui le destitue du Perchoir, est le dernier acte d’un divorce entre les deux hommes. A son adoption, Macky jette l’éponge. Il démissionne de tous les postes qu’il a eus sous le Pds et crée l’Apr avec feu Alioune Badara Cissé, Moustapha Diakhaté et Moustapha Cissé Lô, entre autres. Il gagne la Présidentielle au second tour. Et «déloge Wade» par les urnes. Macky réactive la Crei et cible d’anciens dignitaires du régime de Wade. Seul Wade-fils est jugé sur la liste des 26 personnes qui devaient être poursuivies. Après quelques années, les deux hommes enterrent la hache de guerre et font la paix des braves.
LA MAFIA DES VISAS SOUS ENQUÊTE
300 000 FCFA pour un simple rendez-vous visa : c'est la dénonciation portée par Guy Marius Sagna qui a poussé les autorités à lancer une investigation sur les pratiques de VFS Global, gestionnaire des demandes de visa pour plusieurs ambassades à Dakar
(SenePlus) - Le ministère de l'Intégration africaine et des Affaires étrangères a saisi les ministères du Commerce et de la Justice concernant des allégations de revente illégale de rendez-vous visa par VFS Global, le prestataire mandaté par plusieurs ambassades pour la gestion des demandes de visa.
Cette enquête fait suite à une question écrite adressée au gouvernement par le député Guy Marius Sagna, qui a alerté sur des pratiques potentiellement frauduleuses. Selon le parlementaire, "certains agents [de VFS Global] bloqueraient et/ou vendraient les rendez-vous visa aux plus offrants" avec des tarifs pouvant atteindre "300 000 FCFA voire plus pour décrocher des rendez-vous visa."
Dans sa réponse datée du 6 mars 2025 consultée par SenePlus, le ministère des Affaires étrangères, par la voix du Dr Khare Diouf, confirme avoir sollicité des "avis techniques" sur plusieurs aspects préoccupants, notamment :
Le mandat reçu par VFS Global de la part des ambassades
Le montant des frais appliqués par la société
Le caractère non remboursable des frais de traitement en cas de refus de visa
La lettre ministérielle, qui répond également à des préoccupations concernant les difficultés d'obtention de visas pour les réfugiés mauritaniens résidant en France, précise que ces derniers sont classés en "catégorie C" nécessitant une "consultation obligatoire". Par conséquent, leur admission sur le territoire sénégalais est soumise à "l'autorisation préalable obligatoire du MINTSP" (ministère de l'Intérieur et de la Sécurité publique).
"Le délai de traitement des demandes de visa sollicitées par les réfugiés mauritaniens résidant en France est indépendant de la volonté des MDC [Missions diplomatiques et consulaires] et des services centraux de mon Département", précise le document officiel.
Face à l'ampleur du phénomène, le ministère des Affaires étrangères annonce qu'une rencontre est prévue entre ses services compétents, les responsables de VFS Global et les représentants des ambassades et consulats concernés.
Par ailleurs, "une réunion est également envisagée entre mon Département et les missions diplomatiques et consulaires des pays de l'Union européenne accréditées au Sénégal sur les procédures de demande de visas", ajoute la lettre ministérielle.
Dans sa question écrite, le député Guy Marius Sagna avait exprimé son inquiétude quant aux conséquences de ces pratiques, affirmant que "ce genre de pratique contribuent, si elle est avérée, à l'émigration irrégulière."
Le ministère précise également que cette problématique est prise en compte "dans la réflexion en cours sur la réciprocité dans les modalités de délivrance des visas d'entrée au Sénégal aux ressortissants de certains pays."
Par Fatou Warkha SAMBE
NOUS NE DEMANDONS PAS DEUX ANS DE CONGÉ MATERNITÉ
L’idée que l’émancipation des femmes consiste à arrêter l’allaitement maternel n’a jamais fait partie des revendications féministes, ni au Sénégal ni ailleurs. Cette affirmation est dangereusement manipulatrice
Lorsque nous avons découvert une vidéo du député Amadou Bâ revenant sur la volonté qu’ils avaient exprimée dans leur programme, d’accorder deux ans de congé maternité aux femmes, ses propos ont immédiatement suscité notre inquiétude. Cette réaction est d’autant plus légitime que ce même député est à l’origine de la loi interprétative sur l’amnistie, votée récemment au Sénégal. Il est donc légitime de s’interroger sur la cohérence de ses prises de position et de rappeler que la précision dans les termes est indispensable, surtout lorsqu’on aborde des enjeux aussi cruciaux que les droits des femmes. Lorsqu’une même personne, investie d’un tel pouvoir législatif, utilise des termes confus et idéologiquement chargés sur des sujets aussi sensibles que les droits des femmes, il devient plus qu’important d’être précis sur les mots et les concepts. Selon lui, ce programme serait contesté par des «groupuscules» opposés à ce que les femmes retournent au foyer. Pour se défendre, il affirme que cette proposition était soutenue par des statistiques de l’Unicef qui montreraient une hausse de la mortalité infantile entre 1 et 2 ans. Sans achever sa phrase, il déclare ensuite : «Au début, elles avaient dit que l’émancipation de la femme, c’était d’arrêter l’allaitement maternel.» Toujours dans ses propos, il ajoute : «Mais après des années, ils se sont rendu compte que cela a causé beaucoup de malheurs, surtout concernant la santé de la mère et de l’enfant.» Sans transition, il poursuit : «C’est pour cela qu’elles ont recommencé l’allaitement.» Ainsi, il évoque l’exemple d’une députée européenne qui allaite en plein Hémicycle.
