«L’HOMO-SENEGALENSIS DOIT AVOIR UNE PERSONNALITE ENRACINEE, QUI N’EST PAS UN RENEGAT»
Dans cet entretien accordé à la Rédaction, le sociologue et enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, Ousmane Ba revient sur la question de l’homosexualité

La tenue d’une manifestation contre l’homosexualité, la semaine dernière, et l’épreuve en anglais du Bac blanc à Rufisque, ont fait resurgir le débat sur la présence du phénomène au Sénégal. Dans cet entretien accordé à la Rédaction, le sociologue et enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, Ousmane Ba revient sur la question de l’homosexualité, appelant à «sauvegarder notre éducation». Mieux, insiste-t-il, «l’homosenegalensis doit avoir une personnalité enracinée qui n’est pas un renégat».
Récemment des organisations nationales ont tenu une marche pour réclamer la criminalisation de l’homosexualité. Quelle lecture vous en faites ?
Les organisations de la société civile, du point de vue communautaire ou au niveau national, sont dans leur droit. La question de l’homosexualité qui est un fait social, doit être analysée en fonction de nos propres réalités sociales, économiques et culturelles. Avec la médiatisation de l’homosexualité, la nature de notre société, ces leaders communautaires sont dans leur rôle de pouvoir défendre les intérêts de la société sénégalaise en termes de défense, protection et de sauvegarde. Maintenant, quand on analyse, il faut savoir que nous sommes dans une société un peu écartelée, c’est-à-dire une société qui essaie de négocier son évolution entre la modernité et la traditionnel. Le Sénégalais est un migrant, il voyage, il bouge beaucoup.
Et, en partant, il intériorise un certain nombre de comportements. Et, en revenant, il a tendance à copier, s’il n’est pas bien formé, ses mêmes attitudes et comportements. A partir de ce moment, s’il y’a des sentinelles qui jouent le rôle d’alerte, c’est dans le bon rôle et c’est dans ce sens qu’intervient le discours en essayant de demander la «criminalisation» de l’homosexualité parce qu’il y’a des lobbies très forts qui se cachent derrière la question de l’homosexualité. Souvent la propagation de ces lobbies touche presque tous les secteurs d’activité. On l’a vu dans le domaine du mannequinat, le showbiz et les films. Il y’a certains secteurs qui sont en résistance tels que l’éducation. Mais, comme ce sont des gens qui sont puissants, on doit sauvegarder notre éducation autrement dit l’homo-senegalensis doit avoir une personnalité qui est enracinée, qui n’est pas un renégat. C’est à partir de ce moment que la «criminalisation» va essayer quelque part de garantir une bonne tranquillité sociale. Je voudrais que l’on comprenne que le fait en question est là. C’est comme aujourd’hui, on a criminalisé le viol mais, les gens continuent de le faire. Si on criminalise l’homosexualité, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’homosexuels mais, peut-être, ils vont se cacher.
Qu’est-ce qu’il nous faut donc ?
Au-delà de la criminalisation, il faut mettre l’accent sur l’éducation à la base. Quand il y a un fait, il faut d’abord observer les racines. Eduquer veut dire voir s’il n’est pas temps que notre société fasse son mea-culpa, c’est-à-dire faire son introspection, voir comment on forme nos modèles, comment on doit former nos élites, politiques et ce, à tous les niveaux. Maintenant, la tendance est que l’ascension sociale foule du pied certains canaux légaux parce qu’on a privilégié l’aspect mercantilisation de l’argent ; la richesse, au détriment du spirituel. A partir de moment, ça pose problème. On demande qu’on criminalise l’homosexualité ; mais il faudra qu’on fasse une introspection globale pour voir quel est le modèle. C’est à partir de ce moment qu’on peut connaître le niveau de responsabilité : ou c’est l’homo-sénégalensis qui est malade ou c’est son institut social qui ne fonctionne pas ?
Selon vous l’ampleur actuelle du phénomène mérite-t-il toute cette attention qu’on lui accorde ?
Il faut dire qu’il y a la prolifération des médias. L’homosexualité a toujours existé dans le monde. Maintenant, sa propagation, sa vulgarisation, se justifient par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Dans les années 80/90, il y avait les médias classiques qui véhiculaient ce type d’information, mais après avoir fait une censure. On devait passer par le purgatoire de la rédaction, voir ce qu’il faut choisir ou enlever ; mais aujourd’hui, on a les médias isolés comme Tik Tok, WhatsApp, Twitter. La réalité est là ce n’est pas nous qui contrôlons facebook ou autres, même si on peut couper le signal. Mais, ça doit commencer par des individus qui doivent non seulement intérioriser un certain nombre de valeurs, une façon de faire qui nous permet de former, de forger et de construire l’homosenégenlis qui est capable de négocier, distinguer, pouvoir choisir, devant une situation, le bien et de mettre de côté le mal.
Récemment, des organisations qui défendent cette cause en occident ont demandé l’interdiction de séjour, dans des pays comme la France, de Sénégalais dont des guides religieux. Cette requête ne peut-elle pas déteindre sur la relation entre le Sénégal et les pays concernés ?
Tous les pays ont leur souveraineté. Si, par exemple, la France décide de le faire, on a le droit de réciprocité. Ce ne sont pas les guides religieux de répondre d’autant plus dans ces pays-là, on a un gouvernement, un Etat. Les guides religieux n’ont même pas besoin d’aller dans ces pays-là. Faire cette requête, c’est fausser le débat. Maintenant la question est de voir si nos autorités ont la capacité de retourner cette réciprocité-là.
Est-ce que le l’homosexualité a des chances de se propager au Sénégal ?
Il ne faut pas oublier qu’au Sénégal, on est à 99% religieux, musulmans et Chrétiens confondus. Dans ce nombre, il est sûr que les 90% sont des pratiquants. Donc, ce phénomène ne peut pas prendre le dessus sur la conscience collective sénégalaise. Ce que nous avons comme symbole, les cas isolés, elle ne peut pas prendre le dessus sur la société, surtout qu’elle est encrée sur des racines très solides en termes de normes sociales et valeurs. Dans toutes les nations du monde, il y a des déviants qu’il faudrait gérer avec tact.