ADJI RABY SARR, SUISSE ET PAS FINIE
Entre De Gaulle qui dégage, Macky Sall qui s'incruste chez Mo Ibrahim, et Ndèye Khady Ndiaye qui s'autoproclame "patronne du pays", l'affaire Sweet Beauté continue de nous offrir un spectacle plus rocambolesque qu'une série Netflix

L’affaire Sweet Beauté, par laquelle tout nous tombe sur la tête depuis quatre interminables années, ne fait pas que des malheureux : entre-temps, le contumax voit sa condamnation annulée, sort de prison - où il glande pour des accusations bien plus graves que la corruption de la jeunesse - et se retrouve Premier ministre. D’ailleurs, le président de la République en personne, Bassirou Diomaye Faye, face aux journalistes, l’évoque en passant, affirmant que tout le monde sait que cette affaire est un complot.
Personne n’osera lui demander de précisions : vous savez bien, l’article quatre-vingts…
Ben, c’est pile-poil le moment où, dans la presse, tombe l’annonce : l’héroïne de l’affaire Sweet Beauté, Adji Raby Sarr, que la voiture de Madiambal Diagne conduit à l’aéroport pour quitter le pays à destination de la Suisse, bannie du peuple de Pastef dont la malédiction lui prédit la pire des fins, vient d’en être une honorable citoyenne.
Voilà donc, en résumé, une dame qui, dorénavant, en bonne Helvète qui apprend les leçons de la vie, n’aura plus besoin de visa pour bien des destinations agréables… Elle risque de skier dans les Alpes, de préférence à Gstaad en hiver, engoncée dans du vison. Elle a toutes les chances d’y croiser, comme le dirait Félix Houphouët-Boigny, des gens assez sérieux pour confier leur argent aux banques suisses. L’été, elle pourra se laisser glisser sur le lac Léman avec juste un bikini pour seul habit sans que l’inénarrable Mame Matar Guèye n’en fasse une affaire nationale.
Rien que le bonheur de ça… Y’a des malédictions qu’on appelle de tous ses vœux !
Avec ses formes voluptueuses, que le fromage et le chocolat suisse ne manqueront pas de rembourrer, qui ont mis en émoi son pays natal, ça promet des émotions fortes pour l’économie mondiale si elle s’invite d’autorité au Sommet de Davos, à une réunion de la Fifa en direction de la Coupe du monde, ou du Cio qui prépare les Jeux Olympiques…
Assez divagué, revenons à nos moutons ?
Au moment où les accusations de falsifications de chiffres de la comptabilité publique - à propos desquelles le Fmi exige des éclaircissements circonstanciés - s’accompagnent des déclarations guerrières sur les exactions dont est victime le peuple du Pastef entre 2021 et 2024, Macky Sall force la porte du Conseil d’administration de la Fondation Mo Ibrahim ; celle-là même qui distribue les bons points sur le continent en matière de respect de droits de l’Homme, de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
C’est fait exprès ?
Etonnez-vous, par la suite, que l’image du Sénégal, selon Mo Ibrahim et les sommités mondiales de la bienséance, fasse un plongeon supplémentaire dans les abysses des pays les moins fréquentables. Après les agences de notation qui influencent les bailleurs de fonds, voilà que l’on risque de voir des gloses salées à l’international sur le respect des droits de l’Homme, la bonne gouvernance de ces bons messieurs du tandem «Diomaye môy Sonko»…
Quand le président Bassirou Diomaye Faye, devant un parterre de journalistes, évoque les mystérieuses actions souterraines de son prédécesseur, il sait sans doute de quoi il parle… Y’avait pas moyen de lui tirer les vers du nez sans risquer de tomber sous le coup du tristement célèbre article quatre-vingts ?
Soit dit en passant, le président de la République se sédentarise subitement depuis quelque temps : ça fait une paye que l’on ne nous annonce plus un de ses périples autour de la planète. Rien de grave, au moins ?
Il n’y a pas que les mauvaises nouvelles dans la vie : la France dégage, le Général de Gaulle aussi, pour céder un boulevard au président Mamadou Dia, le premier chef de gouvernement du Sénégal. On appelle ça, à l’époque, un président du Conseil de gouvernement. Rien à voir avec un Premier ministre : Mamadou Dia comme Léopold Sédar Senghor, en 1960, au sortir de la crise qui explose la Confédération du Mali, sont élus par les députés.
Question impie : il n’y a pas moyen d’honorer Mamadou Dia sans dégager De Gaulle ?
Si ce n’était que ça… Ça apprend également dans la presse à quat’ sous que le célébrissime salon Sweet Beauté renaît de ses décombres. Le p’tit local à la devanture couleur de menstrues, niché à Sacré-Cœur, qui dispense jusqu’en 2021 de fracassantes thérapies contre les maux de dos insupportables, rouvre ses portes dans un quartier tout ce qu’il y a de chic. Curieusement, Ndèye Khady Ndiaye, son entreprenante proprio, n’en est pas heureuse malgré tout : il y a de cela quelques semaines, elle se trouve même une tribune pour évoquer la suite de son procès en appel qui semble s’égarer dans le dédale des affaires judiciaires délicatement refermées sans verdict définitif. Elle se fâche aussi de n’avoir pas la reconnaissance de la République, alors qu’elle juge son rôle déterminant dans l’avènement du régime Pastef : les tridents de la présidence et de la Primature n’ont pas eu un soupir de reconnaissance à son endroit, s’énerve-t-elle dans une vidéo… Toutes ces années, pourtant, Madame tient tête au régime de Macky Sall malgré ses pistolets, ses renseignements généraux, ses juges ; elle se vante même d’être capable, quand elle a besoin d’argent frais sans trace ni témoin, d’avoir au téléphone «le président»…
Allez savoir lequel.
Sa sortie pourtant détonante ne suffit pas à son bonheur : la créature divine d’exception remet ça au micro d’un influenceur qui s’indigne en même temps qu’elle de l’article publié par de vulgaires journalistes jaloux de sa réussite. Il y a surtout l’illustration par «l’ancienne photo» qui l’énerve alors qu’elle a actuellement un totem quatre fois plus grand aux Almadies… Ndèye Khady Ndiaye doit avoir des problèmes de difficulté avec le français : «pourquoi ils ne montrent pas l’ancienne nouvelle photo ?», s’agace-t-elle. Avec Sweet Beauté version 2025, prévient celle qui s’autoproclame la patronne du pays, on va voir ce qu’est «un vrai salon de beauté».
J’en ai la cinquième lombaire qui tremble.