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26 avril 2025
Opinions
Par Ababacar Safy NGOM
OU ETAIENT CES NOUVEAUX INDIGNES ?
Il est des silences qui deviennent des fautes. Et face à certains jugements injustes, se taire, c’est parfois faire plus de mal que ceux qui alimentent les procès d’intention.
Il est des silences qui deviennent des fautes. Et face à certains jugements injustes, se taire, c’est parfois faire plus de mal que ceux qui alimentent les procès d’intention.
Voir le Président Malick Ndiaye être attaqué pour un prétendu non-respect du règlement intérieur, pour un supposé manque de capacité intellectuelle ou encore pour une absence de vision, est tout simplement sidérant.
Sidérant, parce que cette posture efface d’un revers de main les profondes mutations que l’Assemblée nationale a connues depuis décembre 2024.
Depuis sa prise de fonction, le Président Malick Ndiaye a redonné à l’Institution parlementaire sa dignité, sa rigueur, et surtout son sens. Son attachement scrupuleux – presque organique – au respect du règlement intérieur est connu de tous. Il a œuvré à faire en sorte que l’Assemblée nationale remplisse enfin les missions que la Constitution lui assigne.
Garder le silence face aux attaques dont il est aujourd’hui la cible serait non seulement coupable, mais complice d’un révisionnisme politique qui tente de faire oublier ce que nous avons tous vu ces dernières années dans l’hémicycle surtout lors de la 14e législature.
Où étaient les nouveaux indignés quand, le 12 septembre 2022, lors de l’installation de la 14e législature, des députés de l’opposition ont été interdits de vote et brutalisés par la force publique réquisitionnée pour imposer un Président d’Assemblée nationale ? En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils quand les voix discordantes des députés de l’opposition étaient systématiquement interrompues, moquées, invectivées et menacées sous le regard passif du Président de séance ? En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils, quand un député de l’ancienne majorité remplissait les travées de l’Assemblée nationale, lors des grands événements, dès l’aube, de militants bruyants et surexcités, applaudissant et criant à gorge déployée ? En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils quand ce même député (qui n’était ni membre du bureau ni Président de Commission) occupait un bureau de plus de 50 m² pendant que ses collègues députés, notamment ceux de la diaspora, devaient se contenter, à quatre (4), d’un bureau de moins de 30 m²? En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils quand la force publique était régulièrement réquisitionnée pour brutaliser les députés de l’opposition à l’intérieur même de l’hémicycle alors que leur seul tort était de réclamer le respect de la loi organique ? En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils quand la liste des intervenants en séance plénière était établie pour permettre un « marquage systématique » de certains députés de l’opposition ? Afin de faire suivre leur intervention par celle d’un député de la majorité pour battre en brèche tout son argumentaire. En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils quand le rôle d’évaluation des politiques publiques introduite depuis mars 2016 dans les missions de l’Assemblée nationale n’a jamais été mis en œuvre ? Aucune politique publique n’a été évaluée en 8 ans. En toute violation du règlement intérieur.
Où étaient-ils pour ne pas exiger ne serait-ce une fois une réunion de la Commission de Comptabilité et de Contrôle chargée du contrôle, de la comptabilité et de la gestion des crédits inscrits au budget de l’Assemblée nationale ? Pas un seul papier ne figure dans les archives de cette Commission pourtant vitale dans la gestion des fonds allouée à l’Institution parlementaire.
Où étaient-ils pendant toutes ces années où l’Assemblée nationale, qui vote seule la loi, n’en respectait presque aucune. Même pas la loi organique qui organise son fonctionnement.
Tout ce qui précède est à rebours de ce que le Président Malick Ndiaye incarne.
Le Président Malick Ndiaye incarne aujourd’hui une rupture.
Une rupture avec ces pratiques honteuses, une réconciliation entre l’Institution et la légalité.
En effet, dans toutes les séances plénières qu’il a présidées, les interruptions brutales, les invectives des députés de l’opposition pendant leurs prises de parole ont cessé. Tous les députés qui vont à l’encontre de cette discipline risquent l’exclusion, même ceux de son propre camp.
La gestion de la parole dans l’hémicycle ne relève plus de la discrétion du Président de séance. Le système est désormais entièrement automatisé : chaque député fait sa demande d’intervention directement depuis son micro, et les noms s’affichent à l’écran dans l’ordre strict des inscriptions. Il est techniquement impossible pour le Président de modifier ou manipuler la liste des orateurs.
Quant à l’interdiction des manifestations bruyantes dans les travées de l’hémicycle, elle est clairement inscrite dans le règlement.
Mais il faut rappeler que, depuis plusieurs législatures, seul le Président Amadou Mame Diop a eu à expulser le public pour des manifestations d’approbation. Et c’était dans un contexte post-électoral marqué par la victoire du candidat Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle du 24 mars 2025.
Tous les autres présidents qui se sont succédé ont toujours eu à brandir les rappels à l’ordre et les menaces d’expulsion, sans jamais passer à l’acte.
Le Président Malick Ndiaye a aussi donné vie à une mission essentielle : l’évaluation des politiques publiques. Une commission Adhoc inclusive, rassemblant majorité, opposition, non-inscrits et société civile a été créée pour son implémentation et sa mise en œuvre effectives.
La Commission de Comptabilité et de Contrôle, jusque-là fantôme, s’est réunie pour la première fois. Elle a pu accéder aux documents comptables. Une première. Une révolution silencieuse mais déterminante.
Ces transformations, loin d’être exhaustives, ne passent pas inaperçues. L’opinion publique, lassée d’une Assemblée nationale hors-la-loi, redécouvre une Institution qui fonctionne, qui débat, qui contrôle.
Une Institution réhabilitée
Merci, Monsieur le Président, de nous avoir redonné envie de travailler pour cette Assemblée nationale.
Merci de lui avoir redonné sa place, son rang, son honneur dans l’esprit du JUB/JUBBAL/JUBBANTI.
Par Ababacar Safy NGOM
* Conseiller spécial de Monsieur le Président de l’Assemblée nationale
* Ancien Directeur de l’Informatique de l’Assemblée nationale
* Auteur du livre « L’Assemblée nationale du Sénégal : relecture d’une longue pratique de la représentation parlementaire »
Email : ngom.ababacar@gmail.com
AU PROCÈS SARKOZY-LIBYE, BEAUCOUP DE SOUPÇONS, PEU DE PREUVES
Entre carnets compromettants, dîners secrets et exfiltrations rocambolesques, l'accusation a décrit un système sophistiqué qui reste à qualifier juridiquement dans le cadre de l'affaire du financement libyen de la campagne de l'ex-président français
(SenePlus) - Après trois mois d'audiences, le procès des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 s'est terminé mardi 8 avril. Le jugement ne sera rendu que le 25 septembre.
Les douze prévenus, dont l'ancien chef de l'État, font face à des accusations de corruption, trafic d'influence et détournement de fonds publics, pour lesquelles ils risquent jusqu'à dix ans d'emprisonnement. Tous réclament la relaxe, arguant de l'absence de preuves formelles.
"Il n'y a pas que la preuve documentaire", a rappelé la présidente Nathalie Gavarino. "La preuve peut résulter d'un faisceau d'indices, d'un ensemble d'éléments, parmi lesquels des témoignages", précise Le Monde.
Parmi les éléments troublants figure le carnet de Choukri Ghanem, ancien ministre libyen du pétrole retrouvé mort dans le Danube en 2012. Une note datée du 29 avril 2007 y mentionne : "Bechir a parlé, disant avoir envoyé 1,5 million d'euros à Sarkozy quand Saïf donnait 3 millions à Sarkozy."
L'enquête a établi que Claude Guéant, directeur de cabinet de Sarkozy au ministère de l'Intérieur, avait reçu un demi-million d'euros d'origine libyenne pour l'achat d'un appartement parisien, via un montage financier complexe.
Trois épisodes embarrassent particulièrement la défense : le dîner de Guéant avec Abdallah Al-Senoussi, chef des services secrets libyens condamné pour l'attentat d'UTA, en octobre 2005 ; la visite mystérieuse de Brice Hortefeux à ce même Al-Senoussi en décembre 2005 ; et l'exfiltration rocambolesque de Bechir Saleh, argentier du régime Kadhafi, le 3 mai 2012, alors qu'un mandat d'arrêt international venait d'être émis contre lui.
Ziad Takieddine, intermédiaire au cœur de l'affaire, affirme avoir remis personnellement trois valises contenant 5 millions d'euros à Claude Guéant en 2006 et 2007, avant de se rétracter spectaculairement en 2020 - revirement pour lequel Carla Bruni-Sarkozy a été mise en examen en juillet 2024.
"Le tribunal aura fort à faire pour démêler les objections juridiques et les versions des uns et des autres", conclut Le Monde, les magistrats s'attendant à "une volée de bois vert, quel que soit le sens du jugement de ce procès historique".
par Adama Dieng
HOMMAGE À MON AMI BADIO CAMARA
EXCLUSIF SENEPLUS - Son absence laisse un vide que ni le temps, ni les mots ne pourront jamais combler. La mémoire de nos conversations, de nos batailles partagées, et de notre admiration réciproque restera à jamais ancrée en moi
C’est avec une profonde tristesse que je rends hommage à un ami de longue date, un frère d’âme et un pilier du droit sénégalais, qui vient de nous quitter. Sa voix raisonnerait à jamais dans les couloirs de la justice comme un écho de courage et de vérité. Étant jusqu’ici le président du Conseil constitutionnel du Sénégal, son engagement inébranlable pour la justice et l’équité a été une boussole guidant notre nation à travers les mers tumultueuses de l'incertitude et du conflit. Sa capacité à rendre des décisions courageuses a non seulement sauvé le Sénégal durant des moments cruciaux, mais a aussi capté l’admiration au-delà de nos frontières. Ce qu’il a semé dans le domaine de la légalité et de l’intégrité continuera de fleurir dans l'esprit de ceux qui marcheront dans son sillage.