Et il conclut : «Ce que cela renseigne, c’est que si on n’est pas solide, surtout vous les femmes, il y a un groupuscule qui veut nous empêcher de faire ce que nous voulons au nom des normes de l’Occident, alors que nous n’avons pas les mêmes civilisations.» Ces propos sont extraits de son intervention lors d’une conférence religieuse organisée pendant le Ramadan à Thiès, sur le thème des droits des femmes. Inutile de préciser que la salle était remplie de femmes. Comme toujours, lorsqu’il s’agit de gagner l’empathie des femmes, on assiste à une mise en scène stratégique qui repose sur la division : diviser pour mieux briller. Opposer les féministes à «la femme ordinaire», flatter certaines pour mieux discréditer d’autres, instrumentaliser la maternité pour mieux contrôler. Cette stratégie, vieille comme le monde, ne vise pas l’émancipation des femmes, mais leur encadrement silencieux. Comment ne pas réagir face à de tels propos ? D’autant plus qu’ils viennent d’un représentant de la République qui prétend agir pour le bien-être des enfants tout en invisibilisant les réalités des femmes. Avant de critiquer la posture de ce qu’il nomme «groupuscule», il aurait dû se documenter sérieusement. Car la question du congé maternité est une préoccupation majeure bien plus qu’il ne semble le percevoir, lui, l’honorable député.
Derrière le mot «maternité», ce n’est pas le bienêtre des femmes qu’on protège, mais un modèle familial figé, assigné et profondément déséquilibré. Bâ semble mélanger deux concepts essentiels : le congé maternité et l’allaitement exclusif. Il évoque la question de l’allaitement dans le même souffle que celle du congé maternité, sans faire de distinction entre ces deux pratiques qui, bien que liées, n’ont pas les mêmes implications. Le congé maternité est une période de repos accordée à la mère pour qu’elle puisse récupérer après l’accouchement et s’occuper de son enfant. Il est important de souligner que l’allaitement exclusif ne dépend pas uniquement du congé maternité, mais plutôt du choix de la mère en fonction de ses capacités, de sa situation personnelle et professionnelle. L’allaitement exclusif, recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), consiste à nourrir un bébé uniquement avec du lait maternel pendant les six premiers mois de sa vie. Il ne faut pas confondre le droit à l’allaitement et le droit au congé maternité, qui sont deux aspects différents des droits des femmes.
L’idée que l’émancipation des femmes consiste à arrêter l’allaitement maternel n’a jamais fait partie des revendications féministes, ni au Sénégal ni ailleurs. Cette affirmation est dangereusement manipulatrice. Elle déforme délibérément les luttes féministes, qui ont toujours porté la reconnaissance des besoins des femmes. A aucun moment, les féministes n’ont prôné l’arrêt de l’allaitement comme moyen d’émancipation. Ce que nous défendons, c’est le droit de chaque femme à choisir en toute liberté et conscience. Des propos de ce genre détournent l’attention des véritables enjeux : l’absence de politiques sociales cohérentes, le manque de structures d’accueil pour la petite enfance, l’isolement des mères, l’absence de congé paternité adapté et le refus d’associer les hommes aux responsabilités parentales. Les féministes ne sont pas opposées à l’allaitement : elles sont opposées aux injonctions, et cela fait toute la différence.
Il avance que l’arrêt de l’allaitement a été une erreur commise dans le passé, en se référant à des exemples dans les pays occidentaux. Il est pourtant important de rappeler que si une campagne de promotion de l’allaitement exclusif a vu le jour dans plusieurs pays, y compris au Sénégal, ce n’est pas pour corriger une prétendue «erreur féministe», mais pour répondre à des enjeux de santé publique. Dans les années 1970 à 1990, la baisse de l’allaitement maternel dans certains pays, notamment sous l’influence du marketing agressif des laits artificiels, a conduit à une augmentation de la mortalité infantile. L’Unicef et l’Oms ont alors lancé l’Initiative hôpitaux amis des bébés (Ihab) pour promouvoir l’allaitement exclusif comme mesure de santé publique, et non comme choix idéologique imposé.
