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28 avril 2025
Opinions
PAR L’ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, BOUBACAR BORIS DIOP
CE VIEIL HOMME, NOTRE ENFANT…
Wade a desservi Karim, renforcé la cote de popularité de Macky tout en donnant de lui-même une image négative. En somme, trois coups de pierre contre sa réputation et contre la libération de son fils
Boubacar Boris Diop, Éditorialiste de SenePlus |
Publication 24/03/2015
Des analystes pourtant peu suspects de passion partisane continuent à regretter que la Crei n’ait été apparemment réactivée que pour juger Karim Wade. Même si on peut leur reprocher de tenir pour quantité négligeable ses co-inculpés ou d’oublier trop vite les nombreux dossiers déjà instruits, leur trouble mérite la plus grande attention. Il nous rappelle qu’au Senegal l’autorité publique n’a jamais vraiment su quelle attitude adopter à l’égard des auteurs de crimes économiques. C’est peu de dire que ces derniers, du fait de leur forte capacité de redistribution, sont plus souvent admirés que stigmatisés.
Il se raconte du reste, sous forme de blague populaire, qu’à des détenus ordinaires se plaignant des faveurs accordées à ces prisonniers de luxe, un régisseur aurait répliqué, excédé : «Ecoutez, ce n’est pas pareil, vous, vous êtes des voleurs alors qu’eux ont détourné !» Cette complaisance à l’égard de ceux qui dilapident nos maigres ressources s’explique-t-elle par le fait que le même personnel politique se partage le pouvoir depuis l’Indépendance ? L’hypothèse peut être avancée sans risque.
Le plus fascinant, c’est que Me Abdoulaye Wade, alias le «pape du Sopi», a été élu, après une exceptionnelle mobilisation populaire, pour briser ce cercle vicieux de la gabegie et de l’impunité. Quel Sénégalais peut s’en souvenir aujourd’hui sans un formidable éclat de rire ? Sous son règne, le système est devenu complètement fou ! Dès ses premières heures au Palais, il déclare à Idrissa Seck, qui l’enregistre en secret– drôle de gens, n’est-ce pas ?- : «Nos problèmes d’argent sont désormais derrière nous», avant d’ajouter cette phrase hallucinante : «Même les gangsters savent s’en tenir a un strict code d’honneur quand vient l’heure de se partager le butin.»
Il n’est dès lors pas étonnant qu’au cours de ses deux mandats à la tête du pays, on ait eu l’impression d’un gigantesque foutoir financier. Bien des cadres ayant travaillé avec Me Wade, en particulier ceux qui venaient de la Gauche, n’étaient pas des corrompus, loin s’en faut. Mais ceux qui l’étaient ne se sont pas du tout gênés. Les affaires en tous genres– terrains, trafic de devises voire de drogue– ont sans cesse défrayé la chronique et des milliers de gens qui tiraient le diable par la queue, ont amassé en peu de temps une colossale fortune.
Dans un petit pays à l’élite aussi «compacte», tout finit par se savoir, même, et peut-être surtout, ce que les medias choisissent, pour diverses raisons, de taire. Et– ne soyons donc pas si oublieux– Karim Meissa Wade, à la tête de moult ministères stratégiques, était au centre de tout. La justice lui demande depuis juillet 2014 de justifier l’accroissement phénoménal de sa fortune à l’époque où son père était chef de l’Etat. Il n’en a pas été capable et cela lui a valu une peine ferme de six ans et une amende de 138 milliards de francs Cfa.
On peut certes entendre les critiques des ONG des Droits de l’homme qui voient dans la Crei une juridiction d’exception violant les normes du droit international mais on a aussi eu le sentiment que pour ses avocats leur client, lâché par certains de ses prête-noms et complices, confondu sur des points importants, était devenu indéfendable. On les a donc davantage entendus en conférence de presse qu’à la barre du tribunal qu’ils ont du reste finalement boycotté. Il est d’ailleurs difficile de savoir à quoi ont bien pu servir les avocats étrangers supposés plaider en faveur de Karim Wade.
Malgré le gros cafouillage sur le compte de Singapour– un point, il faut le souligner, non pris en compte par le juge Henri-Grégoire Diop–, personne n’a été surpris par le verdict du 23 mars. Il n’y a pas lieu de se réjouir qu’une personne encore dans la force de l’âge soit obligée de rester quatre années en prison mais des dizaines de milliers d’autres Sénégalais purgent la même peine sans que cela n’émeuve personne.
L’avertissement vaut pour tous nos futurs chefs d’Etat. Ce qui arrive à Karim Wade doit leur faire comprendre qu’il est inadmissible et dangereux de détourner les suffrages populaires au profit de sa famille.
L’ex-président Wade, naguère tout-puissant, n’a rien pu faire pour sauver son fils. Il n’a même pas pu trouver un hôtel pour y organiser ce que le politologue Mbaye Thiam a appelé sur Sud FM «la dévolution paternelle du parti». Cela en dit long sur la brutalité de la chute de Wade. Il s’était pourtant montré si agressif à maintes reprises que le pays a eu de sérieuses craintes pour la sécurité des biens et des personnes le jour du verdict. A l’arrivée il y a eu plus de peur que de mal.
Me Wade, conscient de son faible pouvoir de nuisance ces temps-ci, s’y était sûrement attendu et c’est sans doute pour cela qu’il a fait de son fils le candidat du PDS à la présidentielle de 2017. Le projet, c’est de lui faire porter les habits de lumière du prisonnier politique, si populaire que le régime n’aura d’autre choix que de ne pas le maintenir en détention. Est-ce bien sérieux ? En vérité, cela s’appelle raisonner la tête à l’envers.
Tout d’abord, Karim Wade, qui n’a jamais remporté le moindre scrutin, est un binational. On le voit mal renoncer à son passeport français pour briguer les suffrages des électeurs sénégalais. Et au fait, dans quelle langue leur demanderait-il de voter pour lui ? C’est un point central que tout le monde semble avoir oublié. Sauf, probablement, l’intéressé lui-même et son père. Me Wade, qui a affronté tous les présidents, de Senghor à Macky Sall, sait bien ce qu’élection veut dire dans notre pays. Il serait étonnant qu’il entretienne au fond de lui-même la moindre illusion quant aux chances de son fils pour l’élection de 2017.