Nous avons partagé plus qu’une simple amitié au fil des décennies — c’était un demi-siècle de complicité, de rêves communs, et de rires. Son absence laisse un vide que ni le temps, ni les mots ne pourront jamais combler. La mémoire de nos conversations, de nos batailles partagées, et de notre admiration réciproque restera à jamais ancrée en moi. Il a maintenant rejoint notre cher Cherif Soumaré dans l'au-delà. Cherif, qui était lui aussi un juge exemplaire, saura l’accueillir avec la chaleur et la bienveillance qui les caractérisaient tous deux. Unis à nouveau, ils continueront à éclairer nos chemins avec leur sagesse et leur esprit indomptable.
C’est aussi avec une émotion poignante que je me remémore notre dernière rencontre à sa résidence, en compagnie de son épouse Madjiguene Lydia. Alors qu’ils séjournaient à Paris, j’avais eu l’occasion d’apprécier des moments pleins de chaleur et de complicité. Madjiguene ne ménageait aucun effort pour l’assister dans son combat contre la maladie. À mon retour à Dakar, nous nous sommes retrouvés, et j’attendais avec impatience notre prochaine rencontre à mon retour de New York pour continuer à célébrer la fête de l’Eid. Mon fils Sidy Junior le taquinait affectueusement en lui proposant, dès qu’il serait un peu plus requinqué de faire le footing ensemble. Le Tout Puissant en a décidé autrement.
Badio, un fervent musulman, avait aussi pour habitude de participer chaque jeudi à la lecture du Coran à la mosquée Omarienne. Sa foi était le socle de son existence, et sa générosité exceptionnelle était connue de tous. Il soutenait, dans la plus grande discrétion, les personnes démunies et vulnérables, offrant un rayon d’espoir et d’humanité à ceux qui en avaient le plus besoin. L’Imam Seydou Tall peut en témoigner.
À ses épouses Maimouna et Madjiguene, à leurs enfants, à la famille judiciaire et au peuple sénégalais, j’adresse mes plus sincères condoléances. Que la force et la paix soient avec vous en ces temps de deuil. Que nous n'oublions jamais l’impact inestimable que Badio a eu non seulement sur notre vie, mais sur la société tout entière. Sa mémoire continuera de vivre à travers les actes d'amour et de justice qu’il a semés.
Adieu, mon ami, mon frère. Ta flamme continue de briller dans nos cœurs, et ton héritage de droiture et de justice demeure un phare pour les générations futures. Ta vie a été un exemplaire modèle de service et d'humanité que nous continuerons à honorer chaque jour.
Repose en paix, sachant que tu es et seras toujours aimé et respecté. Que les Jardins du Paradis soient ta demeure éternelle. Amine Yaa Raabi !
par Djibril Ndiogou Mbaye
L’AUDIT DE LA COUR DES COMPTES NE DEVAIT-IL PAS RESTER CONFIDENTIEL ?
Ni le principe de transparence, ni la loi organique qui le surclasse, édictant et encadrant les rapports de la cour des comptes ne sont au dessus de l’intérêt supérieur de la nation
La politique ? c’est tout un art ! Mais c’est un art vil. Et si c’est un art vil, c’est parce qu’elle use de subterfuges, manœuvres et comme au poker, abuse du bluff comme technique pour dissimuler sa stratégie dans un écosystème où chaque erreur de communication se paie cash et peu anéantir un projet ou reporter un important programme, si ce n’est interrompre une carrière politique.
Publier un rapport qui plonge un pays pauvre comme le Sénégal, en quête perpétuelle de financements, dans un désarroi financier sans précédent, en le discréditant auprès des bailleurs de fonds, du FMI et des investisseurs, en entraînant la dégringolade de toutes ses notes souveraines, est-il la panacée ?
Les principaux défenseurs de cette publication, comme le président de la cour des comptes Mamadou Faye, mettent en avant un exercice de transparence inédit en Afrique. Transparence oui, mais à quel prix ?
La politique moderne, c’est l’honnêteté
L’honnêteté de l’État à l’égard du peuple commence par la transparence dans les actes de gouvernance. Les informations recueillies et conservées par le gouvernement sont un bien national. Elles sont la propriété du peuple.
Ainsi, la transparence est une exigence démocratique, Indissociable d’une bonne gouvernance moderne et inclusive. Elle responsabilise les citoyens, qui de leurs impôts et contributions diverses financent les projets de développement Économique et social. D’ailleurs, la trajectoire fiscale du nouveau gouvernement valide parfaitement l’intention d’associer le citoyen-contribuable aux financements des projets de développement à l’heure où l’emprunt coûte cher et devient rare et difficilement accessible aux États les moins bien notés et de surcroît en développement.
Le lancement récent d’un emprunt obligataire par appel public à l’épargne s’inscrit dans cette veine. Comme s’inscrit dans la même veine le très accrocheur slogan « Jub, Jubeûl, Jubànti » aux intentions heureuses et vertueuses. Mais au-delà du charme envoûtant de l’allitération en « J », il ne faudrait pas se laisser bercer par la musicalité des mots, ni se laisser compter fleurette par cet art vil qu’est la politique, si prompte à reprendre ses droits et très souvent encline à une transparence sélective.
En effet, la transparence ne vaut que lorsqu’elle garantit l’existence des autres composantes de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Il convient donc de confier cet outil précieux mais sensible et facile à instrumentaliser, à des autorités capables d’assurer et d’assumer l’équilibre nécessaire entre la transparence et ce qui doit rester confidentiel ou secret.
En effet, l’argument de la transparence est une modalité du jeu politique. Ceux qui ont les prérogatives de la transparence ont également légitimement et souvent légalement, la faculté de la censurer. Ne nous y méprenons pas.
La transparence est un enjeu et une arme politique, forgée par et pour les élites politiques. Il s’agit d’un enjeu interne au champ politique, porté par des professionnels de la politique, à la fois juges et parties . Une des dimensions de leur savoir-faire politique consiste à savoir se jouer du principe.
Dans l’univers si sensible de la macroéconomie, toute vérité est-elle bonne à dire ?
On peut légitimement douter et intellectuellement débattre de la pertinence et de l’opportunité de publier une information qui remet en cause, ralentit ou hypothèque la matérialisation de programmes urgents de développement économique et d’assistance sociale et sanitaire des populations les plus vulnérables. Ce qui, en d’autres termes, constitue un risque économique majeur pour la nation.
Et tout cela, alors qu’on vient d’arriver à la tête d’un pays pauvre, de surcroît mal gouverné depuis toujours, ultra endetté et alors qu’on vient de lancer le plan « Sénégal 2050 : agenda national de transformation », qui a pour objectif d’atteindre un taux de croissance de + de 6 %, et qui a besoin de financements très conséquents, que l’autofinancement, à lui seul, ne saurait assurer.
Considérant ses effets graves pour la nation, pourquoi n’a-t-il pas été frappé du sceau de la confidentialité, par la cour des comptes elle-même ? « … est strictement confidentiel et ne saurait être communiqué à des destinataires autres que ceux choisis par la Cour des Comptes » ?
Qu’est-ce qui interdisait au gouvernement de le classer confidentiel, lorsqu’il a reçu communication du pré-rapport, en considérant les graves conséquences que sa publication allait engendrer ?
Le gouvernement et la cour des comptes avaient-ils pris la mesures de l’impact considérable que la publication de ce document allait avoir ?
La cour des compte doit comprendre qu’elle pose, à la publication de chacun de ses rapports, un acte éminemment politique.
Quelle est alors l’autorité la plus irresponsable (au sens péjoratif du mot) en décidant ou en n’empêchant pas sa publication ?
Ni le principe de transparence, ni la loi organique qui le surclasse, édictant et encadrant les rapports de la cour des comptes ne sont au dessus de l’intérêt supérieur de la nation.
Dans ce monde globalisé, ou un seul mot placé dans une phrase apparemment anodine, d’une haute personnalité politique, peut faire chuter la bourse de New York, le Nasdaq ou Shanghai.
Un homme politique ayant sous sa responsabilité la gestion d’une population pauvre, doit remuer sa langue mille fois avant de parler. La vie et l’avenir de millions de personnes sont pendus à ses mots et à ses actes.
Le rapport n’apprend rien aux Sénégalais qui ont décidé, en connaissance ou en soupçon des abus, mauvaise gestion et incompétence, de la part de l’ancien régime, de les bouter dehors. Les Sénégalais ne connaissent pas seulement la vérité, ils la vivent depuis 2012 et même bien avant.
C’est un peuple déçu, meurtri et à genoux, fort de ses espoirs, sa maturité politique et de son incroyable résilience, qui a porté sur ses frêles épaules la lutte qui a mené à l’avènement de l’ère Pastef. Le nouveau gouvernement ayant hérité des actifs, ne doit-Il pas assumer le passif et assurer la continuité de l’État ?
Cette publication de l’audit dit de la cour des comptes a été inconsciemment et sûrement involontairement faite au mépris des conséquences qui pouvaient en découler. Car dès la publication, l’agence Moody's a immédiatement abaissé la note du pays à B3, avec une perspective négative, suivie par Standard & Poor's qui l'a faite passer de B+ à B, avec une perspective négative également.