Il est intéressant de noter que, dans l’exemple qu’il donne, Amadou Bâ semble prôner des pratiques occidentales tout en critiquant l’influence de l’Occident. Cette incohérence traduit une vision sélective et utilitariste de la culture, selon ce qui arrange son discours. L’allaitement en public, qu’il cite comme exemple, est en réalité une pratique défendue par les mouvements féministes pour garantir le droit des femmes à nourrir leur enfant sans stigmatisation.
Au Sénégal, le congé maternité est actuellement de 14 semaines dont 8 après l’accouchement. Cette durée est insuffisante, tant pour le bien-être de l’enfant que pour celui de la mère. Elle ne permet pas de concilier efficacement travail et maternité, surtout dans un contexte où peu d’entreprises disposent de crèches ou de dispositifs de soutien adaptés. Nous ne demandons pas deux ans de congé maternité. Ce que nous réclamons, ce sont six mois, en cohérence avec les recommandations de l’Oms, et l’intégration de crèches dans les espaces professionnels. Deux ans de congé, tel que proposé, pourrait au contraire nuire aux femmes : recul professionnel, stigmatisation, mise à l’écart dans les promotions. Ce n’est pas protéger les femmes que de les éloigner de l’espace public. C’est renforcer l’idée qu’elles ne peuvent pas être à la fois mères et professionnelles. Dans le monde, très peu de pays proposent un congé maternité de deux ans. Et lorsque c’est le cas, il s’agit souvent de congés parentaux partagés, étalés sur une longue période, parfois faiblement indemnisés et rarement réservés exclusivement aux femmes. Par exemple, en Estonie ou en Bulgarie, les politiques permettent aux parents de rester à la maison jusqu’aux deux ans de l’enfant, mais dans une logique de flexibilité et de partage des responsabilités parentales entre les deux parents. Ces dispositifs sont accompagnés d’un système de crèches, de congés paternité renforcés et de mesures pour garantir le retour à l’emploi. Dans aucun de ces contextes, il n’est question d’exclure les femmes durablement du monde professionnel au nom de la maternité.
Proposer deux ans de congé exclusivement pour les femmes, sans réforme globale du système de protection sociale et sans implication des pères, revient à renforcer leur assignation domestique et à ralentir leur avancement professionnel. C’est une régression, pas une avancée. S’il s’agissait réellement de donner des droits aux femmes, comme le prétend le député, il aurait commencé par garantir ce qui est déjà recommandé par les instances de santé internationale et adopté par d’autres pays africains comme la Côte d’Ivoire : six mois de congé maternité. Ce choix serait bien plus cohérent avec les besoins des femmes, avec les exigences de l’allaitement exclusif et avec une vision progressiste du travail des femmes. Cela demanderait aussi de repenser l’organisation du travail autour des réalités de la parentalité, plutôt que de maintenir les femmes dans des rôles figés au nom d’un prétendu bien-être de l’enfant. Défendre les droits des femmes, ce n’est pas les éloigner de l’espace public sous prétexte de maternité. C’est leur garantir des choix, du temps, du soutien et de la reconnaissance. Ce que nous demandons, ce ne sont pas des faveurs, mais des droits. Clairs. Effectifs. Respectés.
L’INTEGRATION DES PEUPLES AU SEIN DE LA CEDEAO DEMEURE UN DEFI MAJEUR
Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du forum social sénégalais, s’interroge sur l’incidence de la diversité linguistique dans l’espace communautaire ouest-africain et se demande si elle constitue un obstacle à l’intégration
L’on pourrait légitimement s’interroger sur l’incidence de la diversité linguistique dans l’espace communautaire ouest-africain et se demander si elle constitue un obstacle à l’intégration. Toutefois, « une telle perception relève d’une appréhension erronée, dans la mesure où elle tend à assimiler la pluralité des langues à une entrave, alors qu’elle constitue, au contraire, l’essence même des sociétés humaines », analyse Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Forum Social Sénégalais.
Certes, l’humanité est une et indivisible, mais elle se distingue néanmoins par une mosaïque de cultures et d’idiomes qui façonnent son identité et son histoire.