Il sait bien, pour le dire familièrement, que les carottes sont cuites.
Wade aura en effet tout essayé mais les appels du pied à l’armée n’ont pas eu plus d’écho que sa menace insolite de prendre le maquis. Et pour faire monter la tension, il ne s’est interdit aucune grossièreté à propos de la famille Sall. Ce faisant, il a desservi Karim Wade, renforcé la cote de popularité de Macky Sall tout en donnant de lui-même une image encore plus négative qu’à l’ordinaire. En somme, trois coups de pierre contre sa réputation et contre une cause, la dernière d’un vieux combattant, qui lui tient tant à cœur : la libération de son fils.
Une fin de parcours aussi douloureuse– il est des moments où le vieil homme suscite en effet une vague compassion– rappelle, toutes proportions gardées, celle d’Alboury Ndiaye. La tradition rapporte qu’au soir de sa vie, affamé et au bord de l’épuisement, le Bourba Djoloff fut obligé de voler une écuelle de lait dans l’arrière-cour d’une maison de Dosso, dans l’actuel Niger. Surpris par la propriétaire, il n’eut d’autre choix que de nier avec véhémence. En vain : un enfant l’avait vu en secret, qui témoigna contre lui. Il aurait alors déclaré à son griot : « J’ai été tout-puissant au Djoloff et voilà à quoi je suis réduit. Tout est perdu et je sais que ma fin est proche.»
Alboury Ndiaye, immortalisé entre autres par le dramaturge Cheik Aliou Ndao, a été peut-être le moins ambigu, le moins controversé de nos héros nationaux mais un cruel destin avait pris avantage sur le guerrier errant, panafricaniste avant la lettre. Du célèbre politicien libéral aussi, on peut dire, mais hélas pour de moins glorieuses raisons, que tout est perdu aujourd’hui, même l’honneur.
Il ne lui reste plus qu’à solliciter la clémence de celui dont il a dit tout récemment que jamais il ne serait au-dessus de Karim Wade. Peut-être s’exprimait-il ainsi en surestimant ses capacités à infléchir le cours de la justice. En homme qui a toujours cru au seul rapport de force, il est bien conscient d’être à la merci du régime de Sall. La surenchère verbale va rester de mise pendant quelque temps pour sauver les apparences mais il est très probable qu’il va bientôt jouer, en coulisses, la seule carte qui lui reste raisonnablement : solliciter la grâce présidentielle. Et si Macky Sall venait à céder aux pressions, l’on n’entendra probablement plus parler ni de l’homme Karim Wade ni encore moins du candidat sans peur et sans reproche. On peut supposer qu’il sera aussi oublié des Sénégalais que l’est à l’heure actuelle sa sœur. Le président pourrait être tenté de se montrer magnanime après avoir su se montrer ferme.
Qu’adviendrait-il des Bibo Bourgi et autres Mamadou Pouye, condamnées en même temps que Karim ? La question n’est pas simple car une libération générale ferait désordre dans l’opinion.
Quoi qu’il arrive, gardons-nous de jeter trop vite la pierre à Me Abdoulaye Wade. Ce quasi centenaire au regard perdu, si tragiquement solitaire, c’est nous-mêmes qui l’avons librement enfanté dans l’allégresse générale il y a une quinzaine d’années. Au-delà du sort personnel de son fils, c’est de cela que nous devrons nous souvenir demain et après-demain.
L’invalidation de la loi interprétative de Pastef constitue, non pas un coup de frein salutaire, mais une bonne leçon à la classe politique dans son ensemble, pour substituer à l’animosité ambiante, un esprit de dialogue constructif
« Jusque-là, les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde ; l’important maintenant c’est de le transformer » (Karl Marx, thèses sur Feuerbach)
L’invalidation de la loi interprétative de la loi d’amnistie de Macky Sall, loin d’être un coup de tonnerre dans un ciel serein, pourrait plutôt constituer la confirmation d’une nouvelle orientation prise par le Conseil constitutionnel sénégalais, qui semble atteindre sa phase de maturation en Cour constitutionnelle.
Une incompétence stratégique
Dans le passé, cette institution s’était plutôt illustrée par une option délibérée pour l’incompétence stratégique, signe d’un excès de bienveillance à l’endroit des différents pouvoirs exécutifs, qui se sont succédé dans notre pays. Pour ne pas remonter trop loin dans le passé, on peut citer les quelques exemples suivants :
le recours en inconstitutionnalité contre la loi constitutionnelle n° 29/2005 prorogeant le mandat des députés, votée par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2005,
la confirmation de la candidature de Me Abdoulaye Wade à un troisième mandat en 2012,
l’invalidation, en 2018, du recours déposé par les députés de l’opposition pour l’annulation de la loi sur le parrainage,
La gestion de ce processus de parrainage citoyen aura d’ailleurs fortement terni l’image du conseil et nui à sa crédibilité, entrainant un fort sentiment de défiance de la part de la majorité des acteurs politiques.
Heureusement qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Le tournant du 15 février 2024
C’est le jour où, face au coup d’État constitutionnel du 3 février 2024, les Sages avaient eu une réaction appropriée en refusant de se plier à la volonté de Macky Sall de remettre en cause, non seulement le calendrier républicain, (en reportant l’élection présidentielle), mais aussi la durée, voire le nombre de mandats présidentiels.
Les sept Sages iront plus loin, dans leur décision du 5 mars 2024, en refusant d’avaliser les conclusions du soi-disant dialogue de Diamniadio et en réaffirmant, que la date de l’élection présidentielle ne saurait aller au-delà du 2 avril, date de passation de pouvoir.
De par sa posture inhabituelle mais remarquable, saluée par l’écrasante majorité du peuple, le Conseil constitutionnel se posait, dorénavant, en défenseur du caractère républicain et de la nature démocratique de notre système politique.
Un « désaveu » salutaire
L’organisation des Assises de la Justice, deux mois après la victoire du 24 mars 2024, est là pour attester que le duo Diomaye-Sonko a fait de la Justice, un des secteurs prioritaires de sa politique. Encore que plusieurs acteurs politiques et de la société civile auraient préféré qu’on s’adressât, de manière holistique aux questions institutionnelles, car la plupart des dysfonctionnements de la Justice découlent de l’excès de pouvoir dont jouit le premier magistrat de la Nation, en somme de l’hyper-présidentialisme.