Le FMI a, quant à lui gelé, dès les premières alertes en octobre 2024, le programme d’aide de 1,8 milliard de dollars, négocié avec les anciennes autorités sénégalaises.Interrogé par Reuters, Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, est on ne peut plus clair : « Nous ne pouvons pas discuter d’un nouveau programme avant d’avoir réglé la question des fausses déclarations. »
Si c’était à refaire, le gouvernement n’aurait certainement pas lavé et étendu ce linge sale sur cette place internationale, sur laquelle donne les fenêtres de toutes les institutions financières et autres agences de notation, qui règnent implacablement sur le financement des États. Sinon, quelle serait la pertinence d’un tel acte digne d’un grand-maître de l’autoflagellation ?
Du mésusage de la transparence en realpolitik
Aucun État moderne et démocratique ne l'applique systématiquement. Car malgré son caractère fondamental, elle ne surclasse pas l’intérêt supérieur de la nation. C’est de la responsabilité des plus hautes autorités de l’Etat de passer chaque situation au filtre de l’intérêt national. Éviter l’application systématique des concepts importés, avant leur « tropicalisation », à des contextes qui ne sont pas à l’origine de leur élaboration. Dans la réalité, la transparence est juste une notion alors que « l’intérêt national » est une réalité, comme le sont la faim et la pauvreté.
Ce concept « occidental », importé comme « la démocratie » et parfaitement assimilé par nos élites intellectuelles et politiques est évidemment nécessaire dans les pays démocratiques du tiers monde, mais son usage doit toujours tenir compte de la conjoncture politico-économique.
Les USA, avec leur grande et ancienne tradition démocratique, ont une expérience issue d’un riche vécu et de débats philosophiques et doctrinaux interessants. Dans ce pays, la transparence a souvent été « snobée » au profit du « secret » ou de la « confidentialité », pour des soucis d’intérêt national. Le cas échéant, c’est cette justification qui immunise et exonère d’accusations de trahison ou d’entorse à la démocratie. Car c’est une décision émanent d’autorités élues qui portent la confiance du peuple, pour les représenter et veiller à leurs intérêts supérieurs.
Sciences politiques sans conscience économique peut entraîner la ruine de l’État
Cette publication d’une information mettant en péril l’intérêt national montre l’un des talons d’Achille de cette nouvelle administration qui est en train de réussir le fou et excitant pari de la transition générationnelle.
En effet, elle puise certains de ses cadres dans le vivier si fécond de la jeune élite sénégalaise, diplômée, dynamique et « patriote » au deux sens du mot, qui pêche justement par son manque d’expériences et de recul. Autrement dit , elle a les défauts de ses qualités.
Le haro des institutions financières et agences de notation sur le Sénégal à la publication de l’audit de la dette publique, est une première leçon faite au gouvernement Pastef sur l’importance d’une vision sur la nécessité d’une anticipation par « l’étude d’impact » qui doit précéder toute prise de décision.
La transparence en tant que concept indispensable à la bonne gouvernance semble être passée du fameux « projet » à une application rigoureuse et stricto-sensu, sans passer par le tamis de l’expérience et d’une vision moins philosophique et moins « PowerPoint » de cet outil précieux mais à double tranchant, dont le mauvais usage peut entraîner des conséquences peu enviables.
L’équilibre secret-transparence doit être de mise
Mais attention aux extrêmes. Attention à l’abus de secrets qui déséquilibre les rapports gouvernants et gouvernés. « En opérant des choix sur ce qu’il faut divulguer et sur la manière dont il faut le faire, les procédures de transparence sont porteuses d’un message, d’un sens déterminé par une série de choix humains. La transparence entendue en ce sens est éminemment politique, et peut être instrumentalisée ». Quel est l’intérêt de « donner la bâton pour se faire battre » en mettant les bailleurs et autres institutions internationales dans le secret d’une éventuelle mal gouvernance du régime sortant, susceptible de mettre le pays dans une crise sans précédent et en un moment charnière ? Sinon pour les mettre en état d’alerte ?
Autant de questions qui interpellent sur la vraie raison de la publication d’un tel document qu’aucun Etat aguerri ou averti et responsable n’aurait publié. Tout au plus, c’est un bon document de travail interne qui peut renseigner les gouvernants sur l’état réel des finances publique et lui permettre de réajuster sa politique et ses prévisions.
Ce document devait-il pas rester confidentiel, du moins le temps que les autorités reprennent le contrôle de la situation, trouvent les financements des politiques économiques, avant d’être « déclassifié » plus tard ?
La gouvernance, c’est la prévision. Oú est la pertinence d’un « hara-kiri » économique que ne subiront que les couches défavorisées du pays ?
Tous les États, même les plus grandes démocraties, pratiquent le « secret » ou la « confidence ou le mensonge statistique » pour « charmer » les agences de notation et les bailleurs et investisseurs mais par souci de protéger l’intérêt national.
Cette pratique de la comptabilité publique est bien présente en comptabilité privée, dans la gestion de toute les grandes ou plus petites entreprises également. Quel bon dirigeant ne s’enferme, au moins une fois l’an, avec son comptable ou son conseiller juridique pour bien « ficeler » son bilan comptable, minorer son imposition ?
Mêmes les bailleurs et les autres institutions internationales ficellent leur gestion sur le plan juridique et comptable. Ils ne sont pas des références en matière de justice et d’équité. Ils ne parient que rarement sur l’humain.
L’éthique comme argument n’est pas non plus pertinente, surtout en ce moment ou les puissances, censées être les « gendarmes du monde » s’adonnent à des exactions ahurissantes d’injustices, allant de la colonisation d’États souverains à des attaques en règles contre le droit et les institutions judiciaires internationales. Mais aussi et surtout des agressions violentes et inexplicables contre les économies de pays tiers et souvent partenaires. Les saillies économiques du président Trump, par l'augmentation unilatérale des droits de douanes nous montre que les États ne s’encombrent plus de vertus quand il sagit d’intérêts.
Aussi, la notion de « politique vertueuse », tente-t-elle l’improbable alliage schizophrénique de deux réalités que tout sépare. La morale « sociale » n’est pas la morale politique. La défense des intérêts nationaux semblent donc primer sur toutes les vertus et la morale.
Au-delà de la confirmation de l’existence d’une justice impuissante contre les riches et puissants États, ces actes entérinent la mort de l’éthique politique et l’avènement d’une morale politique permissive, trés proche de la délinquance d’état.
L’urgence, dans la gestion d’un État pauvre et pressé n’est pas dans les tripatouillages et les bidouillages en tous genres, qu’il faut différencier de la reddition des comptes qui est une exigence d’ordre constitutionnel mais qu’il faut manier avec une dextérité politique .
Aujourd’hui, le remède semble pire que le mal ! M. Gemayel du FMI s’est déplacé jusqu’à Dakar pour sermonner le pays et dire qu’il ne débloquera pas le programme commencé en 2023 et qui devait se poursuivre jusqu’en 2026. Cette position du FMI a été réitérée par le responsable pour l’Afrique, M. Sélassié, venu à son tour au chevet de l’économie sénégalaise mais sans apporter une solution. Au contraire, il confirme la suspension de tous les programmes du FMI en faveur du Sénégal, en attendant la communication par le gouvernement d’un plan d’apurement de la situation et un plan de sortie de crise.
On l’appellera comme on veut : « couper la branche sur laquelle on est assis », « se tirer une balle dans les pieds », « se faire hara-Kiri», mais le Sénégal discrédité, est obligé de suspendre ou reporter certains de ses programmes et des projets de développement très urgents pour les populations, en attendant de négocier, manœuvrer, convaincre, pour essayer de débloquer ou trouver des financements.
Bien sûr, si des infractions sont constatées, il faudrait poursuivre.
Tous responsables de l’impasse ?
La cour des compte avertit : « Les faits relatés dans le présent rapport, présumés constitutifs de fautes de gestion, de gestions de fait ou d’infractions à caractère pénal feront l’objet, le cas échéant, de déférés, de référés ou de déclarations provisoires de gestion de fait ». Elle a confirmé avoir transmis des dossier au procureur général. Mais force est de reconnaître, malgré l’apparence de manœuvres « dolosives » dans le comportement présumé de l’ancienne administration, qu’il sera incommode de sanctionner sévèrement des comportements délictueux. D’ailleurs, M. Gemael refuse de parler de « détournements » : «…25 % du PIB. C'est à peu près 6,7 milliards de dollars. Je ne dirai pas détournés. C'est un endettement qui n'a pas été dévoilé. Et donc, le stock de la dette a été sous-estimé d’à peu près ce montant de 7 milliards de dollars ».
Mais il est parfaitement concevable que le fait d’avoir « caché » une dette assez conséquente, qui à conduit à cette situation désastreuse qui cause un réel préjudice au pays et à ses intérêts économiques soit constitutif d’une infraction pénale.
Et en poussant les investigations, l’ensemble de ces manœuvres pourraient être imputé au président sortant, en tant que gardien des finances publiques. Est-ce la solution de l’énigme ?
Mais ceux qui ont rendu public cette information et on incidemment et par ce fait déclenché les nombreuses et graves réactions en chaîne pour l’économie nationale, n’ont-ils pas leur part de responsabilité ?
En attendant que le gouvernement propose au FMI un programme crédible de régularisation de la situation, les citoyens moyens, nos braves « goorgoorlus », auscultent l’horizon économique avec beaucoup de questions et d’incertitudes. Certains rentreront le soir, avec au fond du sac à courses, juste le rapport de la cour des comptes.
Pendant ce temps, l’État s’arrache les cheveux, à la recherche de la formule magique qui l’extirpera de l’ornière. C’est à se demander si le jeu en valait vraiment la chandelle.