Partout dans le monde, les communautés se définissent par leur langue. Même au sein d’un État, la coexistence de plusieurs idiomes est une réalité indéniable, certains bénéficiant d’un statut officiel, tandis que d’autres conservent un usage vernaculaire. Dans l’espace communautaire de la CEDEAO, « certaines langues transcendent les frontières étatiques et sont partagées par plusieurs peuples, à l’instar du mandingue, du peul, du soninké ou encore du wolof », précise M. Diouf.
Ainsi, loin d’entraver le processus d’intégration, « cette diversité linguistique s’impose comme un atout inestimable », soutient-il. Il serait illusoire de croire qu’une langue unique favoriserait davantage l’unité des peuples, car c’est bien cette pluralité qui constitue une richesse à préserver et à valoriser. Elle encourage les échanges interculturels et contribue à l’essor harmonieux des sociétés.
En outre, certaines langues nationales pourraient être érigées en vecteurs privilégiés de communication et d’échange au sein de l’espace CEDEAO. Illustrant son propos, M. Diouf affirme : « Le mandingue et le peul, par exemple, sont parlés dans une pluralité de pays, du Burkina Faso au Niger, en passant par le Mali, le Sénégal, la Gambie, le Nigeria, la Sierra Leone, la Guinée-Conakry et la Guinée-Bissau. Cette interconnexion linguistique atteste que la diversité ne saurait être perçue comme un facteur de division, mais bien comme un levier de rapprochement et de cohésion entre les peuples.»
DES ENTRAVES PERSISTANTES A LA LIBRE CIRCULATION
Cependant, en dépit de l’adoption par la CEDEAO d’un protocole garantissant la libre circulation des personnes et des biens, force est de constater que les populations continuent de se heurter à de multiples entraves dans leurs déplacements transfrontaliers. Ce constat, unanimement partagé par les observateurs, s’explique par divers facteurs.
En premier lieu, bien que les États membres aient signé et ratifié ce texte, « ils ne lui confèrent pas la primauté requise sur leurs législations nationales », souligne M. Diouf. Par conséquent, tant que ce protocole ne sera pas élevé au rang de norme contraignante, prévalant sur les législations souveraines des États, « il restera lettre morte, vidé de toute portée juridique », déplore-t-il.
En second lieu, les pratiques administratives aux postes frontaliers sont souvent marquées par un excès de zèle de la part des agents chargés du contrôle. « Ces comportements se traduisent par des tracasseries inutiles et favorisent la prolifération de pratiques illicites, contraignant parfois les voyageurs à s’acquitter de pots-devin pour franchir les frontières », regrette le coordonnateur du Forum Social Sénégalais. L’absence de mécanismes de contrôle rigoureux de ces abus ne fait qu’exacerber les difficultés auxquelles sont confrontées les populations.
Enfin, l’insécurité croissante aux frontières et la méfiance persistante entre certains États contribuent à la consolidation d’un climat de suspicion généralisée. Dans un contexte marqué par des tensions régionales récurrentes, « les forces de l’ordre adoptent parfois des postures excessivement restrictives, en totale contradiction avec les principes édictés par le protocole sur la libre circulation », s’indigne-t-il.
UN FREIN A L’INTEGRATION EFFECTIVE DES PEUPLES
En définitive, l’intégration des peuples au sein de la CEDEAO demeure un défi considérable. Ce ne sont pas les autorités politiques qui subissent ces entraves, mais bien les populations elles-mêmes. Qu’il s’agisse de commerçantes sénégalaises acheminant du poisson séché vers le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, ou encore de vendeuses maliennes écoulant du beurre de karité et des mangues au Sénégal, toutes sont confrontées à des lenteurs bureaucratiques et à des pratiques corruptives qui entravent leur activité économique. À cette situation s’ajoute une méconnaissance généralisée des droits fondamentaux garantis par la CEDEAO. Par ignorance, de nombreux citoyens se conforment aux exigences arbitraires de certains agents de contrôle et s’acquittent de paiements indus. Il n’est pas rare d’observer, dans les gares routières, des voyageurs contraints de verser des sommes injustifiées, faute d’informations sur la gratuité du passage aux frontières.
Ainsi, les entraves à la libre circulation des personnes et des biens trouvent leur origine dans une conjonction de plusieurs facteurs : la reconnaissance insuffisante du protocole par les États membres, les abus récurrents des agents en charge des contrôles frontaliers et le déficit d’information des citoyens. Ces obstacles, pris dans leur globalité, instaurent un climat d’incertitude et de défiance qui ralentit considérablement le processus d’intégration tant espéré au sein de la CEDEAO.
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LA VIE CONJUGALE APPAUVRIT LES FEMMES
Pour l’ex-première dame du Tchad, il serait utile de former les femmes sur les choix qu’elles font en matière de gestion de l’argent dans le couple, car après des années de travail, elles se retrouvent souvent sans patrimoine, contrairement aux hommes.