Et de fait, malgré quelques timides efforts dans le raccourcissement des délais de traitement de certains dossiers, le système judiciaire sénégalais reste encore fortement imprégné par des séquelles de l’idéologie carcérale (privilégiant la détention), qui anime la plupart des acteurs de la Justice. On note également les interdictions quasi-systématiques des marches par les nouvelles autorités et le peu d’empressement, dont elles font montre à abroger certaines lois liberticides.
C’est dire que l’invalidation de la loi interprétative de Pastef constitue, non pas un coup de frein salutaire, mais une bonne leçon à la classe politique dans son ensemble, pour substituer à l’animosité ambiante, un esprit de dialogue constructif.
Le camp patriotique doit s’extirper de la fange politicienne nauséabonde, dans laquelle veulent le maintenir, ceux dont l’avenir politique est irrémédiablement compromis, s’ils persistent dans le déni du réel et le refus d’un indispensable aggiornamento.
Aller vers une nouvelle République !
Certes, la vie politique, qu’il s’agit précisément d’assainir, lors du prochain dialogue, est parasitée par l’emprise que les délinquants à col blanc exercent sur les secteurs de l’ancienne classe politique issus de la bourgeoisie bureaucratique.
Si le Pastef et ses alliés ont réussi à poser le prémices politiques de rupture avec la domination néocoloniale, ils se doivent, non pas de se frayer un chemin à travers une armature institutionnelle obsolète, mais mettre sur pied une autre République, à travers une nouvelle Constitution fondatrice.
En un mot comme en mille, il ne s’agit plus d’interpréter la réalité politique sénégalaise, mais de la transformer.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
PARFUMS D’ENFANCE (NOUVELLES) DE MARIAMA NDOYE MBENGUE, UN STYLE LITTÉRAIRE DENSE À LA LANGUE MÉLODIEUSE ET PRÉCISE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le genre de la nouvelle est ici maîtrisé par cette capacité à poser le pacte de la fiction, celui de l’identification de situations crédibles tout en s’autorisant des escapades dans le labyrinthe du langage
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Issue de la langue italienne, novella qui signifie nouveauté ou encore histoirecaptivante, la nouvelle est principalement, dans le domaine de la littérature, un texte bref. Elle se distingue du roman par sa forme libre et son unité dramatique où l’action est le point central, laissant peu de place à la psychologie des personnages. La densité du récit est resserrée pour former une intrigue qui se suffit à elle-même et pour explorer des faits humains de manière intense. Elle peut être réaliste, fantastique, sentimentale ou historique. On la compare souvent au conte mais elle se différencie par la précision de ses décors et par la caractérisation immédiate des personnages. De même, les procédés esthétiques sont ici fortement travaillés pour donner la sensation immédiate de s’immerger dans le récit, avec des descriptions précises et vives et des dialogues enlevés, alternant les situations pour marquer l’étonnement, la surprise et l’inattendu. C’est un genre qui peut mélanger les tonalités, comme une sorte de danse littéraire où se côtoient des effets stylistiques en toute liberté.
La plume de Mariama Ndoye Mbengue est à ce carrefour, une fiction prolixe pour un genre dont la variété de la langue et les effets narratifs jonglent avec les rebondissements, l’originalité et une précision remarquable. Les personnages y sont campés en quelques lignes ainsi que l’unité des lieux et du temps pour mieux s’accaparer de récits qui évoquent les faiblesses humaines avec force et humour.
Femme de lettres, Mariama Ndoye Mbengue possède l’art de la nouvelle dont elle explore les sources, les rebonds et les cavités à travers un imaginaire fécond qui, s’il renvoie à des paysages familiers, n’en demeure pas moins une parole émancipatrice et détonante. Le genre de la nouvelle est ici maîtrisé par cette capacité à poser le pacte de la fiction, celui de l’identification de situations crédibles tout en s’autorisant des escapades dans le labyrinthe du langage. La contrainte littéraire est ici déjouée par une langue fluide et précise et qui s’autorise à explorer des terres nouvelles entre réalisme et imaginaire.
Dans certaines dispositions narratives, le conte n’est jamais loin, mais il est aussi délesté de toute imagerie attendue pour former un tissu littéraire moderne qui ose longer le littoral des valeurs morales, tout en les capturant de manière poétique pour mieux les sublimer, comme dans le récit Lasagadeséléphants.
L’écrivaine investit sa langue très imagée dans tous les personnages qu’elle convoque, homme, femme, tout comme dans le sourire des enfants et dans le murmure des paroles sages des aînés. Par ses récits, une fois c’est la tendresse qui domine, comme dans la nouvelle DawFallNdiaye ou encore l’humour qui pointe pour déjouer les péripéties de la loi comme dans Bolo. Mais l’auteure peut également tisser toutes les ficelles du drame comme dans la nouvelle Del’amitié, où sur un malentendu une jeune femme trouve la mort. L’obscurité et la barbarie s’invitent aussi, en particulier dans la nouvelle Sabbatnocturne où l’écriture semble impuissante face à la folie des hommes. De manière perspicace, l’auteure dénonce aussi les travers de la société sénégalaise, la corruption ou encore la rivalité sociale, de même que les croyances absurdes qui peuvent détruire les relations familiales comme dans la nouvelle Lepardon.
Au milieu du recueil, une histoire plus étirée, écrite à la première personne et au présent, s’installe pour partager l’expérience d’un pèlerinage à Jeddah où les tensions communautaires semblent vives au premier regard. Puis comme une lumière instantanée, l’union se forme à travers la foi de tous les regards culturels. Cela semble être une entrée plus profonde sur un mouvement sociétal qui demeure universel même si les lieux et les époques changent.
Puis la parole de Mariama Ndoye Mbengue ne se voile plus de la fiction avec le dernier texte du recueil intitulé Deuxtoursd’horloge, vraisemblablement plus intime et plus autobiographique, un interstice mémoriel où l’être à l’âge adulte retrace l’enfance, l’éducation reçue et tout ce que constitue la transmission, le savoir, les sentiments, ou encore la culture de l’ailleurs révélée par un père médecin qui parcourt le monde pour partager l’unité de la science et du progrès.