PAR IBRAHIMA GASSAMA
LA NÉCESSAIRE TRANSITION VERS UNE NOUVELLE SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE
L’annonce par les États-Unis de nouveaux droits de douane sur les produits africains, couplés à la suppression progressive de l’aide publique au développement à travers l’USAID, marque un tournant silencieux, mais lourd de conséquences...
L’annonce par les États-Unis de nouveaux droits de douane sur les produits africains, couplés à la suppression progressive de l’aide publique au développement à travers l’USAID, marque un tournant silencieux, mais lourd de conséquences dans les relations économiques entre l’Afrique et les États-Unis. Si ces mesures semblent, à première vue, répondre à des impératifs de politique intérieure américaine, elles risquent d’aggraver considérablement les fragilités économiques de nombreux pays africains.Pour des pays comme le Sénégal — déjà confrontés à une conjoncture macroéconomique difficile et à une forte dépendance aux chaînes d’approvisionnement régionales — cette double peine représente un défi à surmonter pour ne pas compromettre des acquis sociaux majeurs.
L’Afrique subit de plein fouet un réalignement géoéconomique qui se fait sans elle, mais dont elle paiera le prix fort comme les autres pays du monde.Choc exogène aux effets multiplesL’imposition par les États-Unis de nouveaux droits de douane sur certains produits africains vient perturber profondément la dynamique commerciale entre le continent et la première puissance économique mondiale. Le Sénégal, bien que n’étant pas un partenaire commercial de premier plan pour Washington, pourrait néanmoins subir des effets collatéraux significatifs, notamment en raison de la tarification appliquée, estimée à 10 % sur plusieurs catégories d’importations.
En 2024, selon les statistiques du gouvernement américain, les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Sénégal ont totalisé 586 millions de dollars, dont 350,9 millions de dollars d’exportations américaines et 235,1 millions de dollars d’importations sénégalaises. Il en résulte un excédent commercial américain de 115,7 millions de dollars. Mais avec les nouvelles taxes américaines, la compétitivité de ces exportations sera mise à mal, et on pourrait engendrer une baisse anticipée des volumes échangés.Près de la moitié des pays africains seront frappés par un tarif uniforme de 10 %, ce qui représente déjà un frein significatif à leurs exportations. Mais la situation est encore plus alarmante pour certaines économies clés : le Nigeria et l’Afrique du Sud voient leurs produits taxés à hauteur de 14 % et 30 %, compromettant leur compétitivité sur le marché américain.
Pour l’Afrique du Sud, l’impact est déjà tangible. L’African Citrus Growers Association a alerté que les taxes de 30 % imposées par les États-Unis sur les agrumes risquent de détruire 35 000 emplois, menaçant la survie économique de plusieurs localités rurales.Le cas le plus dramatique reste celui du Lesotho, dont les exportations seront désormais taxées à un taux punitif de 50 %, mettant en péril la survie de son industrie textile. Au Madagascar, c’est tout le secteur de l’habillement qui vacille sous le poids de droits de douane écrasants de 47 %, menaçant des milliers d’emplois et accentuant la vulnérabilité économique du pays. Effet sur les chaînes d’approvisionnement Le Sénégal, en tant que carrefour logistique stratégique au sein de la CEDEAO, repose sur des chaînes d’approvisionnement régionales profondément intégrées.
La baisse de la demande américaine, induite par les nouveaux tarifs douaniers, exerce une pression indirecte, mais réelle sur les revenus fiscaux, les recettes douanières et les entrées de devises étrangères. À court terme, cette situation a le pouvoir de compromettre la capacité de l’État à mobiliser les ressources nécessaires au financement de l’économie. Cette conjoncture défavorable vient s’ajouter aux déséquilibres structurels hérités du précédent gouvernement, aggravant les défis budgétaires et sociaux auxquels l’administration actuelle tente de faire face dans un contexte de transition politique et d’aspiration à une souveraineté économique renouvelée.Mais cette pression ne s’arrêtera pas aux frontières du Sénégal; elle affectera l’ensemble de l’espace ouest-africain, où les économies interdépendantes pourraient être confrontées à un ralentissement généralisé du commerce régional.
Retrait précipité de l’USAID L’USAID, bras principal de la diplomatie humanitaire et de développement des États-Unis, a été supprimée dans le cadre d’un recentrage budgétaire initié par l’administration américaine. En 2024, l’Afrique subsaharienne recevait environ 12 milliards USD d’aide via l’USAID. Des pays comme le Sénégal, le Nigéria, la RDC et l’Éthiopie bénéficiaient de programmes dans les domaines de l’électricité, de la santé, de l’agriculture, de la gouvernance, de l’eau et de l’éducation.La coupure brutale de ces aides affecte directement plus de 25 millions de bénéficiaires à travers le continent. Au Sénégal, les premiers secteurs touchés sont :Le programme d’accès à l’énergie propre et à l’électricitéLes programmes de lutte contre le paludisme et le VIH/SidaLes projets de résilience climatique et d’agriculture intelligenteLes appuis à l’entrepreneuriat fémininLes subventions aux organisations communautairesUn rapport du Center for Global Development estime que le retrait des financements américains provoquera une hausse de 18 % de la mortalité infantile dans les zones rurales du Sahel si aucune solution alternative n’est trouvée. Quelles perspectives pour l’Afrique ?
La fin de l’USAID et les tensions commerciales avec les États-Unis accélèrent un mouvement de réorientation géopolitique et commerciale. De plus en plus de pays africains, y compris le Sénégal, se tournent vers un partenariat plus diversifié avec d’autres pays comme la Chine, la Turquie, les Émirats arabes unis et l’Union européenne. Toutefois, l’activation de la Zone de libre-échange africaine (Zlecaf) devient un impératif de développement du continent dans un contexte où les alliances stratégiques se dessinent partout à travers le monde.Le gouvernement actuel du Sénégal ne cesse souligner sa volonté de bâtir une souveraineté économique réelle, fondée sur nos ressources, nos compétences et nos choix stratégiques. Cette situation reste une fenêtre d’opportunité pour mettre cette vision en pratique.
Il s’agit là d’une volonté claire de rééquilibrer les rapports de force internationaux et de renforcer l’indépendance économique du continent par la coopération Sud-Sud, l’industrialisation locale et l’autofinancement du développement.Besoin urgent d’un mécanisme panafricain de résilienceFace à la volatilité de l’aide internationale et à l’instabilité commerciale mondiale, il pourrait être pertinent de mettre en place un Fonds africain de résilience socio-économique, financé par les États membres de l’Union africaine, la BAD et les partenaires privés. Ce fonds pourrait financer les programmes sociaux en cas de retrait de bailleurs, stabiliser les économies vulnérables aux chocs extérieurs et soutenir la reconversion des travailleurs licenciés par les ONG. Un tel mécanisme pourrait atténuer les conséquences à court terme des décisions unilatérales des puissances étrangères sur le continent africain.
Alerte pour un réveil collectifLes nouvelles barrières commerciales imposées par les États-Unis, combinées à l’élimination soudaine de l’aide au développement via l’USAID, révèlent une dure réalité : la dépendance structurelle de nombreuses économies africaines aux choix politiques de puissances extérieures. Pour le Sénégal et ses voisins, ces décisions constituent un signal d’alarme, mais aussi une opportunité de repenser les modèles de développement, d’investissement et de coopération.Ce choc, bien que douloureux, pourrait devenir un tournant historique si les dirigeants africains s’unissent pour renforcer les chaînes de valeur locales, investir dans les compétences de la jeunesse, et forger des alliances équilibrées. L’heure est venue de placer la souveraineté économique et sociale au cœur des priorités. Comme nous l’enseigne le sage proverbe africain, « Quand les racines sont profondes, il n’y a aucune raison de craindre le vent. »
texte collectif
MACKY SALL, FOSSOYEUR DE LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE ET CAUTION MORALE DE LA FONDATION MO IBRAHIM ?
Il s’agit d’interroger la cohérence éthique et la crédibilité de la Fondation Mo Ibrahim. Peut-elle encore se revendiquer comme un baromètre impartial de la gouvernance africaine en promouvant des figures qui incarnent l’exact opposé de ses valeurs ?
Il arrive que l’histoire trébuche. Mais quand elle s’effondre volontairement dans l’amnésie, alors l’indignation devient un devoir. En intégrant Macky Sall à son conseil d’administration, la Fondation Mo Ibrahim tourne le dos à ses principes fondateurs et accorde un blanc-seing à l’un des dirigeants les plus critiqués de l’histoire politique sénégalaise pour sa dérive autoritaire, son mépris des institutions et sa politique économique fondée sur l’endettement débridé et la falsification comptable.
Pourtant, la fondation s’était donnée pour mission, depuis sa création, de « promouvoir une gouvernance exemplaire et un leadership responsable » sur le continent africain. À travers l’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique (IIAG), elle évalue précisément la qualité des institutions, la démocratie, l’État de droit et les droits de la personne. Or, si l’on appliquait strictement ces critères à Macky Sall, son profil relèverait davantage du contre-exemple que du modèle. Faut-il rappeler que la Fondation elle-même a, dans ses rapports, exprimé ses préoccupations quant au recul démocratique et aux restrictions des libertés dans plusieurs pays, dont le Sénégal sous Macky Sall ?
Un passif démocratique accablant
L’héritage de Macky Sall n’est pas celui d’un bâtisseur, mais d’un fossoyeur obstiné de la démocratie sénégalaise. Sous sa présidence, l’État de droit a été méthodiquement vidé de sa substance : instrumentalisation de la justice à des fins politiques, musellement de la presse, emprisonnements massifs d’opposants politiques, coupures arbitraires d’Internet, dissolution de partis et de mouvements citoyens, manipulation des calendriers électoraux, tentatives de coup d’État institutionnel — la liste est longue, consternante, documentée.
