UN NOUVEAU SOUFFLE A LA LUTTE CONTRE LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Retour sur le sommet virtuel marquant le cinquième anniversaire de l'Accord de Paris sur le climat

12 décembre 2015 - 12 décembre 2020 ! L’Accord de Paris sur le climat a cinq ans. Pour marquer le cinquième anniversaire de ce premier accord jugé plus contraignant depuis le début des négociations sur le climat, signé à l’issue de la 21e Conférence des parties (CP ; en anglais Conférence of Parties, COP) à la Convention cadre des Nations unies (ONU) sur le changement climatique (COP21), un Sommet virtuel «Ambition climat», a été organisé avant-hier, samedi 12 décembre 2020. La rencontre co-organisée par les Nations unies, le Royaume-Uni et la France, en partenariat avec le Chili et l’Italie, a pour but de donner un nouveau souffle à la lutte contre le réchauffement climatique et à l’Accord Paris paraphés par au moins 195 Etats parties à la COP21.
Antonio Guterres, secrétaire générale l’Onu : «Je déclare l’état d’urgence climatique et…»
«Je déclare l’état d’urgence climatique.» C’est le Secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, qui annonce ainsi la couleur, enjoignant les chefs d’Etat et de Gouvernements du monde à faire de même pour sauver la planète. Lançant le Sommet virtuel «Ambition climat 2020» qui s’est déroulé, le samedi 12 décembre dernier, entre Londres, Paris et le siège de l’ONU à New York, pour relancer la bataille sur le climat, alors que les accords de la COP21 de Paris semblent perdre de la vitesse ces dernières années, il a relevé que cinq ans après l’euphorie suscitée par ce succès, l’humanité n’emprunte toujours pas la «bonne direction». «Cinq ans après Paris, nous n’allons toujours pas dans la bonne direction. Paris avait promis de limiter la hausse des températures à un niveau aussi proche que possible de 1,5 degré Celsius, mais les engagements pris à Paris étaient loin d’être suffisants pour y parvenir et même ces engagements ne sont pas respectés. Qui peut encore dire que nous ne faisons pas face à une urgence dramatique ? C’est pourquoi aujourd’hui, j’appelle tous les dirigeants du monde à déclarer l’état d’urgence climatique dans leurs pays, et ce jusqu’à ce qu’ils atteignent la neutralité carbone», a lancé le Secrétaire général de l’ONU, soulignant que 38 pays l’avait déjà fait «reconnaissant l’urgence et les enjeux».
Ainsi, a indiqué M. Guterres, «l’objectif principal des Nations unies pour 2021 est de construire une véritable coalition mondiale pour la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle. Mais cette promesse n’est pas suffisante. Pour la concrétiser, nous devons procéder dès maintenant à des réductions significatives afin de diminuer les émissions mondiales de 45% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010. Et cela doit pleinement se refléter dans les Contributions nationales déterminées, révisées et renforcées, que les signataires de Paris sont tenus de soumettre avant notre COP26 l’année prochaine à Glasgow».
Changer de cap, pour éviter la catastrophe
Mieux il a appelé à un changement de cap pour éviter le pire. «Si nous ne changeons pas de cap, nous pourrions nous diriger vers une augmentation catastrophique de la température de plus de 3 degrés au cours de ce siècle», a alerté M. Guterres. Et, a insisté le Secrétaire général de l’ONU, la reprise à la suite de la pandémie de la Covid-19 est «l’occasion de mettre nos économies et nos sociétés sur une voie verte, conformément à l’Agenda 2030 pour le développement durable». Pour M. Guterres, il est temps d’aligner les politiques économiques et financières mondiales sur l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable (ODD).
Pour ce faire il a appelé à : «mettre un prix sur le carbone ; supprimer progressivement le financement des combustibles fossiles et de mettre fin à leurs subventions ; arrêter la construction de nouvelles centrales à charbon ; faire passer la charge fiscale du revenu au carbone, des contribuables aux pollueurs ; rendre obligatoire la divulgation des risques financiers liés au climat ; et intégrer l’objectif de neutralité carbone dans toutes les politiques et décisions économiques et fiscales». «Mais ce n’est pas encore le cas», a-t-il déploré, signalant que les membres du G20 dépensent 50% de plus dans leurs plans de relance et de sauvetage pour les secteurs liés à la production et à la consommation de combustibles fossiles, que pour les énergies à faible teneur en carbone. «C’est inacceptable», a dit le chef de l’ONU, précisant que «les billions de dollars nécessaires à la relance de Covid sont de l’argent que nous empruntons aux générations futures». Il a exhorté les institutions financières internationales et les banques de développement nationales à mobiliser des financements et des investissements privés pour les pays en développement, ainsi que les pays développés à respecter leur engagement de fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en développement d’ici 2020 et à dépasser cet objectif en 2021.
Objectif «net zero » et faire de l’adaptation et la résilience une urgence pour les…
S’agissant de la résilience, il a souligné que «l’adaptation ne doit pas être la composante oubliée de l’action en faveur du climat». Cela doit être «particulièrement urgent pour les petits États insulaires en développement, qui sont confrontés à une menace existentielle». C’est pourquoi, tout en saluant la percée en matière d’adaptation et de résilience, il déploré que l’adaptation ne représente que 20% du financement de la lutte contre le changement climatique. «C’est un moment de vérité. Mais c’est aussi un moment d’espoir», a affirmé le Secrétaire général de l’ONU. Il est également revenu sur le nombre croissant de pays engagés à atteindre un niveau d’émission «net zéro», le monde des affaires qui «monte à bord du train de la durabilité», les villes «qui s’efforcent de devenir plus vertes et plus vivables», les jeunes qui prennent des responsabilités et les exigent des autres, ainsi que les mentalités qui évoluent. «C’est ce dont les gens et la planète ont besoin en ce moment», a martelé M. Guterres, appelant à s’appuyer sur les plans d’action que sont les Objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur le changement climatique et faire en sorte que la promesse d’un monde «net zéro» devienne une réalité. Sur la voie de la COP26, le patron de l’ONU a invité tout le monde «à faire preuve d’ambition, à arrêter l’assaut contre notre planète et à faire ce qu’il faut pour garantir l’avenir de nos enfants et petits-enfants».
Emmanuel Macron, président français : «donner un prix au carbone, … arrêter la construction de nouvelles centrales à charbon»
Cinq ans après la signature de l’Accord de Paris sur le climat, Emmanuel Macron, le président français, a défendu son bilan en matière de lutte contre le réchauffement climatique et réaffirmé son engagement en faveur de la cause environnementale. Lors de son intervention au Sommet virtuel de l’ONU sur les cinq ans de ce traité «ambitieux» sur le climat, Emmanuel Macron a exposé sa méthode pour réussir la transition écologique. Il s’agit de «donner un prix au carbone, intégrer la dimension environnementale dans nos politiques commerciales, arrêter la construction de nouvelles centrales à charbon, rendre obligatoire la divulgation des risques financiers, supprimer progressivement les subventions dont bénéficiaient les combustibles fossiles, c’est ainsi que nous y arriveront.» Pour M. Macron, rapporte RFI, «nous devons tous être dans la trajectoire de la neutralité carbone 2050». Avec des objectifs ambitieux et un ton déterminé, Emmanuel Macron continue à se positionner comme un promoteur de la lutte contre le réchauffement climatique sur la scène internationale alors qu’en France, il doit faire face à de nombreuses critiques, notamment celles des membres de la Convention citoyenne sur le climat qu’il avait mise en place après les «gilets jaunes» et qui lui reprochent aujourd’hui de ne pas tenir sa promesse, de reprendre leurs propositions «sans filtre». En outre, il a salué le retour annoncé des Etats-Unis dans le Traité de Paris, avec l’élection de Joe Biden à la tête du grand pollueur mondial. «Welcome back, welcome home!», a déclaré un Emmanuel Macron enthousiaste. De l’ONU, où il a salué le retour des Etats-Unis dans l’Accord de Paris avec l’élection de Joe Biden, à la France où il doit justifier de son bilan pour certains en demi-teinte, Emmanuel Macron a tenté de tenir les deux bouts de son ambition écologique.
Les Etats-Unis de retour dans l’accord, dans 39 jours, pour redistribuer les cartes
Le président nouvellement élu des Etats-Unis a d’ailleurs envoyé un tweet en plein milieu du sommet pour réaffirmer qu’ils réintégreraient les Accords de Paris, le 21 janvier. Un geste très fort. «Il y a cinq ans aujourd’hui, le monde s’est réuni pour adopter l’Accord de Paris sur le changement climatique. Et dans 39 jours, les États-Unis vont le rejoindre. Nous allons rallier le monde pour pousser nos progrès plus loin et plus vite et lutter de front contre la crise climatique.» Selon les règles strictes du sommet, rappelle RFI, pour y prendre part, il fallait d’abord être parmi les bons élèves ; ce qui fait que seuls les pays qui promettaient de nouveaux engagements ont pu intervenir. La Grande-Bretagne, l’une des plus ambitieuses, a ainsi annoncé qu’elle couperait ses émissions de 68% d’ici dix ans, la neutralité carbone pour 2050 restant l’objectif global par rapport à 1990. L’Union européenne a décidé de réduire ses émissions d’au moins 55% d’ici 2030 par rapport à 1990 ainsi que des nouveaux objectifs présentés par divers dirigeants ce samedi pour 2025 et 2030. Ensuite, ce changement de mentalité a certainement été accéléré par la pandémie de Covid-19. Quitte à devoir monter des plans de relance forts, autant les concevoir les plus verts, les plus respectueux de l’environnement possibles. L’idée s’installe vraiment dans les esprits. Enfin, l’élan annoncé par l’administration Biden, du nom du nouvel homme fort des Etats-Unis d’Amérique, redistribue les cartes aussi.
Bilan en engagements du sommet virtuel «ambition climat»
Au terme du Sommet de 2020 sur l’ambition climatique, plus de 70 chefs d’État ont présenté une série de nouvelles mesures, politiques et plans visant à réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et à limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Au moins 24 pays ont annoncé de nouveaux engagements, stratégies ou plans pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, alors qu’un certain nombre d’États ont annoncé qu’ils allaient aller encore plus loin, avec des dates plus ambitieuses pour atteindre le niveau zéro carbone. Une douzaine de pays donateurs ont souligné leurs engagements à soutenir les pays en développement, Les villes, les entreprises et le secteur des finances ont également fait preuve d’une ambition accrue à l’instar du maire de Freetown au Sierra Leone, qui s’est engagé à planter 1 million d’arbres entre 2020 et 2021.
Selon l’ONU, ces annonces sont le signe d’un réel élan sur la voie de la conférence cruciale des Nations Unies sur le climat COP26, qui se tiendra à Glasgow en novembre prochain. «Le Sommet a maintenant envoyé des signaux forts indiquant que davantage de pays et d’entreprises sont prêts à prendre les mesures audacieuses en matière de climat dont dépendent notre sécurité et notre prospérité futures», a déclaré Antonio Guterres soulignant qu’il ne fallait pas baisser les bras.