À travers ces micro récits, l’expression langagière de Mariama Ndoye Mbengue se déploie avec des métaphores comme « en cette saison où les moustiques pullulaient et courtisaient le paludisme », ou plus loin, utilisant une forme poétique pour décrire le quotidien, « Le pagne d’un sommeil réparateur doucement l’enveloppa ». Ou encore des propositions à l’allure proverbiale comme « La vie n’est qu’un zéphyr sournois qui soulève la poussière de souvenirs épars ». Et dans les dialogues, la langue se métamorphose en images littérales « ne jette pas ma figure par terre (ne me fais pas honte) », « Mais Dieu t’a applaudie (t’a gâtée) », un lexique bondissant qui donne à chacun de ses textes un rythme unique.
Ainsi la prose de Mariama Ndoye Mbengue offre un regard moderne, à la fois inspirateur et libre, sur la société contemporaine, avec une loupe scrutatrice, de manière à la fois frontale, inventive et délicate, à l’aide d’une esthétique souple et travaillée et avec une langue qui lui est propre et qui efface les frontières culturelles tout en créant un univers littéraire signifiant. Assurément, Mariama Ndoye Mbengue incarne une voix littéraire qu’il convient de redécouvrir.
Tel il a trouvé le monde des hommes, tel il y a vécu en dénonçant ses travers, tel il l’a laisse, injuste et hypocrite…imparfait. Va, va en paix, et repose-toi pour l’éternité, François des pauvres, François des opprimés, François de Palestine et du monde
Pape des opprimes, pape des pauvres, pape de Palestine.
« En entrant dans l’espace aérien chinois, je présente mes meilleurs vœux à votre excellence et à vos concitoyens. J’appelle les bénédictions divines de la paix et du bien-être sur le pays. »
C’est avec ces mots que l’avion papal fendit les nuages, à 890km/h et à 35000 pieds, au-dessus de la grande muraille de chine. Il était alors à destination de la Corée du Sud, pour repandre la parole du Dieu unique. Il venait ainsi d’envoyer une bénédiction aérienne à ses 12 millions de fidèles chrétiens chinois, « otages » d’une diplomatie chinoise rigoureuse, orgueilleuse et susceptible, et au président Xi Jinping, arrivé au pouvoir quelques heures seulement apres le fameux «habemus papam*», ou l’annonce de l’élection de Jorge Mario Bergoglio à la papauté.
Il sillonnera ainsi, toute sa vie durant, le monde des hommes, dispensant ses messages de paix et de justice. Avec courage et sérénité, mais sans faiblesse, aucune.
Répandant la foi chrétienne et renforçant le rayonnement et la souveraineté universelle de la papauté et de l’État du vatican.
Constant dans le soutien au peuple opprimé de Palestine, le pape couchera sur son dernier testament sonore son amour et son empathie pour ce peuple qui marche encore aujourd’hui sur son chemin de croix.
Courageux et droit dans sa soutane, le pape a denoncé jusqu’à ses dernières heures les injustices les plus marquantes de notre époque .
Sur la place Saint Pierre, le jour de Pâques, alors qu’il était déjà sur la toute prochaine liste d’Azrael, l’ange sans état d’ame de la mort, il a dénoncé, une dernière fois et demandé la fin immediate du massacre du peuple de Palestine. Mais pour rester juste et équidistant, il demandera aussi la libération des otages innocents du Hamas, coupable tout simplement d’être Juifs. Quel homme !!
Jusqu’à ses funerailles, il sera le chantre de la paix, car il a réussi samedi 26 avril 2025, l’improbable exploit de reunir des amis, des partenaires et des ennemis jurés, du tres antipathique Donald trump au souriant mais non moins important acteur de la scène internationale, le français Emanuel Macron. En passant par des têtes couronnées et des dignitaires, des badauds, des pogroms et des roturiers des temps modernes.
Dès l’annonce de sa mort, les plus beaux temoignages et hommages lui ont été rendus par ces grandes puissances, autrices ou complices des drames qui, a longueur d’année se nouent aux quatre coins de la planète et qui ont royalement ignoré ses appels à la paix et à la justice. D’éminents ennemis de la paix et de la justice viendront s’incliner et souiller sa dépouille. D’ailleurs ils ont hate. Certains ont même tweete « …nous avons hâte d’y être ». Des hommes qui ne garderont rien de ses messages, qu’ils ont « hâte » d’enterrer avec lui. Mais le pape François savait qu’il ne faut jamais abandonner, ni renoncer à ramener les brebis égarées dans le troupeau de Dieu. Car c’est là, dans cet esprit de Sisyphe que réside la grandeur de son sacerdoce.
Tel il a trouvé le monde des hommes, tel il y a vécu en dénonçant ses travers, tel il l’a laisse, injuste et hypocrite…imparfait!
Mais il ne s’est jamais fait d’illusion quant à la nature humaine. Il savait, lui, saint homme, que c’est pour convertir et sauver les âmes en perdition que les prophètes de Dieu ont été missionnés ici-bas. La perfection n’est pas de ce monde.
Samedi, Gaza, la Cisjordanie, Rafah et tous les territoires palestiniens occupés, ont retenu leurs souffles, au moment où l’a accueilli, pour l’éternité, son caveau de la basilique Sainte-Marie-Majeure.
Le peuple de Palestine pleure et pleurera chaque jour, comme il pleure ses dizaines de milliers de femmes et enfants. Le peuple de Palestine a promis de prier pour lui et de porter son deuil ad vita æternam**.