Mais plus encore, son règne fut lourdement taché de sang. Entre 2021 et 2024, des dizaines de manifestants pacifiques ont été tués par les forces de sécurité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : des étudiants, de jeunes militants, de simples passants ont péri dans les rues de Dakar, de Ziguinchor, de Bignona ou de Saint-Louis, pour avoir exercé un droit fondamental et constitutionnel : celui de résister. Ces morts ne sont pas de simples bavures. Ils sont les témoins silencieux d’un régime qui, au nom de l’ordre, a préféré gouverner par la terreur.
Le rapport Afrobarometer de 2023 confirme cette réalité : plus de la moitié des Sénégalais (53 %) considéraient que leur pays n’était plus une démocratie effective. Ce chiffre témoigne d’un effondrement de la confiance populaire dans les institutions, corollaire direct de la « méthode Macky Sall » faite de duplicité, de concentration autoritaire du pouvoir, et d’un usage cynique de la « raison d’État » pour justifier l’injustifiable.
La tentative avortée de troisième mandat n’était pas une erreur de jugement, mais l’aboutissement d’un projet mûri de longue date, soutenu par une caste de politiciens et de consultants internationaux rémunérés pour interpréter la Constitution. L’épisode du décret du 3 février 2024, par lequel il a suspendu le processus électoral à la veille de la campagne présidentielle, a été unanimement condamné comme un coup d’État institutionnel, y compris par le Conseil constitutionnel sénégalais.
Un gestionnaire sans scrupule et sans transparence
L’autre pan du « legs » de Macky Sall, que la Fondation Mo Ibrahim semble avoir passé sous silence, est le désastre économique et financier qu’il a légué au peuple sénégalais. Comme l’ont révélé les rapports de la Cour des comptes, il a systématiquement sous-estimé la dette publique, dissimulé les déficits budgétaires, contracté des emprunts hors budget et détourné l’éthique de la gouvernance publique.
Dans un contexte de croissance inégalitaire, où plus de 37 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, le faste des grands projets d’infrastructure a masqué une absence criante d’inclusivité et de durabilité. La jeunesse sénégalaise, abandonnée à un secteur informel précaire, a payé le prix fort de cette politique d’endettement au service d’intérêts privés et de clientélismes.
Le discours que Macky Sall tient désormais depuis son exil doré au Maroc, en se posant en « homme de paix », contraste violemment avec la réalité de son pouvoir. La paix dont il se réclame est celle des cimetières de la démocratie. On ne reconstruit pas une légitimité internationale sur les ruines d’un pays que l’on a contribué à diviser et affaiblir.
La Fondation Mo Ibrahim, une caution morale en question
L’enjeu ici dépasse le cas Macky Sall. Il s’agit d’interroger la cohérence éthique et la crédibilité de la Fondation Mo Ibrahim elle-même. Peut-elle encore se revendiquer comme un baromètre impartial de la gouvernance africaine en promouvant des figures qui incarnent l’exact opposé de ses valeurs ?
Certes, l’institution n’est pas exempte du droit à l’erreur. Mais une telle nomination ne peut être interprétée que comme une capitulation morale ou, pire, comme une instrumentalisation politique de son prestige au service de la respectabilité des anciens autocrates.
Dans un continent où la confiance entre les peuples et les élites est souvent rompue, où les nouvelles générations réclament des leaderships transparents, démocratiques et responsables, ce type de décision affaiblit le combat commun pour la souveraineté populaire, la justice et la redevabilité.
Accepter Macky Sall dans le cercle restreint des « sages » de la gouvernance africaine, c’est officialiser le double discours : le langage fleuri de la démocratie dans les rapports internationaux, et les pratiques autoritaires sur le terrain. C’est banaliser la violence institutionnelle, les détournements de procédure, la répression des libertés, au nom d’une prétendue stabilité.
La Fondation Mo Ibrahim, si elle veut rester fidèle à sa mission, doit reconsidérer cette nomination, ou à tout le moins, expliciter les critères éthiques sur lesquels elle fonde une telle décision. L’Afrique mérite mieux que la reconversion dorée de ses anciens autocrates. Elle mérite des leaders de rupture, pas des fossoyeurs recyclés.
Signataires :
Félix Atchadé, médecin, Paris
Seynabou Sougoufara, Biologiste, University of Warwick, Manchester
Youssou Mbargane Guissé, chercheur à la retraite, IFAN, UCAD
Mouhamed Abdallah Ly, Directeur de recherches assimilé, IFAN, UCAD
Abdourahmane Seck, Maître de conférences titulaire, UGB
Mamadou Diallo, Doctorant, Columbia University
Oumar Dia, Maître de conférences titulaire, FLSH, UCAD
Abdou Aziz Diouf, Professeur titulaire, FSJP, UCAD
Ibrahima Xalil Niang, Maître de conférences assimilé, FLSH, UCAD
Alioune Thiongane, FMPO, UCAD
Salif Baldé, Maître de conférences titulaire, ESEA, UCAD
Jean Domingo, Enseignant-vacataire à la FST, UCAD
Marie Olivia Guèye, Informaticienne, Ngaparou
Amadou Fall, Professeur assimilé à la retraite, FASTEF-UCAD
Diéry Ngom, Maître de conférences titulaire, UADB
El Hadji Malick Sy Camara, Maître de conférences assimilé, FLSH-UCAD
Ansoumana Diémé, Elève-Professeur, ENSETP, UCAD
Pierre Sané, Ancien secrétaire général d’Amnesty international
Yaya Diallo, responsable pédagogique, CUK-UASZ
Tidiane Sow, Coach en communication politique, Dakar
François Joseph Cabral, Professeur titulaire, FASEG, UCAD
Cheikh Thiam, Professeur titulaire, Amherst college
Benjamin Diouf, Professeur assimilé, FLSH, UCAD
El Hadji Farba Diop, Chef du service de l’éducation, Musée des Civilisations noires (MCN)
Raoul Manga, fonctionnaire, Ontario, Canada
Par Ibou FALL
ADJI RABY SARR, SUISSE ET PAS FINIE
Entre De Gaulle qui dégage, Macky Sall qui s'incruste chez Mo Ibrahim, et Ndèye Khady Ndiaye qui s'autoproclame "patronne du pays", l'affaire Sweet Beauté continue de nous offrir un spectacle plus rocambolesque qu'une série Netflix
L’affaire Sweet Beauté, par laquelle tout nous tombe sur la tête depuis quatre interminables années, ne fait pas que des malheureux : entre-temps, le contumax voit sa condamnation annulée, sort de prison - où il glande pour des accusations bien plus graves que la corruption de la jeunesse - et se retrouve Premier ministre. D’ailleurs, le président de la République en personne, Bassirou Diomaye Faye, face aux journalistes, l’évoque en passant, affirmant que tout le monde sait que cette affaire est un complot.
Personne n’osera lui demander de précisions : vous savez bien, l’article quatre-vingts…
Ben, c’est pile-poil le moment où, dans la presse, tombe l’annonce : l’héroïne de l’affaire Sweet Beauté, Adji Raby Sarr, que la voiture de Madiambal Diagne conduit à l’aéroport pour quitter le pays à destination de la Suisse, bannie du peuple de Pastef dont la malédiction lui prédit la pire des fins, vient d’en être une honorable citoyenne.
Voilà donc, en résumé, une dame qui, dorénavant, en bonne Helvète qui apprend les leçons de la vie, n’aura plus besoin de visa pour bien des destinations agréables… Elle risque de skier dans les Alpes, de préférence à Gstaad en hiver, engoncée dans du vison. Elle a toutes les chances d’y croiser, comme le dirait Félix Houphouët-Boigny, des gens assez sérieux pour confier leur argent aux banques suisses. L’été, elle pourra se laisser glisser sur le lac Léman avec juste un bikini pour seul habit sans que l’inénarrable Mame Matar Guèye n’en fasse une affaire nationale.
Rien que le bonheur de ça… Y’a des malédictions qu’on appelle de tous ses vœux !
Avec ses formes voluptueuses, que le fromage et le chocolat suisse ne manqueront pas de rembourrer, qui ont mis en émoi son pays natal, ça promet des émotions fortes pour l’économie mondiale si elle s’invite d’autorité au Sommet de Davos, à une réunion de la Fifa en direction de la Coupe du monde, ou du Cio qui prépare les Jeux Olympiques…
Assez divagué, revenons à nos moutons ?
Au moment où les accusations de falsifications de chiffres de la comptabilité publique - à propos desquelles le Fmi exige des éclaircissements circonstanciés - s’accompagnent des déclarations guerrières sur les exactions dont est victime le peuple du Pastef entre 2021 et 2024, Macky Sall force la porte du Conseil d’administration de la Fondation Mo Ibrahim ; celle-là même qui distribue les bons points sur le continent en matière de respect de droits de l’Homme, de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
C’est fait exprès ?
Etonnez-vous, par la suite, que l’image du Sénégal, selon Mo Ibrahim et les sommités mondiales de la bienséance, fasse un plongeon supplémentaire dans les abysses des pays les moins fréquentables. Après les agences de notation qui influencent les bailleurs de fonds, voilà que l’on risque de voir des gloses salées à l’international sur le respect des droits de l’Homme, la bonne gouvernance de ces bons messieurs du tandem «Diomaye môy Sonko»…
Quand le président Bassirou Diomaye Faye, devant un parterre de journalistes, évoque les mystérieuses actions souterraines de son prédécesseur, il sait sans doute de quoi il parle… Y’avait pas moyen de lui tirer les vers du nez sans risquer de tomber sous le coup du tristement célèbre article quatre-vingts ?