La gestion de l’argent dans le couple est une question cruciale que les femmes pourraient mettre au cœur des manifestations organisées à l’occasion du 8 mars. Selon l’ancienne première dame du Tchad, Fatimé Raymonne Habré, il s’agit là d’un véritable enjeu qui pèse lourdement sur les épaules des femmes.
Dans la plupart des couples, quelle que soit la formule adoptée par les conjoints, la femme finit souvent par contribuer davantage que l’homme. Résultat : après de nombreuses années de travail, beaucoup de femmes se retrouvent sans patrimoine, tandis que leur conjoint, lui, a pu épargner et réaliser des investissements.
Pour Madame Fatimé Raymonne Habré, il est urgent de former les femmes sur cette problématique, afin qu’elles puissent prendre de meilleures décisions concernant la gestion de leur argent et leur contribution dans le foyer.
L'INCROYABLE PARCOURS D'IYAD AG GHALI
Ancien parolier du groupe touareg Tinariwen et promoteur musical, ce septuagénaire dirige aujourd'hui l'une des franchises d'Al-Qaïda les plus meurtrières au monde, responsable de dizaines de milliers de morts
(SenePus) - Dans les années 1980, Iyad ag Ghali écrivait des paroles pour le groupe de blues-rock touareg Tinariwen, jouait avec ses membres en tapant le rythme sur des jerricanes métalliques et fréquentait les boîtes de nuit d'Afrique de l'Ouest. Aujourd'hui, ce septuagénaire dirige l'une des franchises d'Al-Qaïda les plus dangereuses au monde, a interdit la musique sur un territoire de la taille du Montana et commande une armée d'extrémistes responsable de dizaines de milliers de morts.
"Je n'arrivais pas à y croire", confie Manny Ansar, ancien manager de Tinariwen, qui sortait en boîte avec ag Ghali à Bamako, la capitale malienne, il y a 30 ans. "Ce fut un énorme choc quand j'ai vu des images de lui marchant sur des cadavres."
Selon un article approfondi du Wall Street Journal (WSJ) signé par Benoit Faucon et Michael M. Phillips, Iyad ag Ghali a transformé l'Afrique de l'Ouest en principal champ de bataille où s'affrontent l'Occident, les gouvernements locaux et les extrémistes islamistes. Ses 6 000 combattants ont ravagé des villages et combattu des soldats français, des bérets verts américains et des mercenaires russes.
Cette guerre, le chef terroriste de 70 ans environ est en train de la gagner. Ses militants sont devenus si puissants qu'il existe un risque que le Mali, son pays d'origine, ou le Burkina Faso voisin deviennent le premier État au monde dirigé par Al-Qaïda.
Comment un promoteur de musique touarègue est-il devenu un seigneur de guerre islamiste? L'enquête du WSJ s'appuie sur des entretiens avec d'anciens amis, des rebelles touaregs, des membres et managers de Tinariwen et des responsables gouvernementaux, ainsi que sur des rapports de l'ONU, des communications diplomatiques américaines et des photos d'époque.
Le désert comme berceau
Jeune, Iyad ag Ghali était un Touareg avant d'être musulman. Les Touaregs, groupe ethnique berbère, ont été romantisés en Occident pour leurs vêtements indigo et leur mode de vie nomade, parcourant le Sahara avec leurs chameaux, chèvres et moutons, à travers ce qui est aujourd'hui le Mali, le Burkina Faso, le Niger, l'Algérie et la Libye.
Ag Ghali avait neuf ans lorsque son père, éminent dans les familles touarègues, fut tué lors d'un soulèvement contre le gouvernement malien en 1960. En grandissant, il rejoignit une légion de volontaires touaregs, sous le patronage du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, cherchant l'indépendance du Mali.
Dans les années 1980, Kadhafi demanda à ag Ghali de superviser des recrues touarègues dans un camp près de Tripoli. Parmi les volontaires se trouvaient des musiciens, dont Ibrahim ag Alhabib, dont le père, comme celui d'ag Ghali, avait été tué lors de la rébellion malienne des années 1960.
Enfant, ag Alhabib avait été captivé par un cow-boy jouant de la guitare dans un western projeté dans un cinéma de fortune du désert. Il fabriqua sa première guitare à partir d'une boîte d'huile, d'un bâton et d'un câble de frein de bicyclette. Autour du feu de camp, ag Alhabib et d'autres musiciens touaregs forgèrent leur propre son blues du désert.
Ag Ghali vit dans la musique un moyen de rallier du soutien pour l'indépendance touarègue. Il aida à fournir à ag Alhabib et aux musiciens des guitares électriques, des amplificateurs, un entrepôt pour répéter et une scène en béton pour se produire, explique Philippe Brix, deuxième manager du groupe.