Place Saint Pierre, dimanche de Pâques, plus de 2000 année après la naissance du Christ, nos frères chrétiens célébrent sa resurrection dans la ferveur et le recueillement. Il est midi passé de quelques minutes. Un fauteuil roulant s’avance doucement vers le balcon central, poussé par l’infirmier personnel du pape. Dans ce fauteuil, le pape affaiblit, assis mais debout, admirablement debout comme au premier jour de son pontificat, avec ces premières phrases : « frères et sœurs bonsoir, vous savez que le devoir du conclave est de donner un cardinal à Rome. Il semble que mes frères cardinaux sont allés le chercher à l’autre bout du monde. Mais nous sommes la… ». Mais ce jour de Pâques est particulièrement important pour pape François. Pour la dèrniere fois, il a puisé dans sa dernière énergie pour venir souhaiter urbi et orbi, « bon dimanche des rameaux, bonne semaine de Pâques ». Il n’a pas voulu rater ce dernier rendez-vous avec les fidèles chrétiens, c’est la raison pour laquelle, comme la dernière volonte d’un condamné, il a demandé à son médecin de lui inoculer la force, avec l’aide du seigneur, de retourner sur la place Saint-Pierre une dernière fois, pour dire « au revoir » et communier avec le monde des vivants. Ces êtres tellement têtus, tellement imparfaits, mais si attachants. « que la lumière de la Pâques nous pousse à abattre les barrières qui créent des divisions et qui sont lourdes de conséquences politiques et économiques. »
Le pape François, dans sa dernière homélie pascale dispensera un message de paix aux accents d’un testament hautement politique. Il exhortera ceux qui font et défont la géopolitique à œuvrer pour la paix et le silence des armes, de l’Ukraine au Soudan, en passant par le Yemen, l’Azerbaijan et toute la Caucase du sud jusqu’à la Corne de l’Afrique et la région des grands Lacs…
Il n’oubliera aucun recoin de cette terre où vit ou survit un chrétien ou simplement un être humain. Et pour ceux qui n’ont pas entendu ou lu le nom de la Chine, c’est parce qu’ils n’ont pas su lire entre les lignes…
C’est le lundi 21 avril, lendemain de Pâques, vers 5h30 que les premiers signes de malaises apparurent. Le pape entouré de ses assistants médicaux les remercia et particulièrement son fidèle médecin personnel, Massimiliano Strappetti, en ces mots « merci de m’avoir ramené sur la place ». Quelques instants plus tard, il sombra paisiblement dans son dernier sommeil.. C’est au petit matin, un peu après 7h, que ce grand monsieur, Jorge Mario Bergoglio, mourut pape de de tous les chrétiens du monde, loin de son Argentine natale, où il n’est jamais retourné et qu’il ne retrouvera plus jamais.
Va, va en paix, et repose-toi pour l’éternité, François des pauvres, François des opprimés, François de Palestine et du monde entier. Veille sur ce peuple opprimé depuis le ciel.
*nous avons un pape.
** pour toujours
À l’amour et au respect que nous portons à nos freres chrétiens.
Nous compatissons.
par Thierno Alassane Sall
LES VELLÉITÉS DE DICTATURE DE PASTEF DOIVENT ÊTRE CASSÉES
Au lieu de s’atteler à prendre en charge sérieusement les nombreuses et urgentes préoccupations du peuple, le régime est préoccupé par son projet « d’effacer », comme l’a dit publiquement Ousmane Sonko, toute voix discordante
L’entreprise de musèlement de la liberté d’expression et de presse initiée par le régime Pastef doit être vigoureusement dénoncée et combattue pendant qu’il est encore temps. En choisissant le « projet politique » de Pastef, les Sénégalais et les Sénégalaises espéraient en finir définitivement avec les « petites politiques » de censure, de menace, de privation de liberté gratuite et mise à mal des libertés publiques.
En l’espace d’un an, plusieurs personnes ont été mises en prison pour avoir exprimé une opinion (Moustapha Diakhaté, Bah Diakhaté, Ardo Gning, Ameth Ndoye, Cheikh Thiam, Abdou Nguer, etc.). Dans le même temps, sous le prétexte fallacieux d’une régulation des médias, des tentatives de réduire au silence la presse libre sont en cours. Des médias fantômes qui ont porté Pastef au pouvoir ont été reconnus, alors que d’autres plus connus dans le paysage sont mis sur une liste rouge et interdits de production.
La dernière note du ministre en charge de la Communication est une illustration parfaite de cette politique liberticide. Au lieu de s’atteler à prendre en charge sérieusement les nombreuses et urgentes préoccupations du peuple, le régime Pastef est préoccupé par son projet « d’effacer », comme l’a dit publiquement Ousmane Sonko, toute voix discordante.
Les Sénégalais et les Sénégalaises épris de justice (citoyens, société civile, organismes de presse, universitaires et autres intellectuelles) sont interpellés : les velléités de dictature de Pastef doivent être cassées et il ne s’agit point d’un combat partisan.
par Salla Gueye
QUAND LA SAGESSE FAIT JUSTICE
Une institution qui dit non, c’est une démocratie qui se redresse. Un juge qui refuse de plier, c’est un peuple qui peut espérer. Et une décision de droit qui fait barrage à l’oubli, c’est une République qui choisit la mémoire plutôt que l’amnésie
Il y a des secousses salutaires. Des réveils institutionnels qui viennent, d’un seul geste, balayer l’inertie, réveiller l’esprit républicain, rappeler que dans une démocratie digne de ce nom, la loi est plus qu’un instrument : elle est un rempart contre les vents politiques. Mercredi dernier, le Conseil constitutionnel a opposé un refus à une partie de la loi d’amnistie votée quelques semaines plus tôt. Une décision à la fois discrète, puissante et technique, qui rappelle que dans le silence des robes noires peut se jouer le destin d’un pays. Car ce que beaucoup ont trop vite pris pour un simple « ajustement juridique » est, en réalité, un sursaut de droit. Un acte d’indépendance. Dans un pays où le débat juridique se mue souvent en théâtre d’opinions, où chaque article de la Constitution devient matière à polémique, cette décision a tranché net.
Pendant que les plateaux de télévision s’emballaient – avec notamment les avis très controversés des experts du jour comme de la nuit –, et que les éditoriaux se transformaient en manuels de droit, le Conseil, lui, restait à sa place : au-dessus du tumulte. Droit dans ses bottes. Imperturbable.
Ce refus partiel de l’amnistie ne nie pas l’élan de réconciliation nationale. Il le redéfinit. Il rappelle une vérité essentielle : on ne reconstruit pas une nation sur le déni. On ne guérit pas une société à coups de gomme. La justice, pour apaiser, doit d’abord reconnaître. Elle ne peut réparer sans nommer les torts. Cette position du Conseil constitutionnel s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée il y a quelques mois, lorsque la même institution s’était opposée à une tentative de report de l’élection présidentielle.
Là encore, elle avait rappelé que la légalité ne saurait se plier à la convenance politique. C’est peu dire que cette posture tranche avec le passé.