Soit dit en passant, le président de la République se sédentarise subitement depuis quelque temps : ça fait une paye que l’on ne nous annonce plus un de ses périples autour de la planète. Rien de grave, au moins ?
Il n’y a pas que les mauvaises nouvelles dans la vie : la France dégage, le Général de Gaulle aussi, pour céder un boulevard au président Mamadou Dia, le premier chef de gouvernement du Sénégal. On appelle ça, à l’époque, un président du Conseil de gouvernement. Rien à voir avec un Premier ministre : Mamadou Dia comme Léopold Sédar Senghor, en 1960, au sortir de la crise qui explose la Confédération du Mali, sont élus par les députés.
Question impie : il n’y a pas moyen d’honorer Mamadou Dia sans dégager De Gaulle ?
Si ce n’était que ça… Ça apprend également dans la presse à quat’ sous que le célébrissime salon Sweet Beauté renaît de ses décombres. Le p’tit local à la devanture couleur de menstrues, niché à Sacré-Cœur, qui dispense jusqu’en 2021 de fracassantes thérapies contre les maux de dos insupportables, rouvre ses portes dans un quartier tout ce qu’il y a de chic. Curieusement, Ndèye Khady Ndiaye, son entreprenante proprio, n’en est pas heureuse malgré tout : il y a de cela quelques semaines, elle se trouve même une tribune pour évoquer la suite de son procès en appel qui semble s’égarer dans le dédale des affaires judiciaires délicatement refermées sans verdict définitif. Elle se fâche aussi de n’avoir pas la reconnaissance de la République, alors qu’elle juge son rôle déterminant dans l’avènement du régime Pastef : les tridents de la présidence et de la Primature n’ont pas eu un soupir de reconnaissance à son endroit, s’énerve-t-elle dans une vidéo… Toutes ces années, pourtant, Madame tient tête au régime de Macky Sall malgré ses pistolets, ses renseignements généraux, ses juges ; elle se vante même d’être capable, quand elle a besoin d’argent frais sans trace ni témoin, d’avoir au téléphone «le président»…
Allez savoir lequel.
Sa sortie pourtant détonante ne suffit pas à son bonheur : la créature divine d’exception remet ça au micro d’un influenceur qui s’indigne en même temps qu’elle de l’article publié par de vulgaires journalistes jaloux de sa réussite. Il y a surtout l’illustration par «l’ancienne photo» qui l’énerve alors qu’elle a actuellement un totem quatre fois plus grand aux Almadies… Ndèye Khady Ndiaye doit avoir des problèmes de difficulté avec le français : «pourquoi ils ne montrent pas l’ancienne nouvelle photo ?», s’agace-t-elle. Avec Sweet Beauté version 2025, prévient celle qui s’autoproclame la patronne du pays, on va voir ce qu’est «un vrai salon de beauté».
J’en ai la cinquième lombaire qui tremble.
Par Thierno Seydou NIANE
NECESSITE D’UN REDRESSEMENT BUDGETAIRE
Le bilan infrastructurel reste incontestable, avec des avancées notables en matière de développement des infrastructures. Le cadre macroéconomique demeure déséquilibré, marqué par un déficit budgétaire important qui fragilise les finances publiques
Dans une précédente analyse de l’économie sénégalaise entre 2012 et 2023, plusieurs éléments préoccupants ont été mis en évidence, soulignant l’urgence d’une action corrective pour redresser la trajectoire économique du pays.
Tout d’abord, le bilan infrastructurel reste incontestable, avec des avancées notables en matière de développement des infrastructures. Toutefois, le cadre macroéconomique demeure déséquilibré, marqué par un déficit budgétaire important qui fragilise les finances publiques. Par ailleurs, la masse salariale connaît une augmentation continue, rendant le poids des dépenses publiques de plus en plus difficile à soutenir. Enfin, l’endettement atteint un niveau préoccupant, avec un service de la dette qui pèse lourdement sur les recettes fiscales, réduisant ainsi considérablement la marge de manœuvre budgétaire de l’État.
Le rapport de la Cour des Comptes met en exergue une situation alarmante en indiquant un déficit budgétaire d’environ 12 %, bien supérieur aux 4,9 % initialement annoncés. Il révèle également que le ratio dette/PIB avoisine désormais 100 %, alors qu’il était auparavant estimé à 74 %. Face à cette détérioration, le Sénégal s’expose à un risque accru de surendettement. Non seulement la dette a considérablement augmenté, mais elle est devenue plus coûteuse et plus risquée. Cette dégradation s’accompagne d’une baisse de la notation souveraine du pays, ce qui entraîne une hausse des taux d’intérêt sur les nouveaux emprunts et limite les possibilités de financement à moindre coût.
UN AJUSTEMENT BUDGETAIRE URGENT ET INDISPENSABLE
La nécessité d’un ajustement budgétaire devient incontournable pour ramener la dette et le déficit à des niveaux soutenables, tout en reconstituant une marge de manœuvre budgétaire permettant de financer les projets de développement. L’analyse des finances publiques met en lumière plusieurs problématiques majeures, notamment la gestion du déficit budgétaire, le poids croissant de la dette, l’efficacité relative des dépenses publiques et la faible mobilisation des recettes fiscales.
L’aggravation du déficit budgétaire a contribué directement à l’augmentation de l’encours de la dette. En 2023, le déficit était estimé à 12,3 % du PIB, soit environ 2 291 milliards FCFA, et à 11,6 % du PIB en 2024, soit 2 362,2 milliards FCFA. Une réduction est toutefois projetée pour 2025, avec un déficit attendu de 7,08 %, soit environ 1 600,4 milliards FCFA. Cette détérioration s’explique par les orientations budgétaires contenues dans la loi de finances rectificative (LFR) et la loi de finances initiale (LFI), qui semblent en décalage avec l’urgence d’un redressement de l’économie et des finances publiques. En effet, paradoxalement, on observe en 2024 une hausse des dépenses de fonctionnement de plus de 680 milliards FCFA, malgré une baisse des recettes estimée à 840 milliards FCFA. Le budget 2025 s’inscrit dans une tendance similaire, avec une légère hausse des ressources de seulement 100 milliards FCFA, contre une augmentation des dépenses de l’ordre de 859 milliards FCFA. Dans un contexte de marge budgétaire quasi inexistante, il est donc impératif de mettre en place un plan de retour à l’équilibre budgétaire à court terme, fondé sur une gestion rigoureuse des dépenses tout en préservant les investissements stratégiques.
Le gouvernement s’est fixé pour objectif de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB d’ici 2027, conformément au critère de convergence de l’UEMOA. Cependant, cette ambition suppose une réduction de plus de 8 points du ratio déficit/PIB par rapport à son niveau de 2024, et, bien que nécessaire, elle paraît difficilement atteignable sans une révision immédiate du budget 2025 à travers une loi de finances rectificative, qui devra acter une rationalisation substantielle des dépenses publiques. Une trajectoire plus réaliste consisterait à réduire progressivement le déficit, en le ramenant à 6,5 % en 2025, puis à 4,5 % en 2026, pour atteindre 3 % en 2027, tout en veillant à concilier cet ajustement avec les impératifs de relance économique.
UNE DETTE ENCORE LOURDE, MAIS DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
La soutenabilité de la dette publique constitue un enjeu fondamental pour préserver une marge de manœuvre budgétaire et garantir le financement des priorités de développement. Aujourd’hui, la dette totale du Sénégal est estimée, selon la Cour des comptes, à près de 18 000 milliards FCFA, ce qui correspond à un ratio dette/PIB de 99,7%, bien au-delà de la norme fixée par l’UEMOA, établie à 70%. Pour l’année 2024, la dette devrait atteindre 4 500 milliards FCFA, aggravant encore davantage la situation. Le ratio dette/PIB a ainsi progressé de près de six points en une seule année, pour s’établir à 105,7%.
Les projections pour 2025 confirment cette tendance inquiétante, avec un montant de dette prévisionnel estimé à 4 573,9 milliards FCFA, incluant à la fois le service de la dette et le financement du déficit budgétaire. Ce montant représente l’équivalent de la totalité des ressources attendues, ce qui illustre l’importance des ajustements à opérer.
Le service de la dette connaît également une hausse spectaculaire. Il est passé de 343,2 milliards FCFA en 2012 à 1 693 milliards FCFA en 2023, représentant alors 48,7 % des recettes fiscales, contre seulement 24,7 % en 2012. En 2024 et 2025, cette charge devrait représenter respectivement 52% et 67,1% des recettes fiscales, absorbant ainsi plus de la moitié des ressources fiscales disponibles. Une telle situation est clairement insoutenable sur le long terme et met en péril la stabilité des finances publiques.
Face à cette dynamique préoccupante, il devient impératif d’engager la dette dans une trajectoire décroissante. Pour y parvenir, une des pistes à explorer consisterait à rééchelonner et à reprofiler une partie de la dette arrivant à échéance immédiate ou à très court terme. Il serait également judicieux de privilégier des financements intérieurs, notamment ceux du marché régional de l’UEMOA, ainsi que des emprunts internationaux à des taux d’intérêt plus favorables. Cette approche permettrait de réduire la dépendance aux financements à haut risque et de mieux maîtriser les effets des fluctuations monétaires sur la dette publique.
