"LE SÉNÉGAL N'EST PAS TRÈS LOIN DE GAGNER CETTE CAN"
Habib Beye pense que les chances des Lions sont réelles et que Sadio Mané aussi est bien parti pour remporter le Ballon d’Or

Le consultant-vedette de Canal+ Sports, Habib Bèye, estime que le Sénégal n’est pas très loin de gagner la Can de football qui se dispute du 21 juin au 19 juillet 2019 en Egypte. Cet ancien international sénégalais, qui était l’invité de Canal+ Sénégal dans le cadre du lancement de la campagne « en route vers la Can », pense que les chances des Lions sont réelles et que Sadio Mané aussi est bien parti pour remporter le Ballon d’Or. Discussions autour de quatre questions d’actualité
Comment vous voyez cette équipe du Sénégal à la veille de la Can de football 2019 ?
Ce qui va être important pour Aliou Cissé, c’est d’essayer d’évaluer la condition physique de chacun car il y a des joueurs qui ont arrêté leur championnat il y a maintenant un bon moment. Je pense aux « Anglais » qui ont été au repos il y a plus d’un mois. Physiquement donc, ils n’ont pas rejoué de match de compétition. Mais il va y avoir une volonté de remettre tout le monde à niveau. Il y a des joueurs comme Sadio Mané qui vont arriver un peu fatigués, il faut évaluer tout cela. Mais il faut une unité au sein de ce groupe et la renforcer par un stage où les joueurs vont échanger sur leurs saisons respectives, sur l’ambition collective aussi du groupe ainsi que les objectifs qu’ils se sont fixés en commun. Quand vous arrivez dans une compétition, cela n’a rien à voir avec le monde extérieur, vous fermez vos portes et vous vous dites : « Ce que nous voulons aujourd’hui, ensemble, c’est arriver en finale, gagner le trophée ; et pour ça, il faut que nous soyons investis, disciplinés ». C’est la vie interne d’un groupe. Mais au vu des éléments que je tire des joueurs, pour l’instant, il y a énormément de confiance, surtout de sérénité parce que les résultats ont montré que le Sénégal était capable de bien figurer sur le continent et sans oublier que cette campagne des qualifications a été un point positif dans le travail qui a été mené.
Le statut de favori, est-ce une pression supplémentaire sur le Sénégal?
Que vous soyez favori ou pas, il y a forcément de la pression sur l’équipe, même si les gens ont l’habitude de dire que le Sénégal n’a pas gagné de titre. Mais je pense qu’il y a un vécu dans cette équipe, même s’il y a d’autres favoris comme le Ghana, le Maroc, le Cameroun. Il faut donc que le Sénégal assume ce statut de favori et surtout le démontrer. Parce que la force d’une équipe, c’est d’être capable de démontrer, match après match, qu’elle est très, très forte et cela sème le doute chez vos adversaires. Il faut le faire le plus vite possible et ne pas attendre les quarts de finales pour démontrer à toute l’Afrique que vous êtes un prétendant à la victoire finale. Si vous arrivez à mettre d’entrée cette suprématie, déjà les autres équipes vont vous craindre.
Mais le problème du Sénégal, c’est qu’à chaque Can, il est cité comme favori au vu de son parcours dans les éliminatoires, mais à l’arrivée, c’est la déception. Qu’est-ce qui manque à cette équipe ?
Vous venez de parler de quelque chose d’essentielle. Vous avez dit que ça se passe bien en phase de poule, mais dès qu’on arrive à la phase à élimination directe, avec la pression supplémentaire, on cale. Le football est fait d’émotion et de pression positive ou négative. On nous parle beaucoup de talents ; oui, mais je peux vous donner en fait plein d’éléments qui vont vous amener à penser que le foot n’est pas fait que de ça. Vous prenez Lionel Messi, il gagne largement la manche aller avec Barcelone contre Liverpool ; c’est le joueur le plus fort actuellement avec Cristiano Ronaldo. Mais il a sombré au retour comme les autres, et pourtant, c’est un joueur extraordinaire.