Pendant trop longtemps, le pouvoir judiciaire a été soupçonné – parfois injustement, parfois non – d’obéir aux injonctions du pouvoir exécutif. Aujourd’hui, une nouvelle ère semble s’ouvrir. Celle d’une justice qui, sans fracas, sans déclarations tonitruantes, se contente de dire le droit. Et de le faire respecter. Ce mouvement s’inscrit aussi dans l’esprit du renouveau institutionnel voulu par le président Bassirou Diomaye Faye, qui envisage de matérialiser son engagement à garantir une cohésion nationale toujours renforcée, fondement indispensable du Sénégal juste, solidaire et prospère auquel nous aspirons.
Dans son dernier discours à la Nation, le 3 avril 2025, il a réaffirmé sa volonté de bâtir un Sénégal juste, solidaire, transparent. Les textes relatifs à la réforme de la justice sont finalisés. Le juge des libertés, la modernisation du Code pénal, la refonte du Conseil supérieur de la magistrature : tout cela dessine une même ambition. Celle d’un État fort par ses institutions, et non par ses arrangements.
Le chantier est immense. Les attentes sont fortes. Mais les signaux sont là. Une institution qui dit non, c’est une démocratie qui se redresse. Un juge qui refuse de plier, c’est un peuple qui peut espérer. Et une décision de droit qui fait barrage à l’oubli, c’est une République qui choisit la mémoire plutôt que l’amnésie. Il reste à transformer l’essai.
À faire de ce moment un tournant durable. À graver dans le marbre ce qui, jusqu’ici, semblait écrit au crayon. La justice sénégalaise, en reprenant la parole à travers ses décisions, rappelle qu’elle est vivante, souveraine, et désormais, incontournable. Et si, finalement, la démocratie, ce n’était pas tant le bruit des campagnes que le calme des juridictions ? Pas tant le tumulte des promesses que la rigueur des institutions ? En ces jours d’espoir prudent, c’est peut-être la leçon la plus précieuse que nous offre le Conseil constitutionnel.
COMMENT INCARNER LA VOIX DES PEUPLES
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) s'apprête à fêter ses 50 ans en mai 2025. Elle a été créée en 1975 par 16 États membres.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) s'apprête à fêter ses 50 ans en mai 2025. Elle a été créée en 1975 par 16 États membres. Bien que sept des dirigeants fondateurs aient accédé au pouvoir à la suite de coups d'État, l'accent était initialement mis sur la croissance économique, le commerce et la coopération régionale.
Toutefois, en l'espace de trois ans, ses mandats ont été élargis pour englober des objectifs politiques, sécuritaires et autres. Ce glissement était nécessaire, car les gouvernements d'Afrique de l'Ouest post-indépendance cherchaient à répondre à des défis socio-économiques et sécuritaires en pleine mutation. Parmi ceux-ci figuraient les coups d'État au Niger, au Nigeria, au Ghana et en Mauritanie. D'autres menaces pesaient également sur l'état de droit, l'intégrité des élections et la bonne gouvernance.
Afin de répondre à l'élargissement de son mandat, les traités de la Cedeao ont été révisés en 1993 afin de transférer davantage de pouvoirs au bloc régional. Ces changements ont perturbé les relations entre les États membres.
Agir de concert ou respecter les règles n'a pas toujours correspondu aux agendas nationaux. Cela explique en partie la décision du Mali, du Niger et du Burkina Faso de se retirer de la Cedeao en 2024. Plus récemment, le gouvernement de Guinée-Bissau et la dynastie Gnassingbé au Togo ont tous résisté à la pression de la Cedeao. Leurs programmes politiques nationaux sont en contradiction avec les normes et les principes de l'organisation. Nous menons depuis des années des recherches sur la politique, la citoyenneté, relations internationales et les conflits civils. Il est vrai que le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso, qui ont formé l’Alliance des États du Sahel (AES), jette une ombre inquiétante sur l'anniversaire de la Cedeao. Nous estimons toutefois que malgré les bouleversements inévitables survenus au cours des cinq décennies qui ont suivi la construction de la nation postcoloniale, la Cedeao peut se prévaloir de succès en matière d'intégration, de paix et de sécurité, ainsi que de bonne gouvernance. Parmi ceux-ci figurent l'accent mis sur la bonne gouvernance ; son Cadre de prévention des conflits et la responsabilité des États membres de protéger leurs populations contre les violations graves des droits de l'homme.
UN DEFI SANS PRECEDENT
Les conséquences du retrait des trois pays de la Cedeao ne doivent pas être surestimées. Il n'en reste pas moins que c'est un coup dur pour l'organisation. Cela remet directement en cause le principe de l'intégration et de la coopération régionales. Les trois juntes militaires considèrent manifestement la Cedeao comme un club dysfonctionnel de chefs d'État égoïstes qui s'inclinent devant l'Europe. L'opinion publique africaine s'est ralliée en faveur d'un populisme promettant des solutions militaires rapides. Elle y voit l'antidote à l'échec des tentatives nationales et multilatérales visant à endiguer la violence djihadiste au Sahel.
Dans la pratique, les juntes ont recouru à l'état d'urgence pour couvrir couvrir des pratiques systématiques d'abus à l'encontre des populations civiles. Même si l'on accepte le compromis entre sécurité et démocratie, les nouveaux dirigeants militaires n'ont jusqu'à présent pas été en mesure d'endiguer la violence djihadiste dans leur pays. Au contraire, ils ont commis des violences contre leur propre population. C'est particulièrement le cas au Mali et au Burkina Faso. Ces actes comprennent l'exécution sommaire de plusieurs centaines de civils au Burkina Faso en 2024. Malgré ces abus, les juntes militaires ont réussi à présenter la Cedeao comme faisant partie du problème du contrôle extérieur sur la souveraineté nationale. C'est là le cœur de la crise de légitimité qui émerge au sein de la Cedeao.