DEPENSES PUBLIQUES : REDUCTION ET OPTIMISATION
En 2023, les dépenses courantes ont représenté 17,8 % du PIB, contre 16,16% en 2022 et une moyenne de 15 % sur la période 2012-2021. Les prévisions pour 2024 et 2025 tablent sur des niveaux encore plus élevés, atteignant respectivement 20,3 % et 19,24%, soit une moyenne de 19,77 %, un seuil particulièrement préoccupant dans un contexte de grande fragilité budgétaire. Cette progression des dépenses courantes, hors service de la dette, s'explique principalement par l’augmentation de la masse salariale et des subventions.
L’accroissement de la masse salariale est largement dû à la hausse significative du nombre d’agents publics, passé de 165 000 à 183 693. Le ratio masse salariale/recettes fiscales a ainsi grimpé de 32,2 % en 2017 à 35,15 % en 2022, puis à 35,42 % en 2023, dépassant le seuil de soutenabilité fixé par l’UEMOA (inférieur ou égal à 35 %). En 2024, ce ratio atteindrait 39,8 %, un niveau qui interpelle sur la soutenabilité à moyen terme. Face à cette situation, il devient impératif de stabiliser la masse salariale : d’abord, il conviendrait d’exclure toute politique de baisse de salaire qui apparaît comme contreproductive dans la situation actuelle ; ensuite, il faut rationaliser le quantum de recrutement, qui pourrait être basé sur les nombres de sorties et les résultats d’un audit biométrique visant à identifier les agents fictifs ; enfin, la rationalisation pourrait être opérée par la mise en œuvre d’un programme de départs volontaires.
S’agissant des subventions, une suppression totale apparaît peu réaliste et ne devrait pas être envisagée. Toutefois, leur efficacité peut être renforcée par une politique de ciblage plus rigoureuse, visant à soutenir prioritairement les ménages les plus vulnérables, tout en assurant la soutenabilité des finances publiques. Une telle stabilisation suppose parallèlement une réduction des dépenses d’investissement non prioritaires et une rationalisation accrue des dépenses courantes.
Cette nécessaire restructuration budgétaire devra néanmoins s’opérer avec prudence, en respectant deux principes fondamentaux : d’une part, la protection des dépenses sociales essentielles, notamment celles consacrées à l’accès à l’eau, à l’électricité, à l’alimentation, à l’éducation et à la santé ; d’autre part, la préservation des investissements stratégiques, qui demeurent indispensables pour soutenir une croissance durable.
MOBILISATION DES RECETTES : UNE STRATEGIE PLUS AMBITIEUSE
Dans un contexte marqué par un déficit budgétaire persistant, il apparaît indispensable d’améliorer la mobilisation des ressources domestiques, tout en veillant à préserver la dynamique économique. En 2024, les recettes fiscales sont estimées à 3 620 milliards FCFA, avec une forte progression attendue en 2025, pour atteindre 4 359,6 milliards FCFA, soit une croissance de 20,4 %. Toutefois, cette hausse des recettes ne doit pas reposer uniquement sur un relèvement des impôts, au risque de freiner l’investissement privé et de peser sur la consommation des ménages. Trois principaux défis doivent être relevés : d’une part, une pression fiscale excessive pourrait décourager l’investissement et affaiblir la demande intérieure ; d’autre part, une part importante de l’économie reste informelle, ce qui limite considérablement la capacité de l’État à collecter les recettes fiscales de manière optimale ; enfin, les réformes fiscales envisagées peuvent prendre plus de temps pour une matérialisation effective Pour faire face à ces enjeux, plusieurs pistes de réforme peuvent être envisagées. En premier lieu, il est essentiel d’élargir l’assiette fiscale plutôt que d’augmenter les taux d’imposition. Cela implique une digitalisation renforcée de l’administration fiscale, une meilleure traçabilité des transactions économiques, ainsi qu’une lutte plus rigoureuse contre l’évasion et la fraude fiscales. En parallèle, la mise en place de dispositifs incitatifs pour les entreprises, à travers une fiscalité plus compétitive, permettrait de stimuler l’investissement productif. Enfin, une rationalisation de la structure des recettes fiscales, afin d’en améliorer la qualité et la prévisibilité, ainsi qu’une réduction significative des exonérations fiscales, contribueraient à renforcer la soutenabilité des finances publiques tout en soutenant la croissance économique.
CONCLUSION
Le contexte actuel est difficile. En dépit des efforts réalisés par le gouvernement, l’économie sénégalaise traverse une phase critique nécessitant une réorientation urgente des politiques budgétaires et financières. La mise en place d’un programme économique et financier (PREF), d’une durée de deux ans (2025- 2027), visant un ajustement budgétaire pragmatique, une meilleure gestion de la dette et une réforme fiscale ambitieuse, est indispensable pour rétablir une trajectoire économique plus saine et plus résiliente.
Monsieur Thierno Seydou NIANE
Docteur en Economie
Ancien Coordonnateur Unité de Coordination et de Suivi de la Politique Economique (Ministère de l’Economie et des Finances)
Ancien Directeur Général CDC
PAR Makhtar Diouf
CES AGENCES DE NOTATION FINANCIÈRE ET NOUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Les investisseurs directs étrangers et les bailleurs de fonds ont d’autres références que ces notes. On peut présumer que le Sénégal de l’après 24 mars 2024 est devenu plus attractif
Moody’s et Standard & Poors sont des Agences de Notation Financière (Anf) devenues familières aux Sénégalais depuis leur note (pas bonne) attribuée au nouveau régime. Est-ce la sanction d’une gestion catastrophique de ‘’ces incompétents’’ au pouvoir depuis près d’un an ? Des éclairages sont nécessaires.
J’avais écrit un article sur ces Anf (‘’ Euros, dollars, en veux-tu en voilà’’, 6/09/2021) dans ‘’Sud Quotidien’’. Il m’a paru opportun d’y revenir avec de nouvelles données.
Présentation des Anf
Les Anf (Credit Rating Agencies) sont créées aux Etats-Unis au début du 20èmesiècle avec la clientèle de grandes entreprises. Après la grande crise de 1929 leurs services sont orientés en direction des Etats. Les trois plus grandes Anf sont américaines : la pionnière Moody’s (de John Moody), Standard & Poors (de Henry Poors) qui interviennent en Afrique, et Fichte (de John Fichte). Elles contrôlent 95 pour cent du marché financier. Des Anf de moindre envergure sont présentes en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, dont les clients sont des entreprises. Bloomfield opère à Abidjan avec représentation à Douala au Cameroun.
L’Anf intervient sur l’endettement sur les marchés financiers internationaux, surtout sur le marché des obligations. Elle se place entre l’emprunteur (une firme ou un Etat) et un prêteur potentiel appelé investisseur. Lorsqu’un Etat désireux de financer des projets émet une obligation sur les marchés financiers, l’Anf se base sur une évaluation de son degré de solvabilité : situation économique, financière, remboursement de dettes antérieures, stabilité politique. Elle donne une note censée indiquer son aptitude à rembourser le prêt sollicité, et à décider les investisseurs directs.
L’Anf est payée par l’émetteur d’obligation lorsque c’est une entreprise, parfois par l’investisseur qui cherche à placer ses liquidités dans un lieu sûr. Elle vend ses notes à la presse financière et à des institutions comme Bloomberg (agence d’informations financières et économiques) qui les publient.
Les notes des Anf sont données en lettres selon le système de notation en vigueur dans le système américain d’enseignement. Elles se présentent dans l’ordre décroissant, de ‘’excellent’’ à ‘’médiocre’’(en équivalent numérique à peu près de 20 à 1).
Bien des déboires ont jalonné le parcours de ces Anf dans leurs notations de grandes entreprises et de gouvernements.
En 2001, la firme américaine d’énergie Enron, après avoir reçu une bonne note tombe en faillite 4 jours après. En 2003, la banqueroute de World Com est précédée d’une bonne note. En 2003, Parmalat (société laitière italienne du groupe français Lactalis) est déclarée en faillite après une bonne note 18 jours avant. En septembre 2008, la banque américaine Lehman Brothers est en faillite après la bonne note A- de Standard&Poors. La même note est attribuée à la compagnie d’Assurance AIG qui n’est sauvée de la faillite que par un renflouement financier.
Certains financiers prêteurs sont actionnaires dans le capital des Anf, ce qui donne lieu à des conflits d’intérêts. Lorsqu’une firme paie les services d’une Anf, ce n’est pas pour recevoir une mauvaise note. Ce qui pose des doutes sur l’objectivité de ces notations.
Les Anf ont été accusées de grande responsabilité dans la crise financière des années 1990 ayant affecté des pays asiatiques (Corée Sud, Indonésie, Thailande). Les Anf sont aussi culpabilisées dans la crise financière de 2008-2009, en donnant de bonnes notes à des établissements financiers fautifs de la crise des ‘’subprimes’’ (crédits hypothécaires consentis à des personnes sans garantie).
Les Anf n’ont pas bonne presse en Europe, accusées d’avoir arbitrairement dégradé certains pays. La Commission économique de l’Union européenne envisage de créer sa propre Agence de notation financière.
Pourquoi alors le maintien de ces Anf ? Pour certains Européens, c’est parce qu’elles sont américaines. Elles font preuve d’un part pris flagrant en faveur des gouvernements américains. Leurs erreurs ne sont pas sanctionnées, car elles prétendent n’exprimer que des opinions, passibles de la liberté d’expression, comme le leur garantit le premier amendement de la Constitution.
S’y ajoute que bon nombre d’institutions financières (compagnies d’assurance, fonds de pensions, banques commerciales …) pour intervenir sur le marché des dettes sont tenues d’exiger de leurs clients d’être notés par les Anf.
