DES CITOYENS EXPRIMENT LEURS INQUIETUDES
Avec la traque des opposants, les restrictions des libertés, le vent de contestation qui souffle sur les réseaux sociaux et la récente découverte à l’université d’armes blanches, le ciel est décidément chargé au-dessus du Sénégal

Avec la traque des opposants et autres activistes de la société civile, les arrestations tous azimuts d’objecteurs de consciences, les restrictions des libertés, sans compter le vent de contestation qui souffle sur les réseaux sociaux et la récente découverte dans le campus social de l’université Cheikh Anta Diop d’armes blanches et de gourdins, le ciel est décidément chargé au-dessus de notre pays. Cette situation délétère ne rassure guère. En tout cas, dans la capitale, les citoyens craignent des lendemains difficiles face à la tension qui prévaut dans le pays.
Le moins que l’on puisse dire est que la situation politique actuelle marquée par multiples arrestations au sein de l’opposition ou de la mouvance de la société civile n’augure rien de bon. La peur s’est déjà installée dans le pays et les citoyens craignent le pire face à l’escalade verbale à laquelle on assiste depuis quelques semaines. La rue est inquiète et retient son souffle, craignant que le situation ne dégénère d’un moment à l’autre. La peur est d’autant plus grande que le pouvoir reste déterminé à faire prévaloir sa force. A quel prix ?
Il est 9h sur l’avenue Cheikh Anta Diop. Un embouteillage infernal allonge les files de voitures dans un brouhaha indescriptible sanctionné par des coups de klaxons intempestifs. La présence de deux policiers chargés de réguler la circulation n’y fait rien. Sur le trottoir, à quelques mètres de l’hôpital de Fann, une dame, sobrement habillée, avoue que la situation que traverse le pays ce temps-ci ne lui inspire point confiance. Elle craint que tout explose, rendant le pays invivable. « Les hommes politiques ne doivent pas et n’ont pas le droit de mettre le pays en danger. Pourquoi la prison doit-elle être l’unique solution pour les opposants ? « Lii eup naa ». Cette situation me fait peur », s’alarme Mme Khadijatou Bintou Touré, un sachet de médicaments à la main, se dirigeant vers la porte de l’hôpital universitaire. Dans cette ambiance matinale, les gens semblent être pressés.
Un volcan explosif
Au niveau de l’intersection de la même avenue Cheikh Anta Diop, en descendant le Canal IV, et en se dirigeant sur la route qui mène vers le populeux quartier de la Gueule Tapée, des menuisiers exposent leurs produits. Au niveau d’un kiosque à journaux, des personnes sont agglutinées, parcourant les titres de la presse nationale dans une grande discussion. Bien entendu, c’est l’actualité politique qui occupe les débats. Le vieux Saliou Guèye parcourt un quotidien qu’il tient entre les mains. « Je ne me reconnais plus dans ce pays car les gens sont devenus égoïstes. L’intérêt général est relégué au second plan. En tout cas, nous vivons des moments tendus. Déjà, les gens ne vivent plus, mais survivent.
Tout le monde se lamente mais hélas ceux qui doivent écouter ces pleurs semblent occupés à régler leurs comptes à des opposants ou activistes. Ce qui fait que je m’inquiète beaucoup. Mon pays ne respire plus », regrette le vieil homme qui pointe un doigt accusateur sur le ministre de l’Intérieur. « Depuis qu’il est à la tête de ce département, il développe un esprit va-t-en guerre avec des arrestations tous azimuts. On ne gouverne pas comme ça un pays. Ils ont pris en otage ce pays et bientôt le volcan va exploser. Ça, ils doivent le savoir », se désole le vieil homme qui pense que l’Etat devrait s’occuper d’autres urgences que d’installer la peur dans l’esprit des citoyens. Un jeune homme qui assistait à la discussion y met son grain de sel, manifestant son angoisse face à ce climat chargé d’incertitudes. « Nous vivons une situation sociale très tendue qui n’augure rien de bon. Ce semblant de calme, personne ne sait où cela va déboucher.
A chaque fois qu’il y a des remous, les quartiers de Médina et Gueule Tapée brûlent. Nous ne pouvons et ne voulons plus revivre pareille situation. C’est vraiment regrettable que pour des questions de positionnement politique, le régime soit prêt à en découdre avec les opposants en se servant des moyens de la police. L’urgence devrait être de donner de l’emploi aux jeunes plutôt que de créer une situation insurrectionnelle», déplore le jeune homme pour qui les enjeux sont ailleurs.
Au quartier Fann Hock, les alentours sont calmes. Pas âme qui vive. Quelques véhicules sont stationnés. Madame Diokhané qui a vécu une bonne partie de sa vie en Europe ne se sent point en sécurité. « Je n’ai pas assez de temps. Tout ce que je peux dire, c’est que cette situation de ni paix, ni guerre, peut dégénérer à tout moment. Et quand ça explosera, personne ne sera épargné, surtout que nos hôpitaux sont débordés avec la crise sanitaire », s’alarme la dame qui se demande si les autorités sont réellement conscientes des vrais enjeux du pays. « Les hommes de ce régime pourraient être des cibles. Donc ils ont intérêt à stabiliser le pays, plutôt que de planter les germes qui nous mèneront au chaos » conseille Madame Diokhané qui se dit très préoccupée.