"Il comprenait le pouvoir de la musique de guitare comme outil de communication", déclare Brix. "C'était son coup de maître." Les musiciens nommèrent leur groupe Kel Tinariwen, les Garçons du Désert.
Ag Ghali écrivit les paroles d'une chanson intitulée "Bismillah", arabe pour "Au nom de Dieu" :
Au nom de Dieu, nous avons commencé la révolution en compagnie de mes frères.Pour chasser les pillards et écraser les ennemis,Nous gravirons les montagnes pour échapper à la misère.
De la rébellion à la paix
En juin 1990, ag Ghali et ses combattants quittèrent la Libye et s'infiltrèrent au Mali. Ils attaquaient des postes militaires le jour et chantaient autour du feu la nuit. Des cassettes pirates de "Bismillah" passèrent de main en main dans les villages maliens, et la chanson devint un hymne du mouvement de libération touareg.
"On peut dire que Tinariwen était derrière le soulèvement", a déclaré plus tard le bassiste du groupe, Eyadou ag Leche, au journal français Le Monde.
Après des victoires initiales sur le champ de bataille, ag Ghali négocia une paix en 1991 qui conduisit à une plus grande autonomie des Touaregs vis-à-vis des autorités maliennes. Ce fut le début d'une alliance de deux décennies entre ag Ghali et le gouvernement de Bamako.
Le combat terminé, le président malien Moussa Traoré demanda à Ansar, un Touareg populaire à Bamako, d'inviter ag Ghali à dîner. Ansar archivait la musique touarègue comme passe-temps, et il s'entendit bien avec ag Ghali, qui pensait que Tinariwen avait besoin d'un manager.
"Je te confie ce groupe", se souvient Ansar des paroles d'ag Ghali.
Traoré fut renversé par l'armée en 1991, en réponse au massacre de manifestants pro-démocratie. Le nouveau président, Alpha Konaré, espérant contenir les Touaregs agités, offrit à ag Ghali une spacieuse villa à Bamako.
Ag Ghali invita le fondateur de Tinariwen à vivre dans la maison. Le groupe restait éveillé tard pour répéter et ag Ghali chantait avec eux, battant la mesure sur un bidon d'eau.
Le président Konaré demanda à ag Ghali de l'accompagner lors de voyages officiels aux Émirats arabes unis, en Algérie et ailleurs. Le rebelle du désert commença à porter une montre Rolex, des mocassins Weston et des costumes Smalto, cadeaux de leurs hôtes internationaux, raconte Ansar.
Le tournant religieux
En 1999, un groupe de prédicateurs pakistanais conservateurs arriva à Kidal, ville natale d'ag Ghali dans le nord du Mali, et sa vie changea. Il fut intrigué et invita les Pakistanais chez lui. Au cours des mois suivants, il passa plus de temps à prier et à lire le Coran. Il se laissa pousser la barbe et commença à porter le même vêtement blanc que les prédicateurs.
"Je me débarrasse de ma Rolex et de mes chaussures", se souvient Ansar des propos d'ag Ghali. "Je ne peux plus les porter."
L'attraction croissante d'ag Ghali pour une version extrême de l'islam et son amour de la musique touarègue coexistèrent pacifiquement pendant un temps. En 1999, la même année où les prédicateurs pakistanais arrivèrent en ville, il encouragea Ansar à organiser des concerts de musique touarègue, qui se transformèrent finalement en Festival au Désert.
En 2003, Vicki Huddleston, alors ambassadrice américaine au Mali, organisa une rencontre avec ag Ghali, dans le cadre d'un effort de l'administration Bush pour traquer les radicaux après les attentats du 11 septembre. "Nous avions des renseignements selon lesquels Al-Qaïda était sur le point d'ouvrir un nouveau front" dans la région, explique Huddleston, qui soupçonnait ag Ghali d'être derrière ce mouvement.
Ag Ghali finit par renoncer au festival de musique qu'il avait défendu. "Arrêtez ça", se souvient Ansar de ses paroles. "Vous amenez des non-musulmans pour la débauche."
En 2011, Tinariwen sortit son album "Tassili", récompensé par un Grammy, et le dirigeant libyen Kadhafi fut renversé. Des combattants touaregs quittèrent la Libye et affluèrent au Mali. De nombreux jeunes Touaregs se retournèrent contre ag Ghali, le considérant comme un vendu qui vivait dans le luxe et se rapprochait du gouvernement malien.
Mis à l'écart par d'anciens camarades, ag Ghali fonda son propre groupe militant islamiste. L'implosion au ralenti de l'Afrique de l'Ouest suivit bientôt.
