EN JOUANT A MARRAKECH OU EN GUINEE, ON DONNE AUX IVOIRIENS LES ARMES POUR NOUS BATTRE. LA GAMBIE EST LA SEULE ALTERNATIVE
LOUIS CAMARA, ANCIEN CAPITAINE DU JARAAF ET DES LIONS

Le Sénégal a intérêt à recevoir la Côte d’Ivoire en Gambie en match retour, s’il veut aller à la Coupe du Monde. C’est la conviction de Louis Camara, ancien international Sénégalais qui soutient sans ambages que Banjul réunit toutes les conditions pour accueillir cette rencontre. Pour l’assemblée générale du Jaraaf du 29 septembre prochain, Louis Camara assure qu’il y aura un consensus autour d’un homme.
L’As : Le Sénégal retrouve la Côte d’Ivoire pour le Mondial. Quelle analyse en faites-vous ?
Louis Camara : Je pense qu’on n’a pas à avoir peur de la Côte d’Ivoire. Si notre ambition est d’être au mondial, on doit absolument rencontrer des grandes équipes africaines. Je crois que la Côte d’Ivoire est l’équipe la plus indiquée pour nous. Raison pour laquelle je pense que le sélectionneur national Alain Giresse et Me Augustin Senghor, président de la fédération de football ont vis-à-vis de la Côte d’Ivoire un complexe d’infériorité. Au regard des deux matchs lors des éliminatoires de la Can 2013, on avait la possibilité de gagner assez largement les deux matchs.
Qu’est-ce qui avait manqué au Sénégal ?
On les a menés à deux reprises à Abidjan. C’est sur des erreurs qu’ils ont égalisé avant de nous battre. Au retour, on a eu une mi-temps ; mais la sortie de Gana Gueye sur blessure, lui qui avait gêné Yahya Touré, a fait basculer le match. Mais la Côte d’Ivoire, je le dis et je le maintiens n’est pas meilleure que le Sénégal. Arrêtons d’avoir ce complexe d’infériorité. Pour les deux matchs à venir, nos chances sont réelles, mais surtout pour le match retour.
Justement le débat autour du pays qui va abriter ce match retour fait rage. Qu’en dites-vous ?
Nous avons intérêt à ce que cette rencontre se déroule en Gambie qui est pratiquement une partie du Sénégal. Nous avons pratiquement deux mois pour mobiliser les supporters, les Sénégalais de Banjul, les supporters de Kaolack et de Dakar. Il faut voir comment améliorer l’aire de jeu, les vestiaires, mais surtout mettre en place un 12ème Gaindé très fort. Aussi, nos autorités politiques doivent d’ores et déjà contacter les Gambiens pour pouvoir rapidement préparer ce match, afin que tout le stade soit occupé par des supporters sénégalais. D’autres part, pour notre dernier match contre l’Ouganda, on nous avait dit que c’était plus facile de jouer au Maroc ; mais force est de constater que les Ougandais ont mieux joué que nous. Si maintenant c’est la Côte d’Ivoire qu’on doit recevoir dans les mêmes conditions on va perdre. En jouant à Marrakech, à Casablanca ou en Guinée, on donne aux Ivoiriens les armes pour nous battre. Ils ont une grande équipe et de grands joueurs, et je pense que c’est un suicide de jouer au Maroc.
Pourtant, Alain Giresse veut jouer au Maroc ou au Mali…
C’est lui le sélectionneur national, mais nous avons notre mot à dire. Je ne sais pas ce qui se trame derrière cet entêtement, mais ce choix n’est pas objectif. La Gambie réunit toutes les conditions pour accueillir cette rencontre. D’autant plus que ce match retour sera une rencontre de guerriers, de bagarreurs pour aller arracher la victoire de force. Pour cela, il nous faut notre public. Ça sera 30 ou 35% du match. Alain Giresse n’a pas à nous imposer son choix. Ce sont les fédéraux et le ministère des Sports qui doivent lui imposer cette volonté qui doit être populaire, parce que nous recevons au retour. Quand tu reçois, tu imposes ce que tu veux. Aujourd’hui, il n’y a pas une autre alternative que de jouer en Gambie. Si on s’organise dés maintenant, les gradins vont être occupés intégralement par les Sénégalais. Ce qui est un plus pour nous. Nous avons une équipe assez jeune. A Banjul, je suis sûr que les joueurs vont se libérer, se sublimer devant un public acquis à leur cause et prendre les Ivoiriens à la gorge. Il ne faut même pas penser à jouer en Guinée Conakry qui a une frontière avec la Côte d’Ivoire.
Pourquoi ?
Il y a une autoroute et les Ivoiriens peuvent remplir le stade de Conakry. Donc, c’est impensable de jouer là-bas. L’Angola, on peut jouer contre lui en Guinée, mais pas la Côte d’Ivoire. Si on le fait, c’est comme si on jouait à Abidjan. Et pour aller jouer à Marrakech il y aura des dépenses de 300 millions, voire même plus. Notre intérêt fondamental c’est de jouer ce match à Banjul. On ne doit pas penser à un autre endroit que la Gambie. D’ailleurs, la Côte d’Ivoire a récemment joué à Banjul. C’est une raison de plus. L’un dans l’autre, il ne faudrait pas qu’on se complique la tâche. Il n’y a aucune raison qui doit nous pousser à jouer ailleurs. Arrêtons ce débat car si nous faisons autre chose, nous allons perdre.