En juin 2010, Obama, décide d’introduire un peu de discipline dans le comportement spéculatif des institutions financières, dont les Anf. Son projet de loi introduit au Sénat par le député Barney Frank et le sénateur Chris Dodd, est adopté comme ‘’Frank- Dodd Act’ qui s’attaque aux conflits d’intérêt. Mais cette pratique ne concerne que les entreprises et non les gouvernements. Le Frank-Dodd Act reconnaît que les notations des Anf sont de nature commerciale sans rapport avec la liberté d’expression et que le chaos financier créé devrait relever de la responsabilité civile. Mais aucune mesure n’est prise à cet effet.
Une méthode de notation inadéquate
La méthode de notation utilisée par les Anf consiste à ne tenir compte que des seules caractéristiques économiques les plus stables, les plus permanentes du pays emprunteur. Ce qui néglige les changements les plus récents survenus dans le paysage économique et politique. C’est la méthode dite ‘’Notation étalée sur le cycle’’ (through the cycle rating)
La méthode différente est dite ‘’Evaluation ponctuelle’’ (Point-in time-rating) qui intègre les caractéristiques permanentes et les changements. Elle permet une notation basée sur une évaluation stable et exacte. C’est la méthode utilisée par les banques pour apprécier le degré de solvabilité de leurs emprunteurs. On comprend ainsi que le dernier eurobond du Sénégal en 2025 ait été souscrit entièrement par la banque américaine J P Morgan.
Il est reproché aux Anf de continuer à utiliser la première méthode, avec retard à l’allumage, ne tenant compte que des informations qui leur viennent des pays via le Fmi, la Bm et d’autres sources.
L’Afrique et les Anf
C’est à partir de 2000 que les gouvernements africains sont poussés vers les Anf. L’argument est que l’aide au développement et les prêts concessionnels (avec faible taux d’intérêt) ont fortement baissé, et dans la nouvelle situation de mondialisation, l’alternative pour le financement des projets est le recours aux marchés financiers des titres obligataires. Les prêteurs ne peuvent plus être seulement les banques, mais aussi d’autres intervenants, avec intermédiation des Anf.
es pays africains commencent à s’endetter en termes de euro-obligation, ou euro-bond mais en fait en dollars. L’euro-obligation est une dette remboursable avec une certaine maturité à un certain taux d’intérêt. Ce type de dette est plus flexible, moins contraignant que la dette des bailleurs traditionnels comme le Fmi et la Bm avec leur lenteur et leurs conditionnalités. Surtout qu’avec les réductions et annulations de dettes qui ont suivi la crise de la dette des années 1980, le niveau d’endettement ayant baissé, pour financer des infrastructures, les pays africains ont opté pour les euro-bonds jusqu’à 20 pour cent de leur endettement total.
L’Etat du Sénégal se lance sur le marché des euro-bonds en 2009 avec 7 opérations à ce jour : 2 sous Wade, avec un taux d’intérêt de 9,25 pour cent ; 4 sous Macky dont 1 avec un taux d’intérêt record de 5, 375 pour cent ; 1 sous Diomaye, au taux de 7,75 pour cent.
Les notes des deux Anf qui interviennent sur le Sénégal se présentent ainsi :
Avec Moody’s :
Sous Wade, une seule note B1 en 2011.
Sous Macky, les notes sont : B1 en 2014 ; Ba3 en 2017, 2020 et 2022.
Sous Diomaye, la note est B1 en octobre 2024, et B3 en février 2025.
Avec Standard & Poors :
Sous Wade (2000,2006,2009,2010) la note est B+
Sous Macky (2013,2018,2019) la note est B+
Sous Diomaye, la note est B+ en octobre 2024, et B en février 2025.
Le niveau d’endettement le plus élevé en eurobond est réalisé sous Macky, avec aussi le taux d’intérêt le plus bas en 2021. C‘est avec lui que les notes des Anf sont ‘’meilleures’’ (en fait moins mauvaises). Cela tient à la confiance due à deux raisons : le Sénégal est perçu comme un prochain exportateur de pétrole et de gaz ; les clignotants économiques conjoncturels présentés sont au vert, rassurants.
Le rapport de la Cour des Comptes en février 2025 révèle que les statistiques présentées sous Macky étaient faussées. Ce qui explique la dégradation de la note du Sénégal par les Anf sous le régime Diomaye qui a hérité de cette situation financière désastreuse.
Les pays africains sont mal notés par les Anf, abonnés à la tranche des B. Les notes du Sénégal se situent en moyenne entre 8 et 9 sur 20.
L’exception est constituée par le Botswana qui flirte avec la note A2, grâce à ses exportations d’or et de diamant.
Le Nigeria et le Kenya ont rejeté les notes qui leur ont été attribuées par Moody’s, estimant que ces agences n’ont pas une claire compréhension de leur situation économique qui n’est pas aussi alarmante.
La Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (Addis Abeba) reproche aux Anf de décourager les investissements étrangers en Afrique et recommande de mettre en place une Anf africaine.
La Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced, Genève) est aussi très critique à l’égard des Anf suspectées de discrimination à l’encontre des pays en développement.
Les institutions de Bretton-Woods ne figurent pas parmi les critiques des Anf. La Banque mondiale crée en 2002 le mécanisme ‘’Doing Business’’ avec l’objectif de comprendre et améliorer l’environnement réglementaire des affaires. Il s’agit d’attribuer des notes aux Etats et d’établir un classement annuel sur lequel se baseront des investisseurs. Comme le font les Anf. En 2021 la Banque mondiale met fin au projet ‘’Doing Business’’ qui faisait doublon et concurrence avec les Anf. La Banque mondiale est cliente de Moody’s pour ses levées de fonds. Le FMI suggère seulement aux Anf d’améliorer leurs procédures.
Moody’s comporte plusieurs divisions dont une collabore avec le Bureau d’Etudes Mc Kinsey qui a confectionné d’inutiles et coûteux Plans Emergents à 37 pays africains. Le Plan Sénégal Emergent avait permis à Mc Kinsey d’encaisser du Sénégal 2,5 milliards F cfa. Pour quels résultats ?
Et maintenant
Les Anf avec leurs notes ne doivent ni faire peur, ni alimenter la politique politicienne. Elles ne sont pas aussi importantes et décisives. Les investisseurs directs étrangers et les bailleurs de fonds ont d’autres références que ces notes. On peut présumer que le Sénégal de l’après 24 mars 2024 est devenu plus attractif.
La dette est inséparable de la vie des gouvernements et des entreprises. Les dettes souveraines des pays les plus développés sont de l’ampleur de leur produit intérieur brut, mais ils sont considérés solvables. Les plus grandes entreprises du monde affichent au Passif du Bilan des postes ‘’Dettes à long, moyen et court terme’’ qui financent des investissements dont la rentabilité figure au Compte d’Exploitation.
Les pays africains aussi sont solvables. Walter Wriston, un influent directeur de Citibank l’avait laissé entendre : Countries don’t go out of business (‘’Les pays ne tombent pas en faillite’’). Parce que les infrastructures, la productivité de la population, les ressources naturelles ne quittent pas le pays. Ainsi l’Actif excède le Passif. Les bailleurs de fonds ne perdent pas de vue les ressources naturelles des pays pour s’y engager.
La dette ne devrait financer que des opérations rentables, en rapport direct avec le développement. Ce qui doit aller de pair avec la rationalisation des dépenses publiques, la chasse aux ‘’faux frais’’ et la mobilisation autant que possible des ressources internes.
Dans leurs rapports avec l’extérieur, la sagesse africaine doit être en sentinelle de vigilance :
Lorsqu’on est tiré à la traîne pour marcher on ne choisit pas son chemin et sa destination.
Ou encore :
Lorsque quelqu’un te prête des yeux, tu ne peux regarder que dans la direction qu’il t’indique.
par Aminata Touré
MACKY SALL COOPTÉ PAR MO IBRAHIM, UN POISSON D'AVRIL ?
Soit la Fondation ignore la réalité de la gouvernance sous Macky, révélant une grave défaillance dans ses vérifications préalables ; soit il s'agit d'un arrangement entre élites qui compromet sérieusement la crédibilité de l'indice Ibrahim
Lorsque j’ai appris que Macky Sall siégerait au Conseil d’Administration de la Fondation Ibrahim qui a bâti sa renommée sur la promotion de la bonne gouvernance sur le continent, j’ai d’abord cru à un poisson d’Avril.
Pour rappel, la fondation Ibrahim créée par le milliardaire anglo-soudanais Mohamed Ibrahim (qui a fait fortune dans les télécommunications) a lancé avec succès l’indice Ibrahim de la Gouvernance en Afrique. Communément appelé IAG, il s’agit d’un outil théorique de mesure de la performance des 54 pays africains en matière de Gouvernance.
Alors que nous sommes en plein scandale de la dette cachée de 4000 milliards sans compter les nombreux scandales à milliards dont celui des fonds Covid que je ne me lasserai jamais de rappeler, le principal responsable de ces pratiques de mal-gouvernance maximales dans son propre pays, Macky Sall himself va attribuer bonus et des malus en matière de bonne gouvernance.
Nous sommes ici face à deux hypothèses :
1/ ou la Fondation Ibrahim ne connait absolument rien de la situation de la gouvernance sous Macky Sall, ce qui serait une faute grave dans son processus de “due diligence” et de vérification préalable.
2/ ou alors, tristement, il s’agit du fameux service-camarade entre riches qui porte sérieusement atteinte à la crédibilité de l’indice de bonne gouvernance Ibrahim.
En état de cause, shoking ! comme on dit au pays d’adoption de Sir Mo Ibrahim.