LA PAUVRETÉ ET LES PROBLÈMES SOCIAUX ONT UNE CORRÉLATION AVEC LES AGRESSIONS
Selon les psychologues Khalifa Diagne et Papa Ladjické Diouf, Le problème est systémique et la responsabilité partagée entre l’Etat et les parents de cette jeunesse désœuvrée, inconsciente et adepte de l’argent facile et d’autres pratiques illicites

Le problème est systémique et la responsabilité partagée entre l’Etat et les parents de cette jeunesse désœuvrée, inconsciente et adepte de l’argent facile et d’autres pratiques illicites telles que la toxicomanie. C’est l’avis des deux psychologues Khalifa Diagne et Papa Ladjické Diouf qui affirment qu’il y a une corrélation entre la pauvreté, les problèmes sociaux et ces cas d’agressions au Sénégal.
KHALIFA DIAGNE, PSYCHOLOGUE : « On ne peut pas dire que le Sénégal est devenu un Etat voyou »
«Même s’il est vrai qu’on assiste à une recrudescence des cas d’agressions ces derniers jours, il serait exagéré d’en arriver à conclure que le Sénégal est devenu un État criminogène. La raison est toute simple : le pourcentage des Sénégalais victimes d’agression est très marginal comparé à celui des Sénégalais qui vaquent tranquillement à leurs occupations. Sur les questions de violences (agressions, meurtres, vols, etc.), il y a des indicateurs scientifiques qui permettent de déterminer le niveau et de tirer des conclusions. Et à mon avis, si l’on en tient compte, en dépit de la situation qui prévaut actuellement dans notre pays, on ne peut pas dire que le Sénégal est devenu un État voyou. Ce qui est arrivé à une certaine frange de notre jeunesse qui s’adonne à la délinquance et qui commet des agressions est un problème systémique. La responsabilité est partagée entre toutes les instances de socialisation qui jouent mal leur rôle. Aux bancs des accusés, il faut mettre l’Etat qui est responsable du système éducatif et des programmes. Mais également les parents dans les familles dont sont issus les jeunes délinquants.
En effet, c’est l’Etat et les familles qui sont principalement responsables de l’éducation des enfants et des jeunes. Leur mission c’est d’en faire des citoyens modèles. Leurs failles donnent une jeunesse désœuvrée, inconsciente et adepte de l’argent facile et d’autres pratiques illicites. De toute évidence, il y a toujours une corrélation entre la pauvreté, les problèmes socio-économiques et les cas d’agressions. Ce, dès lors que l’agresseur commet son acte pour soustraire de façon frauduleuse les biens d’autrui. Un jeune est souvent instable sur le plan psychologique et caractérisé particulièrement par des émotions négatives lorsqu’il ne peut pas travailler pour subvenir à ses besoins et reste sans perspectives. C’est-à-dire s’il n’a aucun espoir pour son avenir. C’est pourquoi il faut non seulement bien préparer les enfants à l’école et dans les familles en leur donnant des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire. Mais également créer les conditions de leur insertion professionnelle pour leur permettre d’avoir des revenus décents. Sinon, toute situation de précarité engendre chez eux frustration et révolte pouvant conduire à des agressions et des vols qu’ils vont concevoir psychologiquement comme un comportement légitime».
PAPA LADJICKÉ DIOUF, PSYCHOLOGUE : « Cette recrudescence d’agressions coïncide avec l’après-Covid »
«Les criminels peuvent avoir différents profils et divers motifs. Il est difficile de déterminer un profil type de criminel sénégalais. En revanche, la violence est présente partout dans notre société et les plus vulnérables sont les femmes et les enfants. C’est clair que la recrudescence des agressions coïncide avec l’après COVID et ses conséquences économiques sur les petits emplois. Les responsables en sont certains jeunes qui vivaient de l’économie de la lutte et les familles démunies, la tension politique dans le pays. À cela s’ajoute certainement la question de la toxicomanie. Ces différents éléments peuvent augmenter l’indifférence au sens moral et l’agressivité chez les jeunes touchés par la situation décrite plus haut. Cela dit, il existe des psychopathes et des pervers parmi nous. Ce qui relève de pathologies». Il existe un nouvel adage porté par les lutteurs: « dama bëgga teràl samay wayjur». Le « tekki » est un énorme poids psychologique chez beaucoup de jeunes hommes ! « Tekki» et « téral » sont deux poids psychologiques et émotionnels qui pèsent énormément sur les épaules des jeunes (surtout les hommes) dans une société de culture patriarcale. Nous devons travailler en alliés autour des modèles d’éducation et des valeurs humaines (surtout la Compassion). Beaucoup vivent avec des traumas et des troubles de personnalité issus de blessures d’enfance à cause de la violence dans les familles ».