Le dernier Festival au Désert tenu au Mali eut lieu à la périphérie de Tombouctou, où Tinariwen partagea la scène avec Bono, du groupe irlandais U2. Le rideau final tomba le 14 janvier 2012. Deux jours plus tard, l'ancien groupe rebelle touareg d'ag Ghali lança une rébellion, s'emparant plus tard de Tombouctou, Gao et Kidal.
En quelques mois, le nouveau groupe islamiste d'ag Ghali et une autre force extrémiste, Al-Qaïda au Maghreb islamique, mirent les Touaregs en déroute. Après la prise de Tombouctou, ag Ghali interdit ce qu'il appelait la "musique de Satan". Les femmes n'avaient plus le droit de sortir sans leur mari ou leur frère. La police religieuse fouettait les hérétiques présumés.
En 2013, les militants d'ag Ghali tendirent une embuscade à des musiciens de Tinariwen et retinrent le guitariste Abdallah ag Lamida pendant des semaines après l'avoir surpris en train d'essayer de récupérer ses instruments.
Les États-Unis désignèrent ag Ghali comme terroriste cette année-là. La France déploya des troupes de combat au Mali et, soutenue par des soldats maliens et un soutien logistique des États-Unis et d'autres pays, délogea les islamistes de Tombouctou. Pour ag Ghali, ce fut un revers, pas une défaite.
L'expansion de la menace
En 2017, il rassembla plusieurs groupes militants liés à Al-Qaïda dans une coalition appelée Jama'at Nusrat al-Islam wal Muslimin, qui se traduit par Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans. La coalition lança une nouvelle vague d'insurrection à travers l'Afrique de l'Ouest.
Les hommes d'ag Ghali se sont emparés de mines d'or, ont extorqué des villageois pour leur bétail et ont prélevé de l'argent de protection auprès des trafiquants de drogue et d'êtres humains. Les militants ont été liés à près de 2 300 incidents violents au Mali, au Burkina Faso, au Niger et dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest l'année dernière, faisant plus de 8 880 morts, selon l'Africa Center for Strategic Studies, un groupe de réflexion de l'Université nationale de défense du Pentagone.
Des officiers militaires frustrés au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont renversé les dirigeants civils dans une série de coups d'État à partir de 2020, affirmant qu'ils étaient mieux à même de vaincre les insurgés. Les juntes ont expulsé les forces antiterroristes françaises. Les dirigeants militaires du Niger ont ordonné à 1 100 soldats américains de quitter le pays et ont pris le contrôle d'une base de drones américaine de 110 millions de dollars.
Ag Ghali, se souvenant des réactions négatives à son règne brutal à Tombouctou, a fait quelques efforts pour adoucir l'image de sa coalition militante et assumer les attributs du gouvernement, suggérant une ambition d'établir un califat ouest-africain.
Ses combattants ont repoussé l'État islamique au Grand Sahara, un groupe rival qui a exécuté des anciens de villages et exigé l'allégeance des résidents. La protection d'ag Ghali a un prix : dans un village du centre du Mali, c'était 40 vaches et 130 livres de sorgho par an. En échange, les hommes d'ag Ghali règlent les différends entre chasseurs, pêcheurs, éleveurs nomades et agriculteurs, qui se disputent les terres de pâturage et les ressources en eau.
"C'est sûr", déclare Ibrahim Cissé, un leader communautaire malien. "Mais c'est une prison."
La menace de la violence n'est jamais loin. En août dernier, les militants d'ag Ghali ont abattu quelque 600 villageois à Barsalogho, au Burkina Faso, alors que les habitants creusaient des tranchées défensives pour tenter de protéger leur localité, selon un rapport des services de renseignement français.
En juin, la Cour pénale internationale de La Haye a descellé un mandat d'arrêt contre ag Ghali, l'accusant de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Il est toujours en liberté.
L'été dernier, Tinariwen s'est produit dans des villes américaines, dont Boston et Los Angeles.
LE PHILOSOPHE DERRIÈRE TRUMP
L'intellectuel influent de la contre-révolution trumpiste, expose sa théorie politique qu'il qualifie d'"aristotélicienne". Pour lui, l'administration Trump-Vance marque le retour d'une "énergie monarchique" nécessaire
(SenePlus) - Dans un entretien exclusif accordé au Grand Continent, l'intellectuel américain Curtis Yarvin, considéré comme l'un des penseurs clés de la nouvelle administration Trump, développe sa vision politique et analyse les conditions qui ont selon lui rendu possible ce qu'il qualifie de "moment monarchique" aux États-Unis.
Cet entretien fleuve, réalisé début avril 2025 dans le Quartier latin à Paris, constitue le premier volet d'une série en trois parties publiée par Le Grand Continent. Yarvin y explique notamment l'influence de ses théories auprès de l'administration Trump et particulièrement auprès de J.D. Vance, qu'il affirme "rencontrer plusieurs fois".
Lorsqu'on l'interroge sur sa théorie politique, Yarvin commence par la replacer dans une perspective historique : "Ma théorie n'est pas très différente de celle d'Aristote. La question intéressante n'est pas de savoir comment ces nouvelles théories sont devenues influentes, mais plutôt comment elles ont pu être perdues au cours des 250 dernières années."
Pour Yarvin, les trois formes classiques de gouvernement - monarchie, aristocratie et démocratie - doivent être réinterprétées dans le contexte contemporain. "Si vous voulez comprendre le triptyque 'monarchie, démocratie, oligarchie' aujourd'hui, il faut prendre le mot oligarchie et le transformer en 'méritocratie', 'société civile', 'institutions', ou 'classe professionnelle-managériale'", explique-t-il.
Dans sa vision, la monarchie représente "l'énergie qui provient d'un unique point" et constitue la seule force véritablement efficace. Il cite en exemples historiques Napoléon et Cromwell, qui n'étaient pas de lignée royale mais incarnaient cette "énergie monarchique".
L'intellectuel développe une lecture cyclique de l'histoire américaine, où le pays redevient "de fait une monarchie à peu près tous les 75 ou 80 ans". Il cite George Washington, Abraham Lincoln et Franklin D. Roosevelt comme trois incarnations historiques du "chef exécutif" présidentiel.
"La Constitution dit seulement qu'il y a trois pouvoirs - elle ne dit pas lequel est le plus fort", analyse Yarvin, qui voit dans l'administration Trump-Vance un retour à cette présidence "jupitérienne" où le président exerce pleinement son pouvoir exécutif.
Selon Yarvin, la pandémie de Covid-19 a joué un rôle déterminant dans ce qu'il perçoit comme une révolution culturelle en cours aux États-Unis. "En 2019, en Chine, quelqu'un a fait tomber un tube à essai. Et le monde entier a changé", affirme-t-il de façon provocante, faisant référence à la théorie d'une fuite de laboratoire.
"La pandémie est un moment si marquant que l'une des choses les plus remarquables pour moi à propos des élections de 2024 est que personne ne parle du Covid-19, non pas parce que c'est trop insignifiant - mais parce que c'est trop important", analyse-t-il.
Pour l'intellectuel, la crise sanitaire a mis en lumière les dysfonctionnements d'un système où "les virologues régentent la virologie", créant selon lui un conflit d'intérêts fondamental. Il développe longuement une critique de la recherche sur les coronavirus, mentionnant notamment le programme DEFUSE et accusant les chercheurs d'avoir créé le problème qu'ils prétendaient résoudre.
Yarvin situe également le moment actuel dans une perspective historique plus large concernant l'évolution de la gauche américaine. Il distingue la "Old Left" communiste des années 1930 de la "New Left" des années 1960, puis du mouvement "woke" contemporain.
Selon lui, la pandémie a inauguré "la phase terminale de la gauche", dont l'hégémonie culturelle serait devenue sa propre faiblesse. "Quand tout le monde en Ohio a un panneau Black Lives Matter sur sa pelouse - Black Lives Matter est mort", théorise-t-il.
Yarvin souligne également le rôle croissant de la Silicon Valley dans cette nouvelle configuration politique. "Il y a huit ans, Elon Musk était un centriste libéral", rappelle-t-il, suggérant une évolution idéologique majeure chez les entrepreneurs technologiques.
Pour lui, ces nouveaux acteurs forment une élite montante qui ressent "non seulement le droit de gouverner mais - comme la gauche jadis - le devoir de gouverner". Il cite spécifiquement Elon Musk comme exemple contemporain d'énergie "monarchique".
L'intellectuel conclut sur un constat qui l'étonne : l'absence de résistance significative face aux transformations en cours. "L'une des choses les plus incroyables à propos du phénomène Trump-Vance, c'est qu'il a lieu sans aucune confrontation", observe-t-il, contrastant avec les protestations massives qui avaient marqué le premier mandat de Trump.
"Plus on agit avec résolution - pas avec plus de violence, mais avec plus de résolution - plus la résistance est faible", théorise-t-il, comparant cette dynamique à celle de "bons parents" qui "sont fermes et clairs et qui savent où ils vont".
Selon Yarvin, "après la pandémie, le monde était mûr : le moment était venu pour la monarchie. Nous avions besoin d'un monarque."