Cette crise sape bon nombre de leviers de diplomatie douce qui ont relativement bien fonctionné dans le passé pour unir ses membres. Ces leviers de soft power comprennent : • le Conseil des sages – déployé dans le cadre de la médiation et de la négociation dans plusieurs crises politiques dans la région, notamment au Liberia, en Sierra Leone, au Niger, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Togo • les bureaux des représentants spéciaux et médiateurs spéciaux, chargés de la médiation des conflits et de la surveillance des élections • les autorités et chefs traditionnels, qui sont envoyés lorsque les autres mécanismes échouent. Ces outils diplomatiques sont moins visibles que les délégations de haut niveau, les déclarations officielles ou les sanctions. Mais ils ont été utilisés dans de nombreuses crises politiques dans la sous-région au cours des deux dernières décennies. Ils ont sans doute tempéré les conséquences de crises constitutionnelles, comme celle déclenchée par un soulèvement populaire au Burkina Faso en 2014. Ils ont également désamorcé la crise politique en Guinée-Bissau entre 2015 et 2019.
Les petites victoires de la diplomatie douce ne débouchent pas toujours sur des succès retentissants. Mais elles ont permis à la Cedeao de s'impliquer dans les efforts de médiation. Elles ont assuré la pertinence et la légitimité globales de l'organisation face à des changements de gouvernement anticonstitutionnels. L'échec des mécanismes de diplomatie douce dans la plus grande crise à laquelle la Cedeao ait été confrontée met à l'épreuve la capacité de l'organisation à résister à de futures crises.
L'AVENIR DE LA CEDEAO
La prochaine phase pour la Cedeao intervient dans un contexte de fortes critiques émanant des opinions publiques** dans un contexte de perception critique des États membres par l'opinion publique. Des critiques ont été formulées à l'encontre de la Cedeao, qualifiée de « syndicat de chefs d'État » privilégiant leurs intérêts au détriment de ceux des populations. Néanmoins, la plupart des citoyens continuent de préférer la démocratie comme système politique. Même les juntes militaires adhèrent (du moins sur le papier) à ces principes fondamentaux comme aspiration à long terme. La Cedeao a défendu les valeurs démocratiques d'égalité, de liberté, de justice, de pluralisme, de tolérance, de respect et de participation publique. Celles-ci restent la clé pour inverser les récents changements anticonstitutionnels de gouvernement dans la sous-région.
La Cedeao doit renforcer sa voix pour appeler au retour à un régime civil et au respect de ses principes démocratiques fondamentaux. Les représentants de l'organisation doivent articuler ces valeurs fondamentales comme l'expression de la volonté de ses citoyens. D'autre part, la Cedeao doit maintenir le dialogue ouvert avec les juntes militaires. Cela pourrait faciliter la transition vers un régime civil et marquer un nouveau départ pour la collaboration régionale. Ses outils de diplomatie douce seront essentiels pour améliorer le dialogue et parvenir à des compromis viables. La Cedeao doit s'efforcer d'améliorer sa légitimité aux yeux des populations de ses États membres. Elle peut y parvenir en appliquant ses propres valeurs démocratiques de manière cohérente et objective dans toute la région. Cet anniversaire offre une occasion importante d'introspection et de véritable réforme institutionnelle.
THECONVERSATION.ORG
PAR SAMBA DIOUF
QU’EST-CE QUE L’AFRIQUE GAGNE DE YOUTUBE ?
En cette date anniversaire de la chaîne numérique depuis la première vidéo du 23 Avril 2005, il est judicieux de s'interroger sur l'impact de ce produit Google dans le spectre de l'audiovisuel et dans l'économie numérique des États africains
En cette date anniversaire de la chaîne numerique depuis la première vidéo du 23 Avril 2005, il est judicieux de s'interroger sur l'impact de ce produit Google dans le spectre de l'audiovisuel et dans l'économie numérique des États africains.
Le Sénégal a basculé de l'analogie vers la télévision numérique terrestre, il est donc utile de s'interroger sur l'impact des chaînes you Tube sur notre paysage audiovisuel.
Comment peut on tirer profit des chaînes You Tube?
Est ce que You Tube contribue à la croissance de l'économie numérique de nos États africains?
A ces problématiques, il convient de dire que la monetisation des chaînes YouTube obéit à 4 conditions parfois très difficiles à réaliser.
1. Existence du programme de partenariat dans le pays rattaché à votre compte.
2 Mille abonnés à votre chaîne
3. Effectivité sur votre chaîne YouTube de 4.000 heures de vues sur les 12 derniers mois.
4 Effectivité de 10.millions de shorts visionnés sur les 90 derniers jours.
Ces conditions cumulatives, en plus des publicités réalisées sur la chaine YouTube permettent de gagner de l'argent.
En Afrique les chaînes YouTube les plus quotées gagnent entre 7millions et 8millions d'Euros. Il s'agit de chaînes Égyptienne, Algérienne et Nigerianne.
Au même moment, les chaines YouTube plus actives d'Amérique et d'Europe, gagnent entre 200 millions et 300 millions d'Euros.
Le Sénégal ne compte pas de chaînes YouTube dans le Top africian, mais marque l'existence de chaînes YouTube aux contenus variés. ( musique, théâtre et chaîne de tv numériques)
Aujourd'hui, il est urgent que les chaînes de Tv classiques se recréent en produisant du contenu et en créant des plates-formes numériques.
Pour mieux se positionner, l'Afrique a urgemment besoin de créer du contenu pour davantage profiter de l'économie des chaînes YouTube
L'Afrique doit encourager la création d'outils digitaux pour concurrencer YouTube.
Au plan macro économique, YouTube a l'image des GAFAM, ne distribue pas les dividendes au continent africain.
L' Union Européenne a instauré des taxes directes sur les revenus des GAFAM, afin de capter sa part de l'économie.
L'Afrique, notamment le Sénégal, doit appréhender le modèle économique et commercial des données ( DATA) pour maîtriser la facturation de la connexion INTERNET.
La facturation INTERNET très élevée sur la passerelle internationale à l'occasion du visionage des vidéos YouTube occasionne un gain énorme pour les FAI et les opérateurs de câbles sous marins qui pourtant créent des Cashs en Afrique aux fins de rapprocher les contenus à notre continent.
La creation de contenus concurrentiels, la maîtrise de la facturation des données connectées sont des pistes à explorer par l'Afrique pour capter l'économie des chaînes YOU TUBE, en attendant de booster le génie créateur qui va concurrencer ce produit Google.
par Hamidou Thiaw
IMMATURITÉ POLITIQUE ET URGENCE D’UN RENOUVEAU
Les promesses électorales se sont évaporées, ne laissant place à aucun programme crédible ni à aucune vision sérieuse pour sortir le pays de la précarité
L’heure est grave. Le peuple sénégalais continue de souffrir dans sa chair, malgré les espoirs nourris lors de la dernière alternance politique. Les promesses électorales se sont évaporées, ne laissant place à aucun programme crédible ni à aucune vision sérieuse pour sortir le pays de la précarité. Seul un projet de migration circulaire, qui s’apparente davantage à une forme de traite négrière moderne, semble émerger.