Qu’est ce qu’il faut pour battre les Ivoiriens ?
Cela ne sera pas assez facile. La Côte d’Ivoire a une grande équipe, mais nous avons aussi une grande équipe. Ce qui me semble important en faisant l’analyse du match face à l’Ouganda, c’est de dire qu’il y a un problème pour notre football national. On manque totalement de jeu. Le Sénégal ne produit pas de jeu. Et pour le faire, il faut des éléments qui vont pousser les autres à jouer. Il faut des éléments de grande valeur pour animer et réguler le jeu des Lions. Il nous faut un ou deux dépositaires, en l’occurrence Sadio Mané et Dame Ndoye qui peuvent produire du jeu. En mettant Sadio Mané, excentré gauche, il est très limité dans son apport dans le jeu des Lions. Donc, il faut le recentrer dans l’axe et le libérer pour qu’il puisse assumer et comprendre qu’il est le métronome de l’équipe. Il a des éclairs de génie dans son jeu. Il ne faut pas le cantonner seulement sur une aile. Non ! Il faut le libérer car c’est un excellent footballeur. De même que Dame Ndoye. Ce qui me fait mal dans le jeu du Sénégal, c’est qu’on perd trop la balle. Le cuir, on ne doit pas le perdre, mais le sécuriser. Autant le ballon est dans nos jambes, autant nous avons le jeu. Et nos joueurs ont tendance à perdre la balle de manière très facile. Et c’est ça le drame du football Sénégalais.
Ne pensez-vous pas que c’est à Alain Giresse de régler cela ?
Absolument. Je sais qu’il le sait, mais il faut qu’il véhicule le message qu’on ne doit pas perdre de ballon d’une manière assez facile. Même les défenseurs n’ont pas le droit de perdre des ballons. Il faut bien relancer pour espérer gagner. Aussi, Stéphane Badji, je ne vois pas pourquoi on le met sur le banc. Associé à Dame Ndoye et à Sadio Mané, il peut faire rayonner le jeu des Lions au milieu avec sa puissance athlétique et sa densité de jeu. C’est à Giresse de voir comment les faire jouer ensemble. Mais nous avons une brochette de grands joueurs qui peuvent nous valoir de bons résultats.
Est-ce normal pour vous de se passer d’un joueur comme Demba Bâ pour ces deux prochaines rencontres ?
Au niveau du choix, l’entraîneur est libre, mais Demba Bâ a sa place dans l’équipe. Quand on joue dans une équipe de rang mondial comme Chelsea, on a sa place. Il est excellent. On n’a pas de problème d’attaquant. Ils sont tous bons. Le problème au fond, c’est qu’il nous faut un dépositaire du jeu. Quand tu mets Diamé, Gana Gueye comme meneurs de jeu, mais il y a problème. Car ce sont des essuie-glaces mais pas des créateurs. A partir de la zone de récupération et de la relance, il faut des joueurs talentueux. Et Sadio Mané et Dame Ndoye peuvent le faire.
Votre ancien club, le Jaraaf, va vers une assemblée générale de tous les dangers, le 29 septembre. Quel commentaire en faites-vous ?
Cette rencontre va se dérouler dans un climat serein. C’est la volonté du président Wagane Diouf, qui veut passer le flambeau d’une manière consensuelle. Nous sommes tous conscients qu’il faut aller vers la relève qui est là. Il y a de dignes fils du Jaraaf qui ont la légitimité et la légalité pour assumer ce rôle. Il faut donc arriver à trouver un consensus à travers un enfant du Jaraaf. On n’est pas exclusif. Les gens m’ont prêté des propos selon lesquels il fallait être un enfant du Jaraaf pour le diriger. Je n’ai pas dit cela. J’ai dit : le Jaraaf a des valeurs et une culture qui ont fait de ce club ce qu’il est aujourd’hui. On a eu de grands présidents dont le dernier est Wagane Diouf qui a abattu un travail important en 13 ans. Sachez que l’assemblée générale va se dérouler sans heurts, ni insultes, ni bagarres. Je suis revenu parce que des pratiquants, des dirigeants et supporters du Jaraaf m’ont interpellé en disant que j’étais en train d’assister à la mort du Jaraaf. Je suis là pour que tout se passe sans problème. Et à ce jour, on n’a pas encore reçu de candidats officiels. C’est à travers la presse que les gens déclarent leurs candidatures. Et l’important c’est qu’il y aura un consensus autour d’un homme. Ce dernier sera un fils du Jaraaf. Il n’y aura pas d’élection mais juste un seul candidat. C’est la volonté du président, des supporters et de tous les dirigeants du club. Nous voulons un homme de consensus. Si autour de Me El Hadji Diouf, de Ndofféne Fall ou de Cheikh Seck il y a un consensus, mais il n’y aura pas de problème. Encore une fois, on ne veut pas de conflits ni de heurts, mais juste un homme de consensus. Il faut des gens qui incarnent la culture du Jaraaf et à travers des discussions saines on trouvera un consensus. Mais une chose est sûre : on ne va jamais accepter de laisser notre club entre les mains d’un vagabond.