VIDEOLA RANÇON FRANÇAISE QUI A RUINÉ HAÏTI
Le bicentenaire de l'ordonnance royale du 17 avril 1825 rappelle comment Paris a forcé Haïti à payer son indépendance. Une somme équivalant à 9000 milliards d'euros actuels qui explique en partie la pauvreté structurelle de la première république noire

À l'occasion du bicentenaire de l'ordonnance royale du 17 avril 1825, un regard critique se pose sur la "double dette" imposée par la France à Haïti, une contrainte financière qui continue de peser sur le développement de l'ancienne colonie française.
C'est une histoire méconnue mais déterminante pour comprendre la situation actuelle d'Haïti. En 1825, la France a contraint son ancienne colonie, devenue indépendante en 1804, à payer une "dette d'indépendance" de 150 millions de francs or. Cette somme astronomique, équivalente à trois années de PIB haïtien de l'époque ou à 9000 milliards d'euros actuels pour la France, était présentée comme un "dédommagement" pour les anciens colons.
Incapable de payer cette rançon colossale, Haïti s'est trouvée piégée dans un cycle d'endettement sans fin. Pour honorer les premières échéances, le pays a dû contracter des emprunts, notamment auprès de financiers français, créant ainsi une "double dette". Si le remboursement des 150 millions de francs or (réduits plus tard à 80 millions) s'est achevé en 1878, les dettes contractées pour payer cette somme ont continué à grever les finances du pays jusqu'en 1940.
Cette saignée financière a eu des conséquences dramatiques sur le développement du pays. Selon certains économistes, jusqu'à 80% des recettes publiques haïtiennes ont été consacrées au service de la dette, privant ainsi la nation de ressources essentielles pour construire des infrastructures et des services publics.
La France avait imposé cette dette sous la menace militaire, avec plusieurs navires et des centaines de canons pointés vers Port-au-Prince. Pour Haïti, nation non reconnue diplomatiquement et isolée sur la scène internationale, cet accord représentait paradoxalement une avancée, permettant enfin une reconnaissance officielle de son indépendance par l'ancienne puissance coloniale.
Deux siècles plus tard, des voix s'élèvent pour demander des réparations. La championne de tennis Naomi Osaka, d'origine haïtienne par son père, s'est récemment interrogée publiquement : "Haïti peut-il récupérer son argent?" Une commission d'historiens devrait prochainement se pencher sur cette question sensible, qui pourrait ouvrir la voie à une réflexion plus large sur le soutien au développement d'Haïti et, potentiellement, sur la question des réparations coloniales.
Cette dette oubliée par beaucoup de Français éclaire d'un jour nouveau les difficultés chroniques d'Haïti, souvent réduite dans les médias à ses gangs, sa pauvreté et son instabilité politique, sans considération pour les causes structurelles profondes de cette situation.