Pendant ce temps, les responsables politiques s’adonnent à des querelles stériles, focalisés sur des rivalités de posture et de prestige. Chacun revendique une victoire après une interdiction de sortie du territoire ou une décision rendue par la Cour suprême ou le Conseil constitutionnel. Le parti au pouvoir s’enlise dans des échanges vains avec une partie de l’opposition, détournant l’attention des véritables priorités nationales.
Cette scène politique désolante est indigne d’une nation qui aspire à l’émergence. Elle illustre ce que l’on appelle tristement la « politique politicienne » : un théâtre d’ambitions personnelles, déconnecté des réalités du peuple.
C’est face à ce spectacle, empreint de désarroi et de frustration, que se forge ma détermination à m’engager. Je refuse de cautionner un système où les élites, sans contrôle ni responsabilité, se servent de l’État pour s’enrichir tandis que le peuple est sommé de payer toujours plus d’impôts pour entretenir leur luxe et leur opulence.
Oui, je veux me présenter en 2029. Oui, je crois qu’il est temps d’en finir avec ces querelles infantiles. Oui, je crois qu’il est urgent de passer des paroles aux actes.
Je lance un appel solennel à tous ceux qui partagent cette volonté de rupture. Rejoignez-moi pour bâtir une nouvelle gouvernance, centrée sur la justice sociale, la compétence, la transparence et l’intérêt général.
Quant à nos régulateurs sociaux — société civile, leaders religieux — leur silence est assourdissant. Il est temps qu’ils retrouvent leur voix, pour guider, alerter et défendre les valeurs qui fondent notre vivre-ensemble.
par Momar-Sokhna Diop
MAMADOU DIA, LA RENAISSANCE D’UN PROJET DE SOUVERAINETÉ
Redécouvrir son œuvre, c’est rouvrir une voie possible pour le Sénégal et pour l’Afrique : celle d’un développement endogène, participatif et souverain
Le combat de Mamadou Dia pour une Afrique souveraine, démocratique et affranchie des tutelles refait surface avec une force nouvelle. Le récent choix du gouvernement sénégalais de débaptiser une avenue emblématique de Dakar, autrefois dédiée au général Charles de Gaulle, pour lui donner le nom de Mamadou Dia, constitue un acte fort de rupture symbolique et politique. Cette décision s’inscrit dans la perspective d’un projet ambitieux pour le Sénégal à l’horizon 2050.
Dans cette même dynamique, un ouvrage coécrit par Roland Colin – fidèle compagnon de Dia – intitulé « Mamadou Dia : un fils du peuple… [1]» remet au goût du jour la pensée et l’action de cet homme d’État visionnaire. Comme Roland Colin, je plaide pour l’intégration de son œuvre dans les programmes scolaires. Toutes les ressources pour faire vivre ses idées sont disponibles, pour peu qu’on s’engage à les mobiliser.
Mamadou Dia, bien plus qu’un homme politique, fut le véritable architecte de l’indépendance sénégalaise. Il a contribué à en poser les fondements, en particulier par sa volonté farouche de rompre avec l’économie de traite, symbole des chaînes coloniales.
Dans son ouvrage « Afrique, le prix de la liberté [2]», Dia retrace son rôle central dans la vie politique du Sénégal entre 1948 et 1962. Dès la proclamation de la République du Sénégal le 20 août 1960, aux côtés de Léopold Sédar Senghor, il participe à l’élaboration d’un régime institutionnel bicéphale. Chef du gouvernement dès le 7 septembre 1960, il impulse une série de réformes majeures destinées à enraciner la souveraineté politique, économique et sociale du pays.
Mamadou Dia réorganise l’administration, réforme les structures politiques et économiques, donne un nouveau souffle à l’agriculture par la promotion du paysannat, met en place une politique de développement autocentrée reposant sur les réalités locales. Il initie la décentralisation, crée l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) et l’École Nationale d’Économie Appliquée (ENEA), destinées à former une nouvelle génération de cadres au service du développement.
Sur le plan économique, il engage l’aménagement du Delta et la vallée du fleuve Sénégal, développe les cultures vivrières, lance des projets d’irrigation en Casamance, dans le Sine Saloum, et autour du Lac de Guiers. Il fonde la Société Africaine de Raffinage (SAR) et les Industries Chimiques du Sénégal (ICS), exploite les ressources nationales comme les phosphates et pose les bases d’une souveraineté énergétique.
Pour soutenir ce modèle, Dia met en place des institutions financières comme les Crédits populaires et la Banque Sénégalaise de Développement (BSD). Les résultats sont tangibles : croissance du PIB, amélioration des conditions de vie des populations, montée en puissance d’un État solidaire et efficace.
À l’échelle africaine, Mamadou Dia joue un rôle moteur dans la création de l’Union Africaine et Malgache (UAM), d’Air Afrique et de la Banque Africaine de Développement (BAD), institutions destinées à renforcer l’intégration continentale et l’autonomie économique des pays africains.
Mais ce projet audacieux de souveraineté se heurte aux logiques du néocolonialisme et aux dogmes des institutions financières internationales. Il inquiète. Il dérange. Il sera donc saboté. Un complot sera monté contre Dia, avec la complicité d’acteurs internes et externes, mettant fin à une expérience politique unique en Afrique. Cette trahison n’a pas seulement visé un homme, mais un peuple et son rêve d’émancipation.
Aujourd’hui, le nom de Mamadou Dia ressurgit dans la mémoire collective comme un symbole de dignité, de justice et d’espoir. Redécouvrir son œuvre, c’est rouvrir une voie possible pour le Sénégal et pour l’Afrique : celle d’un développement endogène, participatif et souverain.
[1] Mamadou Dia : un fils du peuple, Combats pour une Afrique souveraine et démocratique, Editions l’Harmattan, 2025.
[2] Afrique le prix de la liberté, l’Harmattan, 2001.