Tout était en sa défaveur, toutes les émotions étaient du côté de Liverpool qui avait construit quelque chose de positive autour de cette pression. Lorsque vous arrivez à des matches à élimination directe, il n’y a plus que le talent qui parle. Il y a cet aspect mental qui entre en jeu. Autre exemple, à la dernière Can, on n’a pas vu le même Sénégal en quarts que pendant les matches de poule. Parce qu’en phase de poule, le Sénégal a avancé avec énormément de sérénité, en ayant en tête que ce n’était pas un match couperet. Par contre, quand vous savez que le match nul n’est pas possible et que la défaite n’est pas acceptable et n’est même pas envisageable, la pression est beaucoup plus importante en éliminatoire directe. Si vous n’avez pas les épaules pour la supporter individuellement et collectivement, parfois vous avez des surprises.
Le Sénégal n’a pas été la seule surprise. Je pense qu’il a manqué ce leadership, ce mental qui fait la différence dans les grands matches. Et à l’image de Sadio Mané, quand on le voit fondre en larmes, on se dit qu’il y a cette tristesse, il y a aussi toute cette pression qu’il avait sur les épaules. En sport, il y a des gens qui vivent avec la pression comme Michael Jordan qui disait qu’il ne pouvait vivre sans pression. Elhadji Diouf était comme ça, plus vous lui mettez de l’adversité, plus il était bon. Mais je pense que le Sénégal n’est pas très loin de gagner cette Can, s’il se sert de ça. Vous regardez une équipe comme le Cameroun qui a gagné la dernière édition au Gabon ; il n’était pas favori au départ et on ne le voyait même pas au second tour ; mais à l’arrivée, il a remporté le trophée à la surprise générale. C’est parce que les joueurs avaient du caractère et du mental. Le Sénégal doit donc endosser ce statut de favori, parce qu‘il est premier au classement Fifa en Afrique et il a réalisé un parcours sans faute dans les éliminatoires. Il doit donc assumer cela.
Mais je crois qu’Aliou Cissé et ses joueurs ont tiré les enseignements de ces échecs. Une fois de plus, le Sénégal est un grand favori, mais il n’est pas supérieur au Maroc, à l’Egypte qui abrite cette Can et au Cameroun qui est détenteur du trophée. S’agissant du groupe C des Lions, je peux dire, c’est une poule homogène, le Sénégal doit se qualifier. Personne ne parle du Kenya et de la Tanzanie mais il faut faire attention à ces deux équipes. Finir premier du groupe n’est pas primordial. Mais je pense que la qualification devrait être à portée du Sénégal qui doit toutefois se méfier du Kenya et de la Tanzanie, sans faire de la première place du groupe une obsession. En effet, les deux premiers de chaque groupe et les quatre meilleurs troisièmes seront qualifiés à l’issue de la phase de poule. Il faut donc y aller avec assurance.
Pour en revenir à Sadio Mané qui retient l’attention, pensez-vous qu’il pourra remporter le Ballon d’Or africain ou européen cette année ?
Je vois Sadio Mané dans les cinq premiers pour plusieurs raisons : l’année dernière, je n’avais pas compris pourquoi on l’a mis à la 23e place au vu de sa prestation. Car il a disputé la finale de la Ligue des champions avec Liverpool et a même marqué un but. Je n’ai pas compris pourquoi on lui a préféré des joueurs comme Aguero, Harry Kane, Kevin de Bruyne. Mais cette année, si l’on doit donner ce Ballon d’Or, je vois Sadio Mané dans les cinq premiers. Il a réussi une saison aboutie avec son club en se hissant en finale de la Ligue des champions ; il est co-meilleur buteur avec Aubameyang et Salah, champion d’Europe avec Liverpool. Cette Can 2019 va, sans nul doute, compter. Car Cristiano Ronaldo a déjà remporté la Ligue des Nations et la Série A mais il a été éliminé en Ligue des champions. Lionel Messi a remporté la Liga et a été éliminé avec un effondrement incroyable face à Liverpool. En aucun cas je mets Sadio Mané vainqueur aujourd’hui mais si l’on me dit qu’il ne fait pas partie des cinq premiers, je me pose